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03 déc. 2018, 00:13
Si le Tentaculaire Savoir vous ronge... Rongez le
Ces Gouttes insondables demeurèrent toujours aussi muettes, prenant un malin plaisir à noyer celles qui s’y miraient. Une autre partie de ce visage magnétique s’agita, cette ouverture qui délivrait, tel des pépiements d’oiseaux, suivant un rythme dansant, un long chant. D’une densité si resserrée que la petite Swan était happée dans ce tourbillon effréné, son buste s’était par réflexe doucement penché en la direction de la jeune fille. Qui disait tant, et s’explorait même elle dans son sinueux discours. Un coin de la lèvre de Phœbe se leva discrètement au fur et à mesure que litanie avançait dans son tissage aux mailles étroites. À chaque phrase assénée, la Serpentard posait le bout d’un doigt sur la table et laissa au terme ses mains posées comme sur le clavier dans leur position sur le bois dur un instant avant de lentement les détacher pour qu’ils se reposent à plat.

« Je ne me perds que rarement dans le dehors. Tout ce que je mets en confrontation demeure ici. »

Sur le dernier mot l’élève pointa fugitivement un doigt sur sa tempe avant de revenir à sa position initiale.

« Certaines considérations persistent trop. Établies comme tu dis ? Les chasser si j’en trouve les ressources, ce n’est pas le bonheur certes, mais c’est un onguent de l’Esprit. »

Le confort n’était qu’une considération temporelle et jamais assurée. Pourtant l’homme se jette sur des plaisirs éphémères, croit qu’il en jouit quand il est déjà dans la frustration de vouloir perpétuellement ce qui toujours lui sera offert de façon ponctuelle. Les Grecs aspiraient à l’ataraxie de l’Esprit, et la petite Swan sentait qu’elle n’y avait pas encore droit. Elle n’était certainement pas prête, jeune. Un enfant qui tâtonne, environné d’adultes muets.

« Oserais-je parler de faiblesse ? Qui continue à attiser la friction avec sa propre contradiction a le mérite de la persistance. »

Elle préférait rejeter sa contradiction, y être perpétuellement confrontée, elle n’y parviendrait pas et se perdrait à coup sûr. Alors elle jouait toujours avec les puissances relatives de chaque considération pour ne laisser en avant que celle qu’elle pouvait côtoyer sans perdre la raison. L’argentée ne cherchait presque jamais à convaincre, elle laissait couler de sa bouche sans distorsion de son langage. Libres à l’approbation, la réprobation, le silence de répondre. Pourquoi parlait-elle quand elle préférait saisir ses espaces par d’autres biais, plus fins et ne comportant pas cette dimension frontale ? Parce que cette étudiante russe dessinait un appel en esquisses que la Serpentard croyait discerner. Parce qu’elle avait engagé une partie de laquelle ni l’une ni l’autre ne pouvait décemment suivre sans faire l’action conclusive. Et Phœbe n’en ressentait pas encore l’envie, elle voulait explorer ces territoires disponibles devant elle. Aucun moyen de déterminer si elle toucherait au bord opposé, elle préférait goûter aux détours à la ligne droite achevant sans ressentir le parcours. N’ayant pas d’expérience de jeu, elle ignorait si ce qu’elle essayait tenait d’une bonne stratégie, l’adolescente se jetait sans barrière sans filet dans un découverte inédite.

Le buste de la jeune fille recula et elle croisa ses bras devant elle quand elle entendit ce trait de curiosité lâché sans être annoncé. Quelques secondes ses yeux de Lune se plongèrent en une surface unie sur laquelle elle pouvait projeter toutes sortes d’images qui défilaient dans sa tête. Elle ne s’était pas encore posé la question en ces termes. Elle savait qu’elle voulait quitter cette illusion dénuée d’élégance et pleine d’hostilité sans avoir été trop altérée par son pouvoir mâchant et modelant. Lui restait encore un long horizon avant de clore ce chapitre que ses parents lui avaient décrit comme essentiel pour découvrir sa Magie.

« Il veillera certainement en moi. Tandis que je partirais en quête de mon Savoir, inédit. Celui qui me sera propre. »

Le seul avec lequel elle serait en parfaite adéquation. Du moins l’imaginait-elle. L’espérait-elle. Et si trouver le reflet de son identité revenait à exhumer sa Némésis ? …à faire face au pire ennemi concevable pour toute personne. La nuit des égyptiens, le Soleil doit combattre et survivre à sa traversée de la Nuit pour émerger et permettre l’arrivée du jour. La Lune est visible la Nuit, elle côtoie le combat perpétuel, quotidien, l’affrontement cyclique essentiel. Phœbe était-elle destinée à assister à l’infini au combat féroce, la conclusion marquée par un jour qui ne naîtra jamais ? D’un souffle elle chassa cette idée qui ne pouvait qu’apporter de la confusion sans qu’elle n’y gagne rien. Le temps devait encore faire son œuvre, l’emmener à la sortie de ce domaine, et elle savait qu’il ne se presserait pas. Le vent la cahotera encore longtemps à travers divers vortex jusqu’à être déposée hors des Murs.

Phœbe devrait certainement oublier les implications de son hypothèse et leur ouvrir la voie quand le moment opportun s’annoncera. Sa camarade compléta en annonçant déjà savoir. Vraiment ? L’argentée analysa l’assurance de l’autre sorcière en herbe Verte et Argent, incertaine de ce qu’elle osait avancer. Par l’interrogation se dissipe le doute, s’il daigne recevoir retour.

« Idée… ιδειν. Tu vois donc déjà, alors tu pourrais me dire… Quel mage rencontrerais-je en ce contexte ? »

Qui es-tu, ou plutôt qui seras-tu ? Dévoile ce Secret que tu brûles tant de partager en te présentant emplie de certitude, interdisant tout empire au doute.

Éternelle nouvelle Lune
Sombre Ciel

06 déc. 2018, 19:09
Si le Tentaculaire Savoir vous ronge... Rongez le
Au début de ses recherches sur le Japon et la Russie, leurs rapports d’abord cordiaux puis devenus frais, froids pour finir dans le glacial, Circéia avait découvert au détour du chemin un écrivain japonais extraordinaire, féru de littérature russe, élégant dans son style aux relents de jazz, et avec passion elle avait parcouru plusieurs de ses romans. Pour une jeune sorcière, acquérir cette connaissance du monde moldu relevait de l’approfondissement de cours toujours demandé, jamais pratiqué. Mais Circéia n’était pas une élève banale. Certes ses résultats n’attiraient pas l’attention, trop réservée, trop de l’intérieur. Mais elle savait qu’au final, le travail paye toujours. Et en lisant les affres de ce peintre, ses difficultés à vivre de son art, de son amour, elle avait fait une découverte étonnante. Les moldus, eux aussi, prenaient la magie très au sérieux, elle les fascinait et permettait à certains d’entre eux d’entretenir un territoire entre deux réalités ; le monde réel et celui dont on ne comprend rien, que l’on ne maitrise pas, qu’il est aisé de nommer « monde des rêves » alors qu’il ne s’agit que d’une autre réalité. Au fil de plusieurs livres, dont une trilogie qui l’avait laissée dans un émoi durable, elle avait mis au jour un espace qui lui était propre, une sorte de salle sur demande intérieure, puissante et insondable. Qui l’aspirait par moments sans qu’elle n’en comprenne, encore moins domine, le processus. Elle se souvenait de ce tableau au coeur du roman, de l’histoire qu’il racontait comme de son effet. Il se trouvait qu’en cet instant, une autre grotte venait de s’ouvrir, et elle y avait été projetée de façon spontanée, irréversible. Un lieu peuplé d’obscurité absolue, un pays du silence total. Face à elle-même, tétanisée, elle se questionna sur le pourquoi de ce transfert. Quelques instants auparavant, elle tenait salon avec une jeune fille presque adulte, qui la bombardait de pensées déstabilisantes auxquelles elle se refusait de répondre, par la prudence proverbiale qu’on lui avait transmise depuis toujours. Il est des conversations que l’on ne peut avoir sans la pleine confiance que s’accordent les amies. Ces deux-là ne pouvaient prétendre avoir atteint ces hauteurs. Mais ce n’était pas un motif suffisant conduisant à fuir ce qui n’était qu’une leçon supplémentaire du plus âgé au plus jeune. Le pénétrant, le pénétré… Ni même un premier pas vers elle ne savait quoi, alors l'autre aurait été la rivière, voire l’océanide. Mais ce n’était pas cela. Elle en était venue à franchir ce portail intime grâce à ses seuls pouvoirs. Et comme Marié avant elle, ou plutôt le narrateur en fait, elle se retrouvait dans une forme d’impasse angoissante et fascinante, un lieu d’elle-même incroyable, peuplé de ses pièges préférés.

toile mouvante
au repas
l’araignée éveillée


Mais ici, il eut davantage été question d’ensommeillement. Une apathie suave, aux accents de sieste fiévreuse, de celles d’un après-midi d’été. C’était à n’y rien comprendre, des figures qui dansent autour d’elles comme autant de pièces d’un échiquier. Mère, Neptuna, Ivanovna, un ou deux affidés en outre. Mais au final, des « proches », et jamais plus. Elle, au milieu mais sans en avoir le moins du monde la sensation, ou la conscience, centre d’un tout qui n’existait pas, peut-être un trou noir, ce qui aurait pu expliquer son passage de l’autre côté, dans cette antichambre. Le froid de la salle de classe ne la mordait pas, de toute façon elle n’y était plus, le temps se déroulait à sa propre manière sans plus tenir compte des contingences humaines. Le sablier, maitre de l’heure, semblait dire à Circéia de ne plus calculer.
Misère… le jeu reprit le dessus. Et la danse recommença, l’ouverture Cf6, et la suite à la guise des blancs, Mère en attaque, derrière une marée de pions en forme de frère et sœur, un enfer à sacrifier, la salle intérieure rougissant comme si un chaporouge rôdait, tentant de prendre la main sur les lieux. Une impression de nausée, la perte du contrôle de soi et la fuite en avant,  ou le choix prudent, Pieuchka en d5, dès que possible sinon la fin s’annonce venimeuse, le plus souvent rapide. Puis, au détour d’une seconde de respiration, le calme. C’était peut-être cela, les absences dont Père lui faisait le reproche constant, une suite récurrente. Pour finir proche du zéro absolu. Et si le commandeur faisait surface après tant d’années de silence. Comme une idée matérialisée pour guider l’âme perdue dans un monde irréel. Ne jamais jouer le coup attendu, aucune ouverture n’est écrite d’avance, le principe est là, au point de parfois créer des classiques elles-mêmes engoncées à terme dans leurs principes. Et les pièces se meuvent en sa direction, et s’éloignent, guirlande de comètes aux courbes elliptiques. Dans le noir, on discerne mieux la lumière.

-… je ne comprends rien…

S’entendre permit la sortie d’un coma méditatif, après l’incendie de la serre ; et la disparition. Encore l’écrivain, à une autre époque. Dehors, et dedans. A partir de quel moment peut-on dire que l’on se consume ? Circéia ouvrit les yeux. Et se demanda combien de temps s’était écoulé depuis son entrée dans le rêve. Dans le livre, le narrateur avait passé trois jours ainsi reclus du monde. Et pour elle ? En voyant de nouveau sa camarade de maison, au même endroit, elle se dit que son incursion dans cette autre magicienne avait été brève.
Dernière modification par Circéia Alekhina le 25 sept. 2019, 16:31, modifié 1 fois.

Diplômée de l’ISDM => naturellement charismatique.
Vivre sans faire de mal à personne qu'à moi-même...

16 déc. 2018, 02:23
Si le Tentaculaire Savoir vous ronge... Rongez le
Même quand supposément règne le silence, il est incapable de museler le tumulte interne. Une parcelle de l’attention de l’adolescente flottait en nacelle lâche autour de sa camarade, le reste éparpillé ailleurs, sans véritable direction. Elle s’interrogeait parfois trop, à l’excès. Elle savait pourtant qu’il fallait les taire et les conserver en elle-même la plupart du temps. Il ne lui avait pas été appris à mesurer sa curiosité. Dès que se présentait devant elle l’absurdité ou l’incompréhension, incapable d’admettre ou de détourner le regard, elle était bloquée jusqu’à ce que la fumée se dissipe. Les mains de la Serpentard vinrent chercher sa plume et un morceau de parchemin qu’elle posa et lissa devant elle. Quelques traits d’encre qui libéraient l’énergie de son bras. Elle initia une spirale dans un coin qui aurait pu figurer un signe interrogatif, mais elle se ravisa avant d’achever le tracé de la forme et fit glisser la pointe le long d’une courbe qu’elle termina d’une autre spirale. Le geste souple jamais ne s’était suspendu mais la pression sur le support d’écriture était inégale. L’étalement d’une goutte s’imbibant formait de minuscules veines colorées en tous sens. Elle n’avait pas de buvard pour prévenir ces épanchements. En général ils étaient coincés entre ses affaires de cours, elle ne tolérait pas de voire partout des bavures sur ses feuilles et savait que l’irrégularité de rythme et de pression de son écriture torturée n’aidait pas. En absorbant le surplus d’encre elle donnait l’illusion d’un tracé régulier et ses lettres devenaient agréable à lire. Elle enfouissait son matériel dès qu’elle n’en avait plus besoin et le ressortait rarement hors de cours, si bien qu’elle était condamnée à laisser le carré clair se tâcher sous l’impulsion de ses doigts. Sa main déjà au début de la ligne suivante traçait une suite de caractères.

Alpha, Bêta, Gamma, Delta. Elle aurait pu délivrer tout l’alphabet ou continuer cette série de chiffres mais les premières seulement lui suffirent. L’adolescente ne souhaitait pas aujourd’hui venir au bout de la mécanique. Cette action n’était pas répétition. La sorcière éprouvait simplement le besoin d’écrire, et se le permettait en ce contexte qui l’y enjoignait. La parole ne pouvait que la trahir, elle est trop irrévocable et ne pardonne pas. Qu’il est rassurant de pouvoir tracer ce que bon il lui semblait sur un support secret. Elle dessina en divers points des symboles d’étoiles, à cinq branches. Ne levant la plume qu’entre les exécutions de ces minuscules représentations à piques. Elles n’avaient rien de réaliste. Les vraies Étoiles n’ont pas de contours. Le dessin est faux quand il met des cernes là où elles ne sont pas. Mais la petite Swan ne recherche pas le vrai, elle noircit ce parchemin avec tout ce que sa force motrice transmet en ses extrémités et jusqu’à au bout de cette pointe qui a accès si aisé au support. Des mots s’assemblent, les sons raisonnent en elle et Phœbe fait couler entre ses doigts ces quelques termes apparus qu’elle ordonne.

Ritournelle éternelle infinie Litanie
Inhalaient un Souffle dont la source tarie
Exhalait l'ultime note d’un subtil Chant
Ni plaisant ni discordant mais bien sonnant


Ses sourcils se rejoignirent sur son front alors que la pulpe du bout ses doigts passait sur les mots et sentait leur gravure. Très rapidement l’argentée s’employa à plier le parchemin comme elle avait coutume de le faire, dissimulant toute trace de qui venait d’être apposé. La jeune fille avait profité du règne d’un calme apaisant pour canaliser hors d’elle ce qui s’agitait et tremblait en elle. Il était trop malaisé de conserver une concentration pleine portée sur un élément, à moins qu’il n’irradie puissamment et éveille une Fascination dévorante. Il arrivait souvent que la petite Swan se retrouve à dériver sans que ce ne soit là la marque de l’indifférence. Trop rarement faisait-elle les efforts pour contrer les forces la poussant à voguer sur divers courants.

La voix prit par surprise en son émission inattendue, elle encoconnait son auditrice de sa légèreté, puis laissait songeuse par le propos. L’adolescente inclina sa tête sur le côté, tout à la fois y était-elle plus à son aise pour réfléchir et pouvait-elle déconnecter son regard de Lune alors en décalage car décentré, plus difficile à attraper. Diable, c’était si pur ! Cette fille devait être Pure. Ce ne devait pourtant être dans le Château. Qui ose faire tel aveu ? Nul autre, telle est la réponse, sans appel. Offertes dans un écrin à la lueur étrange et affolante des paroles sans dissimulation ni mensonge. Qui est cette enfant étrange et si peu pervertie ? Ni présomption ni cachotterie, la Serpentard n’est pas certaine de connaître d’autres capables de lâcher telle sincérité en trois, quatre mots. Son bras s’agite, elle s’empare d’espace libre sous le pli et fait danser les lettres.
Rareté belle de l’aveu.
Je n’ai pas plus de Clefs de compréhension que toi.
Hésitante, sa plume tremble quelques secondes avant qu’elle n’ajoute après avoir laissé passer quelques centimètres, dans le coin inférieur droit du papier une question inscrite en tout petits caractères qu’elle n’assume pas, mais dont pourtant elle aimerait le retour de la russe.
Qui es-tu ?
La formulation est horrible et ne veut rien dire. C’est à sa camarade d’en trouver le sens et de lui offrir ce qu’elle juge être la réponse, ce qu’elle souhaite partager. Il est tellement en son droit de ne rien dire, Phœbe en a déjà conscience. Mais elle comprend aussi que les enfants ont rarement la pureté qu’elle vient de percevoir. Alors l’adolescente fit doucement glisser le papier pour le mettre à la portée de l’étudiante. Qu’elle lise ce qu’elle livre. Pas au-delà bien sûr, la Verte et Argent espérait qu’elle aurait la délicatesse de ne pas déplier la partie vulgairement dissimulée. Elle ne veut pas laisser échapper la Perle trouvée grâce à Tyché, alors en son regard se lisent les nuances de la crainte et de l’appréhension. Mêlés à une pointe de défi. Au fond, elle aimerait mériter savoir.

Éternelle nouvelle Lune
Sombre Ciel

19 déc. 2018, 06:42
Si le Tentaculaire Savoir vous ronge... Rongez le
Les photos des moldus constituaient pour Circéia un émerveillement. Le temps figé, arrêté, et non pas un mouvement perpétuel factice. D’après elle, c’était une illusion que de vouloir toujours la course, ou la quête d’un déplacement qui n’avait de sens que dans l’altération du sens. Répétition, tableaux impossibles à admirer parce que jamais finis. Elle avait visité un jour un musée moldu et en était ressortie profondément impressionnée par  les œuvres de certains. Le jaune soleil de Turner en particulier. C’était une expérience que de le voir en vrai. Pas besoin de tricherie pour donner à émouvoir. Exactement. La tromperie dans toutes les œuvres qui n’en étaient pas puisqu’elles constituaient juste une scène animée, que l’on pouvait manipuler à loisir. Tous ces tableaux à Poudlard, emplis de gens importants ou qui prétendaient l‘être, l’avoir été… engoncés dans leur suffisance, l’arrogance des sorciers quant à leur supériorité. Elle retrouvait là une forme de déni de la culture, quelle place les romanciers russes occupaient-ils au sein des rayons de la bibliothèque de l’école ? Et plus généralement, les grands écrivains, de toutes les époques, de tous les pays ? Niés, jusque dans leur postérité. Dans cette salle qu’elle aimait tant, elle comprenait, finalement, qu’elle n’avait que très partiellement sa place dans un monde à ce point brumeux. Les questions récurrentes de cette camarade, les silences et interrogations sur elle-même n’avaient pas le sens qu’il aurait fallu. On est ce que l’on fait, ce qui est construit, tangible, vérifiable et non ce que disent les mouvances, les agitations, tout ce que l’on croit être essentiel et qui n’est que l’écume. Le vent, celui qui fait se soulever les cheveux, leur donnant vie.  Mais pas l’émotion. Dans une photographie, mot moldu complet si elle se souvenait bien, on trouvait des lignes, des croisements, une direction. Autrement dit, un sens. Et y insuffler le mouvement revenait à punir le spectateur en lui interdisant de pénétrer vraiment dans la composition, puisqu’elle avait disparu. A la fin de la soirée, Circéia comprenait enfin le but de cette maïeutique, la course effrénée n’avait aucun sens puisque justement, elle en avait un, indiqué trop ostensiblement pour que cela tienne la route. La vérité était ailleurs qu’à la surface. Il lui aurait fallu être capable de stopper le mécanisme afin de savoir enfin observer. Même l’échiquier perdait sa destination, puisque lui aussi ne prenait consistance qu’au travers du coup d’après, nécessité de l’avancement des travaux. Alors sa vie n’avait-elle donc aucun sens ? Il faudrait mieux connaître les choses, aller par-delà les apparences, pour comprendre la structure de cet univers et le lien invisible entre intérieur et extérieur. Par moments, elle ne se sentait pas à sa place dans le monde sorcier. Futiles, intéressés aux gloires éphémères du quidditch et autres bonheurs qu’elle jugeait puérils. Et ces moments ressemblaient davantage aux œuvres moldues. L’éternité dans la pétrification. C’était donc cela, la malédiction des ALEKHIN, une infinie exigence de compréhension qui ne permettait qu’une chose, la mortification. Pourtant, dans les statues, à bien y réfléchir, se trouvait peut-être une forme de salut. Car dans ce cas-là, moldus et sorciers se retrouvaient, en partie. Elles aussi pétrifiées, immobiles pour la majeure partie d’entre elles. Car si les statues composées par les artistes sorciers étaient immobiles, en apparence, certaines pouvaient bouger, sous des conditions que la magie définissait mais en théorie, elles demeuraient inertes. Tant de statues à Poudlard, le seul trait d’union avec ces autres humains que presque tous ignoraient, et la plupart détestait. Circéia savait qu’elles étaient capables de mouvement elles aussi, mais il lui sembla préférable, en cet instant précis, de faire semblant de croire à leur humanité, au sens immobilité. Quel paradoxe.

Ses lignes intimes, à bien se regarder dans une glace, tendaient vers un ciel noir, celui du cosmos fait de Faró, lieu où les parallèles se rejoignent enfin, dans un territoire qui n’existe finalement pas.

bulle de l’esprit
aux sommets du crâne
les entrechats

Elle avait pris le papier mais doutait de la nécessité de le lire. Comme étrange est la sensation que le plus enclin à vous porter, vous le repoussez juste parce que vous ne vous croyez pas capable d’intérêt dans le regard d’autrui. C’est un ruisseau mortel que celui de la peur de soi. Insondable immensité des possibilités, l’aboutissement du précipice. Certains individus sont suffisamment courtois pour ne jamais froisser autrui, Circéia ne savait pas le faire. Elle allait quitter elle aussi le tableau qui n’avait pas eu le temps d’être achevé par le peintre, comme dans ce livre où le narrateur avait besoin de créer mais pas de finir. Egoïste, à en crever, méchante avec elle-même et donc aussi les autres.

On ne devrait pas laisser seuls les adolescents. Ils deviennent alors des êtres infinis, dans une réalité que plus personne ne contrôle. L’absolu est une quête condamnée à la douleur, celle que l’on éprouve quand l’être aimé n’est plus là et pourtant vit encore, en soi, loin, proche, obsédant, présent, absent. La gifle ne sert pas même à réveiller la sidérée. On ne croise pas impunément le soleil ; à le fixer les yeux dans les yeux il vous consume si vous avez l’arrogance de le toiser.

Circéia ALEKHIN avait fait mine de ne pas écouter, d’esquiver. Il n’en était rien. Et justement, elle en était venue à la conclusion qu’elle ne pouvait pas répondre. Et ses… absences n’avaient constitué qu’une façon de se protéger d’une conscience encore vierge. Et qui devait le rester. Ingrate, l’enfant s’en était allée sans vraiment dire au revoir. Comme on s’échappe d’un piège que l’on ressent avec trop de certitudes. Le papier dans sa main, serré comme si elle désirait l’écraser avant qu’il n’explose en elle, elle avait atteint le point de fuite.

Reducio
Finite RPGiem. Où vont les âmes disparues ?

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22 déc. 2018, 00:05
Si le Tentaculaire Savoir vous ronge... Rongez le
Ses dents massacraient ses lèvres comme elles avaient coutume de le faire quand elle doutait. Ce n’était pas si occasionnel et expliquait certainement la teinte vermeille de cette fine ouverture malmenée. L’enfant avait le cœur de tout son intérêt centré sur sa camarade si hermétique mais dont elle espérait tenter de saisir des fragments. Une sorte d’attraction inexplicable qui tenait Phœbe toute entière et la dirigeait sans qu’elle ne parvienne réellement à résister. Elle ne connaissait pas le mode d’expression que cette fille emploierait, en lequel elle était la plus à l’aise. Alors que la Serpentard avait encore espoir que lui soit offert ce qu’elle demandait, la Silhouette de la russe s’estompa. Disparut. Il semblait à l’adolescente que le papier avait été engouffrée en ses contours. Tiraillement entre la confiance et la douce panique. Elle se leva alors, seule, fit un tour de reconnaissance avant de réaliser qu’elle était bien de nouveau en confrontation avec elle-même. Les mains de l'adolescente se posèrent à plat sur une table tandis que ses yeux gris paraissaient avoir l’intention de découper le bois qui lui servait de support. Jeter autant de pression à ses extrémités lui permettait de garder une stabilité et une immobilité, de contenir tout mouvement fruit d’une fébrilité qu’elle devait attacher, museler.

La petite Swan demeurait en ses interrogations. Cette autre élève est rare. Rare et pure. Pure et vraie. Vraie et si saisissante. Il est impossible de la perdre de la sorte. L’adolescente devrait la retrouver. Elle ignorait comment. Pour une fois, elle désirait que son chemin percute de nouveau celui d’une camarade. Il n’était plus question de déviations pour l’évitement mais de se laisser attirer. Pourquoi ? Pourquoi soudainement l’argentée en arrivait-elle à se trahir ? Parce qu’en elle ce que nulle part ailleurs est perceptible a été vu. Un je-ne-sais-quoi en plus ou en moins, indéterminable. Le revoir une seconde fois l’aiderait à se convaincre qu’il ne s’agit pas d’un reflet, d’un faux jour, d’une illusion. À côté d’elle Phœbe n’est qu’un être perverti parmi tout les autres. Il lui est difficile de poser le doigt au bon endroit. Est-ce parce qu’elle se reconnaît ou qu’elle voit l’antinomie que la Serpentard a été prise ? Elle verra, elle saura. La nuance très probablement, les chatoiements des couleurs et les gribouillis de la partition en font une Œuvre fascinante mais dont il est si difficile de percer le secret.

L’étudiante récupéra sa plume et l’éleva au niveau de ses yeux, une petite goutte d’encre perlait et tentait doucement de rejoindre une extrémité de l’instrument. Le bras s’inclina très légèrement pour empêcher cette perle de tomber et tint en équilibre l’objet, tirant de l’autre main un coin de parchemin vierge. Une forme d’une grande simplicité fut tracée. Un cercle. L’entretien du Souvenir de la Perle se ferait par ce petit symbole. Cette sphère autant de mémoire, de vie, de complexité, la manifestation d’un être, conservera une place dans l’esprit de la Verte et Argent. Ses doigts lâchèrent prise et des projections d’encre désordonnées et chaotiques furent avidement avalées par le papier. Une étrange constellation venait artificiellement d’être formée. Elle avait certainement son histoire, son conte. Le bout de ses doigts fit un tracé entre chacune des minuscules tâches incrustées, imaginant une forme. La petite Swan soupira. Ce soir, elle monterait certainement. Se confierait peut-être en présence de Nyx.

La jeune sorcière amassa sans grand ménagement les paquets de feuilles avant de quitter la pièce, certainement de longues minutes après le passage de sa camarade. Son corps s’arrêta sur le pas de la porte, pris une inspiration dans la pièce avant d’exhaler à l’extérieur et se remit en marche pour pénétrer les entrailles du Château et trouver une autre cache où s’insérer en toute tranquillité. Tyché serait de toute évidence la meilleure alliée, celle qui déterminera de ce qui doit être réitéré ou non. La quête est une forme de fourvoiement quand on ignore si elle est justifiée. Des jours, des semaines, des mois sommeillent devant elle. Elle a la patience.


Reducio
Je crois qu’Hadès en personne l’ignore
Et craint même cette effroyable Errance.
Elles pourraient pourtant bien s’y rejoindre.

Éternelle nouvelle Lune
Sombre Ciel