Vendredi 24 mars.

C’était un vendredi comme les autres. Enfin non, pas tout à fait. C’était ton anniversaire. Avant, tu aurais pu te dire que cela n'avait pas d'importance. Mais la nuit précédente, accompagnée d'Hannah et Swann, tu avais compris. Tu avais tous les droits. Celui de sourire. Celui de rire. Celui d'avoir des amis. Et personne ne pouvait t'enlever cela. Depuis, tout te paraissait plus simple.

Ce jour-là, tu avais douze ans, et à ton plus grand malheur, tu étais quand même obligée de te rendre en cours de potions. Bougonnant en te rendant jusqu’à la liste posée sur le bureau de la professeure, tu cherchas ton nom, ainsi que celui de ton partenaire du jour. Wil Ump. Will Pump. Bref. A ton grand soulagement, tu connaissais bien le Poufsouffle, et te tournas en direction de celui-ci qui était déjà installé à la paillasse n°5. Tu lui adressas un signe de la main, puis te dirigeas vers lui et laissas bruyamment tomber son sac sur la table. Au moins, tu n'aurais pas à subir un cours gênant avec des personnes inconnues qui te trouvaient bizarre.

- Chalut ! t'exclamas-tu à l’attention de Wil. On dirait bien qu’on est partenaires aujourd’hui. En espérant qu’on ne fasse pas exploser le chaudron… ajoutas-tu, un brin ironique.

Tu ne mentionnas pas ton anniversaire, car tu n’y attachais plus trop d’importance. Enfin... Disons plutôt que tu ne possédais que des mauvais souvenirs de cet évènement, avec lequel tu avais donc choisi de prendre un maximum de distance.

Peut-être était-ce un vendredi comme les autres. Ou peut-être était-ce différent.

@Will Pump

Aujourd'hui c'était l’anniversaire d'Ella. Je le savais mais ne devais rien laisser paraître, sous peine de.... je ne savais pas exactement ce que je risquais mais le regard que m'avait lancé Anna en posant sa main sur mon épaule en disait long. J'avais tout planifié avec elle quelques jours plus tôt.

En entrant dans la salle de potion, j'étais à la fois excité, mais aussi un peu stressé de faire une gaffe et tout gâcher. Mais j'avais tout planifié au détail près, nous avions anticipé toutes les réactions qu'elle pouvait avoir.

J'inspirai un grand coup pour me persuader que tout allait bien se passer. Bizarrement le fait même de remplir mes poumons me donnait du courage. Les raisons de ce phénomène avaient toujours été un mystère pour moi, mais ce n'était pas le moment de me poser des questions ! Je la voyais déjà entrer et se diriger vers moi. J'avais été très surpris en apprenant que nous travaillerions ensemble sur le travaille de binôme. Tant mieux, je n'aurai pas besoin de lui faire passer un mot pour lui donner les instructions.

Ella s'installa à côté de moi en laissant bruyamment tomber son sac. Je lui souris en essayant d'être le plus naturel possible et lui répondit.

- Saluuut ! Je pense pas qu'il faut s'inquiéter pour le chaudron, mais pour la salle de classe entière si on est tous les deux sur le coup.

Je rigolais à moitié car je nous sentais tout à fait capable de faire des exploits avec une potion toute simple. J’accompagnai mes paroles d’un clin d’œil pas très innocent.

- Saluuut ! Je pense pas qu'il faut s'inquiéter pour le chaudron, mais pour la salle de classe entière si on est tous les deux sur le coup.

Will t’adressa un clin d’œil, et tu baissas les yeux, un peu déçue, incapable de rigoler à sa blague -habituellement, tu l’aurais fait. Tu pensais pourtant qu’il connaissait la date de ton anniversaire, et espérais qu’il te le souhaiterait. Bon. Ce n’est pas grave, il a oublié. Mais tout le monde oublie. A ce moment-là, tu te sentis soudain très seule, et dus de forcer à sourire ; avec l’entraînement, il t’était devenu facile de faire semblant. Ce n’est pas la fin du monde ! Arrête de tirer cette tête d’enterrement ! Tu relevas alors la tête et t’exclamas d'un ton faussement joyeux:

- Bon, on devrait commencer.

Sur ce, tu lui tournas le dos et commenças à farfouiller dans ton sac à la recherche de ton livre de potions. Tu n’avais aucune raison de te sentir aussi triste, et pourtant tu avais l’impression de n’être importante pour personne. Était-ce le cas ? Tu aurais tant voulu le savoir… ce n’était malheureusement pas le genre de chose qui se demandait, et tu soupiras. Pour l’instant, il fallait juste suivre les instructions du livre et vous mettre au travail. En arrivant vers lui, tu étais toute contente, -vous auriez pu faire de magnifiques bêtises ensemble- mais à présent tu avais juste envie que le cours se termine et que tu puisses aller manger.

Après avoir lancé ma blague, je m’attendais à ce qu'elle rigole, ou que ça lui décroche au moins un sourire. Mais non, contrairement à d'habitude elle n'eut aucune réaction. Mon stresse s’amplifia et même mes inspirations grandes mais discrètes n'y firent rien. Elle avait sûrement senti que quelque chose n'allait pas; je n'avais même pas tenu trois minutes ! Anna allait me tuer, c'était sûr.

Tout en me forçant à me calmer, j'entendis mon amie proposer de se mettre au travaille. Peut-être que si j'aurai été moins angoissé j'aurai entendu son ton faussement joyeux, j'aurai vu son malaise et les choses se serrait peut-être déroulé autrement. Mais non, je ne vis rien et crus qu'elle était enthousiaste de commencer à travailler. Je me dis qu'elle ne se doutait finalement de rien et que j'avais réussi, pour l'instant, à garder ma couverture. Je me sentais un peu comme un agent en mission secrète, en train de gagner la confiance de ma proie pour ensuite faire ce que j'avais à faire.

Nous commençâmes le cours dans le silence. Je lui jetais parfois des coups d’œils discrets. Bon il fallait que je commence à parler avant la fin du cours qui était déjà bien entamé. Viiite il fallait que je trouve quelque chose ! Hum....

- Ça vient d'où ton prénom, Ella ?

D'accord, j'aurai pu trouver mieux. Mais c'était déjà mieux que de parler de météo comme avec Lydia. Moi je ne savais pas pourquoi je m’appelais Will. Mais je savais que j'avais un grand père, non un arrière grand père qui s’appelait William. Mais bon je ne me suis jamais vraiment intéressé à mes racines.

J'essayais de mettre un peu de gaieté dans l'ambiance. Visiblement elle n'était pas de bonne humeur. Je parlais d'un ton léger tout en mélangeant la potion, comme le font les amis que nous étions. J'essayais d'avoir une conversation normale avec elle, mais elle ne savait pas ce qui se préparait.

Le début du cours se poursuivit en silence, mais tu ne cherchas pas à le rompre, bien au contraire. Le silence t’apaisait, et de toute façon, tu n’arrivais plus à regarder Wil -Will ?- en face. Alors tu prias pour que le cours se termine, comme ça tu n’aurais plus à faire semblant devant ton ami. Soudain, une voix à ta droite rompit le silence.

- Ça vient d'où ton prénom, Ella ?

Tu te retournas lentement vers le Poufsouffle, qui devait mesurer à peine deux centimètres de plus que toi, et le regardas d’un air incrédule. Ça sort d’où, ça ? A sa tête, tu remarquas tout de suite qu’il était nerveux. Wil avait donc tant besoin de parler ? Le gros blanc entre vous devait le gêner, et il essayait certainement de trouver quelque chose à dire depuis un certain temps… Les yeux plissés, tu scrutas son visage à la recherche d’indices. Ton ami se comportait en effet très bizarrement : ça n’était pas son genre d’être nerveux.

- C’est un prénom Irlandais. Mon père est Irlandais et son arrière-grand-mère s’appelait comme ça. Mais pourquoi tu me demandes ça ? répondis-tu d’un ton indifférent.

Après tout, ils étaient en train de préparer une potion, et tu ne voyais vraiment pas le rapport. Mais tout à coup, tu remarquas une grosse tache verte sur le front de ton partenaire. Tu essayas de te contenir, oui, en vain ; tu explosas soudain de rire.

- Tu t’es fait éclaboussé par la potion ou quoi ? réussis-tu à articuler, hilare, tu ressembles à un avocat !

Il y eu un gros blanc très gênant après ma question. Ella me dévisageait, incrédule. Quoi, qu'est ce que j'ai fait cette fois ? Je déglutis difficilement en faisant comme si de rien était et continuai la potion. Elle me regardait toujours et je commençais sérieusement à me sentir mal à l'aise. Ce n'était pas une chose qu'on demande entre ami ? Visiblement pas.

- Je voulais juste savoir, par simple curiosité. Et oui, la curiosité fait parti de mes nombreuses qualités.

Je me trouvais assez audacieux sur ce coup là. Me vanter était une bonne diversion. Puis j'ajoutais pour encore plus de crédibilité.

- Et puis ça intéresse, moi je sais pas pourquoi mes parents m'ont appelés comme ça. Ils trouvaient peut-être que j'ai une tête à Will.

Tout sérieux et content de mes arguments, je me tournai vers le chaudron. Et là elle explosa de rire. C'était la dernière chose à laquelle je m'attendais. Ce fut à mon tour de la regarder sans comprendre. Et elle me traita d’avocat. Non mais pour qui elle se prenait ? Et en plus ça la faisait rire !

- Pffff n'importe quoi....

Je m'essuyai le front du revers de manche et fis semblant de bouder. Mais bon, au moins maintenant elle riait, et même un peu trop. Pas sûr que la professeur comprenne ce qu'il y avait de si drôle à préparer une potion. Je lui jetai un regard noir mais il se transforma vite en pouffement de rire. Je ne savais pas comment elle s'était débrouillé, mais elle avait des mèches de cheveux sous son menton, et ça lui donnait un air très bizarre.

- On dirait que t'as une barbe !

J'avais du mal à contenir mes pouffements qui n'étaient pas du tout discets.

Tu levas les yeux au ciel, faussement agacée par les sarcasmes de Wil, avant de le regarder de la tête aux pieds -comme savaient si bien le faire les pestes de ton ancienne école.

- La modestie en fait-elle aussi partie ? rétorquas-tu ironiquement en lui donnant un coup de coude, ce qui le fit basculer sur le côté -et dévier la cuillère de sa trajectoire.

Ce gars te faisait toujours marrer, et tu en oublias presque sa question et son comportement étrange. Tu lui jetas un dernier coup d’œil condescendant avant d’entreprendre de couper tes ingrédients. Effectivement, il avait bien une tête à Wil.

L’observant s’essuyer le front avec une moue dédaigneuse, tu ris de plus belle, si bien que tu faillis te couper un doigt. Mince. Ça serait bête de me retrouver avec seulement quatre doigts le jour de mon anniversaire. Il te fusilla du regard, mes ses yeux prirent vite une autre teinte ; il était en train de se marrer comme une baleine !

- On dirait que t'as une barbe !

Tu ouvris de grands yeux, tentant maladroitement de décoller les mèches qui te collaient au menton. L’autre idiot continuait de se moquer de toi, si bien que tu le menaças avec ta cuillère.

- Arrête ça ! Tu faisais moins le malin quand tu ressemblais à une asperge tout à l’heure !

Malheureusement, tu n’avais pas remarqué que ta cuillère était badigeonnée de potion, et, mimant l’acte de le taper avec, lui en envoyas en pleine figure -elle n’était heureusement pas toxique. Tu étais à présent morte de rire, et tu plongeas vers ta table pour ne pas te faire griller. Incapable de regarder en direction de ton ami, tu réussis quand même à te cogner la tête au passage.

Maintenant que tu avais commencé, tu ne pouvais plus t’arrêter, et en jetant un coup d’œil à la tête effarée Wil, tu t’étouffas avec ton rire et basculas en arrière… Ton tabouret ne tint pas le coup, t’emportant avec lui dans sa chute. Malheureusement, tu étais trop secouée de ce fou rire incontrôlable pour te relever, et tu tendis maladroitement la main en direction de ton partenaire, les larmes aux yeux. Ça mange des asperges, les lapins?

Très bien, elle jouait le jeu avec moi. Je me félicitai intérieurement pour ça, mais à l'extérieur j'étais toujours aussi sérieux. Elle releva mon manque de modestie, mais je fis la sourde oreille. Et bien sûr elle me poussa ce qui me fit presque lâcher la cuillère.

Encore plus renfrogné je lui lançai, sans lui accorder un seul regard. A vrai dire j'aimai bien jouer à ça. C'était comme se mettre dans la peau d'un autre, et c'était assez agréable.

- Mais stop ! Laisses moi tranquille ! C'est pas le moment de faire ça. Laisse moi au moins finir de mélanger.

Mon comportement la faisait bien rire. Mais ça s'arrêta subitement après ma remarque. La façon dont elle ouvrait les yeux n'arrangea pas mon fou rire. Quand elle me menaça avec une pauvre cuillère, je n'en pouvais plus ! J'avais mal au ventre à cause de mes crises de fous rire. Et elle fit le geste qu'il ne fallait pas.

Je me retrouvai avec une chose horriblement dégoûtante sur la figure. Je n'avais jamais été aussi paniqué de ma vie. En regardant dans toute les directions, je cherchai quelqu'un qui pouvait venir à mon secours. Bien sûr ça n'allait pas être le phoque qu'on m'avais choisi comme partenaire. Elle était à présent en train de se rouler de rire par terre.

Toujours affolé, j'essayai de m'essuyer le visage avec ce que je pouvais. Mais comme je ne voyais pas où j'en avais, je réussi l'exploit de mettre la potion qui était sur ma manche depuis tout à l'heure sur ma joue. Avec des mouvements précipités j'attrapai un côté de ma robe de sorcier pour nettoyer les dégâts qu'Ella avait causés.

Je jetai un coup d’œil à la coupable et vit qu'elle me tendait la main pour que je l'aide à se relever. Non mais elle rêve ! Hors de question que je fasse quoi que se soit pour cette petite folle. Mais je n'avais bien sûr pas oublié ma mission. Bon il fallait que je trouve quelque chose. Toujours dos à Ella -elle ne méritait pas de voir mon beau visage après ce qu'elle avait ait- je lui lançai d'un ton provoquant.

- Revanche. 16 heure. RDV devant ta salle co. Revanche dans Grande Salle.

D'accord, j'aurai pu faire plus compréhensible, mais j'étais si fâché contre Ella.... Non je ne l’appellerai plus Ella, elle ne mérite pas que je l'appelle par un nom aussi long. A partir de maintenant, ça sera E. Donc je disais qu'E devra se dérouiller avec ces mots que je venais de lui balancer à la figure, tout aussi brusquement qu'elle l'avais fait avec la potion.

- C'est compris, E ?

Elle verra à qui elle à affaire et regrettera vite le moment ou elle se roulait de rire. Je l'avais ce prétexte. E viendra sans se rendre compte dans la gueule du dragon. J'ai peut-être une chance de m'en sortir la tête sur mes deux épaules, quand Anna l'apprendra.

Wil te jeta un coup d’œil, mais ignora superbement ta main tendue d’un air dédaigneux -par ailleurs, il était toujours recouvert de potion, et tu t’étonnais que la professeure ne vous ait pas encore rappelés à l'ordre.

- Revanche. 16 heure. RDV devant ta salle co. Revanche dans Grande Salle.

Oh ! Bien, je vois. Il voulait jouer à ça ? Eh bien il allait perdre. Toujours allongée contre le sol, privée de toute volonté pour te relever par toi-même, tu lui tiras la langue comme une gamine ; chose dont il ne dut pas s’apercevoir car il était de dos.

- C'est compris, E ?

Et puis quoi encore ! Il allait te priver de prénom ? Et en plus te parler comme le ferait une maîtresse réprimandant une élève de cinq ans? Mon dieu ce qu’il était susceptible ! Tu pensais qu’il avait plus d’humour que ça. Et pas question que tu te laisses faire… Secouée de temps à autre par un rire incontrôlable, tu essayas de former une phrase complète :

- Oh, Monsieur W daignerait-il de m’adresser la parole ? Quel honneur ! Eh bien non, j’ai gagné et je resterai vainqueur. Pas de revanche. Surtout pas si Monsieur m’appelle comme ça, et qu’il ne m'aide pas à me relever, souris-tu d’un air innocent en tendant à nouveau la main vers lui.

S’il la voulait, cette revanche, il allait devoir aplatir un peu son égo. Tu avais ta fierté, tout de même. Et puis, Wil s’était créé un petit style avec cette potion verte qui collait à ses cheveux ; il ressemblait à présent VRAIMENT à un avocat.

Malheureusement pour moi, elle n’avait pas du tout bien pris mon geste. Ce n’était pas bon pour moi, ça. Mais vraiment pas. Pourquoi a-t-il fallu qu’elle ait un si grand ego ? Elle n’aurait pas pu se relever toute seule et accepter de venir sans faire d’histoire ? Non elle ne pouvait pas, car c’était E.

Après tout je pouvais la comprendre, ce n’était pas très agréable de se faire appeler par une lettre au lieu de quatre. Je croisai les bras et pesai les pour et les contre.

Si je cédais à ses requêtes, elle verrait que je tenais vraiment à prendre cette "revanche", que j’y tenais plus qu’à ma fierté. En vérité je n’avais pas une si grande estime de moi-même, je faisais ça pour jouer le jeu, et aussi car c’était plus simple de mentir lorsqu’on ne se comporte pas normalement. Je faisais juste ça pour paraître plus crédible, contrairement à elle qui était naturellement comme ça. Pffffff...

Mais si je refusais et lui tournais le dos je risquais d’attiser la colère d’Anna, et à vrai dire....... je préférai éviter.

Ma décision prise, je me retournai et attrapa sa main. Bien entendu je pris soin de lui laisser un peu de la potion encore dessus.

- Pfffff... c’est bon t’as gagné, E...lla.

Un peu léger comme argument, non ? Hum qu’est ce que je pourrai dire pour titiller son esprit compétitif ?

- Et puis si tu refuses, ça veut dire que t’as peur de perdre cette fois.

J’avais ajouté ça d’un ton léger, mes yeux posés sur les siens et un léger sourire au lèvres. J’espérais vraiment que cette fois si elle cédera car je commençais vraiment à être à cours d’idées. Et la potions était presque fini ce qui voulait dire que je n’avais plus beaucoup de temps devant moi.