[PV : Aelys Van-Brosberg]

Mardi 15 août 2045
15 heures

-Les serres botaniques-

« Maman s’entendrait surement bien avec le Professeur de botanique... »

Gabryel rêvassait devant la porte de la seconde serre. Il y aurait accès en septembre après son entrée en troisième année. Il pourrait ainsi admirer de près toutes ces étranges plantes. Il les connaissait déjà pour la plupart bien entendu. Il en avait manipulé une bonne partie en cours de potions ou de bontaniques comme le Dictame ou l’Aconit. Mais comme de nombreux apprentis sorciers, son attention se portait plus spécifiquement sur les Mandragores. Il s’opérait une espèce de fascination envers cette catégorie horticole. Leurs racines avaient quelque chose « d’humain », comme des bébés. Lorsqu’on les arrachaient de la terre, elles prenaient une allure de visage juvénile déformé par la douleur et hurlaient à la mort. C’était si insoutenable que sans protège-oreille, certains élèves avaient déja fait la lourde expérience de tourner de l’oeil. De là où il se trouvait, l’enfant pouvait les observer de loin. D’ici, elles avaient l’apparence de grosses patates douces dont juste le feuillage épais dépassait des pots.

Flora, la mère du Rouge et Or, en cultivait elle-même à Fife dans la serre familiale. Le jeune garçon n’y avait qu’un accès limité dû à la potentielle dangereusité de certaines catégories de plantes. Il fallait bien connaître les bases de leur utilisation avant de les manipuler. Il avait une fois tenté avec son copain Gregoire d’y pénétrer en douce, mais c’était sans compter sur le sort de protection sur la porte de la serre que ses parents avaient ingénieusement installée. Les deux garçons n’avaient pas demandé leur reste face aux conséquences. Ce qui était injuste, c’est que son chat Moustache pouvait y entrer et y sortir à sa guise. Papa avait dit : « Cet animal n’est pas assez stupide pour aller se mettre dans de fâcheuses situations... ». Gabryel avait été un peu vexé, d’autant que l’animal le narguait en prenant un air supérieur à chaque fois qu’il s’y rendait.

Pour l’heure, le soleil au zénith avait fortement réchauffé l’atmosphère sur Poudlard en ce bel après-midi d’août. La plupart de ses camarades avaient quitté l’école pour leurs vacances estivales. L’Écossais n’avait pas eu cette chance. L’état de santé de Mamina avait nécessité le départ précipité de ses parents pour Paris. Leur dernier hibou se voulait heureusement rassurant. Le premier septembre prochain, cela ferait deux ans depuis son entrée à l’école des sorciers qu’il n’avait pas revu ni son père, ni sa mère. Son coeur se serra dans sa poitrine. Il préféra penser à autre chose car une vive douleur due au manque pesait sur son moral. Le Gryffondor quitta son poste d’observation et décida de s’installer à l’ombre du Fuigier Abyssinien, dans le parc extérieur du jardin botanique. L’enfant s’approcha avec délicatesse car ses racines pouvaient être susceptibles et capricieuses, bien moins cela dit que le Saule Cogneur dont tout le monde se méfiait à raison. Il s’annonça, lui dit bonjour et se posa précautionneusement à l’ombre de ses branches afin de s’adonner à son passe-temps favori : rêvasser. Le petit sorcier sentit le sol gigoter un peu, mais l’arbre sembla tolérer sa présence.

Qu'est-ce que l'air était étouffant en ce bel après-midi estival. La chaleur arrivait à pénétrer sur chaque parcelle du corps non protégé d'Aelys. Suite à ses problèmes engendrés à cause de ses expositions au soleil, cette dernière préférait à présent les endroits ombragés à ceux éblouissants. Il faut dire qu'en ce mois d'août le mercure avait beaucoup augmenté, plus que l'année précédente d'ailleurs. C'est alors que la jeune fille sortit de l'enceinte froide du château afin d'aller faire son petit tour quotidien : rester à l'intérieur pour être en compagnie des pierres rafraîchissantes c'est bien, mais pouvoir continuer d'être en lien avec la nature, c'est mieux. Un pas, puis deux et trois. 'On est le quinze aujourd'hui : encore une bonne quinzaine de jours et c'est r'partit !' pensa-t-elle. Passer la moitié de l'été au château de façon imprévue, c'était la séparer du peu de temps qu'elle pouvait partager avec ses parents, Eliott et ses grands-parents. Mais à vrai dire, cela ne la dérangeait pas plus que cela puisqu'elle avait à présent prit ses repères au château, bien que le fait de ne pas être autant entourée qu'en période scolaire lui posait problème.

Les yeux chercheurs et la lèvre du bas mordue, Aelys avançait à son rythme en contemplant les décors qui l'entouraient. Ces décors qui n'étaient visibles nulle part ailleurs alors à chaque fois qu'elle passait à côté, elle faisait en sorte de les zieuter et à chaque fois, ils étaient différents. Où cette fillette pouvait-elle bien aller ? Même elle ne le savait pas encore, bien qu'une seule condition rentrait en jeu : ne pas retourner là où elle était allée la veille, c'est-à-dire du côté du terrain d'entrainement. 'On est combien au château ? Parce que rien qu'à Gryffondor ça fait bien vide alors ça doit être pareil ailleurs... Vivement la rentrée finalement ! Mais pas vivement non plus puisqu'il faudrait que je commence à réviser...' se dit-elle intérieurement. 'Réviser', c'était en quelques sortes la promesse qu'elle avait effectué à ses parents lorsque ceux-ci se sont vus dans l'obligation de quitter le territoire pour une durée indéterminée suite à un événement très important en France concernant leur métier de journalisme - 'Foutu métier'. Eliott avait été amené chez Papy Opa et Mamie Oma, mais sa sœur n'avait pas eu cette occasion puisque ses parents avaient jugé sensible de la laisser là-bas, sans savoir s'ils seraient rentrés à temps pour l'amener au Poudlard Express. 'S'ils n'avaient pas appris cette obligation à la dernière minute, j'aurais pas eu à préparer mes affaires à l'arrache !' râla la fillette.

Les pas s'enchaînèrent et Aelys aperçut les différentes serres de Botanique au loin. Puisqu'elle n'y était pas allée depuis quelques temps, elle eut décidé d'aller y jeter un coup d'œil. Cette petite visite lui permettrait donc de regarder ce qui allaient lui faire face dès Septembre dans la serre n°2, inaccessible pour elle depuis qu'elle est arrivée en première année. Sa sacoche en macramé dans sa main droite, elle avança petit à petit jusqu'à atteindre ladite serre, après avoir enfilé son contenant en bandoulière. Ainsi, elle put se pencher sur la vitre afin de mettre ses deux mains de part et d'autre de ses yeux, pour éviter les reflets du soleil sur le verre. Parmi les différents pots visibles, Aelys reconnut une plante : le dictame. Il s'agissait là du pot en premier plan alors il était nullement difficile pour elle de l'apercevoir ! Qu'est-ce qu'elle aurait aimé pouvoir pénétrer en ces lieux, seulement, elle avait entendu dire qu'une plume notait le nom de toute personne s'y disposant alors pour ne pas s'attirer d'ennui, elle fit demi-tour.

Aelys regarda sa montre -'Encore trop tôt pour rentrer'- puis tâta sa sacoche : 'Parfait, j'ai une idée'. Ni une ni deux, la brunette marcha d'un pied ferme en direction d'une zone ombragée à cause d'une accumulation d'arbres en tous genres. Ici, elle s'installa dos au tronc de l'un d'entre eux puis ouvrit son contenant disposé sur sa hanche gauche. Dedans, elle y sortit une panoplie de plusieurs photos et lettres qu'elle avait chiper par mégarde quelques secondes avant de quitter sa maison pour venir ici. N'étant pas à l'heure, Aelys s'était empressée d'attraper une lettre de sa tante qui lui était destinée se trouvant dans le tiroir haut droit de la commode de sa mère. Hors en parallèle, elle avait également prit plusieurs enveloppes dont une bien bombée. C'était sur le trajet de l'allée que la gamine s'était aperçu de tout cela, et n'avait préféré rien dire afin de satisfaire sa curiosité, et c'est d'ailleurs ce qu'elle comptait faire dès maintenant.

Accroupie sagement contre l'arbre, elle commença à déballer tout son attirail en étalant chaque enveloppe sur le fin tapis de lichen séché. 'Celle-ci !' choisit-elle subitement avant d'attraper le morceau de papier en question, il s'agissait là de la lettre qui lui était destinée. Mais alors qu'elle aurait dû s'arrêter là, elle commença à ouvrir les autres. Une à une, elle les dévora à grande vitesse : connaître des masses de détails sur la vie des gens semblait être quelque chose qui lui plaisait. 'Je ne pensais pas que Maman avait une amie qui habite en Ecosse, trop la classe ! En plus, elle semble me connaître puisqu'elle a demandé de mes nouvelles ! Par contre son prénom ne me dit rien...' songea-t-elle. Mais alors qu'il ne lui restait plus qu'une seule et dernière lettre à ouvrir, sans doute la plus intéressante puisque la plus bombée, deux ou trois de ses précédentes lectures s'envolèrent suite à une toute légère brise de vent chaud, le sirocco. 'Les lettres ! Si Maman ne les retrouve pas, je serai la première à être suspectée, mon dieu !' hurla alors Aelys sans bruit avant de ranger les autres dans sa sacoche et de se mettre à leur poursuite. ''A l'aide, s'il vous plait ! Mon courrier s'envole, s'il vous plait... aidez-moi'' demanda-t-elle sans avoir une quelconque personne en vue. Les papiers s'éloignèrent petit à petit, le vent s'étouffant, mais ce n'est pas pour autant que la partie fut gagner pour la brune, bien au contraire. ''Il y a quelqu'un ? Oui, toi là-bas, le garçon aux cheveux marrons, viens, s'il te plait'' demanda-t-elle à ce qu'elle prétendait être un humain de loin, alors qu'il ne s'agissait là que d'un vieux tronc mort coupé.

Gabryel songeait à Grégoire, qu’il n’avait plus revu depuis son arrivée au château. Le dernier hibou reçu de son meilleur ami commençait à dater. Depuis l’installation du dôme, tout était devenu compliqué et avoir des nouvelles de ses proches, en dehors de ses parents, n’était pas aisé. Le garçon, du même âge que lui, racontait combien il lui manquait, que la vie sans lui dans leur village natal n’était plus tout à fait pareil. Ensemble, ils avaient fait les quatre cent coups. Grégoire n’était plus souvent retourné dans leur cabane au fond des bois. Il n’avait pas le coeur de s’y rendre sans Gabryel. Ce dernier se demanda si son pote trouverai sa construction près du Lac Noir aussi réussie que celle construite ensemble.

Fife manquait douloureusement au jeune Écossais. Il pensait chaque jour à sa vie d’avant. Il s’estimait très chanceux d’être à Poudlard, mais il regrettait tant de ne pas avoir pu revenir chez lui depuis maintenant deux ans. Il aurait tant aimé revoir le paysage de sa campagne, les lacs, le port de Fife, les forêts et les champs. Alors qu’il était plongé dans ses souvenirs, plusieurs feuilles de papier semées par le vent atterrirent à ses pieds. Puis une petite voix le ramena au présent :

- À l'aide, s'il vous plaît ! Mon courrier s'envole, s'il vous plaît... Aidez-moi !

Il aperçut au loin la silhouette d’une petite brunette.

- Il y a quelqu'un ? Oui, toi là-bas, le garçon aux cheveux marrons, viens, s'il te plait !

Gabriel ramassa le papier et de leva pour se diriger vers la jeune fille. Arrivé à sa hauteur, il lui tendit timidement ce qui semblait lui appartenir.

- Tiens, je ppppense que c’est à toi...