Lundi 9 mai 2044
Cela faisait une semaine jours pour jours que Ursula Parkinson avait pris le pouvoir, une semaine que Quentin était à Azkaban, ou bien mort. La douleur de Julie ne s'était pourtant toujours pas appaisée, malgré les multiples tentatives de consolation de tous les membres de sa famille. Tous savaient qu'il était une des personnes les plus proches de la jeune Eragon. Elle aurait préféré rester à pleurer toutes les larmes de son corps dans son dortoir des cachots, mais malheureusement la jeune blonde était obligée de se rendre en cours. Celui-ci serait celui qui l'angoissait le plus. Un cours sur les Epouvantards, ou tout le monde pourrait voir sa plus grande peur, peut-être même la charriée dessus ? Rien de bien intéressant pour elle. 
Pourtant la Serpentard était là, debout dans cette salle de cours remplie d'élèves, les yeux rouges d'avoir pleuré, et une armoire à balais en plein milieu de la salle. Son frère avait déjà tenté de lui apprendre le sortilège qui lui permettrait de vaincre un Epouvantard, et avec succès. La jeune fille avait fort bien réussi le sortilège, mais jamais devant la créature. Elle repoussa ce souvenir, c'était trop douloureux de penser à Quentin. Elle baissa les yeux pour que personne ne voit qu'elle avait pleuré, et commença à réféléchir à ce qui arriverait devant elle. Une araignée, comme celle qui lui avait valu cette cicatrice sur la paume de sa main ? Bien sûr, elle en avait tiré une grande peur, mais ce n'était pas la plus terrible. Le professeur appelait déjà les élèves à passer, et elle n'était pas prête? Qu'est-ce qui allait arriver devant elle quand ce serait son tour ? Elle n'en avait aucune idée, et cette pensée lui faisait encore plus peur que devoir passer devant tout les élèves. 

@Chems Daley

Chems était presque sûr d'avoir entendu tout les élèves de la classe déglutir en même temps en apprenant l'intitulé du cours, lui comprit. 

Les Epouvantards étaient jadis des clowns, ils passaient dans les conversations comme on parle d'un film d'horreur qui ne fait pas peur. « C'est facile quand on sait que c'est pas vrai » avait dit un jour un poufsouffle de bien plus d'un an son aîné pendant un repas. Si seulement ce n'était que ça... Une semaine ne suffisait pas à purger la terreur que les évènements survenues au château avait provoqué chez lui. Il n'avait pas envie d'avoir la peur en face maintenant alors qu'il l'avait perçu il n'y a pas si longtemps, et à voir certaines mines déconfites, il n'était pas le seul. Toutefois, devait-il avouer qu'il aimait cette idée... De ridiculiser la peur. Ça résonnait terriblement bien dans sa caboche creuse. 

Perdu dans ses rêveries qui finissent par perdre leur queue et leur tête en bout de chemin, le garçon ne sort pas de ses réflexions assez vite et n'attrape que des miettes de directives alors que les élèves sont sommés de se ranger en file indienne devant la créature redoutée de tous. Hagard des consignes qu'il n'a pas écouté, Chems est contraint de suivre le mouvement. Heureusement trouve-t-il une âme assez charitable pour lui résumé l'essentiel pendant qu'ils attendent leur tour pour passer devant l'armoire. 

« Comme ça alors? 
— T'appuis pas sur la bonne syllabe »

Alors que certains élèves commençaient déjà à être confronté à l'épouvantard, Chems profitait allègrement des conseils de son camarade jusqu'à ce qu'un mauvais mouvement pendant sa répétition de gestuelle lui fait légèrement bousculer la personne devant lui dans la file.

« Pard— » commençant-il mais finit par s'interrompre. 

C'est à peine si la jeune fille a réagit au stimulus et Chems ne parvient pas à voir son visage bien trop baissé pour que ce soit une coïncidence. « Hey oh Eragon, allô la terre ». Il s'abaisse un peu pour capter l’attention de la serpentard et se fige de voir ses yeux cerclé de rouge. Son "Ça va pas?" s'étouffe dans sa gorge. « T'es sûr de pouvoir faire ça? lui intime-t-il moins brusquement à la place pour que seul la fillette puisse l'entendre. J'peux appeler la prof ». Pas plus qu'elle n'a sentit son coup, il n'est pas sûr qu'elle l'ait entendu non plus, et Chems finit par échanger avec son camarade complice un regard soucieux. Il n'ait qu'à un pas de sortir de la file pour avertir la professeur.

Julie se fit soudainement bousculer par la personne derrière elle, mais aucun commentaire ne franchit ses lèvres et elle ne regarda même cette personne, qui essayait apparemment de capter son attention en l'appelant. Devant l'absence de réaction de Julie,  le garçon lui proposa d'appeler le professeur et lui demanda si elle était vraiment capable de lancer le sortilège. Heureusement, le Poufsouffle avait baissé la voix et seul Julie l'entendit.
C'était hors de question pour la deuxième année que la professeur intervienne, car ça pourrait attirer l'attention des autres élèves, et ça Julie ne pourrait pas le supporter. Elle leva ses yeux rougis vers le garçon -Chems, si elle ne le confondait pas avec quelqu'un d'autre.

-C'est bon, dit-elle au garçon pour qu'il la laisse tranquille. Pas besoin de prévenir la prof. Je vais bien.

Elle regarda la file d'élèves devant elle. Terrifiée, Julie remarqua qu'il ne restait que sept élèves à passer avant son tour. Beaucoup semblait avoir peur, mais pas autant qu'elle. La jeune Serpentard se retourna brusquement vers le garçon qui lui avait adressé la parole, ses yeux d'émeraude baissés pour qu'il ne voit pas les larmes qui s'en écoulaient de nouveau.

-Tu ne veux pas passer devant ? demanda-t-elle en essayant de contrôler les tremblements qui agitaient sa voix. Je ne sais pas ce qui va apparaître quand je serai devant... cette chose.


Désolée pour le retard  

La voix de Julie l'arrête in-extremis et Chems renifle d'entendre ce qu'elle a lui dire.

« Définis "aller bien" » À valeur de "J'suis pas aveugle", remarque qu'il se garde bien de dire à voix haute en se rangeant de nouveau dans la file, les mains maintenant plongé dans ses poches. Pour son camarade de derrière, il hausse les épaules. Ce cours mettait déjà tout le monde à cran, remplit de sanglots à peine contenu et d'air saturé d'appréhension. Plus que six personnes devant maintenant et Chems se remettait déjà en question. Ridiculiser la peur ? Comment pouvait-il seulement y songer après ce qu'il s'était passé il y a une semaine¹. Sans parler de ce que racontait la gazette, il n'osait même pas se remettre la scène dans le hall en mémoire, redoutant l'immobilisation immédiate de ses fonctions motrices. Avec les tigres, le corps sans vie du serpentard...

Fixé sur un point sur la capuche verte de sa camarade, verte comme l'élève paniqué courant dans le hall de l’école, vert taché de rouge, à perpette du présent, il faillit sauter hors de sa propre peau lorsque Julie se retourne brusquement. « Tu ne veux pas passer devant ? »

Le garçon écouta à demi la suite. Franchement non. Non, il n'avait pas envie de passer devant, il n'avait pas envie de faire quoi que ce soit impliquant une créature comme l'épouvantard. Ronger de plus en plus par un effroi latent, ce n'est que les tremblements de la jeune fille qui l'empêchèrent de répondre crûment par un "Non" retentissant. « Qu’est ce qui est arrivé à ton “je vais bien” hum? » rétorqua-t-il à la place en guise d’excuse à sa propre absence de courage. Ce n'était pas pour la terreur remuant les épaules de la serpentard et faisant déverser des larmes des yeux de celle-ci, Chems serait resté camper sur ses positions. Mais ne pouvait-il pas possiblement rester de marbre, peut importe le piètre bobard que la fillette avait utilisé comme excuse.

Le poufsouffle pinça les lèvres en fermant les yeux, tentant de détendre ses épaules d’un profond soupir par le nez. Il ne fallait que se convaincre maintenant. Tout le monde y passerait de toute façon. « C’est bon recule ». Bougeant pour prendre la place de la jeune fille, Chems avait l’impression d’avoir de la glue sous les semelles juste à se rapprocher un peu plus de la bestiole. Lui avait de la colle sous les pieds et elle n’avait plus assez de voix pour parler sans que ses phrases ne soient entrecoupées. Je ne sais pas ce qui va apparaître quand je serai devant... cette chose. À la bonne heure parce que lui non plus n’avait pas la moindre fichtre idée de ce qui apparaîtrait, il avait juste les souvenirs horrifiants du retour de la délégation chinoise pour lui. « Regarde mieux autours de toi, personne ne sait » chuchota-t-il à la serpentard sans quitter des yeux l’avant de la file, tournant à peine la tête pour faire passer ses paroles par dessus son épaule. « Ressaisis-toi, tu pourras pas lancer le sort comme ça. Dis toi que...cette chose ne montre pas la réalité j’sais pas, trouve toi une encre ou tu t’effondreras avant même de pouvoir appeler ta magie ».

Et surtout souvient toi d’appliquer ta propre médecine sur toi, songea-t-il en dernier pour lui-même. Même en se convaincant qu’il tentait de ne faire que rassurer la fillette, c’était probablement ce sur quoi s'appuierait aussi Chems quand il n’aura plus la protection des élèves de devant. 

Il serait tellement plus facile d’aller en fin de file, faire discrètement le tour de la salle quand le professeur était occupé avec l’élève confrontant l’épouvantard, et se ranger dans le groupe d’élève déjà passé.
Le garçon avait juste assez de dignité pour ne faire que se l’imaginer.

Cinq élèves restants... quatre élèves restants...