Tu n'aimes pas beaucoup les potions. Evidemment, tu t'y es un peu intéressé, au tout début d'année, quand tu voulais absolument être le meilleur dans tous les domaines pour que tes résultats rivalisent avec ceux de Stolas à ton âge. Mais tu as bien vite abandonné l'idée, comprenant que les matières pour lesquelles tu ne possédais aucune affinité ne risquait pas de donner des résultats mirobolants à la fin. C'est simple : quand quelque chose t'intéresse, tu es capable de t'impliquer à fond et de donner le meilleur de toi-même, dépassant tes limites encore et toujours, cherchant une évolution constante. Mais quand ça ne t'intéresse pas... Tu ne parviens tout simplement pas à te plonger dedans. Tu préfères rester en retrait, survolant les choses comme si elles n'avaient aucune importance. Et c'est exactement ainsi que tu réagis face aux cours de potions.

C'est une discipline qui demande bien trop de précision et de concentration à ton goût, et c'est là le problème. Car si la théorie de chaque matière a tendance à te barber, habituellement la pratique te donne un regain d'énergie. Surtout lorsque tu dois utiliser ta magie, apprendre à la contrôler, ne faire qu'un avec elle. Oh oui, ça, ça te plaît, même si c'est souvent exténuant. Mais en potions, il faut rester devant un chaudron à regarder de l'eau bouillir et en ajoutant des ingrédients au fur et à mesure. C'est simple, t'as l'impression de devoir suivre une recette de cuisine. Et si ça n'a rien de compliqué au premier coup d'oeil, c'est la chose la plus ennuyante qui soit à tes yeux. A la limite, tu trouverais ça bien plus amusant si tu pouvais ajouter n'importe quels ingrédients en n'importe quelles quantités juste pour voir ce que ça donne.

C'est donc le pas traînant que tu t'es rendu dans les cachots après ton petit déjeuner pour assister au premier cours de la journée, et sans doute le pire à tes yeux. Tu es bien évidemment très à l'heure, et tu salues la Professeur en entrant dans la salle avant de t'installer sur l'une des paillasses du fond, comme si aller te perdre là-bas pourrait donner moins de visibilité à l'indifférence totale que tu portes à cette matière. Car si tu ne le caches pas réellement, tu mets un point d'honneur à te faire bien voir des Professeurs de l'Académie. Il est hors de question que l'un ou l'une d'entre eux ait à se plaindre de ton comportement. Tu as déjà assez de mal comme ça à supporter toute forme d'autorité, tu ne vas pas en plus chercher les ennuis.

Une autre élève de ta maison prend place à côté de toi. Tu ne connais pas son nom, et tu n'as pas l'intention de lui demander. C'est comme ça avec toi, tu ignores totalement les autres enfants jusqu'à ce qu'ils décident eux-mêmes de ne pas en faire autant. Ou qu'une subite envie de te moquer d'eux te prenne. Et alors... ça passe ou ça casse. Paraît que la leçon du jour porte sur le Remède contre les Furoncles. Est-ce qu'on fait vraiment plus ennuyeux que ça ? Tu pousses un profond soupir, déjà dépité. En plus, la Professeur annonce qu'il vous faut travailler en binôme. Un regard en coin pour ta voisine de table. T'aurais vraiment mieux fait de rester coucher ce matin, le travail d'équipe c'est pas ton truc.

Mince la voilà en retard ! Enfin, pour Adulith qui est du genre à arriver dans les premiers en cours elle est en retard. Et elle déteste ça, entrer dans la salle déjà pleine d'élève, devoir se faufiler pour trouver une bonne place… Elle préfère avoir le temps de choisir sa place et regarder les élèves arriver, imaginant leur personnalité, ce qu'ils doivent penser et surtout ne pas être en plein milieu entourée de tout le monde… Et là bien sûr toutes les places devant vont être prises… Elle va devoir se mettre au fond, pas facile pour suivre, et puis, au fond souvent il y a ceux qui sont moins motivés par le cours…

Ça ne loupa pas. Il restait un place au milieu parmi deux filles qui gloussaient et deux garçons qui ricanaient en leur jetant des coups d’œil… Ou une place au fond, où se tenait déjà un garçon aux cheveux noir qui avait l'air d'être là contre son grès. Elle hésita un instant, au fond elle verrait moins bien et celui qui y est déjà a vraiment l'air d'être au fond par choix plus que par nécessité. Un nouveau gloussement qui s’éleva la fit se décider pour le garçon. Au moins il ne risquait pas de glousser… Elle se résigna donc et s'installa sur la place libre.

Adulith jeta un coup d’œil à son voisin pour le saluer, il était à Serdaigle lui aussi, mais ce dernier l'ignora complètement, il semblait plongé dans ses pensées qui n'avaient pas l'air d'être très positives. Bon de toute manière, elle n'était pas là pour discuter mais pour suivre le cours. Elle aimait bien les cours de Potion, c'était un moment de calme où il suffisait de bien suivre la recette avec méthode, sachant que la moindre erreur pouvait tout faire louper. C'était une discipline plus difficile que ce qu'on pensait, certains de ses camarades ne juraient que par les sorts, mais pour Adulith les cours Potion était tout aussi importants. De toute manière elle réussissait aussi dans les cours de Sortilèges et de Métamorphoses, pour elle, une sorcière accomplie devait se perfectionner dans toutes les matières. La seule qui la mettait en difficulté c'était les cours de vol… Si seulement elle pouvait progresser en vol...

Adulith interrompit le cours de ses pensées, la professeure avait commencé le cours, ils allaient étudier un Remède contre les Furoncles. Bon ce n'était pas très impressionnant comme potion mais Adulith resta positive, si leur professeure les faisait commencer par là, c'était pour une bonne raison. Elle s'appliqua donc à bien prendre des notes sur les explications et se tint prête. Elle était plutôt confiante jusqu'à ce que la professeure ajoute qu'il leur faudrait travailler en binôme. Bon, voilà qui rajoute une difficulté, sans avoir regardé son voisin elle supposa qu'il n'avait même pas pris de notes. Avec un peu de chance il serait plus efficace et motivé qu'il en avait l'air…

Adulith se tourna vers le garçon qui lui fit l'honneur d'un regard en coin qui ne brillait pas par sa motivation. Adulith était plutôt réservée pour parler la première aux personnes qu'elles ne connaissait pas, mais il lui sembla que dans la situation présente mieux valait prendre les devant, sinon ils n'auraient jamais fini la potion à temps. Elle décida de faire comme si son camarade avait été enthousiaste et lui sourit, elle ne put s'empêcher de prendre un ton entraînant pour essayer de contrebalancer ce regard plein d'ennui et le soupire qui l'avait précédé : "Bon, et bien c'est parti ! Tu veux commencer par quoi ? On va chercher les ingrédients ? Ou tu vas remplir le chaudron d'eau ? Il faut qu'on soit efficace si on veut réussir ! Ah au fait je m'appelle Adulith, et toi ?". Elle avait enchaîné ces phrases sans s'arrêter ; décidément, elle était plutôt maladroite quand elle n'était pas à l'aise… Il allait la prendre pour la folle des potions… Elle chassa cette idée de sa tête, ce n'était pas trop la question, pour le moment ils avaient un Remède contre les Furoncles à fabriquer !

Depuis le début du cours, tu n'as rien noté du tout sur ton parchemin, si ce n'est le titre de la potion du jour. Tu l'as même vachement bien écrit, de façon stylisée, tout en haut du parchemin, avec de jolies courbes. D'un autre côté, t'as eu le temps de le faire bien étant donné que tu n'a pas daigné prendre en note tout ce que la Professeur a dit. C'est parce que tu t'en fiches de noter les effets de la potion, son intitulé les donne bien. Et puis, les effets secondaires, tu t'en fiches aussi, c'est pas comme si t'avais l'intention de tester une potion préparée par tes soins, tu tiens à ta vie. Quant aux ingrédients nécessaires et la marche à suivre, tout est écrit dans le manuel. Pas besoin d'en ajouter davantage. Plus ça va, et plus t'es persuadé d'être là pour rien.

Et que dire de cette imbécilité qu''est le travail en équipe ? Tu ne la connais même pas ta voisine, tout ce que tu sais, c'est qu'elle est dans ta maison. Mais t'as pas envie de lui parler, tout comme tu n'as pas envie de travailler avec elle et que tu n'as pas envie d'être là. Oui, tu n'as envie de rien si ce n'est de te plaindre de cette matière que tu détestes. C'est fou à quel point tu peux être de mauvaise foi et de mauvaise volonté pour peur de ne pas faire ce que tu veux. Mais puisqu'il le faut, il le faut. Et c'est aussi ce que ta voisine doit se dire, puisque malgré ton air fermé et ta tête des mauvais jours, elle ose t'adresser la parole, sur un ton des plus enthousiastes en plus.

Elle a vraiment l'air au taquet, déterminée à réussir la mission confiée par la Professeure et qui consiste à réaliser ce Remède contre les Furoncles. Quelle drôle de fille. Il faut être sacrément bizarre pour se passionner à ce point pour une matière si ridicule. En plus, elle te demande par quoi tu veux commencer mais elle ne te laisse même pas répondre qu'elle te donne uniquement deux possibilités. Tu pousses un profond soupir en levant les yeux en l'air avant de plonger ton regard blasé dans le sien. Tu fais tout de même l'effort de lui donner ton nom, histoire de ne pas passer pour un rustre total, mais tu n'en penses pas moins.

- Azaël.

Et tu es prêt à t'arrêter là, sans un mot de plus, la laisser mijoter comme ça, à aller chercher son eau et ses ingrédients toute seule sans même la prévenir que tu n'as pas l'intention de lui venir en aide. Mais tu te rappelles tout de même que si elle te balance à la Professeur, tu risques d'être très mal vu, et donc que tu dois faire quelques efforts. D'autant plus que s'il y a une chose que tu peux faire correctement sans te poser trop de questions, c'est bien de remplir le chaudron d'eau. Pour ça, il te suffit d'avoir ta baguette magique, et tu ne perds pas de temps pour la sortir et lancer un Aguamenti dans le chaudron, le remplissant à l'aide du filet d'eau qui sort de ta baguette. Ainsi, tu t'entraînes aux sortilèges en même temps. Bon, tu vas devoir le lancer plusieurs fois, parce que tu es incapable de le tenir assez longtemps pour remplir le chaudron d'une traite, mais ça reste un entraînement. Nouveau regard vers ta voisine.

- Les ingrédients vont pas aller se chercher tous seuls.

Première remarque relativement désobligeante. Le pire, c'est que ce n'est même pas vraiment contre elle, juste parce que t'as décidé d'être de mauvaise humeur. Et ça ne risque pas d'aller en s'arrangeant. Mais dans la seconde, la regardant, puis entendant à nouveau l'eau qui s'écoule de ta baguette, tu ne peux t'empêcher de dévier légèrement la trajectoire de celle-ci pour mouiller la robe de sorcier de ta camarade avant de reprendre comme si de rien n'était avec un sourire satisfait.

- Oups, excuse-moi, j'ai perdu le contrôle.

Un regard blasé et un prénom. C'était déjà ça, au moins il était doué de parole même s'il donnait l'impression que quelqu'un d'autre le forçait à parler. Elle décida de ne pas prêter attention à l'attitude de son camarade, après tout elle ne lui demandait qu'un peu d'aide pour réussir leur mission. Il eut l'air de réfléchir un instant puis sortit sa baguette et commença à remplir le chaudron à l'aide d'un sort. Adulith eut l'impression qu'il était plutôt fier de lui (d'autant que cette action ne lui avait pas demandé beaucoup d'efforts) et cela l'agaça profondément.
Cependant, elle était plutôt du genre optimiste et refusait de se laisser abattre, elle se dit qu'il valait mieux faire équipe avec un grincheux qui sait jeter des sorts qu'avec une personne mielleuse et incapable. Elle se demanda s'il était vraiment doué en sortilèges, à priori oui, mais il avait quand même des progrès à faire, sinon il aurait rempli le chaudron en une seule fois. Cette idée lui donna un léger sentiment de satisfaction qui l'a surpris.

Elle avait donc décidé de passer outre le manque visible de volonté et d'esprit de camaraderie d'Azaël pour se concentrer sur la leçon du jour quand ce dernier leva les yeux et lança "Les ingrédients vont pas aller se chercher tous seuls". Elle le regarda, surprise, voilà qu'il se donnait le rôle du donneur d'ordre à présent. Elle n'eut pas le temps de répondre qu'il fit dévier l'eau de sa baguette vers elle avec un sourire qui montrait bien qu'il l'avait fait exprès : "Oups, excuse-moi, j'ai perdu le contrôle". Elle le fixa un instant. Soit il était incroyablement intelligent et son geste avait un dessein caché qu'elle ne pouvait pas comprendre, soit il avait un mauvais esprit impressionnant. Ce cas méritait réflexion, mais elle n'avait pas le temps d'y réfléchir, ils avaient un potion à terminer et après tout, un peu d'eau n'a jamais fait de mal à personne. Elle adressa donc un sourire au jeune homme : "Ne t'en fais pas c'est normal, ce n'est pas facile de maîtriser un sort comme celui-ci à ton niveau, concentre toi, je vais chercher les ingrédients, et à mon retour je t'aiderais si tu as toujours des difficultés". Elle avait voulu faire abstraction de la provocation d'Azaël en répondant amicalement, mais elle savait intérieurement que ces paroles ne lui plairaient pas. Elle tourna les talons, pour cacher un sourire satisfait et alla chercher les ingrédients. A son retour elle les déposa sur la paillasse tranquillement et demanda joyeusement à Azaël en jetant un œil au chaudron "C'est bon ?".

La réponse de la gamine te laisse un instant perplexe. Et même si tu te contentes de lui lancer un nouveau regard blasé, au fond de toi, elle t'as carrément énervé. Non mais pour qui elle se prend celle-là, à juger tes capacités magiques alors même que t'es sûr qu'elle sont carrément meilleures que les siennes ? Elle ne va pas s'en sortir comme ça, sûrement pas. Tu détestes qu'on te prenne de haut, t'as l'impression de te retrouver continuellement face à ton frère, et ça te met en rogne. Mais tu vas lui prouver que t'as pas du tout besoin de son aide. Pour commencer, tu la laisses partir chercher les ingrédients. Parce que la vengeance est un plat qui se mange froid, et qu'elle ne perd rien pour attendre.

Tu te concentres pour remplir le chaudron plus rapidement. Tu visualises un jet d'eau plus puissant, et ce dernier ne tarde pas à augmenter de pression. Il faut croire que ta colère te permet d'augmenter l'énergie magique que tu transmets à ta baguette. Le chaudron se remplit donc à un bon rythme, même si t'es quand même obligé de relancer le sortilège une nouvelle fois pour que l'eau atteigne un niveau convenable. C'est le moment que choisit ta camarade pour revenir avec tous les ingrédients nécessaires à la potion. Elle regarde ce que tu as fait pour voir si t'as terminé. Elle ne le voit pas, que c'est bon ? Tu lui lances un regard assassin.

- Tu vois bien que oui, cesse donc de poser des questions idiotes.

Décidément, t'as décidé d'être le plus désagréable possible avec ta binôme du jour. Mais comme tu n'es pas franchement décidé à y mettre du tien, et que tu détestes les potions, c'est elle qui prend. De toute manière, elle t'a bien cherché avec sa réflexion précédente. T'as déjà oublié que c'est toi qui a commencé à lancer les hostilités en l'arrosant sans aucune autre raison que de tromper ton ennui. Et de lui montrer que tu n'as aucune envie d'être là, comme si le fait que les potions soient un cours obligatoires était de sa faute... N'empêche, t'es nul en potions de base, et même si t'étais prêt à faire un léger effort au début, sa réponse précédente a clairement fait s'envoler toutes tes bonnes dispositions restantes.

Tu sais déjà que tu vas tout gâcher. Et avec joie en plus. Mais avant tout, tu vas la laisser perdre son temps à essayer de faire les choses correctement. Oui, tu vas faire comme si les choses allaient en rester là alors qu'à la fin la potion ne ressemblera à rien et qu'elle n'aura même plus le temps de la recommencer. Et elle l'aura cherché. Tu te fiches royalement de saboter ton travail également. Ce n'est pas comme si ça allait être noté. Et tu pourras toujours jouer la carte de l'élève modèle qui ne comprend pas ce qu'il s'est passé si jamais la Professeur n'était pas contente. Tu lis donc avec attention les premières lignes de la recette.

- Faut écraser six crochets de serpent pour en faire de la poudre et ajouter 4 mesures de cette poudre dans le chaudron. Vas-y.

Ouais, parce qu'en plus tu vas donner les ordres. C'est que t'as pas l'intention de te fatiguer à faire quoi que ce soit pour le détruire ensuite.

Si un regard pouvait tuer, cela aurait sûrement été son dernier cours de Potion, mais il en était rien et Adulith décida de ne pas se laisser impressionner par la mauvaise humeur du garçon. Il lui répondit sèchement, elle ne releva pas son ton ni le fait qu'elle ne pouvait pas cesser de poser "des questions" étant donné que c'était sa première. D'ailleurs il avait raison, le chaudron était plein, son ego avait dû être touché car il avait bien accompli sa mission, elle faillit lui faire une réflexion à ce sujet mais se retint, s'ils étaient deux à être agressifs, le cours allait être long… Et elle devait se concentrer sur le travail donné. Elle prit donc le parti de faire comme si son camarade lui avait parlé normalement et lui répondit : "Oui, je vois que c'est fait, tu es très efficace !". Elle s'arrêta sans formuler la suite de sa pensée, à savoir que s'il était aussi efficace en magie qu'il était désagréable avec elle, ils finiraient sûrement premiers à l'exercice. Elle observa son visage fermé, il avait l'air bien décidé à ne pas sourire une seule fois. Cela ne la dérangeait pas, elle pouvait être agréable pour deux s'il le fallait, et la magie ne demande pas de niaiseries ni de politesse forcée.

Azaël s'était penché sur le livre et lisait la première étape. Il termina sans avoir l'air de vouloir se mettre au travail. Il devait attendre qu'elle fasse tout. Cela ne lui posait pas de problème, elle préférait de toute manière être avec quelqu'un qui la laisse faire plutôt qu'avec un incapable. Elle se mordit la lèvre, ce n'était pas très gentil pour ses camarades qui avaient du mal… Elle s'en voulait d'avoir ce genre de pensées qui la faisaient culpabiliser mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle jeta un œil à ses camarades, certains avaient l'air de bien s'entendre et de travailler ensemble, ils étaient concentrés et travail en accord, même si le résultat n'était pas toujours au rendez-vous. D'autres se disputaient, rejetant la faute sur l'un ou l'autre. Elle regarda un groupe qui s'amusait avec les ingrédients en suivant le recette de loin, le garçon jouait avec les crochets de serpents et la fille éclatait d'un rire fort qu'elle stoppait net au passage de la professeure. Adulith grimaça et soupira, finalement son binôme n'était pas si mal. Et puis si vraiment il l'agaçait trop elle pourrait toujours l'éclabousser accidentellement avec la potion… Elle esquissa un sourire et chassa cette idée, non, ça c'était vraiment méchant, cela ne lui ressemblait pas…
Adulith attrapa les crochets et les écrasa, au moins Azaël faisait l'effort de lire la recette, c'était déjà ça, et elle n'avait pas besoin d'aide pour écraser des crochets. Elle regarda le garçon, il devait penser que cela la dérangerait de tout faire… Elle reporta son regard sur les crochets maintenant en poudre et s'appliqua à mettre cette dernière dans le chaudron sans en perdre. Cela ne la dérangeait pas, par contre, s'il tenait à lire, elle le ferait lire : "Tu as raison, ça ne sert à rien tout faire en même temps, tu lis la recette et je m'occupe des ingrédients ! Il faut faire quoi ensuite ?"

Au moins, elle t'obéit. Elle fait exactement ce que tu lui dis de faire, à ton plus grand plaisir. C'est comme ça que tout le monde devrait faire avec toi, c'est la meilleure façon pour que les choses se passent bien. Enfin... T'as quand même bien l'intention de tout faire capoter, ça lui apprendra à être désobligeante. Mais puisqu'elle semble vouloir y mettre de la bonne volonté, tu ne vas pas tout gâcher dès maintenant. D'ailleurs, tu vas faire semblant d'être de bonne foi, toi aussi. Tu lis rapidement la totalité de la recette dans ta tête tandis qu'elle réduit les crochets de serpent en poudre. Une petit annotation attire alors ton attention. Deux épines de porc épic doivent être ajoutées une fois que la potion est ôtée du feu. Or, si elle est toujours dessus lorsqu'elles sont ajoutées, l'effet de la potion s'inverse totalement.

Un léger sourire se dessine sur tes lèvres. Tu vas faire une potion qui donne des furoncles. C'est absolument parfait ! Au moins, ça, t'as envie de participer et de te donner à fond. Surtout qu'avec un peu de chance tu pourras la faire boire à ta camarade. Quoi que, t'es pas bien sûr que vous êtes autorisés à tester les potions les uns sur les autres. D'autant plus qu'elle n'a pour le moment aucun furoncle à faire disparaître... Tu adorerais cependant lui en donner. Tu verras à la fin comment tu feras. Pour l'instant, t'as bien l'intention de montrer ta bonne volonté. C'est que la matière vient soudainement de gagner un regain de ton intérêt ! Même si ce n'est pas pour tout de suite, tu finiras bien par réussir à faire boire cette potion à quelqu'un. Genre Blaze Rosenberg. Quoi que, il est déjà si sale et si moche que des furoncles en plus ne changeraient rien. Tu hoches cependant la tête aux dires de ta camarade, y ajoutant un début de sourire.

- Oui, on va faire comme ça, c'est mieux !

Comme si tu en avais vraiment quelque chose à faire de ce qui est le mieux. Tu prônes l'efficacité en cours lorsque ça t'intéresse réellement. Et là, la seule et unique chose qui t'intéresse, c'est d'obtenir la potion inverse de celle recherchée. Alors tu vas faire en sorte que ce soit celle que vous obteniez à la fin. Suivant consciencieusement du doigt la suite de la recette, tu reprendre ta lecture là où elle s'était arrêtée.

- Faut chauffer pendant dix secondes, agiter la baguette, et ajouter 4 limaces à cornes et 2 épines de porc épic avant de laisser bouillonner.

Hop, ça, c'est l'étape à passer. Il suffira ensuite de tourner cinq fois et d'agiter à nouveau la baguette pour obtenir un parfait déclencheur de furoncles ! C'est à se demander pourquoi ce n'est pas directement cette potion qu'on vous demande de concocter. Tout le monde sait que les enfants de onze ans préfèrent refiler des furoncles aux gens plutôt que de les leur retirer. D'autant plus que personne ne se retrouve avec des furoncles sur la tête sans aucune raison.

Il lut consciencieusement la suite de la recette, Adulith trouvait que quelque chose clochait, sans parvenir à savoir quoi. Elle fit chauffer la potion, agita la baguette comme indiqué, attrapa les limaces et les jeta dans le chaudron. Puis elle prit les épines. C'est alors qu'elle s'arrêta. Elle savait ce qui n'allait pas. Il n'avait pas râlé. Il n'avait pas été désagréable. Il avait lu la recette "consciencieusement". C'était bizarre. Suspect même. Adulith savait faire attention aux gens. Quel que soit leur caractère. Elle connaissait des personnes assez différentes. Les seules qu'elles n'aimait pas, c'était les personnes "lisses", elle détestait la médiocrité. Elle savait observer les gens, et même si en cours elle était concentrée sur le travail et pas sur les relations sociales, elle voyait très bien qu'il y avait un changement dans l'attitude du garçon, et que ce changement n'était pas normal. Elle se tourna vers Azaël et l'observa, essayant de deviner ce qu'il pouvait bien penser, elle nota un léger enthousiasme chez lui qui confirma ses pensées.

Elle posa les épines et lui prit le manuel des mains. Elle parcourut la recette rapidement. Elle fronça les sourcils. D'accord. Alors on en était là. Et il comptait en faire quoi de sa potion ? A tous les coups il avait prévu de s'en servir sur elle pour se venger d'elle ne savait trop quoi. Il la prenait pour le genre de personne qu'on peut asperger de potion pour le plaisir, ça c'était vexant. Et comment pouvait-on être aussi obstiné dans sa volonté de se rendre détestable ? Adulith fut partagée entre la colère et une pointe d'admiration devant une telle détermination. Elle n'avait pas envie de s'énerver, elle décida que ce n'était pas la peine. Il n'attendait que ça, et elle n'allait pas faire descendre le niveau. Elle réfléchit un instant, elle relut la recette.
La recette donnant des furoncles demandait un peu plus de technique, au moment du coup de baguette, s'ils y parvenaient ils auraient réussi une potion plus intéressante… Après tout, elle voulait réussir, mais elle n'était pas intéressée par le remède des furoncles en soi… Ce qu'elle voulait, c'était devenir assez forte pour faire de vraies potions, comme la potion de mémoire… Azaël devait penser qu'elle était fan des remèdes contre les furoncles et de tout ce qu'on leur demandait de faire en cours et que louper cette potion la ferait craquer. Mais non, elle détestait rater une potion sans faire exprès certes, mais en modifier une… Cette fois elle ne se tourna pas pour cacher un sourire ironique, si elle voulait vraiment se venger de quelqu'un, elle apprendrait une recette bien plus élaborée qu'une potion de première année détournée en plaisanterie pour gamins. Mais après tout c'était là l'occasion de sortir un peu de sa zone de confort, elle se dit que cela ne lui ferait pas de mal, et puis, une potion qui donne des furoncles, ça peut toujours être utile. Et elle ferait d'une pierre deux coup si elle parvenait à déstabiliser son prétentieux binôme, c'était toujours ça de pris.

Son visage, qui quelques secondes auparavant laissait transparaître la colère, reprit son calme. Elle fit face à Azaël et lui tendit l'ouvrage en disant d'un ton tranquille "Tu as raison, ta version de la potion est plus intéressante." elle sortit deux fioles qu'elle gardait toujours en réserve au cas où et les posa à côté d'eux "comme on va sûrement la réussir je te laisse de quoi en prendre pour ton usage personnel" elle sourit "je suis sûre que tu as déjà plein de victimes innocentes en tête, et si une des nombreuses personnes avec qui tu as dû être désagréable sans raison a eu la même idée que toi, je t'aiderai à fabriquer le remède !" Elle se tourna à nouveau vers le chaudron et jeta les épines dedans, elle pensait à un troisième année qu'elle avait vu plusieurs fois maltraitant des petits premières années sans raison, peut-être aurait-elle bientôt l'occasion de tester sa potion...

Tu pensais vraiment que ton petit numéro allait fonctionner. Après tout, tu y as mis les formes, t'as décidé de faire des efforts pour être un peu moins désagréable, ça aurait dû amplement suffire. D'ailleurs, elle commence par t'écouter, suit tes instructions à la lettre, à ton plus grand plaisir. T'attends la suite de la potion avec impatience, surtout parce que t'as hâte de pouvoir la tester sur quelqu'un. Mais alors qu'elle allait mettre les épines de porc-épic, elle s'arrête pour te prendre le manuel des mains. Tu pousses un soupir en levant les yeux au ciel, perdant rapidement ton sourire factice pour reprendre ton air peu agréable.

- Ben vas-y, te gêne pas.

C'est foutu pour la potion qui donne des furoncles, t'en es persuadé. Elle a l'air bien trop sérieuse, bien trop du genre à être la chouchoute des profs, t'es sûr qu'elle va crier au loup en disant que t'as voulu faire la mauvaise potion exprès, que c'est inadmissible et que tu devrais avoir honte. Bref, tu t'attends à une sérieuse leçon de morale qui te dépite par avance, mais tu te contentes de t'appuyer contre le dossier de ta chaise, bras croisés sur la poitrine tandis qu'elle continue sa lecture. Tu ne la quittes pas du regard, comme pour la défier d'oser te dire quoi que ce soit. T'es prêt à la recevoir, tu ne vas pas la rater. T'aimes pas les gens qui obéissent toujours aux règles, t'as envie de les frapper, c'est des nuls.

Elle fronce les sourcils, tu la sens venir. Mais bizarrement, elle semble retrouver son calme tout aussi rapidement. C'est quoi cette fille, un robot ou quoi ? Est-ce qu'elle est vraiment humaine ? Tu fais tout pour être désagréable avec elle depuis le début du cours, et elle ne change pas sa ligne de conduite. Elle se contente d'être absolument insupportable de calme et de fausse bienveillance dans ses réponses. T'aimes pas ça, tu trouves que c'est hypocrite. Elle te rend le manuel en disant que ta version de la potion lui convient également car elle est plus compliquée, et elle fait exactement ce que tu lui as dit. C'est toujours ça de pris, mais sa remarque sur le fait qu'elle pourrait t'aider à fabriquer le remède te met en rogne. Tu lui lances un regard assassin.

- J'ai pas besoin de ton aide. T'es condescendante, j'peux bien être désagréable. Et j'te conseille de la fermer une bonne fois pour toute si tu veux pas que ce soit toi mon premier cobaye.

Tu prends quand même la fiole de verre qu'elle t'a filé. Parce que t'en as pas pris, et que t'as bien l'intention de repartir avec un échantillon. D'ailleurs, le temps passe rapidement. Si vous voulez réussir votre projet, il va falloir que vous continuiez la recette. Tu reprends donc.

- Tourne cinq fois dans les aiguilles d'une montre. Après, y'a plus que le coup de baguette. C'est moi qui le ferait, j'm'en sers mieux que toi.

Tu plantes une nouvelle fois ton regard dans le sien, comme pour lui montrer qu'elle pourra bien dire ce qu'elle veut, c'est toi qui donne les ordres ici. Et si elle est pas contente, c'est pareil, sauf qu'elle risque fort de se retrouver avec d'énormes furoncles verts prêts à exploser sur son visage déjà pas très joli.

Adulith serra les doigts autour de sa baguette, passant en revue les sorts qu'elle pourrait tester sur son charmant camarade. Elle commençait à en avoir assez, elle allait finir par regretter les idioties des autres élèves. Elle le fusilla du regard mais resta immobile. Non, elle ne pouvait pas se laisser aller à la colère. Déjà il aurait gagné. Et puis elle savait reconnaître un bon sorcier aussi borné soit-il et au fond elle n'avait pas envie qu'ils soient ennemis. Elle songeait que c'était dommage, car pour une fois elle tombait sur quelqu'un avec qui elle aurait pu s'entraîner, progresser, et il avait fallu que ce soit… Une tête de mule. Ce n'était pas de sa faute s'il prenait sa gentillesse pour de la condescendance. Elle ne l'était pas, condescendante. Elle repensa à la manière dont elle avait considéré les binômes potentiels au début du cours. Bon peut-être qu'elle l'était. Mais pas avec Azaël, sinon elle n'aurait pas supporté sa mauvaise humeur si longtemps. S'il avait été désagréable et incapable, il y a longtemps qu'elle aurait essayé de s'en débarrasser pour finir le travail seule. Elle se dit qu'elle pourrait le lui expliquer, mais à tous les coups il arriverait à retourner ses paroles contre elle et finirait encore plus renfrogné (si c'était possible). Ou bien il finirait par l'asperger de potion, ça elle savait bien que l'idée lui trottait dans la tête depuis un certain temps. Il la voyait comme l'élève modèle un peu lourde sans personnalité, prête à faire ce qu'on lui demande pour peu que cela rapporte une bonne note, elle le voyait bien. Elle pensa qu'il y avait peu de chance qu'il change d'avis à son sujet.

Il prit la fiole qu'elle avait sortie et se remit à la lecture. Lecture qu'il termina bien sûr par une nouvelle pique. Et après c'était elle qui était condescendante… Il la regarda d'un regard qu'il devait vouloir décidé et autoritaire. Adulith se demanda à quoi il ressemblait quand il était aimable. Et pourquoi il se montrait si renfermé. Cela il était hors de question qu'elle le lui demande, elle imaginait déjà sa réaction, et elle avait appris à accepter les gens comme ils étaient. Parfois certaines personnes ne comprenaient, les gens aiment bien donner l'impression de ne voir que des qualités en leur amis, alors que tout le monde est complexe, il faut accepter ces différences, tant qu'elles ne nuisent pas aux autres, tant que ce n'est pas de la méchanceté gratuite. Mais même dans la méchanceté il y a une explication. Elle s'aperçut qu'elle n'avait pas lâché sa baguette et desserra sa prise. Elle ne pouvait pas rester énervée, il fallait qu'elle réponde. Elle soutint son regard et ne cilla pas. "Tu peux faire le chef si tu veux Azaël. Tu as décidé de tenir ton rôle jusqu'au bout vas-y. Laisse-moi celui de la fille chiante si ça te fait plaisir. Si tu confonds la condescendance et la bienveillance tant pis pour toi. En attendant on a une potion à réussir. Et pour ton information, je ne t'aurais pas supporté jusqu'ici si je pensais que tu étais moins doué que moi. Au contraire". Elle avait parlé d'un ton ferme mais pas agressif, ce n'était pas son intention. Elle se détourna pour mélanger la potion puis s'écarta pour lui laisser la place, le considérant les bras croisés. Elle reprit son calme, elle avait exprimé son agacement, il ferait ce qu'il voudrait de ses paroles, elle passait à autre chose : la réussite de leur potion. "à toi de jouer."