Les vacances de Noël étaient passées et la rentrée se profilait à Poudlard. Joanne continuait son chemin de vie loin de la famille Taylor quand bien même il lui était difficile de savoir que son père respirait le même air qu’elle. Un jour, elle obtiendrait vengeance, elle le savait. Mais pour l’instant, elle devait prendre son mal en patience et surtout, s’atteler du mieux possible à défendre Poudlard et les élèves qui composaient l’école. Après tout, elle n’avait plus que l’école à laquelle se raccrocher. Sorte de vestige qui la rattachait – un peu – au monde des vivants.

Plus encore, lorsque la jeune femme avait appris le nom de son nouveau collègue, elle n’avait eu de cesse de se demander où elle l’avait déjà entendu, cherchant au fond de sa mémoire la personne qu’elle connaissait qui portait le même nom que le nouveau professeur de métamorphose. Puis, quand elle avait enfin trouvé d’où elle le tenait – de son passif à la Citadelle – elle s’était mise en quête de confirmer ou d’infirmer l’information auprès du premier concerné : le nouvel enseignant.

C’est donc armer de tout son courage qu’elle avait arpenté les couloirs de l’école, ceux qui contenaient autant de rumeurs que de vérités. Elle avait frôlé les pierres du château, laissant sa longue cape noir traînée sur le sol, un bruit doucereux s’extirpant à chacun de ses pas. Quand elle fut arrivée devant la salle de classe, elle hésita un instant : qui était-elle après tout pour venir interroger ainsi le nouvel enseignant ? Que cherchait-elle au fond de cette rencontre ? Elle n’en savait rien mais c’était plus fort qu’elle, il fallait qu’elle soit là, elle en était certaine.

Frappant quelques coups rapides sur la porte, la jeune femme se raidit, laissant ses pensées s’emmêler au gré de l’attente qui devenait de plus en plus lourde. Et si ce n’était pas lui ? Après tout, il n’y avait sans doute pas qu’un seul sorcier avec ce nom et plus l’attente passait, plus Joanne doutait du fait que Kristen engage à nouveau un sorcier issu de la Citadelle.


@Aydan Lynch

Le repas était terminé, Aydan avait encore quelques petites choses à faire dans sa salle avant d'aller se coucher. Cette fois il avait fermé la porte de sa salle, non pas que le passage du jeune Blaze lui ait déplu mais il préférait ne pas être surpris dans son dos une nouvelle fois. Ses affaires étaient toutes rangées, il pouvait s'installer à son bureau, comme pour s'habituer un instant à la vue qu'il aurait jusqu'en Juin et les années suivantes, il regarda quelques instants sa classe. Demain toutes les places devant lui seraient occupées par des élèves avides de savoir. Enfin c'est ce qu'il espérait trouver en face de lui. Que sa présence ici ne soit pas une perte de temps, il lui tenait à cœur de passionner les étudiants comme lui l'avait été. Il passa en revue le programme entamé par les différentes classes afin de savoir où ils en étaient et ce qu'il apprendrait ensuite.

Alors en pleine lecture et préparation de son prochain cours il fut à nouveau interrompu. Il regarda l'heure, ça ne pouvait être un élève, le couvre-feu était passé, de quelques minutes seulement mais tout de même il doutait qu'un élève ose le dépasser et vienne se manifester auprès de lui. La porte ne s'ouvrait pas, la politesse était plus grande que chez le jeune Serdaigle. Aydan se leva et prit la direction de la porte afin de découvrir qui se tenait derrière elle. Il ouvrit et reconnut sa collègue professeure d'étude des runes, Joanne Taylor.

"-Miss? Bonsoir. Qu'est ce qui me vaut votre visite à cette heure?"

Le regard suspect, l’enseignante pénétra dans la salle de son collègue. Pas forcément différente de celles de rune, peut-être plus tourné vers la pratique que la sienne ? Elle était en tout cas beaucoup plus peuplée que la salle d’études des runes – quand bien même ce n’était pas vraiment difficile – la salle disposant çà et là de cage emplies d’animaux aussi divers que variés. Ne prenant guère le temps de la convenance ou de la connaissance, le professeur de métamorphose s’enquit rapidement de la raison d’une visite – sans doute un peu tardive – de sa collègue.

« Eh bien, cela vous semblera sans doute un peu étrange mais je venais voir de mes propres yeux qui était ce Mister Lynch, nouvellement arrivé en nos murs ». La voix trahissait quelque peu l’amertume qui gouvernait la trentenaire. « Et confirmer, ou infirmer, si c’était une ancienne connaissance d’un ancien temps, aujourd’hui révolu ». Le regard azur scrutait le visage du dénommé Lynch, cherchant à y reconnaître les traits de cette connaissance rencontrée à la Citadelle. L’enseignante n’était pas forcément physionomiste, ce qui ne l’aidait pas dans cette tâche ardue qu’est la reconnaissance faciale.

Tandis que la trentenaire était toute à l’observation de ce visage qu’elle n’arrivait pas à reconnaitre – ses souvenirs étaient peut-être trop lointains ou sa mémoire avait peut-être choisi d’effacer quelques bribes qu’elle n’estimait pas nécessaire – un éclair de respect refit surface et elle dériva ses yeux ailleurs, les portant sur les animaux qui, eux, ne le prendrait sans doute pas mal si elle les fusillait du regard.

Aydan s'écarta de l'encadrement de la porte tout en posant sa question pour laisser entrer sa collègue qui ne se fit pas prier. Et il referma la porte derrière son passage alors qu'elle observait la salle. Le ton dans la réponse de la brune ne laisser pas penser un seul instant que cette visite n'était que simple courtoisie et la suite confirma cette sensation. Non elle ne venait pas juste faire connaissance, Aydan ou alors son nom de famille simplement lui rappelait vraisemblablement quelque chose. Il observa la femme qui se tenait face à lui et qui détournait à présent le regard après l'avoir fixé. Son nom à elle ne lui disait rien et sa tête non plus, il n'avait jamais vu cette femme ou alors n'en avait aucun souvenir. Avec tous ses voyages il avait rencontré beaucoup de personnes et n'avaient pas la prétention de se rappeler de toutes.

"-Un temps révolu? Aydan se demandait où elle voulait en venir. Je dois admettre que ni vous ni votre nom ne me parle. Il va me falloir plus de détails sur ce qui pourrait nous lier ou l'endroit où nous aurions pu nous rencontrer. Mais Lynch est un nom assez commun par chez moi.

Il est vrai qu'en Irlande, et même ailleurs dans le royaume, Lynch était est un nom très commun. Il était probable qu'elle en ait rencontré d'autres qui ne soient pas liés à lui.

Il était clair – comme le nez au milieu de la figure – que le professeur de métamorphose ne connaissait pas Joanne, ni par son physique, ni par son nom. Elle laissa un soupir s’extirper. Kristen n’avait pas recruté un nouvel enseignant ayant travaillé à la Citadelle. Il fallait dire que lorsque le nom de Lynch avait été évoqué, le sang de la jeune femme n’avait fait qu’un tour. Mais elle s’était visiblement trompée, alors elle laissa rapidement tomber cette façade quelque peu austère qu’elle avait arboré depuis qu’elle était entrée dans la salle de métamorphose.

Loin de se détendre tout de même, elle répondit doucement « Pour être honnête avec vous, j’ai travaillé à la Citadelle ». Elle se délestait allègrement de ce premier secret – qui n’en était plus vraiment un après le bal d’halloween de toute façon. « Et il y avait un Lynch là-bas ». Elle ne savait guère si elle devait en dire davantage ou non. Après tout, si ce n’était pas lui, était-il important de continuer la discussion plus en avant ? S’il s’agissait de ce lointain collègue, alors elle l’aurait mis en garde : on ne touche pas à Poudlard ou à ses élèves. Là, elle s’adoucissait. Comme le linge moldu dans leurs machines infernales.

Penchant sa tête vers une cage où se trouvait un oiseau piaffant tout son pauvre bonheur d’être enfermé, l’enseignante de rune évitait ainsi soigneusement le regard de son collègue. Elle poursuivi « Il faut croire que ce n’était pas vous » se retournant ensuite vers lui avec un sourire doux sur le visage. Elle avait été prête à accuser un homme qui n’avait absolument rien à voir avec la Citadelle. Il était plus que temps qu’elle se repose, sinon, elle allait finir par devenir folle. Toute cette agitation, cette pression subie, peut-être n’était-elle pas faite pour ça au final ? Peut-être que son père avait raison, peut-être n’était-elle qu’une bonne à rien destinée à faire semblant. Rien de plus.

Joanne semblait légèrement moins crispée en face d'Aydan. Le fait qu'il ne soit pas le Lynch qu'elle devait connaître la soulageait visiblement. Mais elle passa alors aux aveux de ce qui l'avait conduit à venir l’interroger, la Citadelle? Un Lynch? Aydan fit un lien express, ça ne pouvait être un hasard. Un Lynch aux idéaux semblables à ceux rependus là-bas il en connaissait un bien sûr, très proche de lui. Trop proche même, il avait abandonné toute envie d'être lié à lui. Rien que d'y penser, de l'imaginer se pavaner dans la Citadelle. Aydan n'avait que de la suspicion quant aux agissements de son frèrre, mais les doutes n'apparaissaient pas pour rien. Si vraiment c'était lui que Joanne avait rencontré, cela confirmerait bien des choses.

"-Nolan..."

Il avait lâché le nom de son frère comme un crachat qui survient après une gorgée d'un whisky pur feu de mauvaise qualité. Il aperçut une mèche de cheveux grise lui tomber devant les yeux, la colère de repenser à ce frère obscur lui faisait perdre le contrôle sur son don. Un court instant, juste le temps d'en prendre conscience et de se calmer pour faire disparaître cette tinte. Mais en face de lui Joanne s'était retournée au même instant. Elle avait vu, c'était évident. 37 ans à conserver son secret et la simple évocation de son frère avait suffi à le trahir face à une inconnue. Il reprit, avant même de lui laisser le temps de réagir ou de faire une remarque, que ce soit sur ce qu'elle venait sûrement de voir ou sur le prénom qu'elle venait d'entendre.

"-C'est ça qui est d'un temps révolu? Votre allégeance à la Citadelle. A Ursula Parkinson et ses idées arriérées."

Nolan. Était-ce un prénom qui trouvait une résonance particulière dans les souvenirs de la jeune femme ? Elle n’en était pas certaine et se garderait bien de le dire, son attention étant toute accaparée à cette mèche de cheveux qu’elle avait aperçu, qu’elle pensait avoir vu, changeant de couleur. C’était impossible, elle avait du rêver. Secouant sa tête de droite à gauche, elle préféra ne pas en faire de cas et continuer la conversation avec son collègue de métamorphose. De toute façon, le dit collègue était en train de lui poser des questions sur ce temps qu’elle indiquait révolu, avec un ton qui ne laissait que peu de place au doute quant à la sympathie que la Citadelle lui inspirait.

« Il arrive parfois qu’on ne puisse pas choisir ». La voix de Joanne était blanche. Elle n’appréciait pas le jugement qu’elle sentait poindre dans les mots du barbu. Si elle était là, c’est parce que Kristen Loewy lui faisait confiance. Qui était-il, lui, tout juste arrivé, pour lui parler de la sorte ? Pour la prendre de haut ainsi ? Si elle avait la confiance de la Directrice de Poudlard, elle n’avait pas à se battre pour avoir celle de ses collègues. Elle savait ce qu’elle valait – ou plutôt, elle essayait de s’en convaincre depuis qu’elle était sortie du joug des Taylor. Elle tentait de se convaincre qu’Ursula Parkinson, malgré sa magnificence et son charisme, n’avait pas les bonnes idées pour la communauté sorcière.

« Qui êtes-vous pour me juger ainsi, Mister Lynch ? ». La mèche de cheveux changeant de couleur avait disparu de l’esprit de la jeune femme, simplement torturée par ce ton qu’elle pensait plein de reproches. Après tout, il ne la connaissait pas, il n’avait pas le droit de lui dire ça. Il n’avait pas le droit de la cataloguer de la sorte. Elle s’y refusait.

Il était au moins parvenu à orienter la discussion sur autre chose que ce qu'elle avait pu voir, mais maintenant il avait vexé sa collègue.

"-Loin de moi l'idée de vous juger. Si vous êtes en poste ici, c'est que vous avez sûrement dû... Enfin que vous êtes quelqu'un de sûr."

*Qu'elle a sûrement dû retrouver raison* était plus approprié mais beaucoup moins respectueux. Aydan n'avait pas envie d'avoir de mauvais rapports avec une de ses collègues dès son arrivée bien que ce soit déjà mal engagé. Il avait confiance en Kristen Loewy, si elle avait nommé Joanne c'est qu'on n'avait pas à avoir de doutes sur ses convictions.

"-C'est juste que la Citadelle ne m'inspire pas de bonnes choses. Forcément je ne suis pas très admiratif des gens qui en font partie. Mais comme vous dites, on ne peut pas toujours choisir."

Beaucoup de familles avaient des idées pré-conçues qu'ils inculquaient à leurs enfants par la suite. Enfants qui n'avaient d'autres choix que de suivre le chemin ainsi tracé même si il était mauvais. D'autres prenaient cette direction par eux-même, avec des relations de collèges notamment. Aydan scrutait la femme qui lui faisait face. À quels degrés pouvait-il lui faire confiance? Elle n'avait pas réagi à l'évocation du prénom de Nolan, peut-être que ce n'était pas lui mais l'irlandais venait de s'en persuader et il avait besoin d'extraire tout doute. La colère s'était calmée, il arrivait à contrôler ses émotions.

"-Nolan Lynch... C'est lui que vous avez rencontré à la Citadelle?"

La tension était montée d’un cran dans l’esprit de la jeune femme et l’ambiance de la conversation ne semblait pas vraiment s’améliorer. Pourtant, le professeur de métamorphose essayait de se montrer sous un meilleur jour en choisissant des mots plus … adaptés à la situation. Pourtant, au fur et à mesure des propos du barbu, la sorcière se détendait. Il semblait comprendre qu’il y avait des situations dans la vie où le choix ne se présentait pas. Ou c’était une option qui n’existait simplement pas. Et Joanne en avait fait les frais. Enfin, c’est ce qu’elle voulait croire. Car après tout, personne ne l’avait forcé à retourner voir Ursula Parkinson pour lui demander l’arrestation de son père. Non. Mais personne ne l’avait forcé non plus à admettre à la vérité à Kristen. Elle soupira face à sa propre ambivalence. Il valait mieux garder ça dans le coin fermé de son esprit, que ça ne sorte pas de ses pensées. Jamais.

Finalement, la conversation s’orienta sur autre chose que les choix de vie de la sorcière. Pour son plus grand plaisir et un peu d’étonnement à dire vrai, le professeur lui demanda s’il s’agissait d’un Nolan Lynch, qu’elle aurait pu rencontrer à la Citadelle. Son regard s’enfuit vers l’une des grandes fenêtres de la salle de classe, aucune lumière n’y passant actuellement, le ciel étant aussi sombre qu’une tâche d’encre sur un parchemin. Elle réfléchissait. Elle ne voulait pas dire de bêtise, faire croire à l’existence de quelqu’un qu’elle n’avait peut-être pas croisé. « Je vais être honnête, je n’en suis pas certaine. Je n’ai pas eu l’occasion de beaucoup lui parler. Après tout, je n’étais qu’une archiviste vous savez ». Était-ce une tentative de minimiser les choses ? Peut-être.

Quelques longues minutes de silence s’égrenèrent ainsi. La sorcière plongée dans ses pensées, à se demander si Nolan était le prénom associé au nom de Lynch qu’elle avait dans la tête. Elle cherchait à creuser ses souvenirs, à aller plus loin au travers de ceux-ci. Elle finit par admettre, à demi voix « Peut-être était-ce lui oui. Est-ce une de vos connaissances ? ». Il fallait qu’elle sache, pour savoir où se situer avec ce nouvel enseignant, quand bien même il avait montré une certaine véhémence à l’égard de la Citadelle.

Le prénom n'avait pas fait tilt dans la tête de sa collègue autant que son nom. Il était assez coutumier de s'appeler plutôt par son nom de famille que par son prénom dans ce genre de cercle, ce n'était donc pas surprenant que Nolan ne l'interpelle pas plus que ça. Aydan commença à marcher dans salle en pensant à tout ça, des années sans nouvelles de son frère, sans connaître ses agissements, sans être sûr de quoi que ce soit. Des noms connus comme étant proche de son cadet qui s'étaient retrouvés liés à des actes ignobles avaient suffit pour qu'Aydan fasse la conclusion qu'il en a fait. Son frère avait mal tourné, il n'était plus fréquentable. Il en était malade de penser ça sans être sûr mais Nolan avait tout fait pour accentuer cette impression en devenant un fantôme pour sa famille. Là il avait une chance de confirmer ses doutes, de ne plus avoir de regret de penser ça. Pour raviver la mémoire de Joanne il lui restait une solution, mais pouvait-il l'utiliser? Pouvait-il vraiment croire en sa collègue? Elle reprit la parole après un temps de silence, mais lui demeurait silencieux un temps supplémentaire. Pensif il hésitait encore, les yeux sur sa collègue, la jaugeant sans sévérité.

"-Joanne... jusqu'à quel point je peux vous faire confiance?"

Il soutenait son regard, pour lui faire comprendre qu'elle ne devait pas répondre à la légère. Savoir dans quel camp était vraiment son frère, du moins si il était dans le mauvais ou non était devenu primordial pour Aydan.