Cours de Métamorphose, cinquième année.

    Elle s'assit lourdement à côté de Stolas, profitant de lui avoir demandé quelques minutes avant alors qu'ils sortaient d'un autre cours de s'asseoir avec elle pour avoir enfin une discussion qu'elle devait avoir avec lui. Depuis la veille seulement, mais normalement, elle n'aurait pas hésité à lui en toucher deux mots avant d'aller dans la grande salle pour manger, mais elle n'avait pas eu le temps. Alors elle profitait d’être dans un des cours qu'elle maîtrisait très bien, et où il s'en sortait de la même façon, pour avoir cette discussion qu'elle voulait tant avoir. 

    La jeune fille de bientôt seize ans entortilla un de ses mèches rousses pour ensuite poser son regard sur le jeune homme à ses côtés alors que la voix du professeur se faisait entendre dans la salle, annonçant les particularités du cours d'aujourd'hui. Elle repensa à la journée de la veille. Elle avait surprit Herschel faisant ses devoirs pendant le temps où ils devaient se rencontrer pour parler de leur semaine. En soit, Herschel faisait ses devoirs à peu-près tout le temps, ou prenait des notes sur les bouquins qu'il lisait alors ce n'était pas ce qui l'avait dérangé. Non, pas du tout, elle était même très fière qu'il travail si dur et que ses heures payent de belles notes flamboyantes sur ses bulletins, ce qui l'avait dérangé était la façon étrange dont était plié son poignet. Il n'écrivait jamais en penchant sa feuille, il la laissait toujours droite et écrivait avec le petit doigt replié sur tous les autres pour avoir une écriture simple, droite et belle. Hors, quand elle l'avait vu, il avait la feuille penchée vers la droite et il écrivait en mettant ses doigts étrangement sur son crayon, alors elle lui avait demandé ce qu'il faisait, et sa réponse l'avait assise pour quelques secondes "J'écris comme Azaël, c'est son devoir."

    Elle ne connaissait qu'un seul Azaël, et c'était le frère de son copain. Il n'était pas vraiment sage comme une image, on entendait facilement parler de lui, de ses bagarres surtout. Elle avait alors demandé à Herschel quelques autres petites choses et elle en avait été révoltée. Elle lui avait hurlé à la figure que ce n'était pas un esclave et qu’être trop gentil lui jouait des tours. Sauf que Herschel n'avait fait que lui dire que c'était de sa faute. Il ne comprenait pas le fait que, non, pousser quelqu'un c'était pas un motif suffisant pour accepter de faire les devoirs de l'autre pour le restant de l'année. Elle avait donc décidé d'en parler à Stolas, espérant que lui pourrait faire quelque chose pour son frère. 

    Elle enroula ses doigts autour du bras de son copain avant de poser son menton sur son autre main pour attirer son attention. 
    -Stolas. Mon petit frère à un problème avec le tien, je crois qu'il se fait racketter. 

Stolas aime Poudlard. De tout son être. Le château est l'endroit dans lequel il se sent le plus à l'aise, bien plus que chez lui, malgré les éloges constantes de ses parents. Ici, il est devenu celui qu'il voulait réellement être, il s'est affirmé, il s'est fait un nombre incalculable d'amis, et il a même trouvé une petite amie qui, à ses yeux, est parfaite. Oui, Stolas est heureux à Poudlard. Seule ombre au tableau : sa relation avec son petit frère, Azaël, ne fait qu'empirer de jour en jour. Lorsqu'il n'était pas à l'école de magie, ce n'était pas parfait, et même très conflictuel. Mais pas à ce point. Le Serpentard ne peut plus adresser le moindre mot à son petit frère sans que ce dernier ne pique une crise de façon totalement hystérique. C'est comme s'il refusait totalement son existence.

Et si Stolas garde le sourire et sa bonne humeur habituelle, il n'en est pas moins profondément blessé au fond de lui. Il aime réellement Azaël, et il sait que son petit frère a énormément de mal à communiquer avec les autres. Il voudrait l'aider, être là pour l'épauler, le voir s'épanouir, enfin, loin du carcan familial dans lequel ils grandissent tous les deux. Il espérait que Poudlard soit pour son petit frère un nouveau départ, comme ça l'a été pour lui. Mais c'est tout l'inverse qu'il s'est produit. Il se renferme de plus en plus, son nom ne ressort que dans les bagarres, il fugue lors de ses retours à la maison durant les vacances... Stolas ne sait pas comment faire pour casser ce cercle vicieux dans lequel Azaël semble s'enfoncer. Un cercle dans lequel il refuse toute aide, toute main tendue, tout rapport aux autres.

Mais Stolas ne laisse jamais rien paraître. Il a tout pour être heureux, aussi fait-il en sorte de l'être quand il est avec les autres. C'est à dire tout le temps. Arrivé en cours de métamorphose, il réserve une place pour Angie qui lui a demandé à être à côté de lui. Habituellement, il passe les cours avec ses amis plus qu'avec elle, préférant des instants plus privés lorsqu'ils se retrouvent. Et lorsque le cours démarre, et qu'elle lâche directement ce pour quoi elle est venue s'asseoir à ses côtés, ses yeux s'écarquillent de stupeur. Azaël racketterait Herschel ? Est-ce vraiment possible ? Venant du gamin, plus rien ne l'étonne, mais tout de même...

- Tu es sûre ? Racketter comment ?

Azaël n'a jamais eu besoin d'argent. Et s'il en voulait, il le volerait probablement à quelqu'un qui n'est pas fils de fermier... Qu'est-ce qui a encore bien pu passer par la tête de ce gosse ?

    Stolas était... Elle n'avait pas de mots pour le décrire. Pas parfait aux yeux des autres bien sûr parce que personne ne l'était, mais à ses yeux à elle c'était presque ça. Elle aimait sa façon d'être et passer du temps avec lui était une activité qu'elle pouvait faire des heures, simplement parce que la présence du garçon l'apaisait et lui faisait plaisir. Et c'était bien pour lui qu'elle n'avait pas été à la rencontre d'Azaël pour lui mettre sa main dans la tronche pour avoir osé abuser de la gentillesse de son petit frère. Sa petite lumière. Au final, elle avait toujours été plus proche de lui que de ses autres frères et sœurs et ce sentiment s'était accentué depuis qu'il était à Poudlard lui aussi. Elle savait que sa mère avait un peu de mal avec la magie alors inconsciemment elle s'était portée garante de la sécurité de son petit frère, lui évitant de comprendre le malaise de leur mère et les coups bas des autres mais, bien sûr, elle ne pouvait pas tout empêcher. Herschel était gentil, beaucoup trop et elle ne parvenait jamais à l'empêcher de se donner trop à cœur dans quelque chose. Il avait toujours eu peur de ne pas faire les choses assez bien et de faire du mal aux autres. Elle ne savait pas pourquoi, peut-être simplement parce qu'il était comme ça.

    Quoi qu'il en soit, elle ne pouvait pas laisser son frère faire les devoirs de quelqu'un qu'il prenait pour son ami mais dont les sentiments n'étaient pas rendus, que cette personne soit liée à Stolas ou pas. Elle n'était simplement pas allée lui ravaler la façade et c'était déjà beaucoup pour elle. Elle ne savait pas si Stolas lui en aurait voulu mais elle se doutait qu'il tenait à son frère, alors elle n'avait pas voulu faire l'expérience.

    Elle glissa son pouce entre ses deux rangées de dents et mordillât la peau blanche de son doigt avant de baisser les yeux. 

   -J'en sais trop rien. J'ai rejoint Hersch hier pour notre rendez-vous. Il faisait ses devoirs. Elle ria. Fin', il fait tout le temps ses devoirs donc c'est pas ça qui m'a dérangé mais tu vois il se forçait à faire une écriture qui est pas là sienne. Quand je lui ai demandé pourquoi, il m'a dit que c'était parce que c'était pas son devoir mais celui d'Azaël. J'ai pas tort bien compris mais je crois qu'il fait sa pour se faire pardonner d'avoir poussé ton frère mais.... Il est tellement serviable et naïf, ce ne serait pas la première fois que les gens abusent de ça et je m'inquiète. Il comprend jamais que les gens ne l'apprécient pas mais ne font que l'utiliser et j'ai peur que ce soit pas la première fois qu'il fasse ses devoirs à ton frère. Tu vois ? 

Ecoutant les explications de sa petite amie avec attention, Stolas ne put s'empêcher de lui prendre doucement la main qu'elle avait posé sur son bras, pour y dessiner inconsciemment quelques tendres cercles du bout du pouce. Il intégra petit à petit les informations qu'elle lui avait apporté, essayant d'y trouver quelques indices pouvant expliquer pourquoi Azaël ne faisait pas lui-même ses devoirs. Il avait pourtant toujours eu des facilités, même son précepteur à la maison le disait. Il était fait du même bois que Stolas, se contentant simplement d'appliquer les choses différemment. Pourquoi aurait-il demandé au petit frère d'Angélique de faire ses devoirs alors même qu'il peut se débrouiller seul avec ?

- C'est bizarre. Azaël n'a jamais eu la moindre difficulté scolaire.

Le comportement, c'était autre chose. Et puis, cette histoire comme quoi Herschel aurait poussé Azaël... Stolas avait déjà croisé le petit frère d'Angélique. Il s'était même demandé si c'était un garçon ou une fille, un bref instant. Si encore c'était Azaël qui l'avait poussé... Il aurait compris. Mais là, rien de tout ça ne fit sens à ses yeux. Non pas qu'il voulut remettre en question les propos de sa petite amie, loin de là. Il savait bien qu'elle n'avait rien à gagner à inventer une telle histoire. Non, il voudrait simplement être sûr d'avoir tous les tenants et les aboutissants avant d'intervenir. Parce qu'il savait pertinemment que toute intervention de sa part se solderait par une confrontation directe avec un Azaël hors de lui. Et ce n'était jamais une bonne chose.

- Ton frère aurait poussé le mien et voudrait se faire pardonner ? C'est quand même étrange, non ? Il ne t'a rien dit de plus ?

Stolas retint un soupir. Il avait l'impression d'avoir toujours tout un tas de choses à régler. Evidemment, le plus simple en apprenant une telle chose serait d'en parler à leurs parents. Mais il savait bien qu'Azaël voudrait les rendre fier sans y parvenir. Il ne se voyait donc pas le rabaisser une nouvelle fois face à eux, sans avoir essayé d'intervenir lui même auparavant. Même s'il savait pertinemment que le gamin ne serait pas plus ouvert au dialogue que d'habitude. Il se devait d'essayer. Il ne parvenait pas à se défaire de cette idée qu'un jour, peut-être, Azaël comprendrait qu'il n'était pas là pour lui nuire, mais bien au contraire pour l'aider. C'est simplement que, pour cela, il faudrait que le gamin le laisse aligner deux mots sans essayer de l'attaquer.