Cassiopée Malory,
12 ans.
Novembre 2043.

    Elle ne sait pas vraiment ce qu'elle fait, ce qu'elle veut mais au fond elle s'en fiche un peu. Elle a juste repensé à tout ça, encore une fois, encore un cauchemar sanglant et elle n'en veut plus. Elle ne veut plus tout ça, pourquoi ne pourrait-elle pas juste les laisser là, au milieu du lac pour le plus jamais les retrouver, même en essayant très fort ? Elle en a juste marre de ne rien contrôler, d'avoir l'impression d'être un pantin. Elle en a juste assez de ne pouvoir rien faire d'autre que de subir les jeux du destin sans pouvoir dire son mot dans l'histoire, sans pouvoir écrire la sienne toute seule. Elle en a marre d'essayer de pardonner alors qu'elle sait qu'elle n'a pas à le faire, que rien n'est de sa faute et qu'ils ne méritent pas qu'elle leur accorde son pardon. Elle en a marre de ce dicton « Qu'importe les coups, tu tendras l'autre joue. » Elle essaie d'être comme ça, elle essaie très fort mais ça ne sert à rien, elle ne sera jamais comme les gens veulent qu'elle soit et elle ne s'attend pas à ce que quelqu'un comprenne combien ça fait mal de ne pas être normale après avoir essayé si fort, après avoir tout donné pour y arriver et, finalement, être à des lieues de ça.

    Elle en a marre d'oublier de plus en plus de choses, d'avoir des trous de mémoire de plus en plus récurrents. Elle ne veut pas être malade. Elle veut se souvenir de tout, se souvenir qu'elle n'a pas le droit d'oublier. Qu'elle ne peut pas oublier son passé si elle veut le laisser derrière elle mais elle commence à oublier de plus en plus de chose, comme si son esprit était un grand trou noir où tout finissait par être aspiré et par disparaître. Elle. Ne. Veut. Pas. Et pourtant le destin s'est toujours foutu de sa gueule alors il lui fait oublier quand même. Elle a l'impression de ne plus rien contrôler, que sa vie s'évapore entre ses doigts, qu'elle brûle et qu'il ne lui reste sur les doigts que les cendres d'une existence vécue mais oubliée. Elle ne supporte pas ça. Pourquoi elle continue à se battre, alors ? Elle pourrait juste enterrer tout ça et essayer de devenir quelqu'un d'autre pour de vrai. Se transformer.

    Elle a de l'eau jusqu'à la taille. Sa robe et son pantalon sont collés désagréablement à sa peau, comme une sangsue. C'est désagréable, mais pas insupportable. Elle n'oubliera pas cet instant, par la froideur de l'eau qui lui bouffe la peau ou simplement parce qu'après elle ne se souviendra plus de rien d'autre que le soleil qui lui brûle la rétine.

    Puis, tout est noir, elle a plongé toute habillée. Mais elle n'a envie de rien d'autre que de faire l'étoile de mer. Se laisser emporter par le courant loin de Poudlard et de tout ce que cette école représente. Elle veut juste se faire oublier. Elle a toujours aimé l'eau, nager. C'est comme voler mais sans elle. Alors elle flotte.

Devenir plus forte.

Devenir plus forte.

Devenir plus forte.

C'était la litanie dont Tally Jenkins n'arrivait plus à se défaire. Nuit comme jour, les dernières paroles de Mei la hantait. Il était hors de question de prendre du retard. Alors elle bûchait, sérieusement. Elle n'avait jamais engouffré autant de livres que depuis le départ des Chinois. Elle ne s'était jamais autant appliquée dans les matières qu'elle jugeait les plus intéressantes pour devenir plus forte. De ce fait, elle régressait dans les matières les moins offensives et commençait à prendre du retard en Botanique, Soins aux Créatures Magiques et Potions. Pour le reste, elle excellait et ne cessait d'en demander plus, allant toujours plus loin dans ses recherches et ses entraînements.

Aujourd'hui, elle cherchait un coin calme pour s'exercer au Stupéfix. Fameux sortilège qui avait eu sa peau lors de la dernière épreuve. Elle voulait d'abord s'entraîner contre des cibles végétales avant de trouver une victime, plus ou moins volontaire, selon quel serait son état d'esprit du moment. La Serdaigle se déplaçait vivement à travers le Parc de Poudlard, en direction du lac où elle saurait trouver la paix. Sa baguette rectiligne dans sa main gauche et la pièce qui virevoltait de temps à autre dans son autre main. Dès qu'elle rattrapait cette fameuse piécette, elle avait l'impression de sentir la chaleur de la brûlure dont elle avait été victime, ce matin-là. Et cela lui galvanisait le bras en plus de l'aider à continuer de croire en ses espoirs les plus fous. Dont celui de rattraper le niveau de Mei.

La Quatrième année arriva au bord du lac qui, aux premiers abords semblait calme et désert. Elle posa ses affaires au pied d'un arbre, se débarrassa de sa cape pour être plus à l'aise lorsque son regard capta une forme dans l'eau. Elle était assez petite vue d'ici mais tout portait à croire que ce n'était pas l'une des créatures du lac. Non, c'était quelqu'un, qui ne bougeait plus, dans l'eau du lac ! Son cerveau se mit immédiatement en branle. Un sortilège, d'ici ? Impossible ! Le point au loin était trop petit. Elle se débarrassa de son surplus de vêtement et, emportée par l'idée qu'elle devait faire un truc, se mit à courir sur les galets. Plus elle s'approchait, plus sa cible semblait avoir perdue connaissance, ou un truc du genre. Tally frissonna à l'idée de se jeter à l'eau. Elle avait déjà piqué une tête durant l'hiver dernier, elle n'était pas bien sûre de la température actuelle du lac.

Héroïquement, elle se jeta à l'eau et fut ralenti lorsque celle-ci eut atteint sa taille. Encore quelques mètres et elle serait en mesure de rattraper le corps flottant en étoile. La Serdaigle était déjà en train de réfléchir à la suite. Elle serait en mesure de la faire léviter jusqu'à l'infirmerie mais sa course serait ralentie par son corps transi de froid. Appeler à l'aide ? Personne ne semblait être aux alentours. La jeune fille étendue dans l'eau était de Serpentard. Une fillette qu'elle n'avait jamais vu. Jenkins se demanda un instant si c'était une amie d'Anderson. Elle songea à la laisser là mais décida finalement qu'elle n'avait pas fait tout ce chemin pour ça.

Tally s'empara alors du corps détrempé sous les genoux et derrière les épaules pour le ramener sur la rive où se trouvait sa baguette. Par chance, la petite brune était légère et ne poserait pas de problème à la Capitaine pour la ramener en sécurité. Emportée dans ses diverses réflexions, Tally n'avait même pas pris la peine de vérifier si la fillette était consciente.

    Elle pouvait voir le fond du lac, les petits galets dont il était composé aussi nettement que s'il n'y avait pas eu d'eau. Elle aurait voulu les prendre, les faire tourner entre ses doigts pour apprendre jusqu'à la dernière chose qu'ils avaient à transmettre à son espèce. Combien de personnes avaient-ils vu, combien en avaient-ils blessés avec leurs bords trop coupants ou encore comment ils s'étaient créés. Ils avaient tellement de choses à dire, pas seulement avec les mots mais grâce à leur présence seule. Mais elle n'a pas pu en prendre un, parce que ça aurait brisé la bienfaisance doucereuse dans laquelle elle s'était plongée, les poumons remplis à ras bord d'oxygène, ce truc qui l'empêchait de mourir mais dont elle n'arrivait pas à s'en défaire. Alors elle resta là, en étoile. Elle flottait, comme si elle volait. Elle ne veut pas bouger. L'air quitte sa bouche alors qu'elle souffle dans l'eau. Ca fait de petites bulles qui se pressent à remonter à la surface, comme si elles étaient brûlées par l'eau. Au fond, ce n'est qu'une réaction normale, physique mais est-ce que tout ne l'était pas ? Est-ce que le fait qu'elle pensait étaient simplement normal parce que l'homme avait été créé comme ça et pas parce qu'elle avait envie de penser à quelque chose pour combler le vide dans sa tête ? Le vide avait une couleur. Le noir. Et elle détestait le noir parce que ça lui rappelait les nuits de cauchemars, le petit corps perdu dans les toilettes abandonnées à pleurer qu'on vienne la chercher. La petite fille elle a disparu. Elle sait que personne ne viendra jamais la sauver et que ceux qui le prétendent ne font que l'aider à oublier ça. La petite fille a grandi, trop vite, trop loin. Et elle n'aurait pas dû perdre ce qui faisait d'elle un gosse, parce que maintenant elle est comme ça, et tout est plus compliqué.

    On la soulève. Un bras se passe en dessous de ses genoux et un deuxième derrière ses épaules et elle n'a même pas la force de se débattre. Elle ne veut pas qu'on l'enlève, elle veut rester à faire l'étoile toute sa vie, jusqu'à la fin. Elle veut devenir une étoile. Elle ne veut juste pas revenir sur le bord de l'eau, les pieds sur la terre parce qu'elle en a marre de ça. Elle ne veut plus essayer, elle veut juste qu'on la laisse tranquille, elle veut juste qu'ils aillent tous se faire foutre à vouloir toujours la sortir de tout avec leur foutu complexe du héros. On ne peut pas sauver tout le monde. Elle, elle ne peut pas être sauvée et c'est très bien comme ça. Elle ne veut pas être sauvée. Juste, laissez-la plonger et ne jamais revenir. Laissez-la partir loin, s'enterrer dans son cauchemars. Les héros n'existent pas. C'est simple, ils ne l'ont jamais fait et ne le feront jamais. Ce ne sont que des mensonges à raconter aux gosses comme aux adultes pour qu'ils se pensent en sécurité quelque part parce que, miracle, machin est l'héroïne de la situation mais elle, elle sait que cela n'est qu'illusion. Personne ne fera jamais le bien sans rien en échange. Certains le font parce qu'ils sont obligés, pour sauver leur vie et d'autre le font parce qu'ils sont payés pour ça. Le monde n'est pas tout blanc tout rose. Il n'est pas non plus tout noir tout gris. Il est autre chose. Une chose qu'il est impossible de nommer, sur laquelle il est impossible de mettre une couleur. 

    Elle lâche le reste d'oxygène qu'il lui reste dans les poumons et inspire, expire, comme si elle ne l'avait jamais fait. Comme si elle apprenait. Et elle regarde l'autre. Elle ne sait pas qui elle est, elle ne sait pas dans quelle maison elle est mais elle sait une chose : elle est forte. Parce qu'elle est venue, qu'elle la vue et qu'elle n'a pas résisté à l'envie de venir la chercher, sans pour autant se prendre pour un héros. Et elle la déteste encore plus pour ça, parce qu'elle ne semble pas avoir ce petit défaut qu'ont les autres. Elle espéré qu'elle en a d'autres, pleins de petits mensonges qu'elle croit être des vérités pour qu'elle puisse encore penser que personne ne peut être parfait. Alors elle baisse les yeux, elle en devient malade de trop la regarder. Elle se soustrait à ses bras et s'entoure de sa cape détrempée. 

-Je voulais pas revenir. POURQUOI T'ES VENUE ME CHERCHER ?

Tally continuait à avancer. Bientôt, l'eau ne lui arriva plus qu'aux genoux, puis aux tibias, enfin aux chevilles. La galère s'arrêtait là. Elle ne savait même pas dans quoi elle s'était vraiment embourbée. En tout cas, elle ne s'attendait pas des masses à ce que la petite se débatte soudainement pour fuir ses bras en lui opposant l'idée qu'elle ne souhaitait pas "revenir". Jenkins fronça les sourcils, encore une fillette dérangée. Avec hargne, elle lui lança sa cape pour pas qu'elle ne choppe froid et se rhabilla pour tenter de trouver elle-même un peu de chaleur. Avait-elle envie de jouer les psychologues ? De comprendre pourquoi cette gosse aurait préféré rester là-bas et ne pas retrouver la rive. La Serdaigle renifla en haussant les épaules.

« _ On a pas l'droit de se baigner dans l'lac. J't'ai évité de perdre des points. Mais tu peux y retourner, s'tu veux. Mais je viendrais pas t'chercher une deuxième fois. Faut pas déconner. Le secourisme en mer, c'pas mon truc. »

Le pire dans tous ça, c'est qu'elle était à moitié sérieuse. Sauver des gens, elle avait compris ce que ça voulait vraiment dire, depuis le tournoi. Elle avait capté l'importance qui lui incombait d'être capable de faire un truc, sans rester les bras ballants comme une idiote. Cette idée d'impuissance la terrifiait.

    Elle enleva la noirceur sur ses yeux et s'aperçue que ce n'était pas un voile de terreur nocturne mais seulement une cape. Aux couleurs de Serdaigle. Elle échangea la sienne avec celle que l'autre lui avait donné et se ratatina dedans. Elle n'était pas en première année, elle ne l'avait jamais croisée en cours et elle se souvenait absolument de tous les visages. Elle baissa les yeux. Ce n'est pas comme si elle avait souhaité se noyer, loin de là. C'était... Autre chose. Elle avait eu l'impression de voler, d'avoir le cœur et les poumons à deux doigts d'exploser. Comme avant, et ça lui avait manqué de plus pouvoir être comme avant. Elle avait pu écouter son cœur battre dans sa tête et elle avait adoré. Elle adorait encore. Mais l'autre avait raison de l'avoir ramené. Même si elle ne voulait pas revenir, elle aurait dû tôt ou tard. Parce qu'elle ne pouvait pas mourir, elle le savait maintenant.

-Ce n'sont que des chiffres..., elle leva les yeux, Merci.

    Pour la cape ou le fait de l'avoir enlevé de l'eau ? Elle n'en avait aucune idée.
Elle se leva laborieusement, le froid la faisant grelotter comme si on la secouait avec force. La cape de la Serdaigle traînait pas terre, son col lui tombait sur les épaules et ses manches étaient également trop grande, ce qui confortait la petite Malory dans l'idée que l'autre n'était pas en première année, ni en deuxième à son avis. Elle leva le menton et, plantant son regard dans celui de l'autre, la curiosité tranchant ses orbes vertes, elle lui tendit sa main, celle vierge de toutes cicatrices.

-Cassiopée Malory.... 

La petite était assez bizarre aux yeux de Jenkins. C'était pas vraiment explicable, juste une impression. Même si la Serdaigle sauvait rarement des gens à moitié en train de se noyer dans le lac de Poudlard. Ce qui la poussait d'autant plus dans le sens de la bizarrerie. Quant à savoir laquelle des deux étaient la plus pas normale, elle n'osa pas véritablement se poser la question. Elle était juste venue s'entraîner et il avait fallu qu'elle tomba sur une pauvre chose en danger. L'empathie la gagnait beaucoup trop, en ce moment. Ou alors c'était l'image de Mei qui se reflétait dans ses cheveux corbeau qui l'obligeait à venir au secours de la Serpentard ? Au son de ses paroles, Jenkins grogna en détournant le regard. Elle avait pas besoin de ses remerciements. Ça la poussait à croire qu'elle était sympa et qu'elle était faite pour venir en aide à son prochain. Carcan qu'elle ne voulait pas accepter.

Pourtant, quand la petite se releva, elle la suivi des yeux, presque instinctivement, vérifiant qu'elle n'allait pas se jeter une nouvelle fois à la flotte. Elle nageait juste dans sa cape. Petit corps frêle dont le lac n'aurait finit par ne faire qu'une bouchée. Elle finit par se retourner vers elle en lui révélant son identité. Inconnue au bataillon. Encore une gosse. Elle s'empara tout de même de la main pour lui faire ressentir sa puissance à travers sa poigne.

« _ Tally Jenkins. Parce qu'elle était toujours fière de dégainer son identité. L'autre entendrait forcément parler d'elle, d'une manière ou d'une autre. C'était d'ailleurs un peu étrange qu'elle ne la reconnaisse pas. Mais elle la pardonnait. Elle était trop bonne lorsqu'il s'agissait de sa grandeur. Bon, Cassiopée, j'étais pas là pour toi, à la base. Je dois m'entraîner. Tu peux garder ma cape. Ou regarder. Bref, fait c'que tu veux. Elle haussa ses épaules en reprenant sa baguette. »

Elle s'approcha du lac en tournant ostensiblement le dos à la Serpentard et prit un longue respiration ventrale. Quitte à être face à cette longue étendue d'eau, elle cherchait à maîtriser le sort Aguamenti. Un truc qu'elle était sensée apprendre en Sixième année. Mais là, c'était une variante plus facile où il ne s'agissait que de déplacer de l'eau déjà présente, non de la créer. Pour elle, le feu avait toujours été un élément facile à maîtriser et à faire exploser. L'eau, c'était autre chose. Ce truc lui glissait systématiquement entre les doigts et il lui était impossible de la soumettre à sa volonté. Elle fronça les sourcils en regardant ce maudit élément. Elle tendit sa baguette et murmura le sort.

A part des clapotis au niveau de l'eau, pas grand chose ne se passa.

A part lui broyer la main, elle n'avait pas fait grand chose de mal, dommage que ce geste lui rappelle si violemment son frère aîné. Elle frissonna, non pas de froid, une poupée n'avait jamais froid, mais de peur. Elle était faible de crever de panique dès que quelque chose se rapportait à son frère mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Il commençait à changer pourtant, elle l'avait bien vu. Cette nouvelle famille le faisait être meilleur. Au lieu de la rassurer, ça ne la faisait que flipper. Avoir peur d’être encore inférieure à son frère, d'être encore oubliée, que les gens se rendent compte qu'il était tellement mieux qu'elle. Complexe d'infériorité qui lui bouffait la vie mais qui paraissait naturel dans sa condition. Et puis, c'et pas comme si quelqu'un l'aurait apprécié de son plein gré ? Même Solenn avait été forcée, quand elle y pensait. Certes maintenant plus du tout mais à l'époque où elles s'étaient rencontrées, elles n'avaient, l'une comme l'autre, pas compris ce qui les avait poussé à s'entendre. 

Mais Tally Jenkins n'avait pas l'air d'être comme son frère, alors elle ne s'en formalisa pas et s'enroula encore un peu plus dans la longue cape. Elle l'aimait bien, c'te vêtement. 
-Le merci, c'était pour la cape. ajouta t-elle quand cela sembla déranger l'autre. et pour chopper la crève à ma place. 
Était-elle censée la connaitre ? Son nom lui disait vaguement quelque chose, on avait dû parler d'elle jusqu'en salle commune pour qu'elle s'en souvienne. 
-T'étais avec un des étrangers ? elle n'avait pas suivi, rien que la première épreuve et pas même dans sa totalité. Elle n'était au courant que de ce que quelques chiants avaient été lui rapporter comme si elle allait s'en soucier, chose qu'elle n'avait pas fait, d'ailleurs. 
-Tu dois m'avoir cassé deux ou trois doigts. Tu fais ça souvent ? Tu dois faire du sport. Quidditch ?

Elle ne savait pourquoi mais elle avait envie de parler avec elle. C'était sûrement stupide car la Serdaigle n'était sûrement pas de cet avis mais elle s'en foutait un peu après tout. Ce ne serait de toute façon pas la première fois qu'on la renverrait chier. Se déplaçant légèrement, elle attrape habilement la branche la plus basse de l’arbre et monta sur le végétal avec aisance. Perchée comme un chat, elle avait l'impression d'être protégée de toutes les choses qui allaient mal sur terre. Elle ne pourrait jamais s'envoler , elle l'avait compris il y a bien longtemps mais elle aimait les petites hauteurs pour la sensation de ne plus être totalement sur terre. Par contre, les  grandes hauteurs lui donnaient la nausée. 

Les jambes battant dans le vide, elle regarda le sort échouer.
-Tu pars défaitiste. Pourtant t'as pas l'air d'être une dégonflée donc  pourquoi tu perds tes moyens devant quelques molécules d'H2O ? Si tu penses que tu n'es capable de rien avec un truc, forcément que tu vas pas y arriver. Et si tu te redressais et que t'arrêtais de chuchoter ? Si tu veux faire ça, faut d'abord arriver à le lancer normalement. Tu t'es jetée là dedans y'a pas dix minutes, penses juste que c'est pas elle qui tient les rennes, ce qu'elle semble faire. Après tu fais c'que tu veux, je m'en fous un peu.

Elle se balança sur sa branche, se penchant en arrière. Son poids plume lui offrait un avantage : la branche ne risquait pas de se briser. Elle jeta un regard plein de dégoût sur la ceinture qui tenait son uniforme mais qui n'était pas assez grande pour le garder sur ses hanches.

Cette Cassiopée était décidément un drôle de personnage. De ces personnes qui intriguaient profondément Tally mais qui était plutôt du genre à ignorer splendidement plutôt que de leur tenir compagnie. Pourtant elle était là, après lui avoir plus ou moins sauvé les miches. Par héroïsme. Pour une raison inconnue, Jenkins n'avait pas fuit. Elle voulait juste montrer qu'elle s'en fichait de l'autre et que c'était pas une broutille comme elle qui allait l'empêcher de faire ce qu'elle avait à faire.

Elle écarta d'un revers de main les remerciements. C'était normal. Enfin, tout le monde aurait fait la même chose qu'elle, il n'y avait rien de mal à ça. Mais la p'tite ne semblait pas la remettre, ça c'était plus étrange. Puis, elle eut comme une illumination. Cela troubla la Capitaine. Comment ça... ? Elle ne voyait vraiment pas qui elle était ? Elle fronça les sourcils, cette gamine remettait en cause toutes ses certitudes quant à la flamme qu'elle pensait être au sein du château. N'était-elle pas connue ? Adulée ? Aimée et crainte ? Elle grogna, un bruit guttural.

« _ Ouais, Mei. Qu'est-ce qu'tu foutais si tu suivais pas le tournoi ? La question était sincère. Qui était-elle vraiment pour avoir loupé ça ? Après leur poignée de main, elle sembla remettre une à une les pièces du puzzle. Était-ce de la chance ou plutôt se souvenait-elle de qui elle était. Le mystère était entier. Capitaine et batteuse des Ailes d'Airain, pour vous servir. Et elle ajouta un petite courbette, finalement amusée par la situation. Les gens qui ne la replaçait pas avec sa chevelure flamboyante et sa carrure imposante, c'était rare. Puis, bon, elle n'avait pas une réputation très fréquentable. »

Elle se tourna vers le lac, bien décidée à faire bouger cette marre d'eau alors que des bruits d'écorce retentissaient derrière elle. Elle voulait pas vraiment savoir dans quoi s'était lancée l'autre.
Elle tenta une première fois de lancer le sortilège, en vain. Alors qu'elle cherchait à se concentrer à nouveau, Cassiopée la coupa pour lui donner une leçon. Face à sa défaite et cette morale, Jenkins se sentit bouillir. Elle ramenait sa science avec le terme H2O, un truc qui lui rappelait vaguement quelque chose, et en lui donnant des conseils. Son sang ne fit qu'un tour et elle fit volte face, la cherchant un instant des yeux. Après le lac, elle avait grimpé dans l'arbre. Ses yeux roulèrent dans leur orbite, pour qu'elle elle se prenait, cette petite prétentieuse ?!

« _ J'ai pas besoin de tes conseils, merci bien. Et pis, si t'es si maligne, t'as qu'à venir me montrer comment tu le fais si bien ! Et Tally croisa les bras dans une position désinvolte. C'était puéril, enfantin, mais elle voulait mettre l'autre gosse face à son propre échec. Et puis, elle espérait qu'elle se fasse bien mal en descendant. Ça lui ferait une raison de se moquer d'elle et de se barrer de manière victorieuse. Et toc ! »

C'est vrai, ça, qu'est-ce qu'elle avait foutu ? Tout le monde y était allé, elle avait été la seule ou presque à ne pas s'y intéresser comme, vu la tête qu'avait tiré l'autre, elle devait être l'une des rares à ne pas la connaitre. C'était pas contre la Serdaigle, loin de là, elle s'en était juste foutu. C'était pas arrivé la bonne année, à la bonne période. Les gens, trop de gens qui suivaient et elle haïssait être au centre d'un groupe. C'était la chose qui lui donnait la nausée, ça et quelques autres trucs mais les corps entassés dans une salle arrivaient à chaque fois à la rendre malade. Elle n'avait rien foutu, rien qui ne justifie le fait qu'elle n'ait pas suivi. Juste, elle avait essayé de vivre sans y arriver, elle avait essayé de survivre en sachant qu'elle était déjà crevée et que c'était mort. 

Je.... elle baissa les yeux... Faisais rien ? Rien... Je sais pas ce que c'est le Quidditch. Fin', je sais que c'est un sport et tout ça, je connais pas les règles c'est tout.

Elle sentit qu'elle avait fait quelque chose de mal au vu de la réaction de l'autre et elle ne fit donc pas remonter son regard. Pendant un instant elle avait dû ressembler à Arthur et ça la rendait malade aussi. Arthur avait toujours été de ces gens qui critiquaient tout quand ils n'avaient rien d'autre à faire. Il soignait l'ennui par la douleur, pas la sienne mais celle des autres. Elle avait soigné l'ennui et tellement d'autre chose avec sa douleur. Elle avait toujours voulu faire mal aux gens, pour voir si elle en était capable, si cela lui ferait du bien mais elle se dégonflait toujours. La réputation de poupée glacée qui circulait sur elle en salle commune, elle savait même pas d'où elle venait. Elle montrait peut-être pas ses sentiments mais tout le monde pouvait voir qu'elle n'avait rien d'une poupée. Une poupée c'était beau, c'était fier, toujours le menton levé. Elle n'était pas belle et encore moins fière. Elle était tellement rien de tout ce que les gens voulaient qu'elle soit et ils ne semblaient pas le comprendre, tout ce qui leur passait par la tête c'était la façon dont ils la voyaient, la façon dont elle devait se comporter pour trouver grâce à leurs yeux et pas comment elle voulait être, ça, ils s'en foutaient. C'était en partie pour ça qu'elle n'accordait aucun crédit aux rumeurs, elle s'avait simplement que ce n'était pas ce que les gens croyaient, que ça pouvait détruire tellement de vies.

-Désolée. Et puis j'y arriverais pas non plus. Je suis pas très forte dans la pratique, plus dans la théorie. T'aimes pas l'eau ?

Et pourtant elle s'était bien jetée dedans, elle ne pouvait pas en avoir peur ou quelque chose comme ça alors qu'est-ce qui la bloquait ?

Mais pour qui elle se prenait, elle ?! Déjà, Jenkins lui faisait une fleur en la sortant de ce maudit lac gelé. En plus, elle lui offrait sa robe, parce qu’elle était sympa. Ou bête. C’était encore à prouver. Bref, elle aidait cette gamine. Et elle, en retour, elle ne trouvait qu’à lui faire la morale ? Soi-disant pour l’aider ?! Elle renifla bruyamment face aux « conseils » de la jeune Serpentard. Tally tourna son visage vers la brune, la jaugeant, se demandant si elle était en train de se moquer d’elle ou de lui jouer un tour. En plissant les yeux, elle arriva à la conclusion que la petite Malory était… sincère. Ce qui n’arrangeait pas ses affaires. Elle se racla la gorge, nota les indications de la fillette dans un coin de sa tête et se releva. Puis, elle se rappela que c’était elle qui lui avait demandé de venir. Elle retint les paroles acerbes qui la démangeaient. La Serdaigle posa son poing contre son épaule, dans une attitude de profonde réflexion. Cassiopée était un mystère. Tally Jenkins avait tout fait pour attirer l’attention des Chinois sur sa personne, pour se sentir fière, importante, lumineuse. Mais l’autre la prenait à contre-pied en lui expliquant qu’elle s’en fichait juste de ces étrangers. La Capitaine se demanda de quel droit elle se plaçait au-dessus de la brune. Puis, elle se réveilla. Évidemment que la chance de briller aux côtés des Chinois était à saisir et qu’elle avait bien fait. Tant pis pour Malory, elle avait merdé.

Elle poussa un profond soupir face à la question. Son regard retomba sur la surface lipide. Inexplicablement, cette douce quiétude lui rappelait Phœbe. Une eau apaisante, endiguant un volcan brûlant. La Serdaigle passa ses doigts contre ses yeux pour les frotter un instant avant de revenir vers Malory.

« _ Nan. C’est tout plat. Tout fluide. Liquide à en crever. C’est tout pourri. »

Sur ces paroles, elle se détourna du lac et de la fille. Elle n’avait plus envie d’être ici, ni même de s’entraîner et encore moins de continuer à affronter la Serpentard. Elle soupira et ajouta.

« _ Bon, j’me casse. A plus, Malory. »

Et sans se retourner, elle prit la direction du château. C’était lâche et enfantin, mais elle n’aimait pas être jugée. Encore moins par les plus jeunes. Elle enfonça sa tête entre ses épaules. Cette journée était définitivement nulle. C’était pas comme ça qu’elle allait devenir plus forte.

Je conclus donc ici ! Merci pour ce RP !