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03 mars 2018, 11:14
Premier cours de l'Enfer sur balai
La fillette serrait les dents à s'en briser les mâchoires. Ses mains et son front étaient moites. Une visite chez le dentiste serait moins redoutable que ce premier cours de vol ! Elle avait envisagé toutes les options possibles pour y échapper, mais pas moyen.
Sécher le cours ? Non. Pas question qu'on la prenne pour une lâche. Jamais elle ne prendrait la fuite ! Elle préférait encore tomber elle-même ! L'humiliation serait moins grave ! Admettre était finalement plus noble que de nier. Au moins, elle ne ferait pas semblant. De toute façon, elle n'était pas douée pour ça.
Demander un cours particulier au prof ? Pas moyen, de toute façon, avant n'importe quel cours particulier, il fallait se farcir le premier cours comme tout le monde.
Le mieux aurait été un clone, une illusion d'elle-même assez réaliste pour prendre sa place pendant qu'elle aurait regardé le cours de loin pour faire son devoir, mais elle n'était qu'en première année.
Bref, elle était fichue.

A présent, tout ce qu'elle attendait du professeur était qu'il prenne touuuuuuuuuut son teeeeeeeeeeeemps pour parler avant de lui infliger le pire.

"Bien ! Alors je me présente, je suis Monsieur Sabedja. Votre professeur de vol pour cette année..."

"Malheureusement," songea-t-elle.

"...et les prochaines j’espère."

"Si seulement on nous forçait ce cours qu'en première année..." se dit-elle encore à elle-même.

"Même si le vol est une matière assez secondaire..."

Líle écarquilla ses yeux déjà grands sur le professeur par-dessus les épaules des autres élèves. Sa respiration se bloqua tandis qu'un mince filet d'espoir hurla dans son esprit :

"Ça veut dire qu'on peut demander de pas y aller ?"

"...elle n’en demeure pas moins importante, puisqu’elle pourra devenir capitale selon la filière que vous choisirez en troisième année. Si vous voulez devenir Auror par exemple. Alors prenez bons soins de ne pas négliger le vol !"

"Surtout, jamais, jamais, jamais Auror !"

Ayant apparemment achevé son introduction, le baptisé officiellement "Professeur Terreur" agita sa baguette - C'est dingue cette manie qu'ont les sorciers d'avoir toujours besoin d'une baguette ! Faire passer une note, c'est tout aussi bien ! - et fit apparaître un tableau noir qui écrivit tout seul.

Líle roula des yeux. Ben voyons !

Elle oubliait qu'elle était grande, donc même si elle se planquait derrière les autres, au fond, elle se détachait quand même un peu, mais voilà. Elle oubliait alors même qu'elle en profitait pour lire. Parce qu'elle ne pouvait jamais résister à un tableau noir.

« Tenue », « Vitesse », « Visibilité », « Matériel », « Hauteur » lut-elle.

"Pour ne pas tomber, pour ne pas tomber, pour ne pas tomber, pour ne pas tomber, pour ne pas en tomber," retranscrivit son cerveau reptilien transi de peur.

"Donc, est-ce que quelqu’un peut me dire le lien entre ces cinq mots ?"

"Faut pas tomber," lâcha-t-elle spontanément d'une minuscule voix pâle.

Quelqu'un d'autre répondit à la question en disant : "Heu… Ben j’crois que c’est les 5 trucs de sécurité à respecter quand on fait un vol sur balai."
"Pour pas tomber, quoi."
"Heu… Ben j’crois que c’est la bonne réponse. 5 points pour Poufsouffle. Oui effectivement, c’est bien les 5 règles fondamentales de sécurité de vol sur balai. Même si nous n’en aurons pas besoin pour les cours de première année..."

Et là, le cerveau de Líle eut un raté. Elle ouvrit grande la bouche, les yeux cette fois sortis des orbites, et s'étouffa d'un ton outré dans un :

"Hein ?"

Mais ce prof était dingue ! Comment ça, on avait pas besoin des règles de sécurité pendant la première année ? Mais c'est comme ça qu'on forme des fous furieux du balai comme Orla ! Si ça s'trouve, c'était lui le prof de vol d'Orla en première année, et c'est de sa faute si Orla a eu la très très mauvaise idée de faire monter Líle sur son balai et qu'elle est tombée de beaucoup trop haut !

"...je dois en parler."

La petite fille releva momentanément l'index sur la gâchette imaginaire d'un silencieux imaginaire qui visait imaginairement le Professeur Terreur.

"Donc premièrement, porter la bonne tenue, afin d’être à l’aise sur son balai, lunettes contre la pluie, gants anti-frottements, cape de stabilisation et autres… Deuxièmement, adapter son allure pour limiter les pertes d’équilibre et éventuellement éviter l’accident, de plus, si vous en avez un, il y aura toujours moins de dégâts à une vitesse basse qu’à une trop élevée."

"Ça, c'est bien vrai !"

"Troisièmement, sûrement une des règles les plus importantes, rester non visible par les moldus, si vous ne respectez pas cela, vous pouvez être jugé au Ministère. Quatrièmement, choisir le bon matériel, cela englobe balai, tenue, extensions de balai et accessoires d’entretiens du balai. Attention aux contrefaçons qui sont monnaie courante. Enfin, voler à la bonne hauteur, ni trop haut pour échapper au froid du ciel et au manque d’air ni trop bas pour ne pas faire face à des obstacles. Il faut savoir adopter un juste milieu.

Ces cinq règles sont à apprendre par cœur, c’est in-dis-pen-sable. Sachez que chacune de ces règles sera plus approfondie dans les cours supérieurs à la troisième année. Avez-vous des questions sur ce que je viens d’évoquer ?"


"Oui, dites-moi que le cours est fini ?"

"Des coudières, des genouillères et un casque se trouvent à vos pieds. Enfilez-les s’il vous plaît, autrement vous finiriez à Saint-Mangouste."

Orla ne lui avait pas fait enfiler ça avant d'avoir la pire mauvaise idée du siècle...

Par les élixir de Morgane ! Elle y était. IL allait la faire monter sur un fichu balai et voler dessus ! Líle déglutit, les yeux rivés sur le matériel qu'elle enfilait en essayant de maîtriser ses tremblements, sans grand succès. Ses mains étaient tellement moites de sueur que ses doigts glissaient sur le plastique des fermetures à clipser.

Elle n'en menait vraiment, vraiment pas large.

"Avant de démarrer, je voudrais savoir : qui a déjà effectué un vol ici ?"

Elle tourna la tête vers le Professeur Terreur et le foudroya des yeux !

"Et il s'croit drôle !" disaient ses grands yeux gris tempête.

A ce stade d'épouvante, la fillette devenait légèrement paranoïaque. Elle ne leva pas la main et décida de ne plus l'écouter que d'une oreille.

Au moment de vérifier son balai, ce fut un véritable contrôle technique qu'elle fit subir au sien. Elle songeait à le saboter, mais lorsqu'elle vit qu'un élève échoua à en réchapper par un Reparo du Professeur honni, les épaules de Líle tombèrent au moins jusqu'à ses chaussettes sous la déception.

Et puis, il fallut aimanter le balais à sa main, comme un chien bien dressé... Comme si le tenir simplement en position n'était pas suffisant. Les sorciers.

N'ayant ni le cœur ni l'envie et encore moins la conviction de sauter du haut d'un pont sans élastique, inutile de préciser que Líle ne parvint pas à faire tenir son balai au garde-à-vous.
Et puis, la mort dans l'âme tel un condamné à mort sur le point de monter à l’échafaud, la petite fille enfourcha son balai avec une prière silencieuse à Dieu, au Diable et à Merlin. Elle vérifia scrupuleusement qu'aucun obstacle n'allait lui frapper la tête au décollage tant redouté, puis...

Et puis, voilà... taper du pied, maintenant...

Líle déglutit, le sol lui paraissait déjà vachement loin. Elle leva le genou en tremblant de tous ses membres fins. Elle tapa du pied aussi doucement que possible. Pour NE PAS décoller.
Mais pas assez.
Car le balai fit un bond d'un mètre au-dessus du sol !
Líle ferma les yeux à s'en fendre les paupières ! Un cri de terreur vibra sans sortir de sa gorge ! Ses pieds flottaient dans le vide ! Ses pieds flottaient dans le vide ! Comment on fait descendre cette cochonnerie ?
Elle se vautra et s'appuya sur le manche sans réfléchir, sans rouvrir les yeux, de tout son poids ! Ses pieds touchèrent le plancher des vaches !

Et Líle respira après avoir retenu son souffle depuis le décollage.
Mais elle n'arrivait plus à rouvrir les yeux. Ses mains étaient agrippées au manche comme si on les avaient enrobées de scotch.
Là, elle allait avoir besoin d'un petit coup de main d'une bonne âme. Tant pis !

"Je veux descendre de ce machin..." gémit-elle pitoyablement en claquant des dents par des mâchoires si serrées jusqu'ici qu'elles en tressautaient façon ressors.

Elle ne se rappelait pas clairement comment elle avait finalement réussi à lâcher le balai ou à rentrer au château, mais quand elle retrouva ses esprits, elle serrait convulsivement le parchemin de son devoir en étant assise près d'une fenêtre de sa salle commune.

Décidément, elle allait avoir besoin soit de cours particuliers, soit d'une miraculeuse dispense...

"Je t'ai déjà parlé du chaudron de Dagda ? Non ? T'es sûre ? Eh bien, voilà, un jour, y'a très longtemps..."