Je cours. Je cours inlassablement dans les couloirs du château, haletant comme un boeuf de trait arrivant au bout de son existence pénible. Mes poumons me brûlent encore, tout comme le reste de mon corps qui semble se consumer tel une bûche au beau milieu de l'âtre. C'est douloureux... Mon ventre se tord face à tant de souffrance et je peine à retenir le vomi qui commence à remonter le long de mon oesophage. Je vais gerber, c'est sûr. Je veux pas vomir... Pas ici. Alors je cours encore plus vite, sans vraiment savoir où aller. De l'air, il me faut de l'air...

Je pousse les battants des immenses portes du château et me retrouve à l'extérieur. L'air et froid mais le Soleil tape encore. Enfoiré... Je poursuis donc ma route, coupant le parc dans sa diagonale. L'herbe est glissante. Je trébuche une première fois. 'tain ! Je me relève à la hâte. Je dois m'éloigner du château le plus possible, je sens qu'il le faut... J'ai toujours chaud, je brûle encore de l'intérieur. Mon sang bouillonnant trouble ma vue et je ne sais même plus où je suis ni où je me dirige. Tant pis, je cours. Je trébuche une seconde fois. Cette fois-ci je m'étale de tout mon long sur l'herbe du parc. Mes coudes, déjà incandescents, se mettent à lancer des décharges de douleurs dans mon cerveau.
-" 'TAIN !, hurlé-je."
Mon visage, déjà froissé par la douleur, se plisse encore plus. Mes coudes écorchés m'élancent. Face contre terre, je hurle de tout mon être. Je cri à m'en briser les cordes vocales. Je cri encore et encore jusqu'à n'en plus pouvoir. La pelouse sur laquelle je repose se met en mouvement. Les perles d'eau qui la recouvrent sont propulsées loin de moi. Je hurle une dernière fois. La trace de mes mains s'impriment dans le sol désormais asséché. C'est fini... Je m'effondre.




J'ouvre les yeux. Je suis allongé dans l'herbe on dirait. Face contre terre. Caspita... Où suis-je ? Je pousse sur mes bras, tentant de me redresser. Mes coudes crissent de douleur.
-"Aouch..., dis-je d'une voix faible et apparemment cassée."
Je me relève péniblement. Mes coudes sont écorchés, mon visage plein de sueur. Autour de moi, l'herbe a fané. Qu'est-ce qui se passe ici ? Mes mains sont étrangement chaudes, ainsi que mon front, mes bras, mes jambes. J'ai un point de côté au niveau du diaphragme, comme si je venais de courir un marathon... Comme j'ai chaud... Je regarde autour de moi. Je suis dans le parc du château, près du Lac Noir. L'eau doit être fraîche... Je m'approche de la rive et trempe une main dans l'eau pure. Elle est fraîche, ça fait du bien.

Je nage.

Quelle introduction ! Et pourtant. C’est bel et bien ce que je fais. Je nage dans les eaux sombres du lac. Je suis en première année, à Serpentard.

L’eau est froide, mais ça raffermit les muscles, ça forge l’esprit et les sens.

Je brasse l’eau rapidement, je ne fais pas de tour du lac, c’est trop long, des 500 mètres de longueur, sans pression. Juste l’eau froide, le soleil chaud et Moi. Alors je nage, un bras après l’autre, les pieds se mouvant tranquillement, me projetant à travers ce liquide composé d’hydrogène et d’oxygène, il n’y a que deux choses produites à l’infini dans l’immensité aqueuse du lac, c’est vraiment incroyable.

Un bras, l’autre, un bras, l’autre. L’exercice est épuisant mais c’est en battant une épée qu’on l’affine. Alors je brasse l’air et l’eau successivement avec ces longues choses constituée de chair et d’os, mes bras.

Je fini cette longueur et après j’irai au château prendre une douche. Je sors de l’eau et je laisse les gouttes tomber et glisser sur ma peau, c’est agréable. Je roule l’herbe avec mes pieds. *tiens, l’herbe est fanée, c’est étrange. Mon regard passe des montagnes au château, c’est magnifique, ce contraste de couleur. Et là, je le vois. Avec sa main dans l’eau, les genoux à vif, l’air recroquevillé.
Il est en première année. Comme moi.

-“Ça vas ? Il t’arrive quoi ?”

Je tends une main pour qu’il puisse se relever correctement. Le tableau doit être amusant, je suis en short de bain et dégoulinant d’eau tandis que lui est essoufflé et sous l’emprise de la chaleur.

Drôle de rencontre,...

Mes mains baignent encore dans l'eau froide du Lac Noir. À cette époque de l'année, les températures de cette eau calme et sombre pouvaient vraiment chuter, surtout en plein mois de février. Alors quelle fut ma surprise en voyant un jeune garçon sortir de ses eaux gelées comme si de rien était ! Mes yeux s'écarquillent devant cette apparition quasi surnaturelle. On eut dit que le garçon était une espèce de nymphe aquatique dont le Lac Noir serait la maison. Il était grand, sans doute aussi grand que moi, ses cheveux étaient d'un châtain très foncé tirant vers le noir, et ses yeux marrons me dévisageaient comme moi je le dévisageais de mes propres yeux. J'étais abasourdi par cette apparition. Comment faisait-il pour supporter une eau aussi froide ! Il me tend la main, je la saisis, je me relève.

-"Merci, murmuré-je de ma voix brisée. Je... j'ai glissé dans l'herbe je crois. Me souviens plus comment...

J'essuie mes mains humides sur les pans de ma cape noire. Je devais vraiment être dans un piteux état avec mes mains et genoux écorchés et mon visage constellé de sueur, coulant lentement sur les quelques pansements qui le parsemaient. J'ai encore chaud et une désagréable odeur de transpiration me picotait les narines. J'hésitai à faire demi-tour et me diriger vers la salle commune afin de me débarrasser de toutes ces impuretés qui couvraient maintenant mon corps, cela dit... Quelque chose m'en empêcha. Cette rencontre improbable m'intriguait tout autant que la personne qui me faisait face en short de bain et ruisselant d'eau glacée...

- Tu... tu nageais dans le lac ? L'eau doit être gelée...

Ma voix déraille. Comment avais-je fait mon compte pour qu'elle finisse dans cet état ? Mystère... Je baisse la tête. Je ne sais pas pourquoi... J'ai honte qu'il me voit dans une si pitoyable posture. Au même instant, l'un de mes pansement se décolle de mon visage et tombe au ralentit sur la pelouse. Je passe ma main sur mon front. C'est cicatrisé.

Aux yeux de l’autre, je suis surnaturel. Bon en même temps, pour les Moldus, notre monde est surnaturel. Mais le visage du garçon reflète une incompréhension totale ! Il doit me prendre pour quelconque bestiole du lac. Mais son regar s’apaise, le moment d’hésitation a disparu, je suis bel et bien un élève a ses yeux. Enfin, j’espère.

Alors comme ça, il a glissé dans l’herbe. Avec le soleil qu’il fait, l’herbe n’est pas non plus hyper glissante. Donc, il a glissé, il n’y a que peu d’hypothèses, ce garçon est tombé parce qu’il courait, et là je part dans des spéculations, mais pourquoi courait-il ? Une fuite ? Un jeu ? Qui sait ?

Le garçon a l’air hésitant. *je fais si peur que ça ?*. Et bien peut-être pas, car il reste. Il me pose même une question. *oui, l’eau est gelée*. Mais je vais pas lui répondre ça, il risque de partir encore plus vite que lorsqu’il est tombé.

-“L’eau est froide au début, je te l’accorde, mais après t’es cellules s’engourdissent à ce que je crois, et du coup, je m’habitue. Et puis, ça forge autant l’esprit que le corps. Ça fait du bien.”

Un des pansements qui parsème le visage du garçon, comme les étoiles parsèment le ciel de leur clarté, se détache. Laissant apparaître une vielle blessure. *Mais comment a-t-il pu avoir toutes ces blessures*.

-“Ce que tu as à la tête, tu te l’ai fait comment ?”

Je crois que j’ai omis mon nom, mon année et ma maison. Mais qu’importe, il le saura plus tard. De toute façon, ce n’est pas avec nos attaches et appartenances que l’on se définit.

C’est avec ce que l’on est. Si jamais on sait qui l’on est.

Je relève la tête est observe le Lac d'un oeil critique. Si la surface de l'eau ne présentait plus les vestiges de son ancienne croûte de glace, cela pouvait sans doute dire qu'elle n'était pas aussi gelée que je pouvais l'imaginer, en effet... Cela dit, ma main avait rougi au contact du liquide froid. Je devais sans doute être un peu plus frileux que mon camarade qui lui avait sans doute apprécié sa baignade paisible. Je cherche une serviette du regard afin que le garçon puisse se couvrir. Frileux ou non, personne n'est à l'abris d'un coup de froid. Je la trouve près de la rive, pliée et repassée à la perfection. Je la ramasse et la lui tends.

- C'est vrai que l'eau froide ça tonifie, mais tu devrais quand même te sécher... Faudrait pas que tu prennes un coup de froid même si tu sembles bien supporter les basses températures !

Je repasse une main sur mon front lorsqu'il m'interroge sur mes pansements. Comment je m'étais fait cette blessure là déjà ? Un Flipendo mal lancé ? Sans doute... En tous cas c'était passé, je n'avais plus à me plaindre de cette coupure là ! J'aurais aimé en dire autant de mes coudes...

- C'est quand je m'entraîne à lancer des sorts. Je m'attaque souvent à des sujets hors programme et des fois je suis un peu trop ambitieux...

Je bouge le pansement du bout du pieds avant de le ramasser. Je le jetterai plus tard.

- Moi c'est Marcelo. Marcelo Venesi mais tu peux m'appeler Celo.

Cette fois c'est moi qui lui tends la main, voulant sceller de manière officielle cette rencontre fortuite au bord du Lac.

Il me passe une serviette. *bon point ! C’est gentil ça !*. Par contre, ce n’est pas n’importa quelle serviette, en fait, c’est la mienne. J’en rigole intérieurement, mais ça part d’un bon sentiment. Un Poufsouffle ? Peut-être, même si vu l’allure de son visage, on dirait un Gryffondor. Bref, du coup, j’esquisse un petit sourire lorsqu’il le tend ma serviette. Je lui dis merci et j’empoigne le bout de tissu.

Je me sèche rapidement, au pire, si des gouttes subsistent, elles sécheront avec le soleil. L’inconnu me répond. Sa blessure est due à un mauvais sort, ou en tout cas un sort mal exécuté. Il déplace le pansement machinalement avec ses orteils. Son nom est Venesi, et son prénom, Marcelo, même s’il est vrai que Celo vas bien mieux avec la personne que j’ai en face de moi. On dirait qu’il est descendant de familles sud-européennes, je lui demande.

-“Tu n’aurais pas de la famille dans le sud de l’Europe ? Ton nom de famille me fais penser à la mer bleue et les sables blancs.”

Intrépide, Celo m’a l’air intrépide. S’attaquer à autre chose que les programmes, vraiment intéressant, même si c’est un peu dangereux, son visage en témoigne. C’est vrai que moi aussi j’ai été en dehors des cours quelques fois, mais jamais au point de me faire mal. Je répond à ce qu’il m’a dit plus tôt.

-“Drôle, tu as tout l’air d’être autonome, avec quelques petites maladresses.”

Dès cet instant, Celo devient mon ami. Et je serre son poing, signé d’un pacte. Un pacte de sang sans sang. Pacte de l’eau et de la sueur.

Et seulement, je me présente, par envie, qu’il me connaisse, que je puisse le connaître.

-“Je suis Hugo, Hugo Rolanbri. En première année à Serpentard. Et toi ? Tu es chez qui ?”

-“Le soleil est beau tu me trouves pas, il ne faut pas le regarder dans les yeux, mais il est bel et bien magnifique non ? Tu imagines ? Des explosions solaires à des kilomètres d’ici ! Oh ! Regarde la lune ! Elle est juste à côté ! Mais ! ..”

Je laisse ma phrase en suspens, la lune s’approche du soleil...

Hugo prend la serviette et essuie d'un geste vif sa personne trempée d'eau douce. Je le regarde se sécher hâtivement tout en me demandant comment le corps humain était capable de supporter de telles conditions de température sans faire défaillir son possesseur... Il s'interroge, quant à lui sur mes origines ancestrales.

- Une partie de ma famille vit à Florence, mes cousins du côté de ma mère ! Sinon je suis né en Irlande, dans le Leinster.

Je n'étais donc pas vraiment un pur produit de réalisation italienne, mais j'avais eu la chance d'être façonné par deux cultures différentes mais complémentaires. Le folklore irlandais et la passion italienne. Le jeune homme me pense autonome ? C'était le cas. Je mettais un point d'honneur à tenter de me sortir de toute situation épineuse sans avoir recours à une aide extérieur... Du moins , la plupart du temps...

- J'essaie d'apprendre à me défendre du mieux que je peux. Seul souvent... Il le faut en ces périodes de trouble...

Je désigne le château d'un léger mouvement de tête. En effet, les temps étaient sombres et l'avenir ne présageait rien de bon pour l'équilibre mondial. Voulant repartir sur une note plus insouciante, il m'interroge sur ma maison d'accueil. Lui est à Serpentard, je comprenais donc pourquoi je n'avais pas eu l'occasion de vraiment le côtoyer avant notre rencontre d'aujourd'hui !

- Moi je suis à Serdaigle, en première année aussi.

Il me parle ensuite du Soleil... J'aime le Soleil. Il est... lumineux ! Cependant, je ne comprends pas vraiment ce que mon nouvel ami essaie de me montrer...

- Il y avait une éclipse de prévue aujourd'hui ?

Je plisse les yeux afin d'observer ce que le jeune Hugo tente de me montrer. La Lune semblait en effet s'approcher du Soleil, cependant, cet évènement n'avait pas l'air de relever du surnaturel. Voir la Lune en plein jour était chose commune... Je reste donc interloqué par les dires du garçon qui paraissait captivé par ce phénomène naturel quotidien.

Je le savais ! Son air est bien italien ! Du côté maternel, j’espère au moins que les pizzas sont bonnes chez lui quand c’est sa famille qui les fait ; je ne lui fait pas la remarque, il y a bien trop de préjugés pour chaque pays, chaque coutumes pas la peine d'en rajouter une couche.

-"Comment as-tu fais pour naître en Irlande avec une partie de famille de l'autre côté de l'Europe ?"

C'est une énigme ce garçon ! Il se défend seul, les temps sont sombres dit-il. Et il a raison, avec l'attaque de Beauxbâtons, Poudlard n'est pas en sécurité. On a peut-être Miss Loewy, mais elle ne ferait pas le poids face à une armée étrangère. L'avenir allait être très chaud. Je lui poserai la question plus tard.

Je me doutais qu'il était en première année lui aussi, ça se voyait à son visage, si l'on oubliait les pansements. Et il est à Serdaigle ? Étonnant, avec sa témérité, je l'aurais plus vu à Gryffondor. Mais bon, je ne suis pas connu pour avoir toujours raison. Et le Choixpeau ne se trompe jamais. Jamais.

Je lui parle du soleil et de la lune. C'est vrai que là d'où nous sommes on dirait que la lune va faire une éclipse. Une éclipse solaire, ça serait incroyable. Vraiment incroyable.

Alors, à la question. *Y a t-il une éclipse aujourd’hui ?* Je n’en ai aucune idée, je ne suis pas astrologue. Je me contente d’observer.

Car la Lune est, sur un plan en 2D, à seulement quelques millimètres du Soleil. Et vu sa direction, on aura une éclipse. Incomplète, mais on aura une éclipse.

-"Je n'en ai aucune idée, mais on dirait que si, et là, ça risque d'être magnifique."

Alors, j'observe la lune prendre le pas sur le soleil. J'observe une des merveilles de la nature.

Éclipse.