Katherine avait quitté le château un heure auparavant, seule. Elle avait besoin de réfléchir tranquillement et sa salle commune était bondée à cette heure-ci. La jeune fille s'était donc dirigée vers le lac, marchant lentement, plongée dans ses pensées.

Elle avait été envoyée à Gryffondor. À Gryffondor. Elle n'en revenait pas. Elle était sûre d'aller à Serpentard, tellement sûre ! Katherine n'avait pas envisagé qu'il puisse en être autrement. Elle se pensait tellement différente de sa famille, mais en fin de compte, pas tellement, vu qu'elle était allée dans la même maison qu'eux.

Je n'ai plus aucun moyen de me distinguer d'eux, maintenant. Je serais toujours dans l'ombre de ma famille, on ne me jugera que par rapport à eux, pensait-elle tristement. Elle n'avait rien contre Gryffondor, en plus ! Si les choses avaient été autrement, elle aurait été ravie d'y aller, mais... Elle soupira. Comment faire pour être différente, maintenant ? Elle n'en avait aucune idée. La jeune fille rumina, faisant les cent pas près du lac.

Elle ne parvenait pas à réfléchir correctement et décida de s'asseoir. La tête dans les mains, elle observa la surface du lac, à peine troublée par le bruissement du vent. C'était beau, vraiment beau. Elle aurait pu rester des heures à contempler les eaux sombres. Ces dernières avaient quelque chose d'attirant. C'était comme si le lac l'appelait. Katherine secoua la tête. Elle n'était pas folle au point de plonger dans un lac rempli de créatures assoiffées de sang. Elle aimait les animaux, mais pas au point de se faire tuer pas eux.

Soudain , quelque chose troubla la surface miroitante de l'eau. Quelque chose de sombre, de vivant. Elle se releva aussitôt. Qu'est-ce que c'était ? Curieuse, elle se rapprocha, oubliant qu'elle ne voulait par être dévorée par un monstre aquatique. Allez, je vais juste jeter un petit coup d'œil et après je reviens, pensa-t-elle.

Elle s'avança donc d'un pas décidé, prête à s'écarter à la moindre chose anormale. Bientôt, ses pieds entrèrent en contact avec l'humidité du lac et elle s'arrêta. Se mettant sur la pointe des pieds, elle essaya de voir ce qu'il y avait au fond des eaux, sans succès. C'était trop trouble. Elle se haussa sur la pointe des pieds et tendit le cou, mais toujours rien. Elle s'avança un peu plus, se tendit de tout son être pour distinguer quelque chose.

Malheureusement, elle perdit l'équilibre et tomba, tête la première, dans l'eau. Ce n'était pas profond du tout, seulement d'une dizaine de centimètre, mais elle se retrouva trempée en un clin d'œil. La jeune fille sortit sa tête de sous la surface, la figure couverte d'algues et de vase.

Sice marchait tranquillement dans le parc de l'école, se dirigeant vers le lac. Ces derniers temps, elle y était souvent venue pour faire ses devoirs. Ce jour-là, pourtant, elle n'avait emporté aucun parchemin. Elle voulait juste contempler le lac, réfléchir à ce qu'il s'était passé ces dernières vingt-quatre heures. Elle en était encore toute chamboulée.

Ses parents venaient d'entamer la procédure de divorce. Dans quelque jours, leur couple serait détruit. La jeune fille ne savait pas encore qui aurait sa garde, ni même si elle aurait l'occasion de revoir son frère. Et ça la déchirait. Son frère était la seule personne qui l'aimait vraiment, et voilà qu'elle allait devoir le quitter ? Non, c'était hors de question ! Elle donne un voilent coup de pied dans une motte de terre et poussa un juron quand elle percuta une pierre. Aïe.

La jeune serpentard reprit son chemin, se rapprochant du lac. Elle n'en était séparée que de quelques mètres quand elle entendit un bruit d'éclaboussures. Elle releva vivement la tête et resta plantée là, bouche bée. Une fille aux longs cheveux noirs et à la peau très pâle était à genoux dans le lac, couverte de vase de la tête aux pieds. Elle avait même des bouts d'algues dans le cheveux. Le spectacle était tellement grotesque qu'elle ne pu s'empêcher de rigoler. Pliée en deux, les larmes aux yeux, elle s'approcha de la fille, en essayant de retrouver son calme. Cela lui demanda beaucoup d'efforts.

-Alors, on fait trempette ? demanda-t-elle avec ironie.

La brunette avait un air de chien mouillé, et Sice dû se retenir de ne pas éclater de rire de nouveau. Elle s'approcha, entrant dans le lac et tendit sa main pour aider la fille à se relever. Elle posa le pied dans un trou et perdit l'équilibre. Elle battit des bras comme un moulin à vent pour se rattraper, sans succès.
Oh, non...
Et elle tomba, elle aussi, dans la vase.

Katherine releva la tête quand elle entendit un bruit de pas. C’était une fille de son âge, blonde, avec de grosses lunettes. Et elle se moquait d’elle.

Elle serra les poings, tandis que la fille s’approchait. Cette dernière retrouvait peu à peu son calme, et son rire fini par s’éteindre.

-Alors, on fait trempette ? demanda la blonde.

Katherine plissa les yeux, mauvaise. Cette fille allait voir de qu’elle bois elle se chauffait, bon sang de bonsoir ! Mais, la blondinette, s’approcha, entra un peu dans l’eau et lui tendit la main pour l’aider à se relever. OK… Elle se moque de moi, et ensuite elle m’aide à me relever, comme un petit ange… Mais soudain, la petite blonde trébucha et tombé elle aussi dans l’eau boueuse.

Ce fut au tour de Katherine de rire comme une baleine. L’autre fille était dans un état encore plus désastreux que le sien, elle semblait avoir amassé au moins la moitié de la boue du lac sur son crâne, lui formant une espèce de chapeau marron tout visqueux.

-Alors, on fait trempette ? lui lança la jeune Gryffondor, sarcastique.

Elle observa de plus près la blondinette, et remarqua le vert sur sa cravate. Tiens, une Serpentard… Katherine fini par s’arrêter de rire et aida la Serpentard à se relever. Elle se débarrassa ensuite de toutes les algues et de toute la vase qui étaient ur son visage et ses vêtements.

Quand elle eut terminé, elle se tourna vers l’autre fille.

-Je m’appelle Katherine Bailey. Je suis à Gryffondor. Et toi ?

Elle lui tendit la main, souriante.

Sice retira l'amas visqueux qui trônait au dessus de sa tête, tout en observant la fille brune. Celle-ci la dépassait d'au moins dix centimètres et de grands yeux bleus en amande, très jolis. La jeune Serpentard se reconcentra sur elle-même en entreprit de terminer de nettoyer ses vêtements.
Puis, quand elles eurent terminé, la brunette se tourna vers elle :

-Je m’appelle Katherine Bailey. Je suis à Gryffondor. Et toi ?

Katherine lui tendit la main et sourit. Sice, sous le choc, mit quelques secondes à répondre. Quand elle le fit, elle balbutia tellement que ça en devenait incompréhensible. La Gryffondor lui avait pourtant parut froide et en colère, et voilà que... voilà qu'elle devenait gentille ! Étais-ce un piège ? Sice haussa les épaules, ça n'avait pas d'importance. Elle lui serra la main, retrouvant un semblant d'assurance.

-Sice Rosewhite. Serpentard.

Elle hésita un peu, puis lui lança rapidement :

-Ravie de faire ta connaissance, Katherine. (Elle lui fit un mini sourire.) Tu es en première année ?

Elle croisa ses bras derrière son dos et se balança d'avant en arrière, nerveuse. Elle n'avait jamais été très douée pour parler aux gens, de surcroit aux inconnus. Elle avait peur de s'être ridiculisée, même si elle ne voyait pas ce qui pourrait être pire que de tomber dans le boue. Elle continua à ses balancer sur ses pieds, se mordillant la lèvre. Ses cheveux lui atterrirent devant les yeux, et elle souffla dessus pour les faire partir.

La jeune Serpentard mis quelques secondes avant de réagir. Elle baragouina ensuite un truc incompréhensible. Katherine haussa un sourcil interrogateur. Elle n'avait rien compris du tout. Mais aussitôt, la blondinette se reprit :

-Sice Rosewhite. Serpentard.

Bref, court, laconique. Typiquement le genre de phrase qu'aurait sorti Katherine. D'ailleurs, cette dernière était perplexe : elle s'était montrée plutôt gentille, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps, et Sice avait adopté l'attitude qui caractérisait Katherine la plupart du temps. Inversion des rôles ? La Gryffondor chassa cette idée de sa tête, sa gentillesse n'avait été qu'une folie passagère, rien de plus. Sice prit de nouveau la parole :

-Ravie de faire ta connaissance, Katherine. Tu es en première année ? demanda-t-elle ensuite.

Ce changement radical d'attitude étonna Katherine, mais elle n'en montra rien.

-Ravie de faire ta connaissance aussi, dit-elle d'une voix égale. Oui, je suis en première année. Toi aussi, je suppose, vu ta taille de boursoufflet.

Elle avait fait exprès de dire cette petite pique, mais elle s'en voulut aussitôt. Elle ne savait pas pourquoi, mais la jeune Serpentard ne l'agaçait pas et ne lui donnait pas envie de partir. Elle n'avait ressenti ça qu'avec son frère Chan et sa grand-mère Lee. C'était bizarre et très inhabituel.

Le vent se leva soudain, très fort et très froid. Avec ses vêtements mouillés, c'était encore pire. Elle courba l'échine pour tenter de se soustraire à la morsure du vent, en vain.

-On ferait mieux de rentrer avant d'attraper un rhume ! dit-elle à sa camarade.

Cette dernière ne parut pas l'entendre et elle répéta sa phrase, hurlant presque. Elles se mirent aussitôt en route vers le château, courant le plus vite possible. La pluie commençait à tomber, les trempant encore plus que précédemment.

-Vite, vite ! cria-t-elle à Sice.

Heureusement, le château se dressa soudain devant elles et elle entrèrent dans le hall avec soulagement.