Inscription
Connexion

05 août 2020, 17:38
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Navrée pour cet indescriptible retard, Plume... :S

Il lui sembla voir une paillette de neige fondue rouler sur la joue de la fille.
Elle éprouva du remord, l’espace d’une seconde.
*Un monstre...Rien qu’ça... *

Un sillon magnifique se dessina sur la peau gelée.
Encore brillant, comme les fontes des stalactites lors des premiers rayons de soleil perçant les tempêtes.
Léger, qui allait probablement se cristalliser, encadrant la peau pâle d’une arabesque de flocons inégaux, dansant le long de cette joue, lierre de glace, enveloppant les cellules, tatouage d’une rare beauté, éphémère dessin de l’élément.
Que l’autre effaça d’une main rageuse.

Elle baissa la tête pour échapper à la souffrance.
Sur ses paumes bleues, elle sentait une douce caresse, naissante de la danse de la glace sur son corps.
Les ongles froids étaient durs et sculptés de motifs imaginaires.
Ses mains étaient devenues Lac.
Tel l’Ondoyant, elles présentaient des blocs de glace déchiquetés dispersés inégalement sur sa peau.
Les dessins étaient peut-être même incrustés, tels les parts cachés des icebergs, que l’on ne rencontre que par erreur, qui blessent et surprennent.
Pour les voir, il aurait fallu briser la surface de son Lac.
Briser la glace.
Briser.
Comme toujours.
Comme l’autre.
Qu’elle avait brisé sur le sol gelé.
Qu’elle avait cogné de sa phrase, implacable comme les tic-tac d’une montre, inévitables, car on sait qu’ils seront sans fin, guidés par la magie, répétant inlassablement les mêmes sons, pas vraiment mots, pas vraiment musique.

Ses mots avaient figé le Tac de réponse.
Lent, le dernier bruit de Leur Montre s’étirait.
Rien, qu’un brin de vent pour effleurer le Lac, que le frottement discret du bec d’un oiseau contre ses plumes, que les gémissements des arbres calcinés de froid.

Relevant la tête, elle chercha une fin pour relancer les battements de cœur de l’écoulement de leurs mots.
Elle ne pouvait décemment pas appeler ça une conversation.

Mais l’autre avait trouvé avant elle.
Un sourire. Une grimace. Un entre-deux.
Elle la narguait.
Elle voyait les dents étincelantes comme des perles, les lèvres retroussées légèrement, souriant vaillamment contre le froid, en un détestable rictus moqueur.
*Juste un débile d’oiseau moqueur. *
Son regard sembla la survoler, l’être planait dans les cieux de sa colère.

Et puis elle parla, reprenant le tic-tac mesuré.

Strictement. Rien. A. Foutre.
Ses mots résonnèrent dans son esprit, glas plus que carillon.
Strictement rien à foutre d’être un monstre, strictement rien à foutre de toi, strictement rien à foutre de tes mots, du temps, du métronome des phrases, du ciel, de l’eau, du froid. T’entends ? Juste... Rien.

Le cœur qui s’accélère ou qui ralentit ?
Il lui faisait mal, si mal, trop mal.
Elle le sentait plus.

*J’...J’crois que j’ai plus d’cœur.*
Idiote. Tout le monde a un cœur.
*Les monstres ont pas d’cœur! J’en ai plus ! J’le sens plus ! Du tout ! Rien ! Le Néant ! Le Vide ! Je Suis plus !*
T’as un cœur. Dis lui de battre.
*J’sais pas faire ! Elle me l’a pris ? Pour remplacer l’sien ?*
Qui voudrait d’un cœur brisé comme le tiens ?
*Un monstre. Comme le Sorcier au cœur velu. *
Il existe pas, c’est une légende, Gamine. Reprends-toi.


Flux et reflux.
La complexe mécanique s'était remise en marche.
Évidemment l’oiseau moqueur ne l’avait pas attendue.
Rien à foutre d’elle et de ses pensées, c’était ça ?

Flux et reflux.
Et elle s’en allait, l’oiseau, elle laissait une belle cicatrice dans la neige pure de ses pieds maladroits, elle faisait demi-tour prête à s’envoler loin, très loin, avec une grimace de dépit, sûrement.
*C’est quoi son but ? S’entraîner à un défilé de mode ?*

Calme froid comme le temps.
Colère enfouie sous des braises de neige.
Yeux d’éclairs qui foudroient.
Elle voudrait juste pouvoir la coller au sol, la voir se casser la figure dans la poudreuse ou dans le Lac, la regarder patauger misérablement, suppliant pour la laisser se relever.

Sa main frémissait.
Sa baguette n’était pas très loin.
A portée de bras.
Mais elle n’était pas sûre de pouvoir lancer un quelconque sort avant que l’oiseau ne fasse volte face, intrépide rieur, narguant sa proie.
Sa proie.
Elle.
*Moi.*
Toi.
Elle.

Sa baguette se retrouva dans sa main.
Ses doux contours sous ses doigts auraient pu réussir à rappeler le calme.
Elle tremblait mais elle n’avait pas froid.
Aurait-elle le temps de se retourner? De contre-attaquer ? De la blesser ?

C’est puéril et lâche de toucher un adversaire par surprise.

Grognant, elle rangea sa baguette, de l’électricité ou autre chose lui piquant les doigts.
Elle s’attendait à voir fondre la neige autour d’elle tellement elle était en colère.

Oiseau moqueur semblait s’être arrêtée.
Ou les illusions de la neige lui faisaient voir autre chose ?
Sa main se baissa vivement, son corps exprima une courbe subite vers le sol en un piqué vertigineux, lui donnant presque l’envie de sourire.
Le vent frais fouettait légèrement son visage, elle empoigna un tas de poudreuse, faisant se soulever un nuage de cristaux céruléens, appréciant les picotements sur sa peau, les aiguilles fines semblant s’enfoncer au plus profond d’elle-même
Dans un geste fluide et mesuré, elle rassembla la neige en une magnifique sphère immaculée.
Fragile.
Légère.
Somptueusement glacée.
Composée de particules uniques.

La sphère esquissa une courbe parfaite dans les airs.
Rapide, fonçant sur sa proie avec toute l’assurance du monde.

Elle attendit, l’esprit calme de cette vision.
Au mieux, oiseau moqueur se prendrait la sphère dans le cou.
Au pire, elle la forcerait à se retourner.
Dans les deux cas, une joie mauvaise mordait son cœur, alimentée comme un feu noir par son envie de surprendre et d’énerver l’oiseau.

*Le calme avant la tempête*

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

09 août 2020, 13:11
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Là, alors que tes pas maladroits t’éloignent encore un peu plus de l’Autre et de sa colère risible, tu te sens puissante. Au-dessus de tout, régnant sur le monde silencieux et immaculé. Tu ressens le moindre souffle d’air, le froid qui court dans tes veines et ta robe dont le tissu gelé frappe contre tes mollets. Ouverte au monde, encore pleine d’ironie et de colère dissimulée, tu parcours chaque mètre avec un sourire empli de moquerie plaqué sur les lèvres. Cachant la douleur diffusée peu à peu dans tes mains, les tremblements qui jouent avec ta peau et ton envie de te blottir devant un feu, tu avances, pas à pas, vers les sombres pierres du Château.

Si tu fuis ainsi, si tu avances tant bien que mal, tournant le dos à la Gamine, c’est aussi pour la fuir. Pour qu’elle disparaisse de tes pensées comme une volute de fumée est dispersée par un courant d’air, pour qu’elle ne soit plus rien qu’un mauvais souvenir. C’est un peu par peur que tu quittes la rive du lac, parce que tu ne souhaites pas faire face à tes douleurs et à tes peines ; qui semblent danser au fond de ses yeux. C’est par égoïsme que tu t’échappes, pour ne pas risquer de sombrer encore plus en tâchant de l’aider. Ton ironie est comme un présent que tu lui fais, une offre pour qu’elle tente d’oublier sa haine et tout ce qui la ronge. La seule chose que tu puisses lui apporter sans perdre un morceau de ton âme, sans craindre de te perdre à nouveau dans tes douleurs.

Tu ne sais pas combien de temps il faudra pour qu’elle n’existe plus que dans tes souvenirs les plus brumeux. Combien de temps il faudra pour qu’elle redevienne une Autre parmi tant d’autre ; et que la sourde culpabilité cesse d’étreindre ton cœur.

*Elle se s’rait p’têtre bien entendue avec Maë.*
L’association des deux visages côte à côte te fait sourire, une nouvelle fois. De quoi seraient-elles capables, si elles se trouvaient toutes les deux ? Que pourraient-elles faire pour se sentir exister, pour ne pas sentir le poids de la douleur ? La peur palpite un peu en toi. Si Maë avait été là, comment aurait fait Papa ? La maladie l’aurait-elle emporté ? Aurait-il pensé à vous, alors qu’il se mourait, aurait-il été aussi fier qu’au début ?
Ta sœur ne t’aurait pas haïe, si elle avait été autorisée à venir. Elle aurait appris terriblement vite, elle aurait fait de la Magie sa puissance. Elle aurait été bien, ici au Château, et pourtant on lui a refusé cela. Elle aurait eu des amis ; la solitude n’aurait été qu’un mot sans trop de sens. Et vos sourires se seraient mêlés.

Tes poings se serrent légèrement face à tous ces souvenirs ; tu te retiens d’avoir mal et résistes à l’envie de jeter un œil derrière ton épaule pour contempler l’Autre et sa douleur pitoyable. Tu penches un peu la tête ; tes cheveux viennent danser devant ton regard. Leur belle couleur de feu t’hypnotise, et pendant quelques secondes plus rien d’autre n’existe que ces lignes rouges qui valsent au rythme de tes pas.

Le choc te sort de ta torpeur. Un coup dans ton dos, un son mat et un étrange froid. En cet instant, tu aurais voulu ne pas exister. Que l’Autre n’existe pas. Que la neige n’existe pas. Et surtout qu’elle ne vienne pas ajouter à la liste de tes douleurs cette vague glaciale se diffusant entre tes omoplates.
Tes yeux s’écarquillent alors que tu prends conscience de ce qu’elle vient de faire. Lentement, tu tournes le visage puis le reste de ton corps, faisant face à la Gamine ignorante qui se croit tout permis.
Le temps d’un clignement de paupières, tu sens la rage et une terrible envie de la frapper monter en toi, puis la colère redevient un sourd battement qui échauffe tes muscles. Tu la fixes, contemplant son visage et ses cheveux encore trempés, réprimes un sourire devant la joie qui habite son regard.
Avec une sorte de fierté, tu gardes tes yeux de glace dans les siens.


« C’est une boule de neige, qu'tu viens d'me lancer ? »


Ton souffle sonne comme une menace. Une colère qui t’habite et bouillonne, que tu t’efforces de réprimer. Ton ironie l’a emplie de haine ; a eu l’effet escompté. Elle l’a détournée de sa douleur.
Tes yeux semblent plus sombres chaque seconde.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

19 août 2020, 10:02
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 

Oh, là, encore !
Quelques flocons s’échappèrent de la boule, flottant dans les airs, valsant ensemble en ce qui semblait être une danse infinie.
Majestueux, ces petits danseurs blancs, ils tournoyaient sans fin dans l’espace d’Immaculé qui leur était offert.
Parfois, ils se posaient, essoufflés, sur la neige, en un petit soupir triste ou heureux.
Parfois, ils s’arrêtaient brutalement de Valser, se stoppaient, chutaient et s’écrasaient lamentablement sur le sol.
Parfois encore, ils étaient emportés vers d’autres lieux, vers l’autre berge du Lac, où ils pourront danser à l’infini.

*Bam*
La boule de neige était démantibulée à présent, éclatée au sol, mêlant sa chair à vif avec les couches de poudreuse l’accueillant.
Des parcelles de flocons tombaient encore en zigzag, comme sonnés par le choc ou ivres de surprise et de peur.
Plus que le ballet des Minuscules Danseurs, elle fixait l’autre.

Elle se foutait de ses vêtements collés à son corps, la serrant de leur étreinte froide, dégoulinant encore sur le sol d’un mélange d’eau et de neige fondue.
Elle se foutait de ses pieds devenus bleus, comme ses mollets, d’un bleu translucide et inquiétant comme celui recouvrant le corps des noyés.
Elle se foutait de ses mains parcourues de picotements désagréables, de ses dents claquant légèrement et de ses lèvres bleues se faisant déchiqueter méthodiquement par celles-ci.

L’autre s’est figée, épaules rentrées, tête baissée.
Seuls les filaments rouges de ses cheveux semblent être encore parcourus de vie alors que le temps se décroche en lambeaux autour d’elles deux.
Sa tête se tourne, d’abord, semblable à celle d’une chouette haineuse.
Puis son corps suit, se met en mouvement.
Elle la fixait, dardant ses yeux couleur Lac sur son corps, la détaillant, la passant au scalpel lentement.

Rien. A. Faire.
Elle ne pouvait s’empêcher de laisser valser un petit sourire sur son visage, dansant comme les flocons il y avait quelques instants.

Elle avait envie de tirer la langue, se détourner, rattraper la neige à pleine poignée, sentir sa froide caresse sur ses paumes, ses doigts, ses ongles, la sentir couler dans ses poignets et son pull tandis qu’elle serait figée face à l’autre, hésitant entre lui lancer la neige et la laisser s’échouer à nouveau sur le sol.
Elle avait peut-être été injuste, mais elle s’y prenait mal en excuses, si mal.
Alors c’était peut-être une manière de se faire pardonner, cette boule de neige.
C’était peut-être une manière de se faire remarquer, de ne pas se faire abandonner là, toute seule, face à la glace et à la neige, face aux remous sombres du Lac brodés de lumière, face aux arbres noirs se tordant de froid.

Une phrase lui revint à l’esprit.
 « Roule, roule petite boule de neige... C’est de là que viennent les avalanches. »
Elle tressaillit, et la joie quitta son regard.
La dernière avalanche qu’elle avait créée avait failli l’emporter, elle et sa famille.
Elle les avait ballotés fort, due à une seule erreur, les avait cognés lourdement contre la vérité, avait noyé leurs têtes sous ses couches de haine et de colère.
Ses tremblements s’intensifièrent mais elle ne bougea pas.
Le sourire s’était figé, comme les flocons avant de venir s’éclater sur le sol.

Et elle fixait l’autre, à son tour, elle la sondait pour tenter de voir derrière les yeux devenus noirs, comme un orage puissant qui allait tout ravager.
Elle avait pas peur des orages, mais les orages intérieurs étaient les plus sournois.
Ils ne font que gronder jusqu’au moment où on dépasse la limite et ça vous saute à la figure.

Et les yeux coulaient de plus en plus dans les abîmes, et les cheveux contrastaient de plus en plus avec le visage fin.
Elle ne savait plus si elle devait s’enfuir, partir, là, tout laisser, s’enfouir sous la neige et dormir, apprendre à rêver, avancer vers la grande, observer ses yeux-orages, calmes pour le moment comme la mer avant la tempête, redoutant leur déchaînement soudain.

Et les mots qui résonnaient dans le silence.
Alors elle cacha tout Ça, la peur qui lui tordait le ventre, la fatigue, ses problèmes, ses doutes, son appréhension, le début de panique fleurissant dans son cœur, la joie, la tristesse, toutes les émotions et leurs couleurs.
Et le petit sourire revint valser.
Elle s’enferma dans cette bribe de sourire, dans ce rictus, le laissant germer, puis fleurir.
Un spectateur aguerri aurait pu voir ses lèvres légèrement crispées, ses mâchoires claquant un peu trop pour que ce soit lié au froid.

 « Pour sûr, c’était pas un hérisson albinos. »

Son souffle embuait l’air, réchauffant légèrement ses pommettes, troublant une partie de son visage.
Puis la fumée monta, monta, haut dans les airs, blanche, se perdit dans les nuages.
Sa respiration continuait à former de petits panaches de fumée, minces, lui donnant un rempart supplémentaire pour continuer à jouer avec l’autre.

 « Pourquoi tu t’enfuyais ? »

*Parce que j’t’ai traitée de Monstre ?*
*Parce que j’en vaut pas la peine ?*
*Parce que t’as peur ? T’as froid ? T’as honte de m’avoir sortie de l’eau ?*
*Parce que tu m’détestes ? T’as envie de m’noyer ?*
*Parce que les rêves devenaient trop pressants pour que tu puisses les supporter ?*
*...J’comprends si c’est ça. Saleté d’rêves*


 « ...C’est à cause des Rêves ? »

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

21 août 2020, 15:52
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Ses yeux sont ternes, et s’égarent dans un néant de pensées valsantes. Elle garde son regard fixé dans le tien, tandis que tu la détailles, mais tu la sens perdue parmi ses fantômes. Comme si, soudainement, elle avait disparu, quitté ce monde pour celui du Passé – ou de l’Avenir, qui sait –, comme si la neige avait éveillé en elle de terribles réminiscences.
Elle fait peine à voir, la Gamine qui se tient là. Sa robe encore dégoulinante colle à sa peau, son visage est plus pâle que raison, et elle semble prête à se briser, prête à s’ouvrir en deux pour déverser la douleur qui paraît l’habiter. Un Autre aurait sans doute eu pitié, un Autre l’aurait prise dans ses bras, l’aurait bercée, lui aurait murmuré des mots rassurants. « Là, là, ça va. T’inquiète pas, ça passera. » Un Autre aurait pu décider de l’aider, de passer outre sa colère et de saisir son destin pour le remettre sur le droit chemin.
Un Autre, ou même ta Sœur, aurait essuyé ses larmes.
Mais tu n’es pas une Autre ; tu ne l’as jamais été.
Alors tu te contentes de la contempler. En silence, les lèvres toujours étirées par ce rictus suffisant. Irradiant la colère.

Ton Être se remet à trembler, plus violemment que jamais. Tes bras sont hérissés de chair de poule, tes cheveux de feu dansent autour de ton visage au rythme du vent. Le froid court sur ta peau et y enfonce ses milliers d’aiguilles ; pourtant tu ne songes même pas à te recroqueviller sur le sol, à te refermer sur toi-même, pour te réchauffer. Tu te perds dans l’univers de son regard, tâchant d’y lire les visages ceux qui la hantent. Tes yeux de glace ne cillent pas ; comme hypnotisée, tu n’oses plus te détourner.
Une trêve, comme une éphémère protection, semble s’instaurer entre cette enfant-égarée et toi. Une bulle terriblement fragile, prête à voler en éclats à la moindre parole, au moindre faux pas, vous entourant de son atmosphère un peu trop douce. Ralentissant le temps, vous isolant, jusqu’à ce que plus rien ne compte d’autre que celle qui te fait face. Jusqu’à ce que seuls ces yeux verts, ces fantômes et ce visage pâle, apparaissent dans ton champ de vision.

Ton corps n’est plus que Froid. Ton corps, habité par une glace qui se diffuse peu à peu, tente de garder un semblant de contenance, tâche de rester digne. Tu gardes le menton levé haut, les poings serrés ; tes yeux flamboient. Ton dos est droit, mais tes dents continuent de claquer.
Malgré la curiosité que t’inspire cette Gamine-qui-paraît-prête-à-Briser, tu t’efforces de Paraître ; toujours. Paraître pour vivre, Paraître pour duper, Paraître pour jouer. Tu joues un rôle devant cette Autre ; tu simules. Cette force qui semble couler dans tes veines, cette puissance que tu irradies, cette assurance que tu essaies de montrer au reste du monde, ne sont que leurres, façade. Et si jamais elles venaient à disparaître, si soudainement elles s’envolaient, elles laisseraient sans défense une enfant pleine de doutes, d’hésitations. Une fille sans famille sur qui compter, sans parent à qui se confier, Elles mettraient au jour des plaies à peine cicatrisées, des dizaines de douleurs encore bien trop vives, des supplications qui brûlent les lèvres.
Cette gamine, tu la dissimules, tu l’enterres loin dans ton cœur, pour qu’elle ne sorte jamais. Tu l’empêches de voir le Soleil et de devenir plus puissante, tu la couvres de carapaces plus épaisses les unes que les autres. Et tu joues ce rôle, tu ne quittes jamais ce masque de gamine insensible et égoïste, pour paraître forte et prête à tout.

L’Autre joue-t-elle un rôle, elle aussi ? Ton cœur affirme que non, mais ton esprit ne peut s’empêcher de douter. Simule-t-elle ce mal dans son regard, cette douleur qui plane au-dessus d’elle ? Tâche-t-elle d’attirer l’attention, de se rendre plus sombre ?
Tu fronces les sourcils.
Non, impossible, affirme ton âme. Elle aurait pas Défié, sinon. Elle aurait pas balancé cette boule de neige, comme Bristyle t’a appris à le faire il y a un tas d’éternités. Elle aurait pas cherché à te retenir, elle t’aurait pas empêchée de fuir.

Soudainement, sa voix retentit. Elle Brise, détruit, annihile, la Trêve si fragile instaurée entre vous. Elle ramène tout à l’état de poussière, et ta colère mêlée de fierté revient, bouillonnante.
Son sourire et ses mots te font détourner le regard brusquement, comme si tu te sentais gênée, et tu laisses tes yeux glacés se fixer sur la neige de la berge.


« J’fuyais pas. Et j’ai plus d’rêves. »


Le sifflement qui sort de ta bouche t’effraie toi-même. Tu frémis, mais les mots s’écoulent d’eux-mêmes, vivants.

« T’façon tu comprendrais pas, ça sert à rien qu’j’essaie d’t’expliquer. »


Tes yeux se durcissent un peu plus. Tes remparts se dressent encore, fidèles protecteurs. Tu t’éloignes de la Gamine pour ne pas avoir pitié, pour ne pas te laisser atteindre, pour rester entière.

« J’ai pas envie d’te parler. C’pour ça que j’partais. »


Un autre pas en arrière, qui te rapproche de la sécurité du Château, qui t'éloigne de la Gamine-qui-comprend-trop.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

25 août 2020, 19:01
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Ne pas s’effondrer.
Ne pas laisser mourir ce sourire si craintif, le retenir encore un peu, le laisser danser.
Ils sont si fragiles et tristes.
Mais elle ne doit pas montrer que tout semble brisé autour, qu’elle n’est qu’une petite poupée automate, au cœur qu’on pouvait autrefois remonter, mais qui est tellement tombé que la fragile mécanique s’est grippée.
Elle doit continuer à sourire, d’un petit sourire blanc comme la neige sur sa peau diaphane, paraissant presque une cicatrice sur ce visage d’apparence joueur et naïf.
Laisser croire que tout va bien alors que la peur est juste derrière.

On la lit dans ses yeux.
L’autre la lit dans ses yeux.
Mais pourtant, elle ne détourne pas le regard, elle reste en face d’elle, avec ses yeux couleur glace, magnifiques, qui s’emplissent d’orage.
Et elle voit des milliers de choses sous la glace, des milliers de griffes qui étreignent le corps de la fille, le pressent dans leurs bras froids, la font trembler, de plus en plus violemment.

Elle est Contradictoire.
D’un côté, ses cheveux flammes s’enroulant autour de son visage, ses yeux crépitant de colère, sa tête fière, son regard hautain.
Puis, de l’autre, ses yeux couleur Lac, recouvert de lambeaux de glace craquelés, qui laissent apercevoir des ombres mouvantes sous la colère. Et ces deux Lacs sont entourés de cellules immaculées, de muscles qui tremblent au niveau de la mâchoire.
Une flamme gelée.

Le truc avec les flammes gelées, c’est qu’on sait jamais quand elles vont se briser pour tout ravager d’un coup, puis s’éteindre au milieu de la poudreuse.
Peut-être que finalement elle ignore le froid, la rousse.
Elle se laisse emporter par la colère, embrasée de ses murmures, laissant l’orage lui bousiller le cœur et s’étendre dans ses veines comme de la lave en fusion.
Un beau volcan, finalement, qui va lâcher des gerbes de mots blessants, couleur ocre et vermeille.

*Flamboiement.*


T’as pas compris encore ? Elle a plus de rêves...
Elle a plus de rêves et elle veut pas de toi...
Et tu comprends rien, alors pourquoi penses-tu pouvoir la comprendre elle ?
T’es-rien-du-tout-fout-lui-la-paix.


Pourtant les yeux se sont baissés.
Une craquelure sous la dureté de la glace ?
Le feu blesse mais réconforte aussi. Il illumine dans les ténèbres, il s’enroule, réchauffe, détend les membres gelés.

D’une voix douce et un peu cassée par le froid, elle décide d’ignorer les mots de l’autre.
Elle ignore le volcan et la couche de glace, elle ne regarde plus que la flamme qu’elle a vu flamber dans les prunelles, que le sourire autrefois moqueur qui brillait fort, qui l’avait mise hors d’elle mais qui brillait comme un soleil noir.
Elle aurait voulu s’avancer d’un pas, rattraper la flamme qui s’éloignait déjà, reprendre les braises qui finissaient peut-être déjà de rougeoyer dans les iris, s’y brûler les doigts et serrer les dents de douleur, apprivoiser le feu, le ranimer, car la curiosité avait fait momentanément oublier l’épisode du Lac malgré ses cheveux blanchissant de gel à la pointe, ses mains qu’elle pressait contre ses cuisses, ses pieds qu’elle ne sentait plus et qui se fondaient avec la neige.
Elle était juste captivée par la flamme, se fichant de ses humeurs la poussant à cramer tout ce qui passait à sa portée.
Elle était incapable de croire que la fille la haïssait, se foutait de la laisser crever dans un Lac, la regarde consciemment se noyer ou mourir de froid, les poumons plein de flocons de neige et d’eau à-moitié solidifiée.
*Ça conserverait p’tete bien ma dépouille.*
Elle secoua un peu la tête, avant de murmurer :

 « Ils sont partis, tes rêves ? »

Buée dans l’air, s’enroulant avant de caresser les nuages.

 « Y a pas quelqu’un pour les retrouver ? »

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

18 sept. 2020, 22:57
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
*J’veux pas qu’tu saches qui j’suis. J’veux pas qu’tu connaisses quoi qu’ce soit sur moi.*
Tu manques de fuir, à l’instant où cette pensée traverse ton esprit. Tu songes à quitter cet endroit froid et humide, à laisser derrière toi ces yeux trop expressifs et ce corps parcouru de tremblements. Tu envisages de te mettre à courir, sans un regard en arrière, pour regagner la sécurité du Château, pour te fondre parmi la masse d’anonymes.

Tu ne bouges pas. Pas un mot, pas un clignement de paupière. Rien ; seulement le silence de cette froide journée d’hiver.

L’idée tournoie, une centaine, un millier de fois dans ton esprit, sans que tu ne te meuves. Sans que tu n’esquisses le moindre geste, que tu ne fasses un seul pas en arrière pour échapper à l’emprise de ses yeux d’émeraude.
Incapable de bouger, tu fixes l'enfant qui te retient immobilisée là, sur l'immaculé de la neige.

*Enfant-Emeraude, libère-moi, j’t’en supplie*
La prière ne franchit pas la barrière de tes lèvres. Elle reste là, à tournoyer avec tes autres certitudes, avec tes autres doutes, avec le reste de tes envies, et ne prend pas forme.
Tes yeux de neige, autrefois, il y a tant d’éternités, si hautains, si ténébreux, se teintent de peur. La glace se fracture ; des tourbillons d’eau menacent de monter, de déverser leurs flots honteux sur le velours de tes joues. Tu baisses la tête.

Echec.


Premier pas vers la déchéance, vers l’indignité. Première avancée sur le chemin tortueux de la faiblesse.
Quelques pensées qui tâchent de conserver leur puissance d’antan se rappellent à toi.
*Elle mérite pas mes mots. Elle est plus p’tite, elle est conne, elle devrait juste dégager.*
A présent, tu ne caches plus tes tremblements. Tu ne dissimules plus cet infâme mélange de terreur et de froid, et cette vague étincelle de colère qui subsiste. Tu ne tournes pas le dos à l’angoisse que la gamine t’inspire, tu lui fais face et ton dos ploie sous le poids de sa curiosité.
*J’en ai rien à foutre d’elle. Rien du tout.*
Ta respiration se fait hachée, hésitante. Un sanglot vient oppresser ta poitrine, encombrer ton souffle.
Une larme coule ; encore une.

Echec.


Second pas vers la mort et la douleur. Voyage de retour vers un puits sombre dont tu pensais t’être échappée.


*Lâche moi, Gamine, putain. Fous moi la paix, LAISSE MOI SURVIVRE !*
Ton corps se met en mouvement seul, sans que tu l’aies désiré. Exclusivement concentrée sur ton déclin, sur la terreur que t’inspire l’enfant qui te fait face, tu ne te sens pas partir en arrière. Pourtant tes pieds trébuchent, tâchent de reculer tant bien que mal pour fuir cette situation dont tu ne comprends plus la portée.

Ton âme vacille, comme lors de cette soirée où tu valsais face au vent, en haut de la Tour, et tu contemples avec angoisse le précipice qui s’ouvre à tes pieds. Prête à chuter à nouveau dans ta douleur et ta haine de toi-même, encore maintenue en sécurité par un mince espoir qui s’amenuise de jour en jour – Petite Ombre.

Ses mots Brisent encore. Trop faible pour serrer les dents, les poings, ou pour cracher tes mots acides, tu te laisses seulement entraîner par la mélodie de ses paroles. La curiosité qui l’habite est odieuse, exécrable, mais sa voix est douce. Incapable de comprendre ce qu’elle prononce, tu te laisses bercer par les notes cristallines qui rythment son timbre ; tu sens tes larmes de peur couler les unes après les autres, tremper ton col.

Comme une gamine, tu aurais besoin d’être enserrée, d’être entourée de bras rassurants. Tu aurais besoin qu’on te murmure qu’Elle n’est qu’une Autre parmi les Autres, qu’elle est inoffensive ; que la flamme qui vacille dans ses yeux n’est que le reflet du Soleil sur le Lac. Tu désires ardemment qu’on te berce pour qu’elle disparaisse de ton esprit, qu’on te réchauffe et qu’on t’assure que tout ira bien. Que le puits de douleur n’est qu’un mauvais souvenir, que tu t’en es sortie.
Finalement, tu aurais besoin que les rôles s’inversent. Qu’elle t’observe auréolée de toute sa puissance, hautaine ; qu’elle fixe ses yeux d’émeraude et voie les larmes couler sur tes joues trop pâles.

Trébuchante, tu continues de reculer. Tes pieds s’emmêlent, hésitent, et c’est à peine si tu te sens tomber. C’est à peine si tu sens le froid de la neige s’insinuer dans le haut de ta robe. C’est à peine si, les fesses posées par terre, tu réalises que la Gamine en revanche, se dresse toujours près de toi, et qu’elle t’a vue chuter.
Tu inspires profondément, la tête levée vers le ciel, prenant du courage dans la couleur blanchâtre, trop lumineuse, de ce ciel de février.
Ta voix tremble quand tu lui réponds. Elle est le reflet du trouble qui t’agite, de la terreur qui t’étreint.


« Je… j’sais plus, j’sais pas, j’en sais rien. Bordel, fous moi la paix, fous moi la paix. »


Tu remontes tes jambes contre ton torse, enroules tes bras autour de celles-ci, serres le plus fort possible. Tu trouves un maigre réconfort dans la chaleur qui se dégage de tes membres. Ton corps recroquevillé tremble de plus en plus ; tu laisses ton visage tomber contre tes genoux.

Chère Plume... j'espère que tu excuseras ce retard terrible. Je suis sincèrement désolée. Je doute que ce post me fasse pardonner, néanmoins j'espère qu'il te plaira.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

04 oct. 2020, 20:37
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Et là, au milieu de tout le Calme et de tout le Silence, au milieu de Votre Bruit et de Votre Chaos, elle la regarde s'emmêler.
S'emmêler vraiment, trébucher, buter contre le sol, buter contre les Mots, buter contre la terre entière, et au final, s'étaler au sol.

Culpabilité commence lentement à ronger son cœur.
Jamais elle n'avait voulu des Larmes.
Elle avait voulu quelques réponses, quelques Mots jetés dans le vent, à la limite.
Seulement de quoi reconstituer des phrases, de jolies phrases, ou des phrases absolument dégueulasses, mais des phrases tout de même.

Ses yeux se mettent à la piquer lorsque les Mots la touchent.
Ils ont été extirpés comme à contre cœur de la bouche, sont saccadés comme ces Larmes qui dégoulinent.
Merlin, c'était comme ça que mouraient les Flammes, dans l'âtre?
C'était comme ça qu'on voyait leurs larmes de cendres incandescentes grésiller une dernière fois sur leurs joues pâles?
C'était comme ça que leurs yeux de charbons se fermaient à jamais, yeux qui avaient ici la couleur du dégel?
Elle avait jamais voulu refroidir la Flamme.
Elle avait jamais voulu éteindre son Feu intérieur, celui qui l'avait poussé il y a quelques minutes à la sortir du Lac et à la traîner sur la berge.
Elle avait jamais voulu la blesser, répandre un peu plus de Neige sur son corps déjà transi, enfoncer sa tête sous la glace, la regarder se débattre face au Courant des Mots, l'achever de ses questions.

Là maintenant, elle aurait voulu lui tendre un bout d'allumette, à peine une flammèche crépitante, mais quelque chose pour embraser à nouveau l'être en face d'elle.
Au lieu de quoi, elle fixe ses pieds bleus, ses jambes bleues, ses vêtements figés par le froid, ses cheveux qui lui collent à-moitié au visage, dessinant de sombres tatouages sur sa peau de gel, ses mains qui tremblent, si fort qu'elles pourraient se décrocher et tomber à ses pieds, se tordant de froid.
Mais y a rien pour rallumer les flammes.
Y a que des trucs pour les étouffer, ici.
Le paysage, le Lac, la Neige, le froid, la glace, y a rien, rien et rien du tout pour sauver les braises.

Mais elle veut pas les regarder s'éteindre. Elle veut pas les regarder mourir au milieu de tout ce Bleu, ce Bleu qu'elle déteste en ce moment pour tout recouvrir et tout bouffer.
*P'tite Flamme... J'suis désolée.*

Elle avait vu les mouvements de reculs, rouillés comme ceux d'un automate.
Elle avait vu les paroles désarticulées, répétées, en une litanie pour la tenir à distance.
Elle avait vu les larmes dévaler la pente des joues, hésitantes, puis de plus en plus nombreuses.

Alors, elle s'approcha, en silence, timidement, presque.
Elle avait rien pour raviver les flammes.
Juste sa baguette dans sa poche.
Peut-être qu'un Incendio aurait réglé tout le problème.
Mais elle n'avait pas trop envie de faire brûler le château par accident.
Alors elle s'accroupit près de la Rousse, hésitant un instant, retenant son souffle.
Puis lentement, elle lui passa l'écharpe un peu humide autour du cou, en priant pour qu'elle n'abîme pas l'étoffe encore humide mais légèrement réchauffée au contact de sa peau.
C'était toujours mieux que rien.
*Allez...Brille P'tite Flamme...Steuplé...*

Ne t'inquiète pas du Temps qui file, Plume.
Un jour, nous le rattraperons, nous deux. Ton dernier Pas a effacé le Temps passé. C'était Beau.
Oh, et magnifique vava au passage.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

27 oct. 2020, 00:13
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
*Fous moi la paix, fous moi la paix*, implore ton esprit embrumé par le froid, l’angoisse et la fatigue.
*Laisse moi vivre, laisse mourir*, prie ton cœur qui accélère.
*Dégage*, ordonne la colère qui voudrait bouillonner en toi.

Dans le lent mouvement de balancier que tu imprimes à ton corps, tu puises un réconfort léger, fugace. Tes bras, serrés autour de tes jambes, te réchauffent vaguement, te procurent un sentiment de bien-être que tu sens prêt à s'envoler, et tu sens grandir en toi une envie de fuir au Château, de te cacher dans le Dortoir, dans ton lit sous tes couvertures, pour ne plus rien avoir à penser. L'Autre qui est là te fait peur, te terrifie et parvient à t’immobiliser de la seule force de son regard.
Comment un si petit être, une si frêle créature, peut-elle parvenir à créer en toi tous ces sentiments contradictoires ? Comment fait-elle pour éveiller en toi ce besoin de disparaître, cet effroi, et en même temps cette vague curiosité que tu sens palpiter au fond de ton esprit ? Le visage enfoui dans le tissu glacé, humide, de ta robe sombre, tu murmures tes mots en une litanie qui apaise ton cœur. Ton être tout entier se balançant d’avant en arrière, tu tentes de faire abstraction du froid qui parcourt chacune de tes cellules, de la peur qui te fait trembler, de la vie que tu sens s’écouler par vagues de ton corps transi.

Comme une danse qui se répète dans ta tête, tu te revois buter contre la terre gelée, déraper. Et, observatrice muette de ta propre chute, de tes propres échecs, tu te revois dans la neige, tes cheveux formant une auréole de feu autour de ton visage couleur de Lune. Tu te contemples, faible être transformé en Ange du Froid, tu vois ta raison disparaître dans les méandres de la vague de terreur qui agite tes organes.
Gravée derrière tes paupières, se rejouant devant tes yeux clos, la Chute s’imprime en lettres brûlantes dans ton corps. Tu ressens tout ; le froid humide qui s’infiltre dans tes vêtements trop fins, le vent qui fouette durement ton visage, le choc de ton atterrissage diffusé dans tout ton dos ; le Monde s’impose trop violemment à toi. Tu te mets à trembler, de froid comme d’appréhension, sens la chaleur agréable que tu étais parvenue à créer en te recroquevillant sur toi-même disparaître dans l’air d’hiver.

Il te faut un long moment pour trouver la force de relever la tête. Il te faut un temps interminable pour oser ouvrir les yeux, pour t’autoriser à respirer sans sentir les sanglots oppressants dans ta gorge. Il te faut un instant qui te paraît immense pour te rappeler de l’Autre qui te contemple du haut de sa puissance, bien trop près ; pour te souvenir de son existence et du danger qu’elle représente pour toi. Et lorsqu’enfin, tu parviens à lui rendre son regard, lorsqu’enfin ta vue n’est plus obscurcie par les larmes, il te semble que des dizaines d’heures se sont écoulées.

Tu la fixes, cette Enfant qui porte en elle la puissance du Soleil, tu l’observes de tes yeux délavés. L’âme tremblante et une angoisse sourde frappant aux portes de ton cœur, tu la vois s’approcher, s’approcher, s’approcher, sans s’arrêter. Tu la vois avancer vers toi sans pouvoir rien faire, sans pouvoir la retenir et l’empêcher. Sans prononcer d’autre Mot-qui-Brise, elle vient vers toi, le son de ses pieds faisant crisser la neige comme seul accompagnement. Et elle s’accroupit, son visage à quelques centimètres du tien. Se rend-elle compte de la peur qui t’étouffe, en cet instant ? Que va-t-elle te faire ?

Ton souffle se perd quand elle dénoue son écharpe, quand, à gestes lents, elle s’approche encore davantage pour te la passer autour du cou. Fermant les paupières le plus fort possible, tu blottis ton visage dans l’étoffe glaciale, ramènes tes mains dans celle-ci pour y puiser un peu de chaleur. Pourquoi cette Enfant à Trois Facettes t’offre-t-elle un tel présent ? Par pitié, sans doute. Tu peines à entrevoir ses motivations, à même comprendre sa façon de penser. Autrefois pleine de Défi, ensuite libre et haineuse, enfin douce et silencieuse comme une ombre, elle te perturbe plus que tout.

Tu relèves le visage, le tournes vers l’être qui t’a offert la chaleur de son vêtement, esquisses un fin sourire de tes lèvres bleuies. Les coins de ta bouche s’étirent, tes yeux s’éclairent, et tu inclines légèrement la tête.
*Merci.*
Apaisée par le calme de l’hiver, tu prends un instant pour respirer, pour te sentir revivre. Enfin, tu ramènes ton regard sur les eaux calmes du lac, sur les blocs de glace qui y flottent, et tu entrouvres les lèvres.

« Tu peux… Partir, maintenant ? S’il... s'il te plaît. »


Ta voix est une supplique ; tu murmures tes paroles d’une voix rendue rauque. C'est comme une demande de paix ; elle s'en va, elle te quitte et tu garderas d'elle un doux souvenir, une image non plus teintée du bleu de l'angoisse, du gris sombre de la colère, mais calme et reposante.

_____
Chère Plume, je crois que ceci est la fin pour moi. Alison ne pourra plus rien tirer de ma Gamine abîmée, malheureusement.
Merci, merci pour cela, écrire avec toi est sublime.
Nous croiserons de nouveau nos Mots – si tu le désires bien sûr ; nous devons offrir une suite à nos Protégées.
Ce fut un très bel instant, j’espère que d’autres suivront.
(Merci pour le compliment ! J’aime le tien également.)

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

10 nov. 2020, 10:17
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
L'Ironie du sort vient du fait que la Musique
Apporte bien plus les rêves que la fin de l'un d'entre eux.
Merci.

______________________________


Tic tac tic tac.
Les secondes qui s’égrènent.

Elle avait vu chez sa grand-mère la pendule du mur se balancer ainsi, avant arrière, arrière ou avant, portée par un mécanisme ensorcelé et infatigable, toujours en train de faire résonner son tic-tac agaçant.
Elle était comme le mécanisme, la fille.
Se balançant, dans la neige, ne pouvant s'arrêter dans ce geste futile, sentant l'obligation de le répéter pour se *rassurer.*

Se rassurer contre qui?
Elle?
Était-elle dangereuse?
Est-ce qu'elle brisait, elle aussi, sans le savoir?
Pouvait-elle achever un paysage, l'écorcher par la seule buée de son souffle s'élevant dans la matinée claire, le défigurer par ses pas dans la neige, par l'Ombre de ses cheveux tranchant l'Immaculé et le céruléen?
A quel point pouvait-on briser un paysage?

En voyant l'autre recroquevillée, elle ne pouvait s'empêcher de penser à une graine.
Une toute petite graine de toute petite plante, qui pourrait germer une fois le dégel fini, étendre ses pétales au soleil, former une couronne de ses fleurs, laisser le vent jouer avec ses cheveux de feuilles tressés.

Elle aimait s'enfermer dans les rêves en ce moment.
Pour ne pas avouer que l'autre pourrait être une garce inconséquente qui aimait cracher sa douleur aux visages des Autres. Pour ne pas avouer qu'elle aussi avait fait des erreurs avec sa foutue curiosité, qu'elle avait voulu en savoir Trop, comme à son habitude.
Le remord l'étreignait toujours, de voir l'autre se rendre folle, à jouer aux funambules sur la terre ferme jusqu'à se renverser une dernière fois en arrière pour contempler le ciel vide d'étoiles et voir des larmes de flocons glisser le long de ses joues d'albâtre.
Elle murmurait des mots sans fins, des mots en boucle pour former un cocon rassurant, pour la couper du froid, d'elle, du Lac, des rêves trop vite éteints, des cauchemars trop vite connus, de la douleur de la glace et de la lumière agressant les yeux.
Une funambule perdue sur le filin des Mots coupants et qui se brûlait les doigts de gel et de feu à force de jouer avec eux.

Les rêves Perdus.
Les graines meurent sous l'effet du froid.
Les rêves Perdus.
Les étoiles se moquent bien d'illuminer un dernier ciel d'un dernier jour.
Les rêves Perdus.
La fille se moque probablement de savoir qui elle est, elle, la Gamine-qui-blesse. Qui délaisse.
Les rêves Perdus.
Et lorsqu'ils avaient été remplacés par les corbeaux des nuits d'hiver, comment retrouver la chaleur?
Et alors que l'autre se tordait dans ses visions intérieures, comment la sortir pour lui dire de ne pas se détourner du soleil?
Elle-même ne l'avait-elle pas abandonné, ce soleil?
Avait-il fini de mourir en décembre, chez elle, à Noël?
Les rêves Perdus.
Ou était-il devenu un soleil de glace gelant son cœur pour ne plus rien lui faire ressentir?
C'pas vrai. J'sens qu'elle a mal. J'sens qu'elle a pas d'soleil. J'suis juste Incapable de l'aider. J'suis désolée...*

Désolée de ne pas avoir pu la réchauffer plus tôt. Désolée de l'avoir poussée dans ses derniers retranchements, de l'avoir abattue en plein vol, cet être glacé qui gisait sur le sol noirci, de l'avoir assassiné de questions et à présent de le contempler expirer.

Elle regarde la tête couronnée de flammes liquides se soulever, chercher peut-être une bribe d'oxygène dans ce monde oppressant.
Les yeux s'ouvrirent sur le monde, orbes de glace se fondant dans le paysage.
Elle sentit qu'elle cherchait à faire ralentir les battements de son cœur, inspirant et expirant lentement comme pour ne pas troubler cet instant.
Devenir invisible. Ne plus produire un son pouvant faire tout partir en vrille à nouveau.
Juste laisser le Silence réparer ce qu'elle avait si bien cassé.
*J'me déteste.*

Noyée dans les horizons glacés qui la fixent, elle pourrait presque être sereine.
Car votre silence en dit plus que toutes les phrases du monde, du moins elle aime l'espérer. Elle voudrait espérer que la fille-flammes comprend qu'elle s'en veut, qu'elle s'en veut à un tel point qu'elle pourrait brûler de remords.
Mais tout semble si calme dans ces deux miroirs polis d'un trop-plein d'émotions.
Elle ne croit pas y voir de regrets. De haine. De peur.
A moins que tout cela ne soit qu'une Illusion?

Elle s'est réfugiée dans son écharpe, le jaune s'accordant avec le roux des flammes, le noir tranchant comme des charbons calcinés.
Elle s'y est réfugiée, et elle n'y voit peut-être qu'un moyen de se refroidir un peu plus, de ne plus Ressentir plus vite, de se laisser engourdir par le froid et de rester plus morte que vive sur cette rive.
Une ombre de sourire perça pourtant l’anesthésie du froid.

Elle ne put s'empêcher d'y répondre d'un petit sourire aussi minuscule que celui de la fille lui faisant face.
Puis les mains crispées sur l'étoffe la rendirent nerveuse.
Son écharpe, elle en avait besoin. Pour se convaincre d'être dans des cases, de ne pas être rejetée de tout Poudlard entier comme elle avait été rejetée à Noël.
Le besoin de sentir les mailles gelées contre son propre visage lui perfora le cœur.

Elle hocha lentement sa tête bleuie de froid aux Mots trébuchants qui lui étaient adressés. Les derniers probablement.

«J...J'peux récupérer mon écharpe...Steup..S'il-te-plaît?»


Un murmure aussi minuscule que leurs sourires.
Elle renvoya un regard suppliant à la fille-flammes.
Pour elle, pour leurs derniers Mots, elle n'avait pas voulu les raccourcir. Alors, elle espérait revoir son écharpe?
Elle savait bien que l'être en face aurait toutes les raisons du monde de refuser.
Mais elle paniquait comme si elle s'enfonçait sous une couche d'eau profonde à chaque fois que l'idée l'effleurait.
*Faux. C'est calme sous les couches d'eau.*

Lentement, sans attendre vraiment de réponse, ses doigts muées d'une volonté propre vinrent desserrer le vêtement tremper, l'enroulant délicatement autour de leurs pulpes.

«F-Faut qu't-tu rentres aussi...Tu l'feras, hein?»

Elle jeta un dernier coup d’œil à la fille puis se redressa lentement, dépliant chacune de ses vertèbres qui lui firent horriblement mal.
Puis ses pas s'éloignèrent, laissant de grosses traces éphémères dans la neige.
*Les blessures c'est comme la neige. La neige, ça se reforme, puis ça s'oublie. Et au moment où l'on s'y attend le moins, ça revient. Sauf que tout le monde aime la neige et personne aime les blessures.*

______________________________


Elle entra dans le château comme une âme perdue, courut jusqu'aux dortoirs, se fichant des regards surpris qui glissaient sur elle comme de l'eau, se barricada dans une des salles de bains et fit glisser un long jet d'eau brulante sur son corps gelé.
Mais deux éclats de glace ne parvenaient pas à se réchauffer.
Deux éclats semblables à ces orbes qu'elle avait longuement contemplé pour en percer les mystères.
*Marquée de leurs flammes.*

Plume, si j'avais su où tout ceci nous emmènerait...
Un immense Merci pour tout ce que tu m'as apporté, à moi et à Alison d'ailleurs.
Ce fut un réel plaisir que de partager tes Mots.
Une suite? Ce serait un bonheur immense que de pouvoir valser à nouveau à tes côtés! :love:
Merci encore, Plume et à bientôt, donc!

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.