Le face à face avec l'Epouvantard semblait avoir profondément ébranlé sa camarade. Jeffrey respecta une certaine distance pour qu'elle reprenne ses esprits. Avait il eu lui aussi l'air aussi marqué après son passage face à la guêpe géante ? Il pensait que non, bien qu'un frémissement le parcours en repensant à cette hideuse créature. Quand la Poufsouffle s'activa de nouveau Jeffrey se contenta de sourire à ses multiples remerciements et bien vite la fin du cours s'annonça. Heureusement la journée d'apprentissage s'arrêtait là car il aurait été bien difficile pour le jeune anglais de rester tranquillement assis et concentré après avoir vécut un cours si mouvementé et intéressant. Eileen se tourna vers lui et lui proposa de rentrer à la salle commune, ce que Jeffrey s'empressa d'accepter.

« Yes, avec plaisir. Quoi de mieux que de se vautrer dans un fauteuil moelleux avec un bon goûter pour nous remettre de nos émotions ? » dit le jeune garçon avec gourmandise.

La salle se vida rapidement et dans un brouhaha important. De toute évidence ce cours allait être débriefé en long en large et en travers par tous les élèves. Jeffrey se mit à penser aux rares élèves qui n'avaient pas réussis l'exercice et avaient eu besoin de l'intervention de Miss Holloway pour s'en sortir. Il imaginait sans mal à quelle point la soirée allait leur paraître longue... Lui même n'avait pas été loin du ridicule lors de son tout premier passage collectif, aussi il se jura de ne pas se moquer ni même taquiner ses camarades à ce sujet.

Une fois dans les couloirs pour faire le court trajet jusqu'à la salle commune, Jeffrey ne perdit pas une seconde pour reprendre sa conversation avec son binôme du jour.

« Au fait binôme, tu te doutais que ton Epouvantard prendrait cette forme ? Moi j'ai été grave surpris sur le coup et c'est sans doute pour ça que je me suis loupé complet à mon premier passage. J'ai été vraiment pris de cours. Mais avec le recul ça ne m'étonne pas en fait. Tu devrais me voir dans le parc quand une guêpe m'approche de trop près... Pitoyable... » dit Jeffrey en hochant théâtralement la tête d'un air navré avant de rigoler. Il espérait qu'après ça Eileen serait suffisamment en confiance pour lui parler de son propre Epouvantard, et cela avant d'arriver à la salle commune qui serait sans doute moins propice aux confidences.

   Eileen était vraiment heureuse d’entendre Jeffrey accepter sa proposition de retourner en salle commune ensemble, car même si les deux deuxièmes années s’entendaient bien -ou du moins c’est ce qu’elle pensait- elle avait toujours une once d’appréhension dans son esprit. Elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais elle était là. Mais une fois le doute balayé, elle prit le chemin de la sortie de la salle parmi ses camarades -son pas légèrement pressant- en compagnie de son camarade Poufsouffle. Elle n’avait qu’une hâte ; sortir de cette salle, mettre ce cours derrière elle, se plonger dans un fauteuil moelleux de la salle commune et ne plus bouger jusqu’au repas du soir.

   Elle voulait oublier tout ce qu’il s’était passé dans cette salle, oublier ce qu’elle avait vu, que son Epouventard avait pris la forme de son père. Elle voulait juste oublier. Et quoi de mieux qu’un bon goûter pour ça ? Eileen ne s’en était pas rendue compte -et c’est en y pensant et en entendant les quelques gargouillis qui remuaient son ventre qu’elle le fit- mais le cours et son passage devant l’Epouventard l’avait drainé et épuisé bien plus qu’elle n’aurait pu le penser, aussi bien psychologiquement que physiquement, que… Bref, elle avait faim. Et ça tombait bien car les deux Poufsouffle se dirigeaient vers leur salle commune, leur tanière, pour ledit goûter.

« C’est bien vrai ! J’espère qu’il y aura des crêpes, » renchérit la brune avec un air rêveur.

   Le début du trajet vers le repère des Poufsouffle se passa dans le calme et le silence. Mais pas un silence total, non. Ils étaient bercés par le bruit ambiant des élèves qui se déplaçaient dans les couloirs, du murmure des conversations entre les quelques tableaux enchantés et la petite brise qui pénétrait dans le château par une fenêtre et qui venait faire légèrement voler les cheveux châtains de l’Irlandaise.

   Puis Jeffrey vint briser ce silence avec une question qui fit froncer les sourcils à la jeune fille.

« Je… J’avais des doutes oui, mais de voir mes craintes se confirmer, c’est toute une autre histoire, » sourit-elle faiblement. « Et je ne trouve pas que tu te sois loupé, binôme, même si c’est vrai que tu avais l’air surpris. » Marquant un temps de pause avant de reprendre la parole. « C’est pas pitoyable, on a tous peur de quelque chose. Que ce soit d’une guêpe ou… de son père. » Finit-elle d’une voix presque inaudible et en détournant le regard.

Je m'excuse pour ce long retard  

Le début du trajet s'était fait dans le calme mais Eileen en vint enfin à parler de son Epouvantard, non sans avoir auparavant dit un mot gentil à propos du sien. Jeffrey laissa échapper malgré lui un petit rire amusé.

« Mouais, on en reparlera quand tu verras ça de tes propres yeux. Quand je m'agiterai comme un crétin, coursé par une guêpe, tu changeras sûrement d'avis. » dit le jeune garçon dans un petit rire, avant de le stopper net en entendant la révélation de l'irlandaise.

Ainsi donc il s'agissait de son père. Jeffrey s'en était un peu douté mais il peinait à comprendre comment son propre père pouvait bien être sa plus grande peur. Oh bien sûr le jeune anglais lui aussi craignait son père parfois et il avait très peur de le décevoir. Mais malgré tout il savait que cette exigence était pour son bien et quelque part aussi une preuve d'amour. En revanche le papa d'Eileen - enfin son Epouvantard - il l'avait trouvé terriblement menaçant, presque agressif. Le Poufsouffle se demandait quelle pouvait être la nature de leur relation et avait très envie de demander à sa camarade mais quelque chose en lui l'en empêcha. Il se contenta de se montrer compréhensif et d'essayer de réconforter Eileen.

« Hum. J'imagine qu'on a tous plus ou moins peur de nos parents parfois... En tout cas ton Riddikulus était excellent ! » dit il d'une voix soudainement plus optimiste comme pour éviter à la Poufsouffle de trop y penser.

De toute façon le duo se rapprochait de la salle commune de Poufsouffle et Jeffrey n'avait qu'une envie : prendre un bon gouter pour reprendre des forces après ce cours un peu éprouvant émotionnellement.

« Je meurs de faim ! Ça creuse les émotions... Tu te joins à moi pour le goûter binôme ? »

Son devoir de Botanique attendrait bien encore un peu. Il y avait des priorités dans la vie, surtout pour un Poufsouffle.

   La phrase de Jeffrey sonnait comme creuse aux oreilles de la jeune brune. Pas parce qu’elle était dénuée de sens, au contraire, mais seulement, ce n’était pas une simple petite peur passagère qu’Eileen ressentait à l’égard de son père. Non. C’est une terreur, une hantise toujours présente et qui ne la quittera sûrement jamais. Mais Eileen n’en tenait pas rigueur à celui qu’elle surnommerait désormais Binôme ; il ne pouvait pas savoir. Comment aurait-il pu ? Outre les quelques vraies conversations qu’ils ont pu avoir, ils n’avaient jamais pris le temps de se poser pour apprendre à se connaître. Il ne connaissait donc pas son passé, comme elle ne connaissait pas le sien. Jeffrey n’avait aucune idée de la signification de cet Epouventard pour elle, et peut-être était-ce mieux ainsi. L’Irlandaise avait déjà mis une personne dans la confidence, Maddie, et elle avait bien vu l’impact que ça avait eu sur son amie lorsqu’elle découvrit la raison pour laquelle Eileen omettait complètement son père de ses discussions. Elle avait remarqué le désarroi de la blonde, et elle ne voulait pas revoir la même chose déformer le visage du garçon.

   Alors, Eileen resta silencieuse, ne voulant pas prononcer quelques mots qui aurait pu attiser la curiosité de Jeffrey. Elle se contenta simplement de sourire lorsqu’il dit que Riddikulus était « excellent », suivi d’un petit « Merci. »

« Le tien était vraiment bien aussi, » renchérit la brune pour une fois pour toute dévier la conversation sur autre chose que son Epouventard. « C’était un très joli ballon. »

   Puis sa voix fit place à un silence. Un court silence puisqu’aux mots de Jeffrey, Eileen releva la tête et s’aperçut que les deux Poufsouffle n’était plus qu’à quelques mètres de leur salle commune ce qui fit pousser à la jeune fille un soupire intérieur de soulagement. Elle allait enfin pouvoir rejoindre un endroit apaisait, calme, chaleureux qui lui changerait les idées du cours qu’ils venaient d’avoir. Et puis, qui disait salle commune de Poufsouffle, disait goûter. Et les gargouillis qui provenaient de son ventre en disaient long sur sa réponse à son camarade.

« Avec plaisir ! Un bon goûter ne serait pas de trop. »

   Les deux Poufsouffle alors guider par leur estomac pénétrèrent dans leur salle commune jusqu’à la nourriture qui semblait apparaître comme par magie tous les jours à l’heure du goûter.


Merci beaucoup Jeff, c'était un plaisir