Lumah trainait des pieds. Ses pas résonnaient dans le couloirs, ses pas de refus. Si Lumah était aussi peu rapide et si bruyante, c'était parce qu'elle allait en Histoire de la Magie. En fait, Lumah n'avait aucune raison de détester cette matière, absolument aucune ; l'histoire avait le don de l'emmener dans un autre monde, comme ouvrant la porte vers des rêves tous aussi tarabiscotés les uns que les autres. C'était un monde parmi un monde, en quelques sorte : visiter le passé de l'univers des sorciers. La petiote aimait particulièrement voyager ainsi. Depuis toute petite, les contes, les récits, les poésies la transportaient, elle en raffolait. C'est la raison pour laquelle, lorsqu'elle se surprit à dormir dans ce cours si prometteur, elle se dit qu'elle n'aimait pas cette matière, sûrement : il n'y avait aucune autre raison pour laquelle elle s'endormirait. Était-ce la voix de miss Montmort ? Son talent de conteuse ? La pouffy n'en savait rien, elle savait juste qu'elle voyait flou dès les premières minutes, bercée, puis sombrait vers - encore - un nouvel imaginaire.

Lumah se stoppa net devant l'embrasure de la porte ; derrière se trouvait le cours. Elle vérifia tout d'abord qu'elle avait bel et bien son manuel ainsi que du parchemin ; et le plus important, sa plume et son encre, qu'elle oubliait parfois honteusement. Mais après avoir farfouillé et touché les diverses formes à l'intérieur de son sac à bandoulière ; elle en était sûre ; elle avait tout le matériel requis.



Ni une ni deux, la petite blonde passa le seuil de la porte, salua timidement la professeure et se dépêcha d'aller au fond ; c'était son lieu sacré. Elle y était bien cachée, et puis, peut être qu'Alexei serait au fond aussi. Elle avait bien apprécié sa compagnie la dernière fois, et c'était une des rares fois où elle n'avait pas sommeillé en classe, par ailleurs. Une fois sa précieuse place repérée, vide, heureusement (c'est bien pour cela qu'elle se dépêchait d'entrer en cours), la petite Greenleaf s'y assied et sortit de sa sacoche maltraitée - son chat l'avait quelque peu retouchée, et Lumah avait dû broder des jolis motifs pour raccommoder l'ensemble - parchemin, encre, plume et manuel. Qui sait, peut être écrirait-elle dans son sommeil ?

Le cours commençait déjà. Tous les élèves y étaient attentifs, sauf quelques bavards et autres perturbateurs. Lumah se surprit à rester éveillée, pour sa part. Elle se saisit donc de sa plume, profitant de cette occasion pour rédiger ce que Miss Montmort écrivait au tableau ainsi que des petites notes dont elle devait se souvenir. Elle pensa soudainement à un aigle. Oui, elle s'imaginait les scènes décrites, elle imaginait un chat ; tout en écrivant aléatoirement, elle déroulait dans son esprit les paysages, un à un, et leurs habitants. Des petites souris... Oui, des petites souris.
Quand Lumah jeta un oeil à sa copie, elle ne put retenir un regard suspicieux. Mais comment diantre en était-elle arrivée à faire de sa copie de l'art contemporain ?

Lumah restait déconcertée devant sa copie ; étrangement, contrairement à ce que tout élève endormi aurait fait, son écriture ne penchait pas. Non, elle était droite, au contraire. Et même plus, elle était droite et son écriture ne changeait pas de taille. Néanmoins, et de manière totalement intrigante, elle avait commencé et terminé ses lignes avec une marge plus ou moins grande, laissant place à quelques fantaisies et sauts de lignes par-ci par là.
D'un certain côté, son "travail" dégageait une certaine fibre artistique, cela allait sans dire ; drôle d'hasard, comme presque à chaque fois.

Cela avait déjà dû lui arriver. Comme si le fait d'avoir répété ce genre de choses avait réveillé un souvenir, elle se rappelait, qu'étant enfant, elle avait tenté d'écrire une histoire, et, en s'assoupissant sur son travail, ses lignes avaient comme mécaniquement contourné sa manches et formé une vague, comme une gros retrait. Mais éveillée, elle avait essayé à nouveau et avait trouvé que cela n'avait pas rendu la même impression, pas ce sentiment de réaliste, d'instantané. Pas autant de magie.
Oui, c'est cela ; de la magie. A l'instant, elle pensait à de la sorcellerie. C'était ce mot même qui lui traversait l'esprit en contemplant chaque mystérieux retrait, qui, cette fois-ci, n'était pas dû à un contournement de manche.

Intérieurement, Lumah se félicitait d'avoir à nouveau décroché l'esprit du cours. Elle qui était si bien partie, c'était raté. Voilà qu'elle tentait d'élucider le mystère de cette forme sur son bout de parchemin. Pour une fois, une seule fois, qu'elle avait maintenu tout son système cérébral allumé dans ce cours, et dès le départ, pour une fois qu'elle avait en plus réussi à noter quelque chose : une véritable prouesse, c'était peu dire : une Lumah productive en Histoire de la Magie ! Voilà qu'elle dérivait vers d'autres horizons pour une raison futile ; de simples vagues sur sa feuille.

Lumah était si prise par ce simple dessin sur son parchemin qu'elle n'avait presque pas remarqué, qu'à côté d'elle, Alexei venait de la saluer. Déjà, elle ne l'avait même pas remarqué tout court, et elle s'en voulu pour cela. Elle avait pourtant pensé à lui en début de cours ! Elle se tourna légèrement vers le garçon, après avoir lancé vers Miss Montmort un regard furtif, et lui sourit.

« Oh, coucou Alexei ! »

Le garçon ne semblait étrangement pas être attentif. Lumah en fut étonnée ; lui qui d'habitude ne ratait pas une miette du cours, surtout en histoire de la Magie, où il semblait être intéressé. La petite blondinette se posa plein de questions un instant, mais se dit qu'il n'y avait sûrement pas lieu de s'inquiéter en cet instant précis. D'une, elle ne voulait pas interpeller la professeure, mais aussi, Alexei n'avait peut-être pas envie d'en parler, ou pas maintenant. Ou alors il était simplement fatigué.

Au contraire, Alexei s'était penché pour voir son drôle de texte - c'était le seul mot qu'elle avait pour le définir -, et il en semblait même impressionné. Cela flatta Lumah, même si elle n'était pas bien sûre de ce qu'elle avançait. Jusqu'à ce qu'il dise, toujours dans un murmure pour éviter d'éveiller l'attention de Miss Montmort, qu'il aimait bien l'idée. Par contre, à sa question "Comment tu as eu l'idée", elle resta comme une souche, interdite. Elle avait fort envie de lui répondre qu'elle n'en savait fichtrement rien. Puisque c'était le cas.

« Oh, merci ! Ben... je ne sais pas trop non plus », avoua-t-elle. « Je sais que ça peut paraître bizarre, mais j'ai fait ça inconsciemment... Je sais même pas si je pourrai le refaire. »

Lumah porta un regard, à nouveau sur son parchemin. Elle ne l'avait pas remarqué avant, mais l'ensemble formait, à bien y regarder, des animaux.
Alexei semblait si tenter d'essayer que Lumah commença réellement à se creuser la tête afin de savoir le pourquoi du comment ; mais rien ne lui venait.

« Pour les mots, je pense que j'ai juste laissé plus d'espace à des endroits... Sinon j'ai fait un tiret pour continuer le mot sur l'autre ligne... », observa-t-elle.

Lumah se torturait l'esprit pour savoir comment elle avait réussi à en arriver à ce résultat. Puis, finalement, après avoir assez martyrisé son pauvre cerveau, elle prit une nouvelle feuille de parchemin et trempa sa plume dans son encre pour tenter à nouveau.
Alexei, lui, semblait plus qu'embêté ; mais contrairement à ce qu'il pensait, Lumah n'était absolument plus le moins du monde intéressée par le cours. C'était idiot et elle s'en voudrait mais il était trop tard, elle était inspirée.

« Ah, absolument pas ! J'avais déjà décroché. », dit-elle avant de se modiller la lèvre inférieure ; elle espérait qu'il ne croirait pas qu'elle n'aimait pas ce cours. « Tu voudrais essayer, dis ? On se fait un challenge, celui qui arrive à faire le plus bel animal en recopiant le cours ! Si tu veux, bien sûr. »