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02 avr. 2019, 19:27
 RPG++  Crapaud et Confidences  Solo 
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~ Blaze Rosenberg, première année ~

Fin mars 2044, un samedi.
Lac de Poudlard


Blaze était assis sur l’une des rives du lac. Entre ses mains serrées se trouvait Elian le Crapaud qui semblait attendre le sort que le jeune aiglon lui réservait. Les yeux rivés vers l’horizon et perdu dans ses pensées, le garçon faisait à peine attention à l’animal. Il sentait juste sa peau pleine de pustules sous ses doigts, cette grosse masse écœurante ne semblait pas vouloir s’échapper. En fait, il s’en moquait un peu de cette chose. Tout ce qu’il lui reprochait, c’était d’être vraiment hideux et de manger ses insectes –parce qu’une fois, le garçon avait récolté plusieurs insectes pour sa collection et le temps d’aller chercher une boîte pour les contenir, l’affreux crapaud était passé par là et en avait mangé trois. Et surtout, le plus gros reproche qu’il pouvait lui faire, c’était de porter son prénom. Comme si cela ne suffisait pas qu’un gros crapaud hideux entre dans la vie de Solal, il fallait en plus que cette chose ait le même prénom que l’autre truc qui occupait toutes les pensées de son frère.

Parce que les faits étaient là : à son arrivée à Poudlard, Blaze était très heureux d’avoir été réparti à Serdaigle. Solal avait toujours été de loin le frère qu’il estimait le plus ; c’était son camarade de jeu, celui avec qui il faisait toutes les bêtises du monde, celui qui l’accompagnait dans les arbres et qui avait toujours plein de choses à lui apprendre malgré leur unique année d’écart. Lorsque son frère était entré à Poudlard, les nouvelles se faisaient rares et ils ne jouaient plus beaucoup ensemble. C’était normal ; ils n’habitaient plus ensemble et ne se voyaient que pendant les vacances. Alors patiemment, Blaze avait attendu une longue année entière, dans l’unique espoir et attente de retrouver son frère et leur relation fusionnelle. A la rentrée, comble du bonheur : il était à Serdaigle, dans la même maison que lui. Toutes les pièces étaient en place pour que les deux frères se retrouvent et passent tout leur temps ensemble. Seulement, il y avait un élément que Blaze n’avait pas pris en compte dans ses calculs : Elian Kernac’h. Ce Poufsouffle aux airs un peu niais, qui semblait toujours perdu comme s’il vivait sur une autre planète –en plus il éprouvait un amour étrange pour les plantes, en bref, il ne ressemblait en rien à Solal, ce Poufsouffle donc, accaparait toutes les pensées de son frère ! Ils étaient toujours fourrés ensemble. Ils jouaient toujours ensemble. Ils avaient chacun un crapaud qui portait le prénom de l’autre. Et Blaze, dans tout cela ? Quelle était sa place ? Il était oublié. Solal l’avait oublié.

Il était hors de question de se laisser faire. Blaze allait récupérer la place qui lui revenait de droit. Les liens du sang allaient vaincre sur les liens de rien-du-tout. Pour ce faire, l’aiglon avait monté un brillant stratagème. Profitant de l’inattention de Solal, il avait subtilisé son crapaud à son insu. Son plan était de le relâcher près du lac –de ce qu’il savait, si les crapauds étaient, généralement ? terrestres, ils appréciaient les milieux humides et frais. Les alentours du lac bordés d’arbres semblaient être l’endroit idéal pour que cette affreuse bestiole, à laquelle il ne désirait faire aucun mal malgré son aversion, puisse vivre pleinement sa petite vie d’amphibien loin de Solal. Elian l’humain penserait alors que son ami avait perdu son crapaud, et là, une dispute éclaterait probablement entre les deux. Après leur dispute, ils ne seraient plus amis et Solal aurait plus de temps à consacrer à son petit-frère. Ce plan était parfait et avait rapidement été exécuté : Blaze n’avait plus qu’à relâcher ses mains serrées pour libérer l’animal.


Doigt après doigt, il relâcha son étreinte…
…Avant de refermer à nouveau ses mains sur l’animal.


« Tu n’y es pour rien, en fait. » dit-il à l’amphibien. « Si je te laisse ici, est-ce que tu n’auras pas, toi aussi, l’impression d’avoir été abandonné par un être cher ? » Le crapaud garda le silence. Evidemment, Blaze ne s’attendait pas à avoir une réponse. Néanmoins c’était agréable de parler, même s’il ne savait pas vraiment si l’animal l’écoutait réellement ou s’il était en mesure de comprendre. Il porta l’amphibien à hauteur de son regard et l’observa plus attentivement, cherchant une ressemblance physique avec son homonyme. Rien de frappant, à part peut-être un peu le regard. A quel point son frère tenait-il à son animal ? Avait-il déjà remarqué sa disparition ? Il caressa sa tête. Ce n’était même pas doux. Ce n’était même pas amusant.

« Je n’ai rien contre Elian non plus, en fait. Enfin si : il est toujours avec Solal. Mais si ça se trouve, c’est Solal qui ne veut pas le lâcher et lui aussi aimerait bien être libre. Et toi, tu aimerais être libre ? » demanda-t-il au crapaud. Il coassa. Quelque chose dans son regard semblait vouloir dire non, ou peut-être. Ou oui. Blaze avait du mal à comprendre le langage des crapauds.

« Admets quand même que cet Elian est un peu bizarre. Tu ne trouves pas ? » C’était vrai, ça. Le Poufsouffle était venu en vacances chez eux cet été. Déjà, il semblait tout fragile. Blaze était persuadé qu’une petite bourrasque suffisait pour qu’il s’envole. Non seulement il donnait cette impression de fragilité extérieure mais de plus, cela se confirmait par les multiples breuvages et potions diverses qu’il avait ramenées. A quoi cela pouvait servir ; il ne le comprenait pas. Ce garçon avait définitivement quelque chose d’étrange. Ensuite, il avait manifesté un intérêt pour les plantes autour de la maison, ce qui n’était vraiment pas normal. Quand il imaginait son frère à Poudlard, il le voyait traîner avec des personnes populaires et pleines d’assurance et peu importe l’angle sous lequel il voyait Elian, il ne semblait pas correspondre à ces critères. Le lendemain, ils avaient été camper dans la petite forêt non loin de leur maison, et ils n’avaient même pas proposé à Blaze de venir. C’est à ce moment-là que le jeune garçon avait ressenti pour la première fois une réelle rupture avec son frère. Il avait alors passé les jours suivants à jouer exclusivement avec Cosmo, qu’il adorait de tout son cœur mais qui était quand même moins amusant.

« Je ne sais pas quoi faire. J’aimerais juste être plus proche de lui. » murmura-t-il d’une voix un peu brisée. Réalisant peu à peu sa bêtise d’avoir ainsi kidnappé le crapaud de son frère, il sentit les larmes affluer. Qu’il était bête. Et pleurer, c’était pour les gamins. Blaze n’était plus un enfant ; maintenant qu’il était à Poudlard, c’était un grand garçon. Il deviendrait adulte, et fort, comme papa.

Papa. Papa qui avait arrêté de fabriquer des balais alors que c’était, selon Blaze, l’un des métiers les plus classes du monde. Ensuite, ce même papa s’était fait un peu plus distant. Il parlait moins avec maman, les sourires semblaient même parfois un peu forcés. Ciaran Rosenberg était resté plusieurs mois sans emploi, alors que Violet subvenait aux besoins de la famille avec son maigre salaire de libraire. S’il avait désormais trouvé un autre travail, Blaze ne savait toutefois plus quoi penser de lui. Il avait toujours éprouvé une profonde admiration pour son père mais il ne pouvait s’empêcher de ressentir une amère déception depuis quelques temps. C’était absolument cruel, enfantin, puéril. Il aurait juste voulu que son père soit toujours parfait, comme il l’imaginait. Alors qu’il n’était qu’un humain. Pourtant, cette déception, il la refoulait. Il la rejetait avec force, refusait de constater que les choses étaient désormais un petit peu différentes. Son père, c’était un héros. Il était hors de question qu’il en soit autrement. Aussitôt longtemps qu’il le pourrait, il garderait cette image ancrée en lui, même si cette déception restait cachée mais bien présente dans un coin de son cœur.

« Tu as déjà vu ma maison toi, tu as déjà rencontré la famille. Est-ce que tu penses que papa et maman sont toujours amoureux ? » demanda-t-il en ne parvenant plus à retenir ses larmes. Il renifla et s’essuya les joues avec sa manche. Pleurer, c’était pour les enfants. Mais ce n’est pas de sa faute. C’était celle des autres. Celle des parents qui ne se comportaient plus de la même façon. Celle de Solal qui l’avait abandonné. Et Amory et Oskar faisaient aussi leur vie, chacun de leur côté, arpentant pourtant les mêmes couloirs de la même école que leur cadet. Il les retrouvait souvent, notamment pour les lettres qu’ils écrivaient pour leurs parents, mais écrire une lettre, ce n’était pas jouer dehors. Ce n’était pas pareil. Blaze se promit intérieurement que lui, il n’abandonnerait pas Cosmo. Quand le petit dernier rejoindrait Poudlard, il sera là pour l’aider. Pour lui faire visiter le château. Pour jouer avec lui s’il le désirait. Pas comme les autres.

« J’ai juste l’impression d’être tout seul » confia-t-il au crapaud. L’espace d’un instant, il fut persuadé d’avoir croisé le regard de l’animal. Sa vision était un peu floue, brouillée par ses larmes traîtres qui coulaient malgré lui. « Tu n’y es pour rien… » répéta-t-il à l’animal en pleurant. « Mais je fais quoi moi ? Réponds-moi… » Le crapaud garda le silence. Heureusement que personne ne traînait autour du lac à cette heure-là. La dernière chose que Blaze désirait, c’était bien d’être surpris en pleurs, avec un crapaud qui n’était pas le sien dans les mains. Pire encore ; il pourrait être surpris par ce faible Elian qui se moquerait probablement de lui. Quoi qu’il n’en savait rien, peut-être réagirait-il autrement, il ne le connaissait pas. Il ne connaissait pas celui qui pourtant en savait tant sur son frère. Le connaissait-il plus que lui ? Avait-il des réponses aux questions qui tourmentaient le petit aiglon ?

« Est-ce que je devrais lui parler ? » demanda-t-il finalement à son homonyme crapaud. Celui-ci, encore une fois, ne prit pas la peine de lui répondre. Ses yeux globuleux semblaient parfois se poser sur lui. Il eut toutefois l’impression que l’animal avait hoché la tête. Oui, c’était probablement le cas. « Tu as raison. Elian l’humain sera probablement plus bavard qu’Elian le crapaud. » Il le regarda un instant. Et maintenant ? Et son plan, qu’en faisait-il ? Il soupira avec regret. « Viens, rentrons. Je te ramène à Solal. Tu n’as pas intérêt à lui dévoiler un traître mot de notre conversation, compris ? C’est un secret entre toi et moi. »

En silence, après avoir séché ses larmes, Blaze ramena le crapaud dans le dortoir des garçons. Il le déposa exactement là où il l’avait trouvé, caressa une dernière fois sa tête, lui fit promettre encore de ne rien dire, puis il quitta la tour des Serdaigle pour errer sans but dans les couloirs de l’école. Toujours aussi triste, mais le cœur un peu plus léger.  

♦ Septième année RP - #b45f06
Appelez-moi Lest ! ♦ J'aime mon fan-club mais mon cœur appartient à Garrett Joyce