Deryn était en avance. En même temps, dans ce genre de situation, elle était toujours surmotivée. Elle aimait les grands projets surtout quand ils avaient un lien avec le dessin et les découvertes. Ce programme du dimanche matin avec Alyona l'enchantait donc et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, elle allait passer du temps avec Alyona et ça en soit c'était déjà quelque chose qui la mettait de bonne humeur. La première année gardait un excellent souvenir de leurs études animalières à l'automne dernier. La recherche de veracrasses, l'élevage, les découvertes à leur sujet l'avait passionnée malgré qu'il ne s'agisse que de vers. Elle avait appris à connaître la grande Alyona et fait la rencontre de son petit rat, Ecco.

Aujourd'hui, le projet était tout autre. Avec le printemps qui arrivait, finit la boue. Les deux fillettes avaient décidé de transformer leur carnet de magizoologue en herbier. Cela dit, Deryn détestait cueillir les fleurs ou les plantes en général. Elle préférait les voir dehors que dans des pots ou des vases et avait donc proposé de faire un herbier dessiné. A sa plus grande joie, Alyona avait approuvé l'idée. Elles allaient donc mêlée deux grandes passions de la fillette : le dessin et la découverte de la nature. La Serdaigle avait ensuite proposé de commencer par dessiner les plantes se trouvant dans les serres. Quelle idée fantastiques !

Deryn souriait en marchant, s'imaginant déjà à genoux sur le sol légèrement craqueler de la serre, le crayon entre les doigts et des plantes tout autour à dessiner. Des couleurs et des textures à essayer de reproduire. Des odeurs à mémoriser. Deryn aimait beaucoup retenir les odeurs; elle les gardait comme des petits souvenirs : l'odeur des pages des livres, l'odeur de la terre l'été après une pluie d'orage, l'odeur du foin fraichement coupé, l'odeur du suint des brebis, l'odeur des pains chauds le matin dans la grande salle,...

Ce matin, elle s'était habillée avec son vieux jean et un tee-shirt à manche longue qui commençait lui aussi à montrer des signes de faiblesse. Comme ça, si jamais elles étaient autorisées à commencer tout de suite leur travail, elle pourrait se mettre à même le sol sans craindre de se salir. Ne pas commettre les mêmes erreurs que pour les veracrasse c'était elle dit en se levant.

Elle se dirigeait vers les serres, observant les alentours pour essayer de voir sa camarade de vadrouille. Le parc était relativement calme à cette heure, les élèves préférant généralement profiter de leur couette au maximum le dimanche. Elle atteignit une des serres sans avoir croisé personne. Elle pensait attendre Alyona pour chercher miss Bergsturm mais, voyant la porte close, elle se mit à lire l'écriteau.



Ca serait peut être plus compliqué que prévu. Deryn haussa les épaules et s'assit par terre en attendant la quatrième année qui ne tarderait probablement pas à arriver.

Ce matin, c’est mon rendez-vous devant les serres avec Deryn. Mon sac est prêt. Crayons, feuilles, carnet. Mon cœur pulse plus vite mon sang que d’habitude, je le sens. Il accélère tant que je m’entends respirer. Je marche vite. Rien ne peut m’arrêter ou me mettre en retard. Je vais voir Deryn. On va dessiner les plantes des serres. Et surtout, on va peut-être entrer dans les serres alors que nous ne sommes pas en cours. Mon imagination et ma soif de connaissances m’emplissent tant qu’il n’existe plus rien d’autre. Je ne fais plus attention aux autres qui sont toujours là autour de moi. Ils se sont effacés de mes pensées, c’est tellement rare que je profite de ce moment sans m’en rendre compte. Je serais avec Deryn dans les serres.

On pourra aller où on veut dedans. On pourra s’approcher de toutes les plantes. On pourra les observer, les découvrir, apprendre d’elles. On pourra toucher certaines. On pourra les dessiner. On pourra faire tant de choses. *Comme chez Mamie…* Les serres. Juste pour moi et Deryn. L’Excitation ne veut plus me quitter. Elle guide mes pensées et mes pas avec l’imagination. Il n’y a plus de place pour moi. Je suis emplie d’Elles.

Je marche mais je sens comme un vide sur moi. Je sais bien à quoi il correspond. Ecco. Il n’est pas dans ma poche. Je ne sais pas où il est à cette heure-là. Dans les couloirs ? Dans le parc ? Dans les pièces du château ? Je ne sais pas. Il me manque. Un peu. *Beaucoup.* Tant pis. Je l’ai laissé ce matin. Peut-être que Deryn sera déçue. Mais je suis sûre qu’elle comprendra. Il ne pouvait pas venir. Il aurait abîmé les plantes. Il aurait tout dérangé. De plus, Miss Bergstrum ne me laissera jamais rentrer avec lui. C’est la seule épine enfoncée dans mon cœur ce matin.

J’aperçois enfin Deryn assise par terre. Je suis arrivée. Elle m’attend près de l’entrée des serres. En avance. Elle n’a plus sa robe de sorcier, moi aussi je l’ai enlevée. J’ai préféré choisir un maillot vert et un jean. C’est plus simple comme tenue. Deryn a l’air étrange. Qu’est-ce qu’il se passe ? J’approche. Un pas. Deux pas. Trois pas. Je suis à côté d’elle maintenant. L’Excitation et l’Imagination sont parties discrètement. Je ne m’en suis même pas rendue compte. C’est l’Inquiétude qui a pris leur place. Elle m’attrape entièrement dans le creux de sa main. Je n’ai pas peur d’elle, je la connais bien. Alors que j’ouvre la bouche pour saluer Deryn et lui demander ce qui se passe, mon regard se pose enfin sur l’affiche accrochée à la porte. Il reste, comme aimanté, sur une seule phrase.

" Ouverte tous les jours sauf le dimanche"

Et on est dimanche.

*Fermée.* La serre est fermée. On ne peut pas y accéder. Je n’arrive pas à décrocher mon regard de cette phrase. Ma bouche est restée grande ouverte. Le temps l’a oubliée. Fermée. On ne peut pas rentrer. Ma joie s’est envolée. *Où sont ses ailes ?* Je suis déçue. Non, plus que ça. Je suis presque triste. Pas d’observation de plantes aujourd’hui. Pas de découvertes. Pas de dessins. Rien. Pas de projets. Qu’est-ce que je vais faire ? J’arrive enfin à me retourner vers Deryn. Qu’est-ce qu’on va faire ? Je sais que je suis la plus grande de nous deux. C’est moi qui devrais trouver une solution. Qui devrais réfléchir et rester concentrée. Mais je ne peux pas. Je suis bloquée. Je ferme ma bouche pour la rouvrir quelques secondes après.

« On fait comment Deryn ? »


@Deryn O'Connors

Deryn dessinait du bout des doigts dans la terre légèrement humide à l'entrée de la serre. Des vagues et un bateau apparurent, souvenir lointain et très proche en même temps. Elle sourit en effaçant son œuvre éphémère du plat de la main. Est ce que Ecco serait de la partie. Probablement que non, les rongeurs n'étaient surement pas les bienvenus dans les serres de l'école. Deryn observa de nouveau la porte. Etrange qu'aucun écriteau n'indique : interdit aux rongeurs.

Elle leva les yeux au ciel et finit par poser ses coudes sur le sol derrière elle pour observer la course des nuages. La couche supérieure semblait relativement fixe tandis que celle du bas filait à toute allure. Elle se souvint qu'elle jouait beaucoup à ce jeu avec son frère quand elle était plus jeune. Ils grimpaient tous les deux sur les bottes de foin et regardaient les nuages en essayant d'y trouver des personnages. Audran ne voyaient toujours que des moutons. Une véritable obsession… Deryn trouvait volontiers des créatures farfelues qui faisaient rire son ainé. Un instant, le soleil perça pour de bon la couche nuageuse. La première année ferma les yeux en sentant la douce chaleur de l'astre lui chauffer le visage. Elle comprenait que certaines civilisations aient pu vénérer le soleil. Elle resta ainsi un instant, à profiter de cet instant paisible; un dimanche matin calme et paisible avec le seul bruit des oiseaux comme compagnie.

Elle finit par se redresser et son regard se porta sur le château. Elle aperçut une silhouette qui se détachait et semblait venir par ici. Difficile de savoir de qui il s'agissait. Un élève, un adulte ? Deryn plissa les yeux pour tenter de voir plus loin. Décidément, des yeux de chouette ça devaient quand même être génial; elle aurait su en un battement de cil qui se dirigeait d'un pas visiblement alerte vers les serres.

Elle finit par reconnaître Alyona et se souvint qu'elles allaient probablement avoir un problème pour leur programme du jour. Elle allait saluer sa camarade désormais à quelques pas mais celle-ci sembla se décomposer. Visiblement la matinée de balade lui tenait vraiment très à cœur et Deryn fut touchée de la voir à ce point déçue.

"Ne t'en fais pas, on reviendra. De toute façon il fallait qu'on demande l'autorisation pour pouvoir entrer comme je ne suis qu'en première année alors et bien …"

Deryn cherchait une idée pour remonter le morale de sa camarade. Une occupation pour remplacer momentanément ce projet perdu.

"On pourrait rédiger un petit mot à l'intention de Miss Bergsturm et le déposer ici sur la porte de la serre. Comme ça quand elle viendra demain ou dans la journée, elle aura notre message et on aura une réponse pour revenir… mercredi ? Je n'ai pas cours. Qu'en dis-tu ?"

Désolé pour ce retard impardonnable...

J'observe Deryn. Elle a les mains sales. Les miennes sont accrochées à mon tee-shirt. Comme un point de repère. Comme pour m'empêcher de ne pas tomber. Je respire calmement. J'essaye de me calmer. Ce n’est pas grave, hein ? Ce n’est pas grave si je ne vais pas dans les serres ? Ce n’est pas grave si je n'observe pas les plantes, comme chez Mamie ? Ce n’est pas grave ? *Non.* J'essaye de me convaincre. J'essaye d'accepter cette défaite. J'essaye de ne pas me laisser emporter par ma déception. Ce ne sont que des plantes non ? Y'en a partout dehors des plantes ? Avec les Oiseaux. Les acrobates du ciel. *Non. Faut pas y penser.* Je secoue ma tête. Faut pas y penser. Ce n’est pas grave.

Deryn se met à parler. Elle a raison. On aurait dû demander l'autorisation en plus. Je n'y avais pas pensé. Je me mords la lèvre. Elle a dit qu'on reviendra. On retentera. On va y arriver, hein ? On va pouvoir rentrer Deryn et Moi ? Seul le Silence me répond. Je regarde Deryn dans les yeux. J'espère qu'elle n'a pas aperçu ma déception. J'arrive si bien à les cacher d'habitudes, ces Sentiments. Je cligne des yeux et lui souris. Faut qu'elle croit que j'pense que c'est pas grave. Faut qu'elle croit que j'ai compris ses paroles. Faut qu'elle y croit. Je souris un peu plus fort. Ça me fait presque mal aux lèvres. Dire qu'un jour j'ai cru que ce sourire avait sa place sur mon visage. Il me coûte tellement.

Elle se remet à parler. Et ses mots me réconfortent enfin. Elle n'a que de bonnes idées Deryn. Laisser un mot destiné à la professeure. Ça aussi j'aurais dû y penser, non ? Mais maintenant c'est trop tard. Trop tard. Regrets. C'est pas grave, Deryn y a pensé. Oui. C'est pas grave. J'arrive enfin à lâcher le devant de mon tee-shirt. Ça va mieux maintenant. Il y a des solutions. On pourra peut-être bien y aller finalement dans les serres.

« C'est vrai. C'est une bonne idée. Merci Deryn. »

Le sourire s'adapte mieux à mon visage. Comme s'il s'était laissé convaincre.

« Par contre, le mercredi, j'ai un cours de potion jusqu'à treize heures. Du coup, à partir de quinze heures ça te va ? »

Dis oui Deryn, dis oui… En plus, c'est bien quinze heures. Il fait bon à quinze heures. Surtout, il y aura du soleil dans les serres. La boule de feu nous éclairera.

« Qu'est-ce qu'on lui écrit ? »

Je déchire un bout de feuille de mon carnet rapidement et j'attrape ma plume et mon encre. On va y aller dans ses serres. On va y aller. L'Espoir renait doucement au fond de moi. Je soupire calmement. *On va y aller.*

Tout en continuant de tracer machinalement des volutes sur la surface poussiéreuse du sol, elle attendait de voir la réaction d'Alyona. Elle avait l'air tellement déçue. Deryn l'était aussi dans le fond mais elle n'avait pas pour habitude de s'inquiéter de trop, on finit toujours par réussir ce qu'on a prévu un jour ou l'autre. Dans le pire des cas, dans 3 ans, elle serait en quatrième année comme Alyona et cette dernière en septième année, elles auraient alors accès aux serres plus facilement. Elle sourit, riant presque en admettant que 3 ans d'attente pour un herbier, ça allait être un peu long quand même.

Quand Alyona déchira la page de son carnet, la première année décida de se redresser. Elle quitta le sol et son odeur de mousse, pour retrouver le monde d'en haut où se mêlaient des parfums de fleurs entêtants. Elle frotta ses mains dans l'herbe rase avant de terminer l'essuyage sur son pantalon. De toute façon il était prévu de finir sale donc pourquoi se priver ?

"Bon allez c'est parti ! On rédige ce petit mot et après… Si tu veux on peut aller faire un petit tour dans le parc. A défaut de plantes magiques, on pourrait aller dessiner un arbre ou le lac ou… Enfin autre chose. Sinon… si tu préfères rentrer, j'ai des devoirs qui m'attendent dans la salle co."

Les deux élèves se mirent à rédiger le mot à l'attention de leur professeur. Il ne fallait rien oublier. Une fois terminé, elles l'accrocheraient sur la porte close de la serre pour que Miss Bergsturm le trouve et puisse leur répondre.

Après plusieurs essais et des discussions assez inutiles il faut l'avouer, le mot fut enfin prêt. Elles le glissèrent donc dans la fente de la porte, le coinçant au mieux au niveau de la serrure.

Bonjour Miss,

Nous souhaiterions, armées de nos crayons et de nos couleurs, réaliser sur notre temps libre un herbier des plantes magiques de Poudlard. Auriez-vous l'amabilité de nous autoriser à entrer dans les serres pour observer et dessiner les plantes magnifiques qui s'y trouvent ?

Bien à vous.

Deryn O'Connors, première année à Poufsouffle
Alyona Farrow, quatrième année à Serdaigle.

@Naomi Bergsturm

Bon et bien voilà, il ne restait plus qu'à attendre une réponse de Miss Bergsturm et croiser les doigts d'ici là. Une fois leur tâche achevée, les deux commères reprirent la direction du château. Deryn avait finalement fait savoir qu'avant tout chose, elle aurait souhaité rendre visite à Monsieur Rat ; Ecco n'avait pas reçu son petit bout de fromage du jour. Elle expliqua à Alyona d'un air très sérieux qu'elle ne souhaitait pas qu'il lui en veuille éternellement pour ce manquement évident de savoir-vivre. Aussi, c'est en discutant gaiement après cet acte manqué qu'elles quittèrent les serres.

Désolé pour ce nouveau retard…

Deryn propose que nous allions ensuite au parc. Il fait beau aujourd'hui. Un temps pour être dehors. Un temps pour respirer l'air frais. Dans le Parc. Ca me parait être une bonne idée. Un idée qui m'enthousiasme. Du bon temps à passer. De nouveaux beaux moments. Et puis, avec la Poufsouffle, je passe toujours de bons moments. Je garde de bons souvenirs de notre recherche de véracrasses dans la boue, de leur élevage et de la rencontre avec Ecco. *Mon petit Rat....* Mais pas le temps de rêvasser, il faut qu'on écrive le mot pour pouvoir rester plus longtemps dans le Parc.

Après quelques minutes, on arrive enfin à rédiger un mot plutôt réussi qu'on accroche à l'entrée des serres. Je suis un peu inquiète. Et si Miss Bergsturm nous répond négativement ? Et si elle ne voit pas notre lettre ? Que celle-ci s'envole ? Mais Deryn ne semble pas agitée. Alors je ne dois pas le paraître. Je dois rester calme. Même si au fond, je tremble. Je dois rester calme.

Finalement, la Poufsouffle souhaite que nous passions voir Ecco avant. Je ne peux m'empêcher de rigoler quand elle m'explique qu'elle veut lui donner son morceau de fromage du jour. Elle a un air si sérieux quand elle parle. Je me demande si c'est de la comédie ou si c'est vraiment sérieux. Mais Ecco sera content. Je l'imagine déjà sautiller partout en voyant Deryn et son bout de fromage. C'est en parlant avec la Poufsouffle que je m'éloigne des serres. Cette journée restera finalement belle et amusante.







Un sourire est plaquée sur mon visage. Lumineux. Grand. Accueillant. Même si je le voulais, je n'arriverai pas à le faire disparaître. Il est à sa place ici. Joli sourire. Je tire sur mon tee-shirt. Deryn avait reçu, hier, un mot de Miss Bergsturm disant que nous pouvions aller dans les serres. J'avais tellement eu peur que la réponse soit négative. J'avais tellement eu peur de ne pas pouvoir passer du temps avec Deryn dans les serres, notre journée du dimanche ayant été si agréable. J'avais tellement eu peur. Mais maintenant, c'est fini. Maintenant, on peut enfin y aller. Dessiner les belles plantes, les admirer, les observer, les découvrir aussi. J'ai tellement hâte de pouvoir montrer à Deryn les plantes magiques que j'ai pu découvrir durant mes cours de botanique. Je pourrai peut-être lui apprendre des choses.

Les serres me rappellent Mamie. Elles me rappellent toutes les heures que j'ai passé chez elle à m'occuper des fleurs et des différents végétaux. Elles me rappellent de beaux souvenirs avec Mamie. Elle qui m'apprenait tant de chose. Elle qui me montrait les plus belles plantes. J'ai aussi hâte de la revoir. Mais je ne pense pas que je la reverrai bientôt. C'est difficile en ce moment. C'est dangereux pour elle.

Je ne peux m'empêcher de regarder une dernière fois dans mon sac pour voir si j'ai tout ce qu'il faut. Je serais vraiment bête d'oublier mon carnet, mes crayons ou mes feuilles de brouillon. Mes mains fouillent machinalement. Elles cherchent les objets au toucher. Mais tout est là. À sa place. Parfait. Tout va bien. Je soupire discrètement en refermant mon sac. Deryn peut arriver, je suis prête et je l'attends.

Une plume, un carnet, un chausson, les objets semblaient avoir des capacités étranges de lévitation dans l'alcôve de Deryn aujourd'hui. La gamine émergea de sous son lit avec les cheveux en bataille. Non de non… Mais où l'avait elle mis. Cette autorisation, elle en aurait besoin pour rejoindre Alyona cet après-midi. Elle était sûre de l'avoir rangée mais où… Elle fronça les sourcils avant de s'asseoir en tailleur sur sa couette. Réfléchis, réfléchis… Tu as reçu le mot par hibou, tu l'as décroché, tu l'as lu, tu l'a mis dans ta poche pour le montrer à Alyona… Oui ! La poche ! D'un bond elle fût sur pied. Elle se saisit de sa cape et commença à en vider les poches : une dragée un peu fondue, un petit crayon, une carte chocogrenouille… Oh ! Mais j'avais oublié l'avoir eu celle-là ! , un coquillage Comment est-il arrivé là celui-là ?, un petit bout de parchemin. Le coeur de la première année s'emballa. Elle croisa les doigts intérieurement en dépliant le papier froissé espérant que c'était bien là son passe pour les serres.

Miss O'connors, vous aurez à condition d'être accompagnée de votre camarde miss Farrow ou d'un autre quatrième année l'autorisation d'accéder aux serres n°2 et 3 à compter de ce jour et pendant leurs habituels horaires d'ouverture. Trois serres complètes ainsi que les extérieurs de Poudlard devraient vous occuper amplement.

Vous serez priée de respecter les règles de sécurité données à l'entrée, sans quoi l'accès aux serres vous sera retiré.
Cordialement,
Miss B.

Elle sourit en relisant les mots de la professeure de botanique et se saisit de son carnet à dessins. Elle colla le papier sur la première de couverture. Au moins là, elle ne le perdrait plus... Sauf si elle perdait son carnet commen début d'année... Après un instant de doute, elle haussa les épaules. De toute façon, connaissant ses capacités de rangement, elle le perdrait un jour ou l'autre. Un coup d'œil sur sa montre lui indiqua qu'il était bientôt l'heure de rejoindre sa camarade pour leur exploration des serres. Un autre coup d'œil par la fenêtre lui assura que la météo était bonne. Elle enfila un sweat confortable avec une grande poche ventrale dans laquelle elle glissa sa boîte à crayons et son précieux carnet. Elle glissa ses pieds dans sa paire de chaussures favorites, les laça comme il se doit et prit au petit trot la direction des serres après avoir ajouter quelques cookies soigneusement rangés dans un mouchoir en tissus fraichement lavé au fond de sa poche qui, commençait à être vraiment bien remplie.

Elle sortit du château et s'approchant du point de rendez-vous aperçu Alyona qui attendait déjà. Toute souriante, elle la rejoignit.

"Coucou ! Alors ta journée c'est bien passée ? J'ai hâte de commencer à dessiner. On commence par quelle serre ? Je ne connais que la première. Si on va dans les autres d'abord, il faudra que tu joues au professeur car je ne connais pas le nom des plantes. Enfin… il y a peut être des petites pancartes, comme dans les parcs."

Deryn piaffait d'impatience, dessiner les plantes allait être un véritable plaisir.

Et Deryn arrive. Aussi impatiente que moi. Elle se met à parler et rien ne semble l'arrêter. Mon sourire s'agrandit. J'ai tellement hâte. L'impatience me serre le ventre. Elle m'emplie d'une énergie nouvelle. Comme si rien ne pouvait m'arrêter. Mes jambes s'activent sans mon accord pour se diriger vers les serres. Comme si un aimant les attirait. C'est plus fort que moi. Et c'est presque agréable d'être emportée ainsi. D'être emplie de cette énergie. De ne pas être seule. Et de Rêver. Mes Pensées dérivent déjà pour imaginer les merveilles qui nous attendent. Les grandes plantes. Les belles fleurs. Les couleurs fantastiques. L'odeur si agréable et envoûtante. Oh, ça semble si beau. Comme un rêve éveillé. Un rêve qui j'espère, ne finira jamais.

« Salut Deryn ! Elle était trop longue ma journée ! J'ai tellement hâte d'entrer dans les serres pour pouvoir tout dessiner ! C'est à peine si j'arrivai à écouter les professeurs à la fin des cours ! » Je rigole doucement, complétement emportée par cette énergie si enivrante. « Si je suis ton professeur, tu aurais intérêt à me respecter. Pas de boue cette fois-ci Miss O'Connors… » J'affiche une tête très sérieuse et relève un peu le menton, mes mains plaquées sur les hanches. Puis, je lui offre un grand sourire et éclate de rire. « On peut commencer par la serre que tu veux ! J'aime particulièrement la serre deux. Il me semble que c'est là qu'il y a des mandragores ! Tu en as déjà vu ? » Oh, je parle trop, je le sais. Mais je me sens tellement vivante à cet instant. Tellement heureuse. Je crois que je serais capable de rire pour un rien. Mais c'est si plaisant, d'être heureuse et bien. « Oh, Deryn, c'est complétement fou ! J'ai attendu ce moment avec tant d'impatience ! »

J'avance vers les serres, presque en trottinant. Je pense n'avoir jamais été aussi enthousiasme à l'idée de faire quelque chose. Ça fait si longtemps qu'une émotion aussi forte et bouleversante ne m'a pas ainsi envahie brutalement. J'aimerai pouvoir courir vers les serres. J'aimerai passer des heures dedans. Des heures à rêver. Des heures à se souvenir de Mamie et de ses petites serres. Des heures à observer chaque détail pour ne rien oublier. Des heures à essayer de dessiner toutes les merveilles face à moi. Des heures à expliquer à Deryn un tas de choses. Oui, je pourrai passer des jours à répéter ainsi cette même routine avec bonheur. Sentir l'odeur délicieuse des plantes toute la journée. S'occuper d'elles et les découvrir. C'est tellement passionnant pour moi.

C'est dommage qu'Ecco ne puisse pas venir. Quand je suis si heureuse, c'est presque contaminant pour lui et il devient tout excité. Et puis, Deryn aurait aimé le voir. Mais tant pis. Il n'aurait pas réussi à rester sage de toute façon. Je le connais bien.

Je regarde Deryn du coin des yeux. Je suis vraiment contente d'être avec elle. On ne peut pas s'ennuyer avec la Poufsouffle. Et puis, on a découvert tellement de choses ensemble. Oh, et j'ai si hâte de voir ses dessins ! Je suis sûre qu'on s'amusera bien toute les deux -en respectant les règles des serres bien sûr.
Cette fin de journée risque d'être inoubliable et magnifique. J'espère que mes yeux pourront tout graver dans ma mémoire. Je ne veux rien oublier de ce moment. Rien. Et surtout, je veux profiter. Jusqu'au bout des ongles. Profiter de chaque instant, de chaque moment, de chaque détail. Profiter, simplement, et peu importe ce qui suivra. Profiter de la liberté et du bonheur qui nous sont offerts.

Les deux élèves se dirigent donc vers la première serre qui s'offre à leurs yeux. L'écriteau "serre numéro 2" fait presque frémir la première année qui se mordille la lèvre inférieure, petit tic depuis quelques années maintenant, alors qu'elle passe la porte. Une douce chaleur les englobent aussitôt. L'air n'est cependant pas trop sec et, en ce début de printemps, c'est plutôt agréable. Le sol sous ses pieds lui semble terriblement souple, malgré la légère poussière qui se dégage de la terre à nue, preuve que les allées n'ont probablement pas été arrosée depuis quelques temps.

Une plume noire surgit soudain devant son visage. Elle volette devant elle comme si elle cherchait quelque chose avant de plonger vers un parchemin. Elle écrit alors sous le regard médusée de la gamine : Deryn O'Connors, Poufsouffle. La petite brune en a le souffle coupé. Elle regarde l'objet avec des yeux ronds. Comment cela est-il possible ? Comment un objet peut-il connaître mon nom juste... juste comme ça ? Elle l'observe faire la même chose avec Alyona et couvrant le parchemin d'une ligne supplémentaire. Curieuse, elle survole rapidement les autres noms présents sur la liste. Elle en connaît certains mais assez peu. Elle fronce les sourcils avant de se rendre compte que ses camarades de classe n'ont pas accès à cet espace. Un sourire illumine son visage tendit qu'elle s'emplit d'une once de fierté.

Après un sourire à l'intention d'Alyona qui attend probablement qu'elle se décide à avancer un peu plus, elle reporte son attention sur ce qui l'entoure. A gauche se trouve une deuxième allée recouverte de sable. C'est très joli. Un immense table recouverte de pot attire son attention et elle se dirige guillerette vers ses potentielles plantes inconnues.

Des pots de différentes tailles sont présentes ici. Des gros bulbes en dépassent recouvert d'un feuillage épais. Soudain, un détail la perturbe. Ce sont des yeux ? Là, sur la racine qui dépasse, c'est drôle, on dirait le haut d'un visage endormi. Intriguée, elle pose ses avant bras sur le bord de la table et plie les genoux pour observer la plante d'un peu plus bas. Un peu plus loin, un tas de chaussettes dépareillées et terreuses détonnent un peu parmi la végétation.

"C'est quoi cette plante Alyona ? J'ai très envie de la dessiner. Regarde, c'est drôle on dirait presque qu'elle a un visage au ras de la terre. Et ... elle se mit à chuchoter. C'est normal qu'il y ait des chaussettes là-bas ? C'est pas un peu bizarre autant de chaussettes dans une serre non ?"

Attendant les réponses de sa camarade, qui en savait forcément plus qu'elle, elle sorti son carnet et sa boîte à crayon de sa poche ventrale et s'agenouilla au sol, prête à commencer son herbier.

Un petit frisson de plaisir et d'excitation parcourt doucement mon corps. La serre numéro deux. Nous y sommes enfin. J'observe Deryn avec attention. Cette serre, elle ne pourra pas y revenir avant sa troisième année -dans deux ans- ce qui fait tout de même un certain temps. Je m'apprête à prendre la parole pour lui faire part de sa chance quand une plume noire surgit devant nous. Un léger soupir s'échappe de mes lèvres. J'avais oublié cette plume, trop impatiente à l'idée de présenter à Deryn des serres dans lesquelles elle n'a jamais mis les pieds. Mais ce n'est pas grave. Mon regard accroche déjà certaines plantes familières tandis que la plume inscrit mon nom et ma maison sur le parchemin en plus de l'heure à laquelle nous sommes rentrées. Les végétaux sont beaux, certains fleurissent déjà, d'autres ne laissent apparaître que quelques petits bourgeons. J'aime faire ricocher mon regard sur les différents endroits de la serre, tel le caillou sur la surface de l'eau. Tout semble si calme ici. L'air embrasse ma peau de son baiser légèrement humide et froid. Le sentir s'engouffrer dans mes poumons, accompagné des milles odeurs qui le constituent me fait du bien. *J'suis si bien ici.*

Deryn se tourne vers moi et sourit avant de s'avancer tranquillement dans l'allée. Mes pieds foulent le sol avec légèreté. Le lieu me rappelle tellement les serres de mamie. Il suffirait simplement que je ferme les yeux pour la voir assise, là, à côté de moi, à coudre des chaussettes pour les mandragores en prévision de l'hiver. L'illusion de mon esprit me semble si réelle que je suis presque tentée de me diriger vers cet endroit dans ma tête où elle s'est installée.

Je suis doucement Deryn vers les Mandragores. *En a-t-elle déjà observé ?* Un sourire prend plaisir à étirer mes lèvres à cette pensée. Au fond de moi, j'espère qu'elle n'en a jamais vu. La surprise sur son visage promet d'être fantastique. Toute impatiente, je m'appuie un peu contre la table, observant la réaction de Deryn. Il ne me suffit que de quelques secondes pour tirer ma conclusion de l'expression de son visage : Elle n'en a jamais vu. Je l'écoute prendre la parole et me retiens d'éclater de rire quand elle se met à chuchoter. Prenant le même ton qu'elle, je m'empresse de lui répondre.

« Ce sont des Mandragores. Tu as certainement déjà dû en entendre parler, non ? Ce sont ces plantes adultes qui produisent le philtre de Mandragore. Tu sais, le philtre qui permet d’annuler les effets des sortilèges et de libérer les personnes qui ont été pétrifiées. Quand les plants de Mandragore sont bébés, on les replante dans des pots en Troisième Année. Avec des cache-oreilles, bien sûr. Ne les oublie jamais pour ce cours ! Le cri d'un bébé Mandragore est très puissant, certes pas autant que celui d'un adulte qui peut te tuer, mais tout de même pas vraiment agréable puisqu’il peut faire s’évanouir une personne. Le cours sur les Mandragores est certainement un de mes préférés ! »

Je me tourne vers elle pour lui sourire avant de désigner le tas de chaussettes.

« Les chaussettes sont utiles en hiver. Il faut en mettre aux Mandragores afin qu'elles n'attrapent pas froid. C'est très important. En plus de cela, c'est une plante qu'il faut arroser une fois par jour. »

Puis, sur le ton de la confidence, je me penche vers Deryn.

« Ma grand-mère aime beaucoup fabriquer les chaussettes des Mandragores. Elle m’a appris à en faire. Mais je préfère m’occuper des plantes. La couture, c’est pas mon truc. »

Je sors mon carnet et mes crayons, imitant Deryn. C’est le début de notre herbier. Celui que j’attendais avec tant d’impatience. Etrangement, je me rends soudain compte que je n’ai jamais dessiné des Mandragores. Pourtant, ce sont des plantes très intéressantes à dessiner. Même si, il faut bien l’avouer, elles ne sont pas les plus faciles à reproduire. Un crayon dans la main, je commence doucement à dessiner. Mon regard ne cesse de courir entre les pots et mon carnet. J’essaye de m’appliquer, chassant les pensées trop oppressantes de mon esprit. Les traits colorés que je trace calment doucement mon océan d’émotions, de sensations et de pensées. Une sorte de quiétude m’envahie. Calme séduisant.

Une fois mon croquis et mes notes terminées, je me tourne vers ma camarade, attendant qu’elle se dirige vers un autre endroit qui lui plait. Un sourire éclaire toujours mon visage de sa chaleureuse lumière. Cette après-midi promet d’être fantastique.