La fille de Serpentard ne semblait pas lui tenir rigueur de sa plaisanterie et semblait au contraire intéressée par un concours de ricochets. Lui adressant un sourire narquois, Eider semblait même dire que Clément n'avait aucune chance contre elle et qu'il devrait s'attendre à se faire battre à plate couture. Il n'en fallait pas plus pour éveiller l'esprit de compétiteur du garçon qui se mit aussitôt à lui tirer la langue d'un air moqueur. *Tu n'as aucune chance toi! * L'Anglais partait néanmoins avec un fort handicap dans cette histoire : sa main principale était attachée à celle de la jeune fille et son tir n'en pouvait être que maladroit. En plus, la fille était droitière ; elle n'aurait pas du tout ce soucis et pourrait comme sans la moindre entrave lancer son ricochet à la surface de l'eau. Les dés étaient pipés, mais ce n'est pas pour autant que le garçon baisserait les bras et refuserait de participer à la compétition. Il donnerait de son mieux pour pouvoir réussir et faire taire la Serpentard aux cheveux noirs.

- « Tu perds rien pour attendre, je vais te battre à plates coutures, tu vas voir ! »

Suivant la consigne de sa camarade de classe pour se lever, le garçon se redressa en position accroupie en faisant attention de ne pas salir ses chaussures et de ne pas tirer la fillette à lui dans un mauvais mouvement du bras, puis se mit sur ses deux pieds en même temps que Dawkins le faisait. Les deux enfants étaient là debout, non loin de la rive du lac, à se regarder l'un l'autre. La scène devait sembler particulièrement étrange du point de vue d'une personne se tenant quelques mètres plus loin. Deux élèves liés par un ruban par cet après-midi. Les joues de la fille qui étaient d'habitude aussi blanches que le reste de sa peau rosissaient sous l'effet de la fraîcheur ambiant ; on se serait cru dans un roman à l'eau de rose. *Pouarg* se dit le garçon en grimaçant. Ne voulant pas rester une seconde de plus dans cette situation ridicule, Clément fit signe de la tête à Eider pour qu'ils s'approchent de la rive du lac et que la scène s'en retrouve moins affreuse. Il ne voulait pas subir les moqueries de ses camarades, non. D'ailleurs, pourquoi Tom n'était-il pas là à l'espionner pour voir comment son défi diabolique se menait ? Continuant d'avancer vers le point d'eau, le Gryffondor jeta des coups d'oeil dans tous les sens pour voir si une tête dépassait des buissons, mais rien, aucune tête brune. Le frottement de son poignet droit avec celui gauche de la fille lorsqu'ils avançaient ne faisait qu'irriter Downing. Il détestait les contacts physiques, et aujourd'hui, il en avait eu bien trop qu'il ne pouvait supporter.

Arrêtée à quelques mètres du bord, Eider se pencha en avant pour choisir la pierre qu'elle jugeait idéale tandis que le garçon restait là-debout à la regarder faire. En attendant que la fillette fasse son choix, le regard de Clément se posa innocemment sur les chaussures de la fille, puis remonta doucement sur ses chaussettes d'hiver épaisse, et en comprenant rapidement où son regard risquait de se perdre, le garçon rougit et détourna le regard pour ne fixer que la surface du lac en silence. Quelques secondes plus tard, la fillette lui tendit un galet et lui proposa de s'essayer aux ricochets. Il accepta la pierre qu'elle lui montrait avec sa main gauche et se tourna vers la rive du lac.

- « Attention, je m'apprête à lancer la pierre ! »

Après avoir épié la surface du lac quelques secondes et réfléchit à l'angle qu'il devait donner à l'impact de son galet sur l'eau, le Gryffondor se lança : d'un mouvement élancé du bras partant dans son dos, il lâcha la pierre dès lors que sa main eût dépassé son thorax. La pierre était en train de quitter sa main quand il sentit son appui gauche qu'il avait utilisé pour donner de la force à son lancer se rompre et en à peine quelques secondes, le garçon avait glissé au sol sur la terre humide. Il n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait qu'une masse suivit le mouvement et tomba sur lui.

Après que Clément ait saisi le petit galet dans sa main, l'enfant tourna la tête sur le côté pour se rendre compte de l'endroit où ils étaient. Le lac était d'un calme imperturbable et s'étendait à perte de vue. C'était tout simplement reposant. S'y poser quelques heures en été devait être vraiment agréable, même si cela impliquait sûrement l'augmentation du nombre d'élèves présents. Là ils n'étaient que deux face à cette eau. C'était un bon effectif.

Sa maigre contemplation fut perturbée par un mouvement dans son champ de vision. Eider reporta alors son attention devant elle pour constater le résultat du lancer. Mais avant qu'elle ne puisse se rendre compte des prouesses -ou non- du garçon, elle sentit une force l'attirer violemment vers le bas. Dans un réflexe inconscient, la fillette ferma les yeux et plaça sa main libre en avant pour amortir ce qui s'apparentait à une chute. Quelle en était la cause ? Elle n'en avait aucune idée. Elle comprenait seulement qu'elle s'écrasait de tout son poids sur la rive du Lac. La honte.
Ne pouvant tomber plus bas, la jeune Dawkins attendit quelques secondes -qui lui semblèrent durer une éternité- dans cette position, allongée face contre terre. Ça n'allait pas tarder à arriver. Et finalement non, rien ne se produisit. Elle était pourtant certaine qu'elle aurait eu droit aux railleries du Gryffondor quant à cet accident. N'entendant aucune remarque parvenir à ses oreilles, Eider releva la tête et ouvrit doucement les yeux, l'un après l'autre. Elle cligna des paupières à deux reprises et fut déconcertée par les deux prunelles bleues qui l'observaient. Sa main droite touchait bien le sol mais la gauche était en contact avec de la peau dans une position inconfortable en raison du ruban. Les joues d'Eider, déjà rosies par le froid, s'empourprèrent davantage lorsqu'elle comprit enfin la situation. Elle avait complètement écrasé Clément en lui tombant dessus. Sentant sa respiration sur son visage et son parfum qui emplissait peu à peu ses narines d'une délicate odeur, elle se redressa aussi loin que possible.

- Euh… je… Elle voulait s'excuser mais ça ne sortait pas. Incapable d'aligner correctement ses mots pour former une phrase, elle baissa la tête faisant tomber ses cheveux qui encadraient son visage. La situation ne pouvait vraiment pas être pire que ça. Déjà que l'après-midi s'annonçait mal avec ce fichu pari mais alors là… Mais ce moment d'égarement ne dura qu'une fraction de secondes. Bien vite les éléments s'ordonnèrent correctement dans son esprit. Il n'y avait aucune raison valable pour qu'elle tombe. Elle avait appris à marcher et à tenir debout comme tout le monde, ce n'était pas maintenant qu'elle allait perdre ces facultés. La Serpentard fronça les sourcils et regarda Clément dans les yeux. C'était de sa faute en réalité.

- … T'aurais pu faire attention quand même, on va être plein de boue maintenant… Etrangement, Eider n'ajouta rien de plus sur ce qu'il s'était passé. Elle était énervée mais exprimer ce sentiment n'était pas nécessaire. Ils se prendraient la tête inutilement sur un sujet pour lequel ils partageaient finalement le même avis. Lui, comme elle, n'avait rien demandé pour se retrouver dans cette situation et passer à autre chose rapidement était préférable à s'étendre sur cette proximité physique.

- Me battre à plates coutures tu disais hein ? Pour l'instant c'est pas fameux haha.

Eider commençait à fatiguer. Pour maintenir sa hauteur décente, elle avait placé toute sa force dans son bras droit pour éviter d'écraser le poignet de Clément. Elle redressa la tête pour regarder devant elle et ainsi s'assurer que personne ne les avait surpris dans cette position. Bon, il ne semblait pas y avoir quelqu'un, tant mieux, ils seraient les seuls au courant.
La fillette tenta de bouger et pour cela, elle plaça ses jambes de part et d'autre du corps du Gryffondor pour basculer sa jambe droite vers le côté opposé. Misson réussie. Elle s'assit alors en tailleur à côté du garçon et le regarda.

- On retente ? Faudra se coordonner sinon on va passer notre temps par terre. lui dit-elle en frottant ses genoux de sa main libre pour enlever les traces humides dues à la chute. Leur séance de ricochets avait démarré d'une manière quelque peu inattendue mais autant essayer de faire en sorte que la suite se passe calmement.


Je m'excuse une nouvelle fois pour l'attente…

La chute fut si brutale et rapide que Clément n'eut pas le temps de comprendre tout ce qui se passait. Adossé à un sol boueux, il vit sa camarade de Serpentard suivre le mouvement et tomber à son tour. Sauf que contrairement à lui, elle ne tombait pas sur un sol vaseux mais bel et bien sur lui. Sur lui. *Par la barbe de Merlin* eut-il tout juste le temps de penser, sans pouvoir lever les bras pour se protéger. Tout ce qu'il put faire fut un réflexe instinctif : celui de fermer les yeux et d'attendre que le choc se fasse.

Mais aucune rencontre ne se vint. Pendant plusieurs secondes qui lui parurent une éternité, Downing n'osa pas ouvrir les yeux et garda le menton rentré vers l'intérieur. Il avait bien trop peur d'ouvrir les yeux et de découvrir ce qui s'était passé. Imaginez qu'un autre garçon de leur année soit arrivé et avait arrêté Eider juste avant qu'elle ne tombe sur lui ? Ce serait le début de fâcheuses moqueries à son égard, son égo en serait fortement atteint. Finalement, le Gryffondor prit son courage à deux mains - ou bien avait-il tout simplement perdu patience ? - pour regarder où la situation en était.

À moins d'une dizaine de centimètres de son propre visage, se trouvait celui de la fille. De ce nouveau point d'observation, le Première Année pouvait contempler sa camarade. Les cheveux de sa camarade étaient toujours soumis à la gravité, ce qui surpris Clément. Les filles étaient décidément de drôles d'animaux. Ses cheveux venaient caresser la joue du garçon, lui donnant des frissons peu agréables. Jamais il n'avait été aussi prêt d'une fille. Enfin, est-ce que sa mère ou  Miss Williams, sa gouvernante comptaient ? Eider avait les yeux fermés ; elle avait, tout comme lui, instinctivement baissée la tête pour se protéger de l'impact.

Gêné par sa proximité avec Eider, les joues de l'enfant se mirent à rosir. Il était bouche-bée, perturbé par la situation qui venait d'arriver. Le moment fatidique finit par arriver : la Serpentard ouvrit les yeux et semblait tout aussi perturbée que lui. Aucun son ne réussit à sortir de sa bouche ; il resta la bouche ouverte en attendant que les choses se défassent. Lorsqu'elle le sermonna en disant qu'il aurait du faire attention, Clément fronça les sourcils. Était-ce de sa faute si elle avait décidé de venir sur une pente aussi glissante pour se cacher à la vue de tous ? C'était prévisible, et elle avait manqué de jugeote, c'est sûr, il en était persuadé ! Mais une fois de plus, aucun mot ne put être prononcé. Pourquoi Clément qui avait d'habitude une si grande assurance n'arrivait-il pas à se remettre de ce fâcheux incident ?

Une moquerie de plus fut proférée. Elle le taquinait, lui disait qu'il était incapable de la battre. Rapidement, la gêne fit place au mécontentement. Les sourcils froncés, le garçon fusillait sa camarade du regard. Si Eider ne s'était pas d'elle-même enlevée d'au-dessus de lui, il l'aurait sans doute poussé à s'activer. Se moquant de se salir les mains, Clément posa sa main de libre sur le sol pour se mettre à son tour en tailleur.

- « Non. C'est pas amusant, dit-il d'une voix sèche et en lui lançant un regard mécontent. J'sais même pas pourquoi j'ai accepté ce pari ridicule. J'arrête là, c'est bon tu as gagné. »

Sans demander la moindre autorisation à Eider, le Gryffondor entreprit sans prendre des pincettes d'enlever le lien qui le reliait à elle. Plus le nœud lui résistait et plus il devenait agacé. Après avoir tiré plusieurs coups secs dessus, en ne se souciant pas de la brutalité de son geste, Clément réussit à arracher le lien.

- « C'était débile d'accepter un pari pareil. Stupide de se soucier de ce que pensent les autres et de vouloir aller dans leur sens. J'aurais jamais du accepter. »

Il lui lança une dernière fois un regard qui se voulait plein de reproches. Hors de question de lui montrer à quel point cette chute l'avait troublé, il devait garder la tête haute pour éviter qu'elle aille raconter ce qui s'était passé aux autres élèves de leur promotion.

- « Au revoir, Dawkins. »

Par la suite, il se retourna et prit la direction du château en laissant la jeune fille sur les bords du lac. Durant tout le reste de la journée, Clément évita du mieux qu'il pouvait ses camarades pour reculer le plus longtemps possible le moment où il devrait leur narrer ce qui s'était passé ; il alla dîner dès l'ouverture du repas, sachant qu'à cette heure-ci il n'y avait personne, et s'enferma tout le reste de la soirée dans une salle de classe abandonnée.

Cette nuit-là, le garçon mit plusieurs heures avant de trouver le sommeil. Il ruminait d'avoir accepté un pari aussi stupide. Si il ne l'avait pas fait, il aurait eu tout loisir de travailler, n'aurait pas eu à subir la présence d'Eider, et surtout, jamais cet incident ne serait arrivé. Downing n'osait pas se l'avouer, mais les raisons qui le tourmentaient étaient bien différentes de celles-là.

Désolé pour le retard ! Ce passage signe la fin de ce RP pour moi !