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02 avr. 2020, 15:46
L'Autre
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Solo
Lac,
3 septembre,
en fin de journée


Alison s'était isolée des autres pour penser seule. C'était le meilleur moment de la journée. Le moment où le soleil tend ses rayons de feu vers l'eau, dans un ultime baiser avant de s'éteindre pour laisser place à la lune. Le ciel, d'ordinaire d'un doux bleu et noyé dans des nuages moutonneux, tirait ses couleurs vers un violet lilas et un rose pâle, accompagnant l'astre dans sa descente.
Tout semblait se préparer à un évènement magiquement triste, la mort de la lumière au profit de l'ombre.

Passer subitement d'un monde de couleur en un univers profond en nuances de bleues, où tous les mystères et les chimères se dessinent, deviennent vivantes, craquelant leurs coques de verre fragile.

Alison reporta son attention sur le lac. Des larmes de feu rougeoyantes coulaient dans ses eaux, en un dernier murmure. Le lac était nimbé de couleurs vives et splendides, allant de l'orange au violet cette fois-ci profond. Un vent frais était porteur de changement et de renouveau, soulevant légèrement ses cheveux jais, les faisant tournoyer en de sombres arabesques, floutant sa vue.

Elle se saisit d'un galet rond, et d'une rotation experte, le fit tournoyer dans les airs.
Il rebondit sur l'eau. Une fois. Deux. Puis tant de fois qu'elle perdit le fil.

Elle se sentit aspirée toute entière, du bout de ses orteils ancrés dans le sol à la pointe de ses cheveux, son corps se tendant vers les doux remous formés par son galet.

Comme hypnotisée, elle retira ses bottes et ses chaussettes et s'avança vers les ondes qui venaient paresseusement lécher la rive.
Les galets s’enfoncèrent dans la plante de ses pieds.
Elle ne les sentait pas.
Ses pieds saignaient.
Elle ne les sentait pas.
L'eau vint effleurer ses ongles, caresse fraiche l'invitant au voyage.
Elle ne la sentait pas.

Son cœur se mit à pulser au rythme que des vagues cognant ses chevilles. Son monde se mit à vaciller. Le ciel se troubla.
A moins que se soit le lac?
Les étoiles commencèrent à naître.
Était-ce un songe?
Ses yeux se fermèrent.
Ou bien était-ce le voile de la nuit?

Un souffle.
Un murmure.
Alison se laissa tomber parmi les étoiles.
Dernière modification par Alison Morrow le 08 avr. 2020, 17:08, modifié 4 fois.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

03 avr. 2020, 13:06
L'Autre
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Elle flottait.Elle était Une poussière d'étoile. Une larme d'argent.
Elle était seule.
Seule? Pourtant elle se sentait accompagnée par milles personnes l'effleurant en silence.
Le Silence. Il était son ami et son confident.
Il était aujourd'hui là pour elle.

Des vagues faisaient onduler ses longs cheveux noir. Elle se fondait dans le Silence, se mêlant à lui. Elle retrouva ses larmes d'enfants, ses doutes les plus noirs, ses pensées les plus sombres.
Ils étaient tous là, horribles, brisant ce moment de communion.
Ils étaient là, blessants et coupants, s'enroulant autour d'elle jusqu'à la faire suffoquer.

Un voile noire obscurcit ses yeux. Ses poumons inspirèrent la matière noire et tangible qui se formait autour d'elle, la brûlant de l'intérieur, la noyant dans un feu de glace.

Puis le silence. Encore. Assourdissant. Il était devenu monstrueux, abreuvé de ses peurs.
-Qui es-tu petite fille étrange?
Le Silence lui parlait d'une voix féminine, sirupeuse et collante comme le miel.
-Je suis moi.
-Petite fille fragile, pourquoi refuses-tu la Vérité?
-Je l'accepte et la sublime.


Des volutes noires sortirent du Rien, l'enveloppant d'une douce chaleur.

-Petite fille menteuse, crois-tu pouvoir me braver?
-Une certitude le pourrait.


La chaleur se fit plus forte et elle s'enfonça encore plus profondément dans les abîmes noirs du Silence.

-Petite fille muette, qui de nous deux à raison?
-Le chat qui nous observe.
-Petite fille inconsciente, préfères-tu la lune ou le soleil?
-L'aurore qui les réunit en un dernier adieu.

Elle ne flottait plus. Elle tombait au ralenti. Des larmes d'or roulèrent de ses yeux, laissant un chemin de perles orangées dans sa chute.

-Petite fille discrète, quelle est ta raison de vivre?
-Les Mots. Les Mots aussi beaux et purs que lâches et coupant. Les Mots qui consolent et qui fâchent. Les Mots qu'on invente pour soi. Les Mots qui brillent dans la nuit, pleins d'une force magique. Ce sont des dessins qu'on formule, des créatures devenant vivantes et resplendissant devant nous. C'est une force, un souffle, un miroir. Si net mais si tranchant, qu'on risque de se briser rien qu'en y posant la main. Les Mots nous font vivre, restent une raison de ne rien lâcher. Ces chimères informes, les filles et fils de Nyx et du Soleil, nous poussant à bout, nous poussant plus loin toujours, jusqu'à ne plus jamais pouvoir revenir. Mais si nous sommes seuls. Si nous sommes désespérés. Elles sont les plus beaux cadeaux du monde. Elles nous murmurent leur cœur.
Leurs Mots.


Le Silence sembla songeur.

-Petite fille poète, qu'est devenu ton miroir?
-Je l'ai brisé.
-Non. Il est un Mot.


Une douleur fulgurante lui transperça le ventre, se répandant dans son corps, la faisant hurler. C'étaient des hurlements silencieux.
Les plus tristes de tous. Les plus purs. Les plus mortels.

-Petite fille-étoile, coupe tes cheveux.


Tout se figea. Elle reposait sur un immense tapis de fleurs coupées.

-Coupe tes Mots.

Une paire de ciseaux d'argent apparue devant elle. Elle s'en saisit et s'entailla les doigts. Des larmes de sang s'échappèrent de ses yeux mais elle ne les lâcha pas. Un à un, elle coupa ses cheveux. Ils s'enroulaient au sol, se recroquevillaient et dès que l'un d'entre eux était coupé, une fleur se fanait.

Quand elle eut finit, ses mains n'étaient plus que douleur et elle sentait un courant d'air glacial sur sa nuque. Elle passa sa main dans ses cheveux coupés à la garçonne.
Ses cheveux coupés vinrent entourer ses mains, les bandant.

-M.

Une lettre qui la fit gémir. L'Autre était revenue.
Une jeune fille, son portrait à l'identique, cheveux courts, mains sanglantes, yeux verts magnifiques, la toisait.
L'Autre n'avait été qu'un Mot. Le Silence avait raison.

L'Autre tendit la main. Alison se vit en faire de même, en miroir.
Un éclair de lumière crue et blanc les sépara.

Alison était sur la berge du lac. Ses longs cheveux flottaient autour de ses épaules.
Ses bottes attendaient au-dessus d'elle.
Elle s'assied.
Peut-être cela avait-il été une vision.
Si c'était le cas, il s'agissait de l'une des plus affreuses, qui nous empêchent de nous rendormir.

Alison se releva et vit distinctement son reflet. Deux yeux verts émeraudes. Des cheveux noirs coupés à la garçonne. Des mains couvertes de coupures.
L'Autre.

Elle se pétrifia tandis que son miroir sortait de l'eau et se tint devant elle.

"Eh bien alors M? On voulait se débarrasser de moi?"


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Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

30 avr. 2020, 11:53
L'Autre
21 Septembre,
Lac,
Aurore


Le deuxième plus bel instant.
Vif.
Il fallait être là pour l’apercevoir.
Un lever de soleil.

Ce soleil renaissait des cendres de la Nuit, tel un phénix s'apprêtant à déployer ses ailes.
Les nuages étaient effilés et vifs, doux, pour accueillir ce Phénix.
Ils se coloraient de rose-orangé, de jaune pourpre, d'ambre flamboyante, de mauve pâle.
Et elle était spectatrice de ce défilé de couleurs.

Le Lac les renvoyait, toutes, avec une précision extraordinaire. En un miroitement, toutes les couleurs semblaient se mouvoir, changer légèrement, presque imperceptiblement.
Mais elle avait pris le temps de parler aux Couleurs.
Maintenant, elle discernait le rougissement des nuances bleues, l'éclaircissement des lambeaux de Nuit subsistants, l'affirmation des jaunes les plus clairs.

C'était un paysage de paix.
Un froufroutement d'ailes dans la palette de couleurs du matin lui fit lever la tête.
Un vol épais de Corneille passa au-dessus du Lac, leurs ailes noires tranchant les nuages d'aquarelle, reflets brisés dans le Lac, bruissement dans tout ce silence.

Elle baissa la tête vers son reflet, lui aussi nimbé d'or et de carmin.
Yeux verts.
Cheveux roux.
Yeux bleus.
Cheveux noirs.

L'Autre jouait.
Elle approcha sa main de l'eau, hésitant à l'effleurer.
L'Autre agrippa sa main, sortant de l'eau, l'attirant presque dans les profondeurs avec elle.
Elle résista, et finalement elles s'allongèrent, essoufflées par cette lutte aussi brève qu'intense. Les gouttes d'eau dans les cheveux de l'Autre semblaient ondoyer dans les rayons du soleil matinal.

Cheveux roux contre cheveux noirs.
Joie contre Tristesse.
Flamboiement contre Cendres.
Enjouée contre Timide.
Mots contre Silence.
Vie contre Mort.

Qui était la plus vivante d'elles deux?
Qui était morte entre elles deux?
Qu'est-ce qu'était leur relation?
Un soleil naissant, repoussant des cendres?
Une Nuit chasseuse, tuant le jour?

Si elle devait décrire l'Autre, comment l'appelerait-elle?
Elle pouvait pas.
Un Mot ne pouvait suffire à la décrire.

Alors elles restèrent toutes les deux face au soleil levant, jouant avec les vagues.
Elles restèrent jusqu'à ce qu'elles soient éblouies par l'Eau.
Elles restèrent jusqu'à s'oublier.
Elles restèrent jusqu'à oublier.
Elles restèrent.

Puis plus rien.
Son cœur se brisa lentement dans sa poitrine.
Y avait plus de soleil.
Y avait plus de lumière.
Y avait plus de vie.
Y avait plus l'Autre.

Elle était partie.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

23 août 2020, 15:19
L'Autre
21 Janvier,
Disparition.


Il était tôt, encore.
La plupart des élèves préférait rester dans leurs lits à grommeler ?
Grand bien leur fasse.
Elle était beaucoup mieux seule de toute façon.
Seule ?
*Avec l’Autre.*

Le tiraillement dans sa poitrine s’accentua.
Son instinct lui soufflait que quelque chose allait se produire, bientôt, quelque chose de grave, qui allait la ruiner.

Avez-vous déjà vu le spectacle insaisissable d’un lever de soleil sur le Lac gelé ?
Non, assurément.
C’était magnifique.
Les lumières serpentaient sur le givre, l’eau crépitait doucement sous les rayons pâle du soleil, chaque goutte se démultipliant en une centaine d’autre , irisées, repeignant tout le Lac avec des pinceaux de couleur.
Une belle toile blanche qui prenait vie sous les mains de son artisan.

Depuis les derniers mots échangés dans les dortoirs, un froid s’était jeté entre vous deux. Glacial. Mortel. Violent et caché.
Même celui de l’hiver ne pouvait l’égaler.
Vous vous évitiez le plus possible.
Qui aurait pu croire qu’un château comme Poudlard était trop petit pour permettre à deux âmes de s’éviter ?
C’était idiot. Elle avait passé le plus clair de son temps à se perdre dans les couloirs labyrinthiques, à se cogner aux murs, à trébucher sur les marches d’escalier, et finalement, quoi ?
Elle arrivait plus à se débarrasser d’un souvenir un peu plus vivant que les autres.
T’es faible. Tu l’as toujours été et tu le seras toujours. Quoi que tu fasses.

Elle replongea ses yeux bleus dans son reflet déformé par la glace.
*Bleus ?*
Non !
L’Autre se tient dans le Lac. Pas sûr le Lac, pas dessous, pas à droite, à gauche, non, dans le Lac, là où cette formule prend toute son horreur.
Elle la regarde. Elle la supplie de ses yeux couleur eau.
Et ça provoque une douleur sourde dans son cœur.
L’instinct se tait, il s’en va. Qu’il est beau l’instinct, quand il tourne lâchement le dos en haussant les épaules, en regardant l’être en face de lui comme pour dire « j’t’avais prévenue... ».

La douleur s’étend dans tous ses membres, elle la perce de milles aiguilles brûlantes.
Elle se rendit compte qu’elle était accroupie près de l’eau, face à la glace, les mains posées dessus, brisant la pellicule fine sur les bords, regardant les toiles d’araignées de la brisure se répandre en craquant.

 « T’es pas là dedans... »

Ce murmure la glace encore plus.
T’es faible.
Les larmes commencent à ruisseler alors que l’information arrive à son cerveau.
L’Autre est emprisonnée sous l’eau à cause de sa rancœur, son égoïsme, sa manie de l’éviter, ses paroles, ses actes. Sa faute.

 « T’as pas l’droit... T’as pas l’endroit d’partir...T’avais promis qu’tu s’rai là... T’as promis, merde, t’as promis, t’en va pas...T’EN VA PAS !!!»

Hurler ne sert à rien, sauf à se défouler.
Mais elle se tait, elle a plus de souffle. Et puis le reflet est parti.
Alors elle fixe les cheveux noirs, si noirs, les yeux émeraudes, si verts, écarquillés, stupides, ses joues rouges, trop rouges d’avoir crié et brillantes de larmes.
Ça pour être brillant, c’était brillant.
Brillant de connerie.
Parce qu’elle est désespérément seule à présent.
Plus de rempart face aux Ombres, plus de Lumière dans le noir, plus de Mots dans le silence et plus de Silence dans le bruit.
Seule face au monde et aux autres.

Alors elle reste plantée là, accroupie.
Elle va revenir, hein ?
Elle revient toujours.
Elle l’abandonnerait pas comme ça, hein ?

Mais il n’y a plus que le Lac et ses reflets pour lui tenir de réponses.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.