- Un jour, vous trouverez la force de vous battre davantage encore, pour aider d’autres personnes différentes.

L’enfant continuait à regarder son professeur droit dans les yeux. Une lueur presque imperceptible brilla dans le fond de sa pupille. Quelque chose avait retenti en lui, tel un léger écho à ces mots pudiques, s’insinuant doucement dans son esprit, comme on ouvre une porte avec délicatesse pour ne pas faire de bruit. Toujours adossé au mur, ses points se desserrèrent, chacun des membres de son corps se décontractèrent un à un.
Pourtant, il chercha dans le regard de son professeur la moindre oscillation qui révèlerait une contradiction avec ses paroles. Joanne avait touché sa corde sensible d’empathe en suggérant qu’il pourrait venir en aide à d’autres comme lui souffrant de différences. Mais une forme de méfiance perdurait dans le coeur du jeune Gryffon. La déception et la colère qui l’avaient envahi ce soir ne se laisseraient guère déloger aussi facilement.

- Vous êtes gentille avec moi. Mais quand on est pas dddddifférent, on ne peut pas savoir ce que c’est.

L’Écossais se releva, essuya un peu son pantalon et tira sur les plis de sa robe de sorcier. Puis il caressa son poing, dont il avait oublié la douleur.

- C’est vrai, vous êtes hyper jjjjolie et vous n’avez rien qui fait qu’on se moque de vous Professeur Taylor.

L’enfant avait figé ses yeux dans ceux de l’enseignante. Il n’y avait pas une once d’hésitation dans son regard, comme si les propos de Joanne avaient trouvé en quelque sorte un écho, une corde sensible vibrant sous les paroles rassurantes de l’adulte. Joanne n’en était pas vraiment certaine mais elle espérait, au plus profond d’elle-même, que le jeune Gryffondor la comprenne. Mais qu’elle ne fut pas sa surprise de prendre une douche froide par les mots du petit sorcier. Il ne comprenait donc pas que la différence pouvait être ailleurs ? Qu’il suffisait de ne pas rentrer dans des cases pour être montré du doigt ?

« Quel dommage » soupira-t-elle à mi-voix. Elle se détournait à présent du jeune sorcier. « Si vous pensez que la différence porte uniquement sur le physique d’une personne, j’ai peur pour votre avenir vous savez ». Le ton était glacial et tranchant, bien loin de celui, plus gentil, qu’elle avait arboré quelques instants plutôt. « Si c’est ce que vous pensez, alors vous n’êtes guère différent des garçons qui vous ont malmené ». Elle savait que ses paroles pouvaient faire mal, elle espérait surtout une prise de conscience de la part du petit sorcier. Peut-être s’était-elle trompée sur son compte ? Impossible, il lui semblait percevoir une douleur lorsqu’elle figeait ses yeux dans ses prunelles. Peut-être allait-elle trop loin ?

Gabryel posa à nouveau un regard profond sur le professeur Taylor. Il l’observa dans les yeux plusieurs secondes sans prononcer la moindre parole. Il semblait comme la scanner d’un air songeur.

- Vous avez souffert vvvvvous aussi... Je le sens bien, même si je ne sais pas pourquoi.

Il avait lâché ses paroles sans aucune prétention ou jugement. Elles s’étaient écoulées de ses lèvres naturellement, avec une certaine innocence mais détermination. Il finit par rougir.

- Pardon, jjjje n’avais pas à me mêler de ce qui ne me concerne pas professeur...

L’enfant songea aux deux élèves qui avaient cherché à l’humilier dans le couloir. Tout ce qu’ils percevaient de lui était son bégaiement ainsi que sa timidité, alors que ses deux serpys semblaient si sûrs d’eux. Cela les troublait certainement, plus que de les amuser.

- Madame, ces garçons ne savent rien de mmmmoi. Vous pensez que je les effraie ? Je vvveux dire, mon... bégaiement... Depuis que je suis petit, les autres enfants pensent que je suis un débile et se moquent sans me connaître.

Gabryel s’adossa au mur et se laissa à nouveau glisser au sol, assis les genoux pliés. La nuit s’étendait au delà de la fenêtre qui lui faisait face.

- Souvent, on a d’abord ppppeur de ce qu’on ne connaît pas. Et ici, c’est la ppppremière fois que l’on me tourmente pour ça.

Il rassemblait ses pensées avec difficulté, d’un air grave. Il tentait de trouver les mots justes.

- Je veux dire, tout le monde a une pppparticularité ici. Alors finalement, je ne sors pas trop du lot...

Il leva à nouveau la tête vers Joanne. Il s’exprima du bout des lèvres.

- Et vous Miss, pourquoi vous sentez-vous rejetée ?

Les mots pouvaient être des lames tranchantes qui transpercent de part en part une âme et un corps déjà meurtri. Elle le savait mais pourtant elle avait dit les mots supposés le blesser sans l’ombre d’un remord. Après tout, s’il était assez naïf pour penser qu’un physique pouvait résoudre le problème, il était bien loin du compte. Pourtant, il semblait se reprendre, indiquant même à l’enseignante qu’elle aussi elle avait souffert. Elle sourit doucement, elle n’avait rien à répondre à cela, elle ne comptait pas se confier sur son passif à ce jeune élève.

Et comme s’il avait deviné ses pensées, il s’excusa immédiatement de se mêler des affaires qui ne le concernaient pas. Une fois encore, Joanne garda le silence. Elle écouta les propos de l’élève, avec ce mal-être qui semblait transparaître de chacun de ses propos. Joanne haussa doucement les épaules : parfois, il n’y avait pas d’autres excuses que la bêtise humaine, cette connerie profondément ancré dans les gênes n’avaient guère besoin de raison pour sortir et se répandre partout où elle le pouvait. Engluant celles et ceux qui, malheureusement, y accordaient de l’importance.

Regardant le garçon qui s’était à nouveau assis contre le mur, Joanne soupira doucement. « Malheureusement et c’est souvent le cas, il n’y a pas d’explication autre qu’une profonde bêtise humaine ». Un fin sourire prit place sur son visage alors qu’elle indiqua « Vous savez, sorcier ou moldu, rien ne nous diffère dans la bêtise humaine qui court dans nos gênes, et cela, on ne pourra rien y changer ». Quant à la question qu’il lui avait posé, Joanne préférait l’éluder, il ne servait à rien de faire courir le bruit de son passé dans l’école.

Elle ne répondit pas directement à sa question. Et pourtant, d’une certaine façon, c’est ce que Miss Taylor venait de faire. La bêtise, nature profonde de certaines personnes ? L’enfant comprenait, mais ne parvenait pas à s’y résigner.

- La peur, c’est ça je pppppense qui les rend si stupides parfois. Parce que moi, je suis persuadé qu’on peut changer. On peut choisir de ne pas sssssubir ses peurs. On est qui on veut être.

Il avait prononcé ces mots avec la conviction d’un enfant, celle qu’on perd quand on devient adulte, en même temps que ses rêves.

- Moi, quand je serai ggggrand, je laisserai toujours une chance aux gens qui me blessent. Et même ces deux gars, je ne leur en veux pppplus. Je ne veux ppppas simplement me dire « ils sont stupides ». Je suis plus fort que ça.

L’enfant se releva. Il fixait toujours le professeur. Ses yeux étaient secs maintenant, et sa colère venait de retomber. Son coeur s’était à nouveau emplit d’optimisme.

- Merci Madame (en français). Merci de m’avoir écouté et rrrréconforté. Vous êtes un bon professeur. Je vais retourner au dortoir maintenant. (un sourire mutin aux lèvres) Si Rusard nous tttttrouve ici, on sera punis tous les deux.

Gabryel prit la direction de sa salle commune. Il se retourna une dernière fois vers l’adulte.

- La génétique n’a rien à vvvvoir avec qui on est. L’important, c’est ce qu’on veut devenir. Et vous êtes quelqun de bien Miss. Bonne nuit !

Il reprit sa route et disparut à l’angle du couloir.

Fin pour moi. Merci beaucoup pour ce RP, très agréable à partager !