Une retenue, elle ne pouvait vraiment pas tomber plus bas. Mais elle l’avait mérité, elle avait bien trop joué avec le feu cette année et il fallait bien qu’elle paye un jour. Au combien l’acte qui faisait qu’elle était présente aujourd’hui n’était pas le plus impactant, mais dans son esprit elle payait pour tous ses déplacements.

Cependant durant cette retenue, elle avait des tas de choses qui lui passaient par la tête. Notamment cette histoire de colère et de méditation, les cours de karaté avec Lumah où ce n’était pas si simple que ça, et puis ses paroles d’Hannah qui résonnaient en elle comme un mystère insoluble. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Alors qu’elle écrivait sa rédaction sur les sortilèges permettant d’ouvrir une porte sans la défoncer, elle leva les yeux vers sa professeure assise derrière son bureau. C’était l’une des professeures les plus jeunes de Poudlard et Aliénor la connaissait depuis maintenant un moment. Ce serait certainement la personne la plus apte à éclairer sa lanterne sur ce point. Cette idée plaisait à la jeune fille, poser des questions à sa professeure était certainement le meilleur moyen d’avoir des réponses et au pire elle pouvait faire passer ça sur de l’aide à une amie, c’est vieux comme le monde mais sur un malentendu ça passe. Dans tous les cas la jeune femme devait avoir connu des histoires amoureuses, peut-être même des choses semblables à ce que vivait la jeune Delphillia, c’était sa meilleure option.

Elle se reconcentra sur sa dissertation jusqu’à la fin. Une fois qu’Octavia eut rendu sa copie, Aliénor se leva à son tour pour rendre sa copie. Elle la déposa sur son bureau mais resta à coté quelques secondes en cherchant ses mots, elle ne savait pas comment commencer cette discussion qui allait être plus personnelle que ce qu’elle imaginait. Elle ne ce n’était jamais vraiment confiée à un adulte de Poudlard et pour une première fois c’était un sujet bien étrange.

- Miss, pourrais-je vous demander votre avis sur un sujet d’ordre privé ?

C’était pas mal comme entrée en matière. Après tout Miss Perkins venait de la punir, elle ne se voyait pas mettre les pieds dans le plat directement. Autant prendre la température avant, si elle se faisait jeter, elle voulait que ça se fasse en douceur. D’autant plus que le sujet était assez sensible pour Aliénor, l’amour, les sentiments, le regard des autres, tout cela était bien loin d’elle. Ses mains s’accrochèrent devant elle et ses doigts commencèrent à jouer avec son anneau d’acier qui lui servait de bague. Calmant son anxiété qui montait peu à peu en elle.

La veille, Eleanor avait donné une retenue à deux jeunes filles qui s'étaient amusée à détruire la porte de sa salle de classe. Leur comportement et leurs excuses n'avaient pas convaincu la jeune professeur qui, malgré sa gentillesse et sa douceur, ne voulait pas les laisser impunies. Alors, ayant sacrifiée sa soirée et le peu de temps libre qu'elle avait pour ces deux jeunes filles, Eleanor était assise à son bureau regrettant probablement la sanction qu'elle avait donné. Après avoir corrigé ses dernières copies, Eleanor ne savait plus trop quoi faire mais il ne fallait pas qu'elle donne l'impression aux deux jeunes filles de s'ennuyer même si c'était effectivement le cas. Que pouvait-elle bien faire de plus ? N'ayant rien d'autre à faire, Eleanor se perdit dans ses pensées pendant un long moment.

La jeune professeure fut sortie de ses pensées par l'une des deux fillettes qu'elle avait punies. En effet, celle-ci venait lui rendre sa rédaction au sujet des sortilèges permettant d'ouvrir une porte sans les casser. Eleanor avait pensé que cela ne leur ferait pas de mal de se renseigner à ce sujet après ce qu'il s'était passé hier ! Lorsque la deuxième fillette rendit sa copie, la professeure fut surprise de remarquer que celle-ci ne quitta pas immédiatement la pièce. Elle attendit que sa camarade soit partie pour s'adresser à sa professeure et lui demander un avis sur un sujet d'ordre privé.

Un sujet privé ? De quel sujet pouvait-il bien s'agir ? D'ordre privé ? Cela devait être important pour la jeune fille ...alors, sans hésiter, Eleanor accepta de l'écouter. Même si elle lui avait désobéi, Eleanor n'était pas rancunière et était toujours prête à aider ses élèves.

- " Bien sûr ! Je vous écoute. De quoi voulez-vous me parler ? "

En quoi Eleanor allait-elle bien pouvoir l'aider ? Elle l'ignorait mais elle ferait de son mieux !

La jeune fille retint un soupire de soulagement quand la professeure ne la renvoya pas en salle commune. Elle voulait bien l’écouter et c’était un poids de moins sur les épaules de la jeune Delphillia. Mais le plus dur était à venir, comment aborder un tel sujet, d’autant qu’Aliénor n’était pas plus proche que ça des professeurs. C’était un exercice nouveau que de se confier à eux. Mais ils habitaient avec eux, alors Aliénor s’imaginait que ce n’était pas la première fois que sa professeure de sortilèges allait être confrontée à ce genre de questions.

-Et bien… Il y a une fille qui m’a dit que je fricotais avec un garçon.

Oui ben adieux l’idée de faire passer ça pour j’aide une amie, mais Aliénor ne savait pas mentir de toute façon même si sa poker face c’était bien améliorée avec cette troisième année, face à un adulte ça ne prendrait pas donc autant être sincère. Et puis elle se serait embrouillée douée comme elle est, c’est bien plus simple comme cela.

-Mais c’est faux, je veux dire, je ne sais même pas comment on fricote !

Le ton de la jeune fille dévoilait certainement un peu trop cette position inconfortable qu’elle avait mais aussi cette incompréhension face à cette situation qu’elle ne pensait jamais vivre. Mais elle avait besoin de réponse et sa mère n’était pas à Poudlard pour répondre à ses questions, de toute façon sa mère… Elle ne pouvait plus aborder ce genre de sujets avec elle, elle était devenue bien trop secrète à son égard.

-Mais du coup, je me suis dis que ça devait venir de quelque part ses paroles… Vous pensez quelqu’un peu ressentir ce genre de choses envers moi ?

C’était une vraie question, Dean avait fait des avances à Aliénor mais ce n’était pas pareil, elle ne vivait pas sous le même toit que lui et puis les liens qu’elle avait avec Rey n’étaient pas comparables. Les relations qu’elle a pu nouer à Poudlard sembles toutes plus puissantes. Dean devait juste avoir envie de s’amuser ou de tester Aliénor. Elle espérait que ce ne serait pas le cas de son capitaine.

C'est donc d'amour qu'Eleanor allait devoir parler avec la jeune Poufsouffle. Comment lui dire qu'elle ne pouvait pas plus mal tomber et qu'en amour, elle n'était certainement pas celle à qui il fallait demander des conseils ? Impossible...Eleanor n'avait pas envie de dévoiler cette partie de sa vie privée à une élève mais elle n'avait pas envie non plus de renvoyer la jeune fille dans sa salle commune et de la laisser dans le doute. Et puis, après tout, elle pouvait quand même l'aider car même si l'on n'a jamais eu de chance en amour, on connait forcément les bases. Pas vrai ? Alors, Eleanor, cachant son malaise, s'adressa à son élève.

- "Je suis curieuse de savoir pourquoi vous pensez qu'un garçon ne pourrait pas ressentir de l'amour pour vous. Je veux dire, qu'est-ce que les autres filles auraient de plus que vous ? Ayez confiance en vous !"

Eleanor connaissait Alienor depuis quelques temps maintenant et elle était certaine que c'était une jeune fille pleine de surprise. La porte brisée en mille morceaux la veille confirmait d'ailleurs le ressenti de la jeune femme. Pourquoi ne pourrait-elle pas plaire à un garçon ?

- "Quelle genre de relation entretenez-vous avec ce garçon ? " Eleanor s'arrêta quelques secondes avant de reprendre. "Ma question peut vous sembler ... étrange mais si vous voulez savoir si vous fricoter avec ce garçon, il va falloir m'en dire un peu plus sur votre relation avec lui. De quoi parlez-vous généralement ?"

Enfin, ne laissant même pas le temps à la jeune fille de répondre, Eleanor enchaina avec une question.

- "Et vous, que ressentez-vous pour ce garçon? Quand vous êtes en sa compagnie, dans quel état êtes-vous ? Je suis désolée d'être aussi indiscrète mais si vous n'aviez pas envie de m'en parler, je suppose que vous ne seriez pas là. Vous savez, j'ai été jeune comme vous et, comme vous, j'ai aussi été perdue alors ne vous en faites pas, ce que vous me direz ne sortira pas de cette pièce".

Eleanor sourit à la jeune fille afin de la mettre en confiance. Même si le sujet n'était pas le préféré de la jeune femme, elle trouvait la jeune fille en face d'elle très courageuse de venir en parler.

@Alienor Delphillia

Qu’es ce que les autres filles pouvaient avoir de plus qu’elle ? Ben ce n’était pas très compliqué, toutes les filles qu’elle avait pu voir en couple étaient belles, douces et surtout elles n’étaient pas dégoutées par ses marques d’affections, les garçons les prenaient dans leurs bras de la manière la plus banale qui soit et même si Aliénor avait compris que lorsqu’on la touche ce n’était pas toujours une agression, elle avait toujours du mal avec ça. Et encore pire, mélanger sa salive avec quelqu’un d’autre, en voilà une drôle d’idée ! Non Aliénor n’était pas comme ça, pas comme elles. Et puis s’attacher autant à quelqu’un c’était dangereux, Aliénor ferait n’importe quoi pour protéger ceux à qui elle tiens, alors si elle s’attache trop à quelqu’un, ce serait avoir une faiblesse qu’elle ne peut pas contrôler. Et ça c’était compliqué à envisager.

Mais comment dire ça clairement, elle n’était juste pas prête pour ce genre de choses, elle ne le serait peut-être jamais. Mais avant qu’elle ne puisse répondre, la professeure demanda des informations sur le garçon et surtout sur ce qu’Aliénor peut ressentir envers lui. Que ressentait-elle envers Rey ? Alors ça c’était une bonne question. Elle ne se l’était jamais posée en fait, et il y avait une raison ! Elle n’avait jamais eu besoin de se la poser, elle vivait sa vie comme elle venait et avec les gens qui étaient là. Aliénor n’est pas vraiment du genre à ce fracasser le cerveau en questions existentielles.

-Je… Je ne sais pas trop, je le respecte et je l’admire pour ce qu’il arrive à faire.

C’est vrai, Rey était un excellant capitaine et au combien elle pouvait lui rentrer dedans durant les entrainements, être vache et contredire les méthodes, l’équipe de Poufsouffle n’avait jamais été aussi forte que maintenant.


-Mais on ne se parle plus. Ça me faisait bizarre au début, ça m’énervait de devoir m’éloigner de lui à cause de ses problèmes, mais maintenant, je trouve ça juste dommage quand j’y pense, mais c’est la vie c’est comme ça.

Les souvenirs qu’elle avait de quelques moments passés avec le garçon lui revinrent à l’esprit. Une profonde nostalgie s’empara de la fillette et elle tira une chaise pour se laisser tomber dessus. Elle avait perdu beaucoup cette année, Rey, sa cousine Lili, tous ceux qui avaient pu partir du château et Kévin qui se faisait de moins en moins présent lui aussi. Elle n’avait plus d’amis et même si elle croyait qu’avoir des amis la rendrait plus faible, elle n’avait jamais été aussi vulnérable qu’à cet instant.

-Du coup je ne peux pas trop répondre à votre question, vu que ben… Lui aussi est parti de ma vie.

La jeune fille haussa les épaules comme pour signifier la fatalité de la chose, elle devait avancer seule, c’était visiblement le seul moyen pour ne pas souffrir. Mais étrangement son regard ne parvenait pas à trouver les yeux de sa professeure, ils se baladaient dans la salle pour finalement finir leur course sur la bague de la jeune fille qui avait les mains posées sur la table. Elle se sentait faible et elle voulait être plus forte, toujours plus forte pour ne plus être impactée par tout ça.

-C’est peut-être mieux comme ça.

Pourquoi diable sa gorge se nouait ? Pourquoi elle avait l’impression que son cœur n’avait plus assez de place pour battre dans sa poitrine ? Pourquoi était-elle si faible.

Mieux comme ça ? Visiblement pas. Eleanor assistait, impuissante, à la scène. Elle sentait son élève se refermer sur elle-même et ressentir une grande tristesse... un sentiment que la jeune professeure ne connaissait que trop bien. Eleanor n'était pas la mieux placée pour la conseiller sur les relations amoureuses vu son passé amoureux plus que chaotique mais elle ne voulait pas voir son élève souffrir de la sorte. Que pouvait-elle faire ? La jeune Poufsouffle était tellement vague qu'Eleanor ne comprenait pas la moitié de ce qu'elle lui disait. Ses problèmes ? Quels problèmes ? Que pouvait-il bien se passer dans la vie de la jeune fille ? Eleanor devait le savoir si elle voulait comprendre le discours de sa jeune élève.

- "Pourquoi est-il sorti de votre vie ? Cette question est un peu indiscrète, je le conçois, mais mettez-vous deux minutes à ma place ... j'ai du mal à vous suivre. Je ne suis pas dans votre tête !"

Eleanor fit un large sourire à la jeune fille afin de la motiver à se confier davantage. Ensuite, puisque la jeune fille s'était assise sur une chaise, elle fit de même et s'installa juste à côté d'elle.

- " Vous avez l'air terriblement déçue qu'il ne fasse plus partie de votre vie. Comment je le sais ? Votre regard a changé lorsque vous m'avez dit qu'il ne faisait plus partie de votre vie. Vous savez, c'est tout à fait naturel, à votre âge, d'avoir des sentiments pour un garçon. Lorsque j'avais votre âge, je suis tombée eperdument amoureuse d'un garçon et, moi non plus, je ne savais pas ce que je devais faire. Il est parfois plus facile de cacher ce que l'on ressent espérant que les sentiments s'en aillent mais, je sais, par expérience, qu'ils ne s'en vont jamais vraiment".

Voilà qu'Eleanor parlait de sa vie amoureuse à une élève. Que lui arrivait-il ? Peu importe, c'était dit ! Après tout, l'expérience de sa professeure pouvait aider la jeune fille. Après tout, Eleanor n'avait encore que 26 ans et ses déboires amoureux n'étaient pas si lointains.

- " L'amour peut prendre plusieurs formes. Certains aiment se montrer leur amour alors que d'autres restent davantage sur la réserve. Est-ce pour autant qu'ils s'aiment moins ? Je ne le crois pas. Je remarque que vous m'avez l'air plutôt sur la réserve lorsqu'il s'agit d'amour. Je me trompe ?" Eleanor s'interrompit quelques secondes, observant la jeune fille assise à côté d'elle. Elle avait l'air perdue, ce qui brisa le coeur de la jeune professeure. "Vous dites que vous ressentez de l'admiration et du respect pour ce garçon mais est-ce que vous ressentez ça pour vos amis, d'autres garçons ?"

Eleanor parlait beaucoup ... A force de vouloir clarifier, elle ne laissait même plus le temps à son élève de lui répondre. Alors, les bras croisé en dessous de sa poitrine, Eleanor s'arrêta et lui laissa le temps de répondre et de se confier.

Ses réponses entrainaient plus de questions que de réponses finalement. Rester floue, quand on parle de sentiments et qu’on s’appelle Aliénor c’est loin d’être facile. Mais elle, elle parlait d’amour, comme si Aliénor en ressentait pour lui. Mais ce n’était pas le cas, la jeune fille en était bien loin et surtout elle ne voulait pas ressentir ce genre de choses, c’était impossible. La jeune fille avait l’impression que ça professeure essayait de la faire parler en faisant tout un tas de suppositions sur la vie de la jeune Delphillia. Mais elle ne la connaissait pas, elle ne savait pas qui elle était, qui elle était devenue. Aliénor serra les poings, sa colère remontant encore en elle, comme un vieux démon qui n’attend que ça tapis dans l’ombre, le moindre prétexte. Aliénor savait que même s’il ne le montrait pas son père l’aimait de tout son cœur, elle avait mis du temps, mais elle l’avait compris. Jamais elle n’extérioriserait ses sentiments comme certains, elle le savait, mais elle donnerait toute son âme pour ceux qui comptent vraiment.

-Je ne suis pas amoureuse.

La base est plantée, au moins ce fait là était acté, maintenant elle devait répondre aux autres questions que la femme lui avait posé. Mais comment elle faisait, si autant de question lui passait par la tête quand elle pensait à quelqu’un elle aurait déjà explosé depuis longtemps. Elle respirait calmement réussissant à maitriser cette colère qui avait pointé le bout de son nez. Dans ta face sentiments de mes reins !

-Je le respecte et je l’admire parce que c’est mon capitaine.

Oh ben zut. Ah ben bien, maintenant t’as tout dévoilé ma grande, débrouille-toi. La jeune fille eut comme un sursaut, comme si ses mots n’auraient pas dû sortir, et ils n’auraient pas dû ! Aliénor soupira devant son incapacité à réfléchir avant de parler. Tant pis ce qui était fait était acté.

-C’était mon premier ami à Poudlard, c’est normal que je sois déçue qu’on ne puisse plus se parler ou se voir à cause de ses parents. Ils compliquent toujours tout les parents.

Aliénor retira sa bague en acier de son doigt pour jouer avec. Elle-même avait eu des soucis avec ses parents at avait toujours du mal avec l’attitude de sa mère. Mais personne ne lui avait dicté quoi faire, elle était toujours libre, Rey, on lui enlevait sa liberté et c’est une chose que la jeune Delphillia ne pouvait pas concevoir. Vivre sans être libre, de ses mouvements, de dire ce que l’on pense, ce n’était pas vivre pour elle. Certainement pour ça qu’elle est claustrophobe.

-J’ai pas beaucoup d’amis vous savez madame, mais ils ont tous quelque chose de différent. Je ne serais pas s’il y a une différence profonde ou je ne sais quoi et… Je ne veux pas vraiment le savoir, j’ai pas besoin de ça en plus dans ma vie.

Bon ben là elle avait un peu prêt toutes les cartes en mains non ? Du moins Aliénor ne pouvait pas vraiment plus lui donner, mais ça avait l’air si compliqué, décidément rester loin de ce genre de relations semblait être la meilleure idée au monde.

*Eleanor, reste calme !* se dit la jeune professeure après avoir entendu son élève. Que voulait-elle au juste ? Franchement, pour qui se prenait-elle ? Elle défonçait la porte de sa salle de classe et, après une retenue, se pointait la bouche en coeur afin de demander de l'aide à sa professeure mais refusant d'admettre quoi que ce soit ou de lui répondre sans s'énerver ? Même si, d'apparence, elle tentait de rester calme, Eleanor percevait la colère sur son visage. Si elle ne voulait pas qu'Eleanor s'énerve elle aussi, elle avait tout intérêt à devenir un peu plus coopérative. Après tout, ce n'était pas Eleanor qui avait des problèmes mais elle ... alors, si elle voulait de l'aide, c'était à elle de parler et pas à sa professeure de deviner. Prenant une grande inspiration, la jeune professeure s'adressa à son élève :

- "Vous n'êtes pas amoureuse, soit". Eleanor n'y croyait pas du tout mais à quoi bon perdre son temps à essayer de lui faire comprendre ce qu'elle ressentait au plus profond d'elle si elle ne le voulait pas. "Ce que je ne comprends pas c'est pourquoi vous êtes venue me voir si vous n'êtes pas amoureuse. Vous n'avez, visiblement, pas de problème".

Eleanor sentait la colère la submerger. *Quelle perte de temps ! Franchement, depuis quand je donne des conseils en amour moi?* pensa-t-elle !

- "Bon, recommençons depuis le début. Vous m'avez dit qu'une amie à vous vous avait dit que vous flirtiez avec un garçon, votre capitaine donc". Eleanor connaissait désormais l'identité du jeune homme."Vous venez de me dire que vous n'êtes pas amoureuse de lui donc, où est le problème ?"

Et là, Eleanor eu une illumination.*Elle ne pouvait pas le dire plus tôt ?*

- "Oh, je vois, c'est lui qui est amoureux de vous. C'est en tous cas ce que vous pensez ! Qu'est-ce qui vous fait dire ça ? Vous n'avez visiblement pas envie que ce soit le cas mais, pourquoi ?"

Eleanor savait pertinemment que sa jeune élève était amoureuse de ce garçon ou, en tous cas qu'elle ressentait quelque chose pour lui. Sinon, pourquoi serait-elle là, devant sa professeure à lui demander conseil ? Néanmoins, elle avait compris que ça ne servait à rien, pour le moment, d'insister. Si elle n'était pas prête à admettre ses sentiments, Eleanor n'allait pas la forcer à le faire.

Elle semblait calme, et pourtant quelque chose dans la voix de sa professeure faisait dire à Aliénor qu’elle n’avait pas tout saisi et qu’elle commençait à s’énerver du comportement d’Aliénor. Voilà une preuve qu’elle n’était pas faite pour ce genre de sentiments ou de situations, elle était bien incapable de l’expliquer. Elle aurait du tout garder pour elle, se confier n’était peut-être pas la bonne chose. Décidément personne ne pouvait la comprendre et elle ne comprendrait jamais les autres qui peuvent vivre ce genre de relation exclusive qui fait que tu te construis autour d’une personne unique.

Elle voulait partir, abandonner cette idée étrange que de venir chercher conseil chez sa professeure juste parce qu’elle était jeune mais qu’elle avait vécu bine plus que la troisième année. Elle récapitula avec brio ce qu’Aliénor avait tenté de lui expliquer. La batteuse avait les yeux rivés sur ses mains, sa bague tournoyant entre ses doigts avec une habilité que peu lui connaissait. Puis soudain, la lumière se fit dans les yeux de sa professeure. Bien sûr que c’était lui qui était amoureux, elle, elle en était bien incapable. Et qu’est-ce qui lui fait dire ça, mais elle lui avait dit ! Une ride se creusa au milieu du front de la jeune fille. Elle ne pouvait pas de nouveau se laisser aller à la colère, pas face à un professeur.

-Parce que cette fille a dit que je flirtais avec lui. Comme je sais que de mon côté c’est faux et ben ça vient forcément de lui.

C’était limpide pour Aliénor, mais visiblement sa façon de pensée n’était pas celle de tout le monde. Elle releva cependant la tête pour répondre à la question suivante. Pourquoi ne voulait-elle pas que Rey ait le quelconque sentiment pour elle ? Parce qu’elle ne voulait pas perdre son ami et parce qu’elle serait bien incapable de lui donner ce qu’il veut. Mais mise devant cette évidence de perdre encore une fois cette personne a qui elle tient lui fit l’effet d’une douche froide. Tout, tout faisait qu’elle devait s’éloigner de Rey et le rayer définitivement de sa vie.

-Et je ne veux pas qu'il soit amoureux parce que moi je ne le suis pas. Si lui est amoureux, alors il ne voudra plus être mon ami et si moi je ne veux pas qu’il ait de faux espoirs ben… Je ne peux plus être son amie.

Aliénor soupira alors que son regard se posa sur le mur en face d’elle. Tout cela était épuisant, les sentiments étaient épuisants.

-Comme quoi, c’est peut-être une meilleure option que ce qu’on pense de s’éloigner. C’était mon premier vrai ami, mais on change alors on change d’ami c’est normal non ?

Elle chercha l’approbation chez sa professeure. Elle avait raison non ? Ou du moins elle n’avait pas tort, les amis d’avant ne peuvent pas durer si on n’emprunte pas le même chemin.

Combien de temps avait-il fallu à la jeune fille pour mettre des mots sur son problème ? Trop longtemps. Cela faisait plus de dix minutes qu'Eleanor discutait avec son élève et c'était seulement maintenant qu'elle comprenait ses craintes. Il était temps ! Néanmoins, la jeune professeure doutait de ses capacités à la conseiller. Après tout, elle n'était pas la mieux placée pour parler d'amour. Alors qu'elle réfléchissait à ce qu'elle allait répondre à son élève, elle se souvint d'une situation similaire qu'elle avait vécue lorsqu'elle était plus jeune. En effet, Eleanor, alors âgée de 15 ans, avait eu un meilleur ami plus vieux qu'elle. Elle savait qu'il l'aimait mais, par peur de perdre leur amitié, elle avait fermé les yeux. Lorsqu'il quitta le château à la fin de sa septième année, il révéla ses sentiments à la jeune femme mais elle fut incapable de lui répondre. Alors, elle prit ses jambes à son cou et s'enfuit. Après tout, après ce qu'elle avait vécu avec son ancien petit ami, elle n'était pas prête à s'engager de nouveau et il le savait. S'il le savait, pourquoi le faisait-il ça ? A partir de ce moment, elle n'eut plus jamais de nouvelle de sa part. Perdue entre tristesse et colère, la jeune femme ne chercha plus à le contacter. Et, ainsi, s'éteignit une belle amitié.

Comment pouvait-elle conseiller la jeune fille alors qu'elle-même avait opté pour l'autre option et s'était rendu compte que maintenir une amitié malgré les sentiments de l'autre est impossible et surtout, douloureux ? Elle ne le pouvait pas. Alors, incertaine, Eleanor se mit à lui raconter son histoire. Lorsqu'elle eut terminé, elle prit quelques secondes pour elle et pour repenser aux bons moments qu'elle avait vécu. Ensuite, elle reprit.

- " Si ce garçon est effectivement amoureux de vous, il souffrira si ses sentiments ne sont pas partagés et que vous faites tout pour rester ami avec lui. C'est ce que j'ai fait et je sais par expérience qu'il y aura forcément une cassure ... un jour ou l'autre. Ce sera trop tard ! Je peux également vous dire que l'on en souffre beaucoup et longtemps. Par contre, si vous décidez de maintenir vos distances avec lui, aussi difficile que cela puisse être pour vous, vous en souffrirez tous les deux mais vous parviendrez à vous reconstruire. Qui sait, avec le temps, lorsque ses sentiments auront disparu, vous retrouverez votre ami. Prendre ses distances au bon moment permet à la personne de se reconstruire plus facilement et de ne pas espérer une quelconque relation. Si vous n'éprouvez pas les mêmes sentiments pour lui, pensez à lui avant de penser à vous et à l'ami que vous perdez ".

Une fois son monologue terminé, Eleanor ne put s'empêcher de se dire qu'elle avait été un monstre et particulièrement égoïste en laissant son meilleur ami continuer à l'aimer alors qu'elle savait pertinemment qu'elle ne partageait pas ses sentiments.

- " Je suis consciente que ce n'est probablement pas ce que vous vouliez entendre en venant me parler ".

Eleanor regarda la jeune fille qui se trouvait face à elle et se sentir embêtée de lui donner raison lorsqu'elle disait qu'elle devait s'éloigner s'il était effectivement amoureux d'elle.

- " Est-ce que vous en avez parlé avec lui ou vous êtes-vous simplement fié à ce que vous avait dit votre amie? "