Il faisait beau et Mel flanait dans le parc, le long du lac. Il s’était arrêté, songeur, devant la tombe de l’ancien directeur mort l’année précédente. Comme c’était étrange, pour lui cette tombe n’évoquait rien d’autre qu’un constat, le monde moldus était soigneusement écarté de l’actualité du monde magique. Il n’était pas du tout au courant ! Cette personne semblait être quelqu’un d’important, c’était quelqu’un d’important. Un ex-ministre. Pourtant dans le monde duquel il venait, cette personne n’existait tout simplement pas.

Ça faisait quelque temps qu’il était arrivé à l’école et il commençait doucement à s’intégrer, se faire des amis. Il était émerveillé par ce qu’il apprenait tous les jours et appréciait sincèrement les cours dans leur totalité, un fait nouveau pour lui qui préférait, à l’école moldus, les mathématiques et la géométrie.

Il finit par se choisir une petite place dans l’herbe ou il put s’assoir en posant son sac à coté de lui, il en tira un livre « Le Quidditch d’hier et d’aujourd’hui » qu’il avait emprunté à la bibliothèque le jour il rencontra une jeune Serdaigle. Il parcourant les pages du bouquin avec un certain intérêt, fasciné par les images animées et par le sport en lui-même. Il ne savait pas encore voler, mais ça viendrait ! Et quand il sera capable de tenir sur un balai, pourquoi pas essayer de faire partie de l’équipe de sa Maison ? Pour l’heure, là n’était pas la question, il cherchait avant tout à se détendre tout en captant des renseignements sur un monde dont il ignorait quasiment tout !

En plus le lac était calme, c’était parfait. Du beau temps, le calme…

Un temps idéal. Il faisait un temps idéal pour aller faire quelques pas dans le parc de Poudlard. Pourtant, lorsqu’elle arrive devant l’immensité du parc elle ne peut que reculer : il y a du monde, beaucoup trop de monde. La brune trace donc sa route, direction le lac. Elle espère qu’il y a aura beaucoup moins de brouhaha. Cela lui permettra sans doute de se concentrer sur le livre qu’elle a pris sous son aile. Elle aime sentir les rayons du soleil sur sa peau d’albâtre. Cela la plonge dans un état parfait pour la lecture, selon elle.

Quand elle arriva face au lac, elle constata que son choix était le meilleur : il n’y a avait pas grand monde d’installé sur l’herbe moelleuse et cela lui allait bien. Elle repéra un endroit où un autre élève – de son âge peut-être ? – était également occupé en train de lire. Cela lui convenait parfaitement, elle devait bien l’admettre. A son sens, un élève qui était occupé à lire ne voudrait sans doute pas trop parler, pas vrai ?

Elle s’installa à distance raisonnable, un mètre, peut-être deux, et s’assit en tailleur. Elle observa un instant l’immensité du lac dans lequel ses prunelles se perdaient avec émerveillement. Elle aimait la beauté de la nature, son calme aussi. Et ses tempêtes formidables. Elle aurait aimé être comme cela aussi. Mais elle en était bien loin, elle ne le savait que trop bien. Son arrivée à Poudlard n’avait pas été aussi formidable qu’elle le voulait. Elle ne s’était pas fait d’ami, s’enfermant dans un difficile cercle vicieux duquel il était peu probable qu’elle arrive à se défaire.

Elle était comme cela, après tout. Peut-être devrait-elle s’estimer heureuse. Après tout elle était une sorcière, qu’importe si elle avait des amis ou non, n’est-ce pas ? Le principal étant qu’elle réussisse. Pourtant, cette pensée lui broyait le cœur, littéralement. Elle voulait devenir une sorcière accomplie, bien entendu, mais est-ce qu’elle pouvait y arriver sans l’appui d’amis véritables sur lesquels elle pourrait se reposer ? Elle n’en savait rien.

C’est donc sur cette pensée, le visage triste et fermé, qu’elle ouvrit son livre et s’y plongea à corps perdu. C’était son exutoire, sa manière à elle de vivre au travers des héroïnes qu’elle lisait avec assiduité.

C’est le doux clapotis de l’eau qui berce la lecture de la jeune fille. Les mots s’enchaînent et s’avalent à une vitesse relative. Parfois ses doigts suivent les phrases pour éviter que ses yeux ne se perdent entre tous ces mots. C’est qu’elle est encore jeune et il lui arrive parfois de se laisser distraire par son environnement. Le vent qui fait frissonner les feuilles dans les arbres. L’herbe qui chatouille ses chevilles. Ou encore ses cheveux, rebelles indisciplinés qui se mettent en travers de sa vue.

Pourtant, elle le voit bien. L’élève qui se lève et se dirige vers elle. Toutefois elle n’a pas perçu son hésitation lorsqu’il s’est levé. Non, elle le regarde donc, le visage tourné vers lui, la tête légèrement penchée sur le côté gauche. Ses doigts triturent les pages de son livre, comme pour permettre au stress qui naît déjà de s’enfuir par là. Ou juste pour s’occuper les mains. Pour ne pas avoir l’air trop sauvage. L’enfant ne sait pas trop, en vérité.

Elle entend mais ne comprend pas réellement ce que lui veut le jeune garçon. Jusqu’à ce qu’il lui tende la main, là, juste devant son nez. Elle cligne des yeux, l’angoisse y est lisible. C’est affolant d’être à ce point intimidée. Après tout, il a sans doute le même âge qu’elle, à quelque mois près. Peut-être qu’elle pourrait juste essayer de sympathiser avec lui ? Elle saisit sa main rapidement, la secoue un peu maladroitement, et aussitôt, ses joues rougissent d’un rose d’abord pâle qui vire franchement rouge tomate. Malaise dans l’esprit de la jeune fille. Elle aimerait être autrement, mais la vie la ainsi faite. Elle doit s’y faire à son tour. D’autres sont sans doute passé par là avant elle.

Mais l’apparente tranquillité de leur rencontre semblait être troublée par les regrets du jeune Poufsouffle. Il semblait à la jeune fille qu’il prenait conscience qu’il venait de la déranger en pleine occupation. Un mince sourire fleurit rapidement sur les lèvres de l’élève alors qu’elle s’apprête à balayer les excuses du dénommé Mel pour se présenter à son tour. Elle a du mal, pourtant, à s’exprimer. Le regard de la jeune fille vagabonde un peu sur les yeux rieurs du garçon, sur son sourire d’excuse et elle finit par se perdre sur l’horizon. « Tu as raison, pour la coupe » qu’elle murmure. Avant d’ajouter doucement « Tu ne me déranges pas ». Sourire encore malgré le feu qu’elle sent dans ses joues. Difficile d’être une timide permanente. Elle ajoute, presque à demi-voix « Je m’appelle Elly … »

Elle a le regard perdu sur l’horizon, plongé dans le lac d’un noir de jais. Pourtant ses pensées ne sont pas à la nature qui l’entoure mais bien à la silhouette qui s’asseyait non loin d’elle. S’il était décidé à partir quelques minutes plutôt, il semblait bien qu’il avait changé d’avis. L’observation qu’il semblait vouloir faire d’elle l’intriguait, l’interrogeait, et sans doute un peu : la mettait mal à l’aise. Elle n’arrivait pas à être comme les autres, elle essayait véritablement mais il semblait que tout lui échappe, sans arrêt.

Elle était perdue à la contemplation profonde du lac et de ses pensées, que la voix de son confrère de Poufsouffle la ramena brutalement à la réalité. Il faisait une comparaison – pas forcément fausse d’ailleurs – des joues de la brune aux piments rouges. Ce qui fit piquer un nouveau fard à la jeune Elly. Parce que ce n’était pas forcément évident de s’entendre dire à voix haute les défauts que l’on tentait vainement de camoufler. Elle hocha la tête, au fond, il n’avait pas tort, cela pouvait se transformer en moyen de défense comme un autre. « Oui, peut-être » qu’elle murmura plus pour elle-même que pour lui.

Lui aussi, il semblait se perdre dans les eaux troubles du lac. Recelant sans doute bien trop de créatures, bien plus d’êtres que la jeune Poufsouffle pouvait imaginer. C’est cela à ce moment-là qu’Elly se permet de l’observer plus en détail. Histoire de ne pas devoir croiser son regard. C’est quelque chose qu’elle n’aime pas trop, même si c’est très difficile de ne pas regarder les gens quand elle leur parle. Et c’est sans doute pour cela, qu’elle ne parle pas … vraiment.

Alors quand il lui pose sa question sur son livre, elle le referme derechef, laissant le bruit des pages froissées brutalement s’éteindre dans ses tympans. Inutile de dire qu’elle n’a pas spécialement envie de parler des histoires à l’eau de rose qu’elle lit. Cela ne la regarde qu’elle, après tout. Elle a grandi, bien entendu. Mais elle reste une rêveuse, elle est davantage capable de se perdre dans la beauté de la nature que dans l’inconfort d’une discussion. Alors elle dérive, s’intéresse un peu. Légèrement. « Le quiquoi ? ». Ah, faiblesse d’une sang-mêlée dont la mère sorcière ne s’était que peu intéressée aux sports sorciers. Elle baisse les yeux, ses doigts triturent sa chaussette, ses lacets. « Je crois que ma mère a oublié ce genre de détail aussi ». Phrase la plus longue de la conversation de la part d’Elly, il y avait du progrès mais ce n’était pas encore ça.

Elle ne le connaissait pas, mais il y a avait déjà une qualité qu’elle pouvait lui reconnaitre : il était persévérant. N’importe quel élève se serait offusqué et serait parti sans un regard en arrière. Mais lui il était resté et, au fond, elle l’en remerciait. Se sentir comme une paria ne l’aidait pas à évoluer au sein de Poudlard mais pourtant elle n’y arrivait pas. Son caractère, son comportement, tout en elle repoussait chacune des tentatives de ses camarades pour percer sa carapace. Serait-ce différent avec Mel ? Elle n’en savait rien. Mais il l’avait l’audace de vouloir essayer, et pour cela elle lui en était reconnaissante.

Avec une délicatesse rare, le jeune garçon ouvrit le livre entre eux deux. Il semblait y tenir. C’est ce que la jeune Poufsouffle remarqua lorsqu’il chercha une page qu’il voulait vraisemblablement lui montrer. Mais la phrase de son confrère l’étonna : les illustrations qui bougent ? C’est vrai qu’elle en avait vu ses manuels scolaires mais jamais sur des livres … autres. Alors elle se pencha et elle regarde. Oui, elle voyait bien les joueurs, sur leurs balais. Avec l’immense balle dans sa main. C’était beau, elle devait bien l’admettre.

Et puis Mel se remit à parler, et la jeune fille le regarda. Oubliant le livre et les illustrations magiques, elle l’écoutait qui déversait son savoir sur le sport magique. Elle appréciait le moment à sa juste valeur : quelqu’un qui se donne la peine d’ouvrir un peu la porte pour la connaître, au travers d’un sujet dont elle ignorait tout.

Un sourire sur le visage, elle hocha la tête à chacune de ses phrases, dévorant presque avec ardeur les explications qu’il voulait bien lui offrir. Il avait l’air vraiment passionné par le sport. Ce n’était pas vraiment le cas de la jeune fille mais voir quelqu’un parlait avec autant de ferveur, cela avait quelque chose de passionnant. Quand il eut fini son explication – qu’elle n’avait pas totalement comprise – elle s’exprima d’une voix douce. « Tu as l’air très passionné par le sujet ». Pas un jugement, plus une constatation alors que son regard repartait sur les eaux délicates du lac. « Je ne connaissais pas du tout ce sport » avec un fin sourire sur le visage. « Merci » qu’elle murmura alors. Juste pour qu’il sache que ça lui faisait du bien, de parler comme ça.

L’envoyer promener ? Elle sourit. Oui, elle aurait pu c’est vrai. Mais il fallait dire que depuis qu’elle était arrivée ici elle n’avait pas beaucoup discuté avec ses pairs. Alors il fallait bien qu’elle laisse la carapace s’ouvrir un peu, juste un peu. Il lui dit qu’il n’a rien fait de spécial mais elle elle sait que si, justement. Il a pris le temps. C’est symbolique mais ça vaut ce que ça vaut pour elle.

Il est un passionné du monde magique. Elle sourit. Elle a l’impression qu’il est passionné par absolument tout ce qu’il l’entoure. Elle aimerait être ainsi elle-aussi. Ce n’était pas de l’insouciance qu’elle voyait au travers des yeux de Mel, non, seulement l’habitude rafraichissante de prendre tout comme une agréable surprise. C’était beau à voir et l’adolescente ne pouvait qu’être fascinée par ce trait de caractère. Et puis, la question revient vers elle, il demande ses passions.

Mais la brune ne sait pas, elle ignore réellement ce que sont ses passions, alors elle se contente d’un « J’aime beaucoup lire », presque dérangeant, le visage un peu fermé. Comme si, à bien y réfléchir, elle n’avait pas de grande passion transcendante. Peut-être était-ce simplement parce qu’elle ne l’avait pas encore trouvé. Elle était encore jeune « Je n’ai pas de passion hormis les livres, peut-être que je le découvrirais plus tard ? ». Elle avait le sourire de l’innocence incarnée. A bien des années lumières de s’interroger sur les raisons existentielles de la vie.

Tournant légèrement son visage pour regarder le château, elle ajouta toutefois « Je crois que j’aime l’école, aussi ». Rien de bien surprenant pour la Poufsouffle, mais elle avait accepté de s’ouvrir un peu alors il fallait bien qu’elle trouve quelque chose à lui dire, après tout ?