Inscription
Connexion

14 mai 2020, 14:21
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Premier post réservé
18 Février,
Lac,


Un doux soleil blond étendait ses froids rayons sur la surface du Lac.
Celui-ci avait à peine commencé à dégeler, des pans entiers de glace flottaient paresseusement à sa surface, leurs bords effilés par des vaguelettes.
Le vent lui manquait pourtant, afin de compléter ce paysage poudré du début des dernières neiges.
Pas un souffle ne semblait oser effleurer la surface du Lac pour noyer le paysage dans ses ondes.

Malgré le froid mordant, elle n'avait pas pris sa cape.
Ni ses chaussures, d'ailleurs.
Ses pieds prenaient une couleur curieuse bleue mais elle trouvait intéressant les picotements légers qui s'estompaient peu à peu dans ses orteils.
Elle enfonça son nez dans sa fidèle écharpe, qui ne la quittait plus. Le jaune franc tranchait avec ses rayures de Nuit s'accordant avec ses cheveux.
Une union de Nyx et de l'Astre du jour.

Elle s'assit en face du Lac, ses pieds ramenés sous elle, oubliant le froid qui l'engourdissait, la transformant peu à peu en une statue de glace, figée devant ce Lac.

Elle contempla longtemps sa surface illuminée de flots de lumière bondissant sur les glaces, l'aveuglant au point de ne voir du reste du monde que de grandes tâches de lumière claire.

Au loin, ce qui semblait être une nuée de corbeau s'envola, accompagnée de croassements funèbres faisant tinter les branches des arbres nus autour d'elle.

Tu devrais pas être là, Petite.
Elle sait. Il est trop tôt.
Tu devrais arrêter d'y penser.
Elle sait aussi.

Mais elle peut pas.
Elle devait revenir pour s'excuser. S'excuser auprès du Lac et du paysage de les avoir brisés il y avait très exactement une semaine.
Elle revoyait les flocons éparpillés sur le sol, la terre bafouée par leurs chaussures et leurs mains avides de Joie et de ce qu'elle ne pourrait jamais avoir en elle-même.
De la Chaleur.

Alors, elle était sortie tôt, pour pouvoir reprendre sa discussion avec le Lac et le Soleil après son insomnie coutumière.
Ses pieds légers n'avaient pas heurtés la Neige comme ils l'avaient faits.
La nature pardonnait.

Et dans cet immense pardon, elle était là, tremblante de froid mais un léger sourire sur le visage, attendant les Mots silencieux qui réconfortaient.
Mais Nature voulait pas aujourd'hui.
Nature boudait et voulait pas accorder son pardon.

Elle comprenait. Elle aurait peut-être fait pareil.
Mais bordel, qu'est ce que ça faisait mal.
Elle avait plus rien à perdre, hein?

Lentement, elle se releva, n'époussetant même pas sa jupe couverte de neige fondue.
Alors, elle glissa un pied dans l'eau.
Les picotements l'enflammèrent, mais elle les oublia. Elle s'avança jusqu'à rejoindre le premier pan de glace.
Les bords de sa jupe trempaient dans le Lac, l'entraînaient vers le fond, l'incitant à tout lâcher.

Tout lâcher pour plus *penser*.
Tout lâcher pour plus *souffrir*.
Tout lâcher pour plus *entendre*.
Tout lâcher pour plus devoir *parler*.

Mais lorsque la glace heurta son genou, la ramenant brutalement sur terre, dans ce Lac glacial, lui donnant le tournis et faisant vaciller la lumière blanche du matin, elle oublia ces Mots.
Elle les oublia et les laissa s'évaporer dans les rayons du soleil.
Tout était plus simple ainsi.
Plus de regrets.
Plus de pleurs.
Plus de souvenirs.

Elle se hissa sur le Lac, les pieds encore dans l'eau, regardant les vaguelettes faire danser le tissu de sa jupe, tâche noire dans ce Lac d'argent.
Elle s'allongea, la glace lui rentra dans les épaules, gelant ses poumons, arrêtant son cœur.
Et elle se laissa aspirer par la tempête de ses souvenirs.
Seule.
Dans son sanctuaire.
Qui la refusait aujourd'hui.

Ses pensées la rejetèrent, faisant naître des paillettes de sel liquides sous ses yeux, jouant à capturer les rayons du soleil.
Pourquoi Tristesse est belle?

Alors elle se laissa immerger par ses rêves.
Juste pour les suivre.
Juste pour se Souvenir.
Se souvenir de ses Rêves oubliés.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

16 mai 2020, 01:40
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
18 février 2045,
Parc, près du Lac, Poudlard,
2ème année.


Ce qu’Ils disent fait mal. Ce qu’Ils ne disent pas est pire. Ce qu’Ils font détruit. Ce qu’Ils promettent tue. Ce qu’Ils dissimulent est retentissant de haine. Ce qu’Ils montrent est insupportable.
Les Autres sont des automates. Destinés à briser, destinés à arracher des poitrines les cœurs les plus sensibles, à embraser les consciences de mille éclats de douleur. Les Autres ne ressentent pas, c’est impossible ; ils se contentent d’obéir. A quels ordres ? Nul ne le sait.
Les Autres sont des cons. Ils tuent sans le savoir. Ils font pleurer sans s’en rendre compte. Les Autres n’en ont rien à faire, de leur entourage. De leur Famille. Seuls comptent leurs intérêts personnels, leurs ambitions démesurées et leurs désirs. S’ils ne sont pas satisfaits, ils anéantissent. S’ils sont heureux, ils anéantissent. S’ils sont tristes, ils anéantissent. Les Autres ne font attention à rien.
Tu es une Autre. Une Autre qui annihile. Une Autre qui s’en fout. Une Autre qui Brise. Une Autre qui entrave. Une créature infernale seulement à l’aise dans la solitude la plus profonde. Un monstre qui ne veut plus d’amis, plus de sœur, plus de père ; une erreur de la nature.

Le Vent siffle dans tes oreilles. Il tournoie, il vole, il s’emballe, rythmant, comme toujours, tes pensées envahissantes. Tantôt les écartant avec une puissance inouïe, tantôt les enlaçant, se riant de toute pesanteur. Il joue entre tes mèches de feu. Légères, elles s’élancent ça et là, formant parfois autour de ton visage une auréole aux couleurs de Soleil.
Le sol est dur. Encore gelée par le froid de février, la terre ressemble à de la pierre. Sa brûlure passe à travers le tissu fin de ton pantalon et engourdit ta peau. Pourtant, même si tu es presque frigorifiée, assise là à même le sol, près du Lac, tes pensées tournoyant autour de toi, tu ne songes pas une seule seconde à te relever pour regagner la chaleur rassurante du Château. Tu le pourrais, bien sûr. Te réfugier près de la cheminée de ta Salle Commune, pousser un soupir d’aise en sentant les picotements si agréables envahir ton corps gelé. Attraper le premier livre qui lien et t’installer sur un fauteuil.

Mais, tout simplement, tu ne le souhaites pas. Tu es bien ici, dans le silence assourdissant, avec pour seule mélodie le Chant du Vent. Egarée au milieu de tes songes, à penser au passé, à toutes ces opportunités manquées. A toutes ces mains qui se sont tendues, que tu n’as jamais saisies. A penser au présent, à Petite Ombre. A penser au futur, cette entité si floue.
A désespérer sur ton sort, aussi. A te lamenter sur ta destinée. A pleurer sur tes paroles, sur tes actes. Comme une Enfant Perdue. Qui ne sait plus rire, plus jouer, comme la gamine qu'elle était, qui n’est même plus capable de laisser les mots s’échapper de sa bouche, qui est effrayée par tout, qui ne pense qu’à frapper, qu’à haïr.
Tu retournes à l’essentiel. Tu contemples l’univers d’un œil détaché, tu observes le monde avec un recul étrange.

Tu frémis au moindre bruissement. Au moindre crissement de feuille morte, au moindre bruissement des vaguelettes venant lécher les pierres de la berge du Lac.
Mouvement. Son. Tu les ressens si violemment, désormais.
Mouvement. Son. Ils interrompent le cours de tes pensées bien trop brusquement.
Mouvement. Son. Ils font trembler toute ton âme.
Mouvement. Son. Ils déchirent tes tympans et peuvent t’arracher des larmes de douleur tant tu ne les veux plus.
Mouvement. Son. Ce sont des impasses. Des trous noirs infernaux dans lesquels tu te perds.
Mouvement. Son. Ils tournoient inlassablement, se répercutent sur les parois de ton esprit. Ce sont d’insupportables tempêtes anonymes, auxquelles tu ne peux qu’assister, impuissante. Que tu ne peux que subir.

Tes yeux de glace se posent sur la surface mouvante, bleuie par le gel. Tes oreilles bourdonnent, et dans ton esprit résonne le bruit qu’a produit l’Autre en avançant entre les vaguelettes. Elle brave le froid, elle brave le vent, elle brave les éléments, et s’immerge. Et toi tu trembles.
Debout sans l’avoir remarqué, tu avances. D’un pas, d’un autre. Jusqu’à te retrouver tout près de l’eau, jusqu’à sentir les vagues minuscules frôler tes chaussures.
Hésitant, ton pied s’immobilise au-dessus de l’eau. Il y reste quelques secondes, indécis, puis, poussant un soupir, tu le laisse s’y enfoncer. L’eau l’immerge, le fait disparaître sous sa surface, l’engourdit jusqu’à ce que tu ne le sentes plus. Tu avances peu à peu, le corps frigorifié, la robe collant à ta peau, les dents claquant violemment. La vue brouillée par des larmes de douleur et d’effroi.

*Elle aussi elle Défie.*
Ton bras, automate, se tend doucement, s’approche de cette Autre qui se tient là. Elle a déchiré tes tympans de ses sons et de ses mouvements. Mais elle se rebelle, également.
Il se pose contre quelque chose. Tête, épaule, jambe ? Tu ne le vois pas, trop occupée à refouler ta souffrance, les paupières presque closes.

*Faut pas faire ça, Enfant-Hiver. Tu vas t'faire mal.*

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

20 mai 2020, 12:33
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Il était beau ce ciel éclatant. Si éclatant qu'il en ferait presque mal.
Mais heureusement, il y a froid.
Il y a la glace qui la laisse flotter sur elle.
Il y a les pensées qui flottent sans qu'elle ne cherche à s'en saisir ou à les effleurer.
Ces pensées s'offriront à elle en temps voulu.

Et au milieu de tous ces flottements, au milieu de ces larmes de gel couvrant le visage gelé du Lac, au milieu de cet embrasement immaculé qui le rend aveuglant, au milieu de ce Vent fouettant les vagues lisses, il y a une âme qui aspire à la poésie du froid.

Elle voudrait que tout reste figé, figé dans le temps, figé dans cette blancheur et ce Vide de clarté, figé par les glaces et les neiges.

Les yeux fermés sur le monde, elle semble dormir.
Le froid est devenu un ami, un confident, qui engourdit lentement ses pensées, les empêchant de se mouvoir à l’intérieur de sa tête.
Sous ses paupières closes, tout semble évoluer différemment, comme si le monde tournait plus doucement, comme si elle était passée sous la glace.
C’était beau, alors.
Le vent s’était levé et faisait passer des ombres fugaces devant ses yeux.
Elle n’arrivait pas à les saisir, elle faisait corps avec la glace, la ressentait, la comprenait.
Ses battements de cœur ralentirent comme pour s’accorder avec ceux, inexistants, de l’étendue bleue sur laquelle elle reposait.

Les ombres s’étirèrent en délicates arabesques.
*Arabesques*, les nuages.
*Arabesques*, les flots du soleil.
*Arabesques*, le vent qui s’était levé.
*Arabesques*, les vaguelettes contre la glace.
*Arabesques*s, ses pensées effacées.
*Arabesques*, ses cheveux noirs sur cette étendue immaculée.
*Arabesques*, l’univers.

Et dans son univers uniquement constitué de ces arabesques pures, elle voguait loin, sur les flots azurs de ses rêves.
Doux et frais comme des nuages, ils s’enroulaient calmement autour de son corps.
Pour une fois, Insomnie était elle aussi une arabesque, une arabesque qui s’effaçait, loin dans le ciel nacré de ses paupières.

Puis y a eu une nouvelle Arabesque.
Une Arabesque solitaire.
Une Arabesque orpheline.
Une Ombre.
L’Ombre qui s’était approchée, malgré les arabesques des vagues.
L’Ombre qui s’était approchée, malgré les arabesques des glaces.
L’Ombre qui s’était approchée, malgré les arabesques de ses rêves.
L'Ombre est là, maintenant. Elle veut briser le rêve.

L'Ombre elle semble lui murmurer tellement plus que ce qu'elle veut entendre.
Elle voudrait lui hurler de partir, de pas briser le Silence, pas encore, pas maintenant.

Tu dois partir maintenant. Regagne la Terre, Petite.
Non, elle veut pas.
Et si l'Ombre te dénonce?
Elle fera pas ça.
Et si l'Ombre décide de te détruire?
Elle s'en moque.
Et si elle voulait que t'arrêtes d'avoir mal?
...

Qu’est-ce qu’elle en sait, l’Ombre ? Qu'est-ce qu'elle en sait d'elle, d'Alison?
Elle a plus mal.
Elle a plus peur.
Elle a juste envie de se reposer.
Rien qu’un instant, un tout petit instant.

Mais elle pouvait pas la laisser seule, l’Ombre.
Les Ombres connaissent pas les rêves.
Les Ombres n'étaient que cauchemars.
Alors elles arrivaient et saccageaient.
C'était ce qu'était venue faire l'Ombre.

Pourtant elle parlait pas l'Ombre.
Elle blessait pas.
Elle faisait pas mal.
Elle ne la forçait pas à n'être que *Douleur.*

Pourquoi?


Alors elle ouvrit les yeux, des yeux verts luisants sous le soleil pur.

C’était pas une ombre.
C’était une fille.
Comme elle.

Son corps la protégeait du soleil.
Son corps l’arrachait au Sommeil perfide.
Son corps luttait contre les arabesques.

Elle la fixa, le regard vide, plongé dans ses yeux emplis d’océans, ses yeux aussi bleus que les glaces, frappants son cœur, avec une force qui lui coupa le souffle.
Ses lèvres desséchées s'ouvrirent en une plainte, un chuchotement.

"Laisse-moi..."
Une supplique de mourante.
Un murmure qui dégoulina hors de sa bouche et vint tacher la pureté de la glace.

"Laisse-moi rêver..."
Dernière modification par Alison Morrow le 24 mai 2020, 13:40, modifié 1 fois.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

24 mai 2020, 12:07
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Ta peau est parcourue de milliers de tremblements fugaces qui te glacent. Au travers de ta peau se distingue le réseau de veines qui courent. L’albâtre pâlit à vue d’œil, meurtri par l’eau glaciale. Ton cœur accélère, tambourine dans ta poitrine en un rythme désordonné, frappe contre tes côtes.
Tu as terriblement froid, ta robe colle à ta peau, quelques morceaux de glace frôlent tes jambes, et tu frissonnes des pieds à la tête. Pourtant, tu restes là, sans bouger, à fixer l’Enfant-Hiver dont les cheveux flottent à la surface de l’eau.
Tes oreilles bourdonnent, et les muscles de ta main se tétanisent, attaqués par le froid. Tu le sens qui se diffuse par vague jusqu’au plus profond de ton organisme, figeant la vie qu’il y trouve. Un combat acharné est engagé entre tes émotions, pour une fois unies, et une étrange entité qui veut que tu t’abandonnes à la Nature, au Soleil qui te réclame. A la glace qui, reflet de ton regard, luit sous l’éclairage violent.
Tu pourrais presque voir l’eau qui s’engouffre peu à peu dans tes chaussures, glaçant tes pieds. Tu imagines avec une once de terreur ta peau bleuir, ton cœur s’arrêter. Tu sens la douleur qui saisirait chaque parcelle de ton corps avant de devenir totalement insensible, et tu ressens l’appel impérieux de la glace.

Elle veut que tu fermes les yeux. Elle veut que tu t’endormes. Elle veut que tu lui livres chacun de tes secrets. Elle veut que tu laisse les larmes couler silencieusement sur tes joues, pour qu’elles s’écrasent sur sa surface brillant comme un diamant. Elle veut que tu avoues tes douleurs. Elle veut que tu lui sois redevable.
L’Appel de la glace est terrible. Impossible de lui résister, il entraîne tout.
Tu voudrais lui céder ta vie, tes sens. Tu pourrais t’allonger près de l’Enfant-Hiver, le visage tourné vers le Ciel, les yeux clos. Tu pourrais écarter les bras, comme là-haut, dans la Tour d’Astronomie, pour embrasser le Soleil. Tu pourrais t’endormir ici, devenue un simple pantin, avec l’impression d’être libre.
L’Appel de la glace est plus puissant que celui de Haine. Il est attirant, si attirant, tellement beau. En temps normal, tu te méfierais de lui, mais ici rien n’est normal. Ici, tu as les jambes engourdies par le froid. Ici, tu as le cœur battant la chamade. Ici, tu as la peau parcourue de frissons. Ici, tu as les paupières closes. Ici, tu es debout près de l’Enfant-Hiver. Ici, tu ne peux plus parler. Ici, tu as l’âme envahie de Magie. Ici, tu t’insurges contre toi-même. Ici, tu pleures.
Ici, tu as l’esprit mort et la raison empoisonnée.

Ici, tu as trouvé un alter-ego. Une Autre qui Défie. Une Autre qui s’en fout. Une Autre qui s’est abandonnée à l’Appel de la glace et qui n’attend que toi.

Ses yeux s’ouvrent sur un océan de vie. Une porte vers une âme pleine d’innocence. Tu plantes ton regard, dans lequel se reflètent les blocs de givre qui flottent à la surface de l’eau, dans le sien.
Tu plonges dans une mer de questions. Tu t’immerges dans un univers où tout semble plus lumineux. Tu n’as pas l’habitude de telles lueurs. De tels espoirs.
Voir la beauté des choses n’est pas ton fort. Tu n’aimes pas contempler le monde avec un regard d’optimiste. Tu préfères de loin les Ombres, comme celle que tu as vu chez ton Amie-des-Ténèbres. Les âmes tourmentées trouvent une étrange résonnance avec la tienne.
Or là, alors que d’ordinaire tu n’accorderais pas un seul regard à cette Autre, ce que tu lis dans ses yeux est plus fort que tout.
C’est à la fois un appel au secours, comme si elle s’était égarée au milieu de ses propres question, et une demande. Presque une supplication.


« Laisse-moi rêver... »


Ton cœur bondit.
Tes dents se serrent.

*Réveille-toi ! Réveille-toi, bordel. Te laisse pas emporter, j’t’en supplie.*
Tu secoues la tête lentement, deux fois. Tes yeux restent fixés dans l’océan de questions de l’Enfant-Hiver.

« Bats… bats toi, j’t’en supp-supplie. »


Ta voix est plus rauque que d’habitude. Si longtemps que tu n’avais pas parlé, si longtemps que les mots n’étaient pas venus.

« L’Appel de… de la glace, il faut y ré-résister. »


Tu ne veux pas qu’elle se laisse aller. Tu ne veux pas que la glace l’emporte. Pas alors qu’elle Défie.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

29 mai 2020, 09:15
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Y a plus rien.
Que la Glace qui respire sous elle.
Tout est comme noyé de blanc, avec quelques reflets d’argents.
Et puis, elle.
Elle, à la figure bleutée comme les visages qu’on aperçoit au fond des océans.
Elle, à la peau recouverte de givre, presque translucide, où un délicat réseau bleu transportant un liquide si rouge semble pulser lentement.
Elle ralentit enfin, cette pulsation.
Les rêves peuvent commencer.


"J’t’en supplie... "

Un fin gémissement s’échappe de ses lèvres déjà figée par les glaces.
Pourquoi l’Ombre a parlé ?
Pourquoi l’Ombre a brisé ?

"J’t’en supplie... "

J’t’en supplie*parce que j’tiens à toi.*
J’t’en supplie *parce que tu dois encore vivre.*
J’t’en supplie *parce que t’as pas connu la paix.*
J’t’en supplie *parce que t’es pas seule. *
J’t’en supplie *parce que j’peux pas t’laisser là.*
J’t’en supplie *parce que tu m’fais mal.*
J’t’en supplie *parce que tu dois encore rêver. *
J’t’en supplie...

Arrête de compléter des putains de phrases imaginaires


Elle ouvre les yeux.
A droite, blanc. A gauche, blanc. En haut, en bas, derrière, partout, blanc.
Et puis elle se redresse d’un coup.
Et y a enfin une Ombre.

Une Ombre Silencieuse, aux yeux de glace.
D’ailleurs, la glace a commencé à la grignoter cette Ombre.
Elle se tient debout, elle tremble, elle sourit pas, *elle est malade?*, elle tremble encore, ses cheveux volent autour de sa tête, elle tremble, semblent être la seule chose vivante de cette Ombre.
*Elle a froid.*
*Elle a brisé.*

Elle abat ses poings sur la glace de Colère.
Elle en veut monstrueusement à l’Ombre de s’être ramenée avec des Mots et d’empêcher de rêver.
Elle avait besoin de dormir.
Elle avait pas dormi depuis si longtemps...
Ses paupières, bleues de glace, étaient si lourdes...
Fallait juste...
Juste fermer les yeux...

Mais la glace voulait plus d’elle.
Elle était cassée maintenant, fracturée sous son corps transi, elle la reniait, lui invectivait de partir, la chassait de sa surface autrefois douce.
Elle abattit encore ses poings sur la glace.
Des craquelures fines se dessinèrent sur la plaque bleue.
Nouveau coup.
C’est la faute de L’Ombre.
Nouveau coup.
Pourquoi elle est venue ?
Nouveau coup.
Pourquoi les autres doivent toujours briser ?
Nouveau coup.
*Si seulement j’pouvais dégommer sa tête. *
Nouveau coup.
Elle veut lui faire mal, à elle, Alison. Comme les autres.

L’eau commençait à s’infiltrer sur la glace brisée, lourde, noire, la faisant couler lentement, laissant remonter des bulles d’oxygènes emprisonnées sous sa surface.
Elle devait partir maintenant.

Elle sauta dans l’eau sans se préoccuper de ne plus sentir ses jambes.
Tout était figé dans son corps et elle eut du mal à se tenir debout face à l’autre, ses yeux foudroyants cette Ombre qui avait tout gâché.
*Remous.*

Un remous sous la glace.
Un nouvel appel.
Elle s’enfonça jusqu’à la poitrine dans l’eau.
La glace ne la reniait pas.
Elle l’appelait.
Elle la voulait...
Elle pardonnait…

Elle écouta les doux sons graves émanant de l’eau, chant puissant faisant vibrer son corps, sirène lui enjoignant d’avancer.
Elle ferma les yeux et se laissa doucement emporter par l’eau.
Puis une chose s’agrippa à son pied.

Une chose qui tira fort, lui faisant disparaître la tête sous l’eau, une chose qui l’attirait vers les profondeurs noires du Lac, sous la glace.
Elle essaya de hurler mais l’Eau arriva avec tellement de force dans son corps qu’elle eut à peine le temps de refermer la bouche avant de se noyer.

Tout devenait noir alors que ses doigts griffaient de toutes leurs forces l’étau sur sa cheville.
Les profondeurs sirupeuses de l’eau l’appelaient, effrayantes, lui ordonnant de se battre.
Mais y avait le froid.
L’étau se desserra.

*Libre*
Sa tête creva enfin la surface.
Elle voyait toujours l’Ombre, malgré ses yeux pleurant des cristaux de glace et des poumons noyés de gel.

Le tentacule agrippa à nouveau son pied, la forçant à revenir dans les bras de l’eau.
*Non!*
Non!
*NON!*

« Aide-moi ! »

Il la tira de nouveau dans les profondeurs.
Elle regarda lentement les petites bulles d’air remonter sous la glace, luttant contre la bête qui habitait le Lac.
*Putain d’Calmar*

Ses doigts gourds ne trouvaient plus sa baguette.
Elle était à nouveau seule.
Enlacée par l’eau, ses épaules se relâchèrent.
La glace l’appelait à reprendre ses rêves.
Mais maintenant qu’elle avait vu les Cauchemars... Elle voulait plus dormir.
Dernière modification par Alison Morrow le 23 juin 2020, 15:23, modifié 1 fois.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

03 juin 2020, 10:26
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 


L’illusion est réussie. Jeu de lumière sur un infini immaculé, mots qui traversent ta conscience pour te convaincre, cœur qui bat au rythme de la vie qui palpite devant toi.
Cette illusion de vie est presque réaliste. Elle t’aurait emportée dans sa danse si tu n’avais pas été si vidée de la moindre compassion. Elle t’aurait embarquée et jamais tu n’aurais revu ton univers de blancheur. Plus de solitude si rassurante.
Ce leurre est si beau. Et cette enfant aux cheveux d’ébène n’est qu’un leurre. Qu’une Autre qui se croit différente. Qu’une Autre qui s’estime supérieure. Qu’une Autre qui veut se prouver qu’elle est plus que cela – mais elle n’y parviendra pas ; et n’y parviendra jamais.
C’est un mirage presque abouti qui te subjugue et te répulse. Elle t’attire et éveille en toi un instinct auquel tu ne comprends rien. Mais elle te donne envie de partir. De fuir en courant, loin, et de frapper ton visage contre de la pierre pour oublier.

Presque envoûtant. Presque terminé. Presque hypnotisant. Presque achevé.
Presque.

Tout Brise. Le mouvement des vaguelettes qui vient lécher ta robe sombre. Le sifflement du vent. Le souffle de l’Autre.
Tout Brise. Ta voix qui supplie au lieu de cracher. Tes dents qui claquent au lieu de se serrer. Ton regard qui n’exprime plus qu’un impérieux besoin d’aide au lieu de mépriser.
Tout Brise. Tout La Brise.

Tes cheveux frôlent ta nuque. Ils chatouillent ta peau bleuie, éclats de feu autour d’un blanc aux teintes maladives.

Pour que la Brisure disparaisse, il faudrait Silence. Il faudrait vous vêtir de son habit sans couleurs, il faudrait que vous endossiez sa responsabilité. Et que l’espace d’un instant vous vous sentiez puissantes.
Rien de mieux que la puissance pour faire disparaître les pensées moroses. Rien de mieux que la force pour engloutir les cauchemars tenaces. Il ne suffit que d’un souffle pour faire fuir la terreur, que d’une œillade pour que la douleur s’envole.
Pour que la Brisure disparaisse, il faudrait que tu sois un Tout. Que tu deviennes l’Air, l’Eau, la Glace. Que tu deviennes l’Autre pour mieux te sentir renaître, que tu t’entraves d’étoiles pour mieux embrasser les cieux.
Il suffirait que tu perdes ton identité pendant une seconde. Que tu te sentes infinie, plus seulement toi. Que tu cesses de te nommer pour t’ouvrir au monde, que tu écartes les bras pour saisir les nuages.
Pour que la Brisure disparaisse, ne plus te sentir humaine serait le plus beau des remèdes. Un onguent qui effacerait le mal que te causent tes plaies à vif. Un baume qui ressouderait ton âme aussi efficacement que le plus doux des murmures.

Grande Ombre devrait devenir lumière pour que la Brisure disparaisse. Elle devrait transformer ses larmes en sourires et quitter ses abysses. Elle devrait se souvenir et découvrir. Elle devrait délaisser les ténèbres et son amie Lune pour se joindre au Soleil.
Elle devrait reconstruire une moitié d’âme pour ne plus dépendre de Petite Ombre.
Et son âme s’y refuse.
Ne jamais abandonner sa Sœur d’Âme.
*Toujours, pour toi.*
Elle lui a promis, n’est-ce-pas ? Elle le lui a murmuré, en cette belle nuit propice aux danses des étoiles. Elle lui a assuré qu’elle serait là, jusqu’aux prochaines années lumières. Pour l’éternité. Elle ne s’en séparera pas, même pour que la Brisure disparaisse.

La glace craque. Sur sa surface opaque courent des dizaines de zébrures, de belles arabesques dessinées par les coups de l’Autre. Elle enfonce ses petits poings dans sa froidure et gèle la peau de ses mains.
Elle
*se* Brise seule, elle n’a nullement besoin de ta voix qui crache, de tes dents qui se serrent ou de tes yeux qui dominent. Elle doute suffisamment pour se noyer dans ses hésitations sans l’aide de personne.
Alors tu tentes de fuir. Ton pied droit recule d’un pas, ton pied gauche tente de suivre. Et l’Autre tombe.
L’eau noire, remous de ténèbres terrifiants, tâche de sa colère l’immaculé de la glace. Elle envahit le froid et le recouvre de sa couche de haine.
Et l’Autre tombe.
Elle se laisse aller dans ce Lac aux mille secrets enfouis. Et laisse son corps couler, quelques bulles s’échapper, et elle succombe à l’Appel de la Glace.

Elle n’était pas assez forte. Elle s’est fait emporter à cause d’une foutue volonté. Elle a ignoré ta supplique et s’est lovée dans les bras du Mystère.
Son souffle, en un dernier râle terrible, expire l’air qui l’empêchait de succomber. Son souffle, comme un dernier soupir, te lance un dernier murmure.


« Aide-moi. »


Un soupir inaudible qui vient frapper au plus profond de ta conscience. Un soupir qui te fait bouger, soudainement, tandis que tes pensées, transies de froid, disparaissent de ton esprit. Un soupir qui ordonne à ta main de s’avancer dans l’eau trouble, et d’en sortir cette Autre qui s’est brisée.


La pitié t’étreint violemment. Tu frémis sous son emprise, mais trop faible pour réfléchir, tu te contentes d’avancer. En tirant derrière toi le poids mort que forme cette Autre-inconsciente. La rive est bien trop loin, bien trop loin. Chaque mètre te semble être le dernier, chaque inspiration glace ta gorge un peu plus.
Tu atteins pourtant le bord. Le haut de la robe de l’Autre fermement tenu entre tes mains frigorifiées, tu te traines. Jusqu’à ce que l’eau ne soit plus qu’une simple flaque à tes pieds. Jusqu’à ce que la caresse du vent tétanise tes muscles un peu plus.


« T’es… t’es conne de-de-d’avoir fait ça. Je… j-j’t’avais d-dit d’pas y a-aller. »


Tu parviens à garder un peu de ton mépris que tu jettes dans l’hiver de ton regard. Une œillade réprobatrice vers la gamine, une autre en direction des remous qui continuent de danser à la surface, par-dessus la glace brisée.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

06 juin 2020, 14:13
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
On doute
La nuit...
J'écoute :
Tout fuit,
Tout passe
L'espace
Efface
Le bruit.

Les Djinns, Victor Hugo.


Le noir l'enveloppait.
Elle avait fermé les yeux, se laissant sombrer dans le sommeil et les eaux troubles de la glace.
A mi chemin entre la surface et le fond, elle flottait.
Le Silence l'entourait, doux, rassurant, la préparant au Voyage.
Son dernier, certainement.

Sous ses paupières closes, elle voyait le froid poser une mince pellicule sur ses yeux, lui ouvrant les cieux d'un monde magnifique.
L'espace s'ouvrit à elle dans une gerbe d'éclaboussures.
Elle avait l'impression d'avancer dans les univers, contemplant des étoiles de givre, des comètes de glace, des planètes en forme de goutte.
Elle tendit un bras léger comme une plume pour effleurer une étoile jouant dans cet univers figé.

Pour la première fois, elle se sentait à sa place.
Elle remerciait le Destin de l'avoir entraîné au fond du lac.
*C'est ça, mourir?*
Ses pensées dessinèrent des sillons bleutés dans l'espace.
Le Vide ne lui faisait pas peur. Une gravité l'appelait à s'immerger plus profondément dans l'univers.
Elle sentit qu'on la tirait, et s'abandonna aux mains de la Mort.

Si elle plongeait plus loin, elle oublierait tout.
Plus de Souvenirs.
Plus de famille.
Plus d'Autre.
Juste les étoiles, le Vide, et son esprit voguant au gré des astéroïdes laissant parfois des traces de feu dans le ciel.
*Pas le ciel. L'Océan.*

Elle ignora la brûlure de ses poumons.
Elle ignora la panique voulant s'emparer de son cœur.
Elle l'écouta ralentir, devenir léger lui aussi, libéré de toute Douleur, se reconstruisant peu à peu dans sa poitrine entourée d'eau.
Tel un marin ayant trouvé le refuge dans des eaux calmes, se laissant emporter par les flots après la tempête, elle coulait en refermant ses yeux sur un monde qu'elle n'avait jamais aimé.

***


Un choc.
Son épaule contre une surface dure, qui lui envoya des élancements de douleur dans tout le corps.
Elle voulut gémir, mais sa gorge obstruée laissa échapper un flot d'eau, comme si elle se vidait de toute sa substance.
Elle voulut se relever sur les coudes, mais chuta de nouveau contre la terre gelée.
Elle voulut hurler, mais elle ne réussit qu'à cracher tous ses poumons en s'arrachant la gorge à chaque inspiration.
Elle voulut écouter, mais des bourdonnements résonnaient sous son crâne, étouffant toutes les paroles.
Elle voulut voir, mais de l'eau coula devant ses yeux, les piquant de leurs aiguilles de glace, et elle redevint aveugle.

Son cœur battait à cent à l'heure, trop vite, trop fort, comme s'il allait se décrocher de sa poitrine, bondir en un ultime soubresaut hors de sa poitrine et saigner le reste de ses émotions sur la Terre.

Calme-toi.
*J'peux pas! J'peux pas, j'peux rien faire!
Respire, déjà.
*J'ai oublié!*
C'est naturel. Ça te reviendra.
*Tu m'laisse mourir?*
T'es pas seule, tu verras.
*C'est faux! J'suis perdue! J'suis perdue et j'ai mal! J'ai mal de vivre!
Ben meurs.
*J'veux pas! J'veux pas mourir!*
Ben vis, alors.
*J'veux pas vivre!*
Ben rêve alors.

Elle rouvrit les yeux sur un monde tournant beaucoup trop vite, des lumières changeant beaucoup trop vite, comme celles d'un kaléidoscope, des sons beaucoup trop rapides, qui agressaient ses oreilles.

Le craquement de la glace, la respiration de l'autre et la sienne, les cristaux de neige fondant sur ses doigts, les bruissements des arbres nus.

"Pourquoi t'as fait ça?"Vomit-elle dans l'air pâle, gueulant à la face de l'autre. "Pourquoi tu m'as arrachée aux rêves? T'sais pas c'que c'est qu'd'avoir mal? T'sais pas c'que t'as détruit? T'sais pas rêver toi?!"

Elle crachait ses poumons et sa rancœur en même temps que ses Mots, n'osant pas encore se relever de peur de chuter encore *j'verrais p't'être le Vide si j'tombe*, refusant la réalité qui l'avait une fois de plus arracher aux rêves, fracassée au sol, démembrée lentement puis abandonnée sur la rive.

Avant de perdre une nouvelle fois pied devant le gouffre où s'entassait ses pensées, elle comprit.

*Rêver.*
*Rêver?*
*Crever.*



Merci pour ta musique, Plume.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

21 juin 2020, 14:53
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Pourquoi, Kyana Lewis, as-tu décidé de faire ça ? Pourquoi te sens-tu si mal alors qu’elle te crache ses mots à la figure, alors qu’elle te contemple de ses yeux vides de rêve ? Pourquoi es-tu si atteinte par cette enfant qui te fixe ?
Tu donnerais tout pour ne plus avoir à contempler son visage d’Autre. Pour qu’elle ne soit plus là, qu’elle ait disparu sous la surface gelée du lac, pour qu’il n’y ait que toi, au bord de l’eau.

Il est des Chaos, dans ce monde, qui sont indescriptibles. Des Chaos que l’on ne peut comprendre, des Chaos que l’on s’efforce d’oublier, sur lesquels les yeux passent sans s’arrêter. Il est des Chaos qui effraient les Ombres mais attirent les Autres, des Chaos qui scintillent de leurs belles couleurs d’étoiles et qui retentissent de leurs mille sons nocturnes. Il est des Chaos qui habitent le plus profond des cœurs et que l’on ne peut apprivoiser, que l’on ne peut ensorceler, et qui se contente de vivre et d’agiter les âmes.
Le Chaos qui, virtuose musicien, danse au creux de ton esprit, est de ceux-là. Il se rit de ta satisfaction d’avoir sauvé la gamine et t’incite à fuir. Il sait que tu la contemples de ton œil tourmenté, que tu hésites sur la direction à prendre. Qu’immobile, tu gardes tes mains tremblantes contre tes jambes, que tu n’esquisses pas un geste pour réchauffer ton corps envahi de glaces.
Le Chaos entend tes regrets qui grondent et ta peur qui palpite. Il ressent la tension qui t’entrave et le froid qui tétanise tes muscles.
Il sait aussi que cette Autre que tu as sauvée il y a quelques secondes n’est plus la même à présent. Elle a changé, elle ne te paraît plus éclairée de cette belle lumière propre aux douces personnes. Elle semble désormais habitée de Noirceur, pleine de haine et de rancœur. Sa douleur est presque palpable, telle un ardent nuage qui l’entoure de son aura flamboyante. Tout scintille autour d’elle. Tout est silencieux, tout semble fixer l’Autre en attendant ses prochaines sentences.

Tressaillement.
Tu te mets à trembler.


« T'sais pas rêver toi ? »


T’sais pas rêver, Lewis ?
T’sais que Briser, pas vrai Lewis ?
T’sais rien du tout, d’toute façon.
T’es rien, Lewis.

Tressaillement.

*Je… j’rêve toujours. Tout le temps. A chaque seconde, j’rêve. Pour échapper à mes Pensées, j’rêve.*
Pour penser à cet hypothétique avenir, tu rêves.
Pour imaginer Petite Ombre et son visage constellé d’étoiles, tu rêves.
Pour pleurer ton passé et embrasser ton présent, tu rêves.
Pour que cette Autre disparaisse de ton esprit, tu rêveras.

Tressaillement.
Ta voix te fait défaut, encore une fois. Tu voudrais lui hurler ta haine, pour qu’elle comprenne.
« T’sais pas rêver. »
Qu’elle comprenne à quel point l’Appel de la Glace est tentant et envoûtant, mais qu’elle doit y résister.
Qu’elle comprenne que cette fade liberté à laquelle elle a tenté de goûter n’est pas une solution.
Que la douce caresse de Mort sur sa joue n’était pas si plaisante. Juste ensorcelante.

Tressaillement.
Crie, Gamine. Crie-lui ces mots qui stagnent dans ton cœur depuis si longtemps.
Crie-lui cet espoir fou qui t’a étreinte lorsque tu l’as vue se glisser, si légère, entre les remous de l’eau noire.
Crie-lui la déception qui plombe désormais ton âme alors qu’elle te fixe de son regard d’émeraude.
Crie-lui la colère qui te rend muette et les coups que tu voudrais frapper sur la glace aussi bleue que tes yeux. Crie-lui ta haine dirigée contre toi-même et ces émotions innombrables auxquelles tu ne comprends rien.
Crie-lui les tâches sombres qui dansent devant tes yeux et le froid qui se diffuse peu à peu dans ton organisme.
Hurle-lui ces rêves qui peuplent ton être, pour qu’elle ne doute plus de toi.
Brise-la de ta haine.

Tu lèves le visage, contemples le lac sans oser planter ton regard dans le sien. Ta voix se défile encore une fois, et tu serres les poings. Tes yeux se ferment un instant, et tu puises la force dont tu as besoin dans les ténèbres de ton esprit.
Un semblant de sourire vient étirer tes lèvres pâles. Adressé plutôt à la glace qu’à l’Autre, plutôt au Soleil qu’aux Nuages, il éclaire ton visage dont la peau semble perdre ses couleurs à vue d’œil.


« J’sais sûrement mieux qu’toi ce que c’est d’rêver. Et si tu veux mourir, c’ton problème, t’as qu’à y retourner. T’as d’mandé de l’aide, j’t’ai sauvée, c’est tout. Retiens juste que j’le referai pas la prochaine fois. »

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée

01 juil. 2020, 10:06
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Le Silence l'enveloppe, doux.
Mais même Silence ne peut ramener les Rêves brisés.
Et tout tourne, tourne, tourne.
Tellement vite qu'elle a envie de vomir pour de bon.
Le goût du sang et de la glace se mélange dans sa bouche.
Elle reste là, haletante et brisée, assise face à l'autre.
*J'ai mal mal mal mal mal...*

Et l'autre est de glace.
Elle tremble, elle semble gémir sous sa carapace neutre.
Y a des tourbillons dans ses yeux, des arabesques de torture, des silences qui sonnent à ses oreilles comme des aveux.
Elle retombe la tête contre la neige.

Elle l'attend, cette réplique cinglante, qui viendra à coup sûr.
Elle l'attend, ces Mots immondes qui viendront bientôt l'achever.
Elle l'attend de tout son être, mais l'autre veut pas les lui offrir.

Tu les mérites pas. Elle a raison de les garder pour quelqu'un d'autre.
*Elle va parler.*
Et alors, Petite? Elle va parler, elle va te hurler sa haine au visage, tu vas mourir dépecée sous ses mots, et t'attends ça?
*Oui. Ils seront p't'ête fiers.*
Idiote, Enfant. Idiote. C'est pas du Courage, ça, c'est de la pure bêtise! Mais Ils le savent déjà, ça. T'es bête, lâche, stupide, impure, anorm...
*LA FERME!*

"Si tu veux mourir, c’ton problème, t’as qu’à y retourner."

Et elle cogne, enfin.
Elle tressaille sous les coups libérateurs.

Elle tremble, elle a chaud.
Elle tremble, elle a mal.
Elle tremble, elle en peut plus.

Mais l'autre a lâché. Elle a débridé l'étalon noir de Colère, qui se bat contre les vents, qui la piétine de ses sabots rougeoyants, qui lui souffle son haleine brûlante au visage.
Elle l'a libéré, elle savait ce qui allait se passer, et elle reproche.

Sifflante, Colère, Ô belle indomptable.
Elle gronde, suffoquant les cœurs.
Amorphe sur le sol, elle laisse se déverser sur elle la haine.
Elle a appris au fil des temps à la retenir cette haine.
Toujours aux motifs différents, mais la belle-de-jour était de couleurs chatoyantes et vives, variants de la plus gracieuse nuance d’Écarlate au plus sombres lueurs de Pourpre.
Un phénix rougeoyant.

Elle a un petit sourire grimaçant, étirant ses lèvres desséchées sur son visage vide.
Les yeux clos, elle regarde lentement les braises incandescentes du phénix s'éteindre.
Elle ne veut pas de Haine.
Petite, tu connais le problème des Phénix?
*J'm'en fous.*
Ils renaissent de leurs cendres.

Colère revint flamboyante, embrasant ses yeux.
Elle s'appuya sur un coude et trouva la force de se relever.

"J’le referai pas la prochaine fois."

Tu comprends, Enfant bizarre?
La prochaine fois tu seras seule.

Seule et faible.

Seule et abandonnée.

De toute façon il n'y a que ça que tu mérites.










L'ABANDON










Elle se tient, debout, sentant brûler dans sa poitrine les restes des anciennes cendres.
Encore un peu et elles exploseront, ces Filles des Forges.
Encore un peu et elles fusionneront avec ses mots, les modelant en de tranchantes épées.

La Lave coulait dans chacune de ses veines, noyant chaque parcelle de tissu cellulaire sous une épaisse couche de flamme et de douleur.
Les flammes donnent naissance à la douleur.
La douleur enfante Colère.
Et Colère?
Colère ravage les anciennes âmes.

"T'en sais rien! T'en sais rien si tu le referais ou pas! Et si tu le referais pas, tu s'rais qu'un Monstre!"

Les pieds dans la neige, ancrée sur terre, la tête encore sous l'eau, les pensées flottantes, les cheveux battus par les vents, les cils glacés de poudreuse, elle gronde.

"T'façon vous êtes tous ça, vous. Les autres. Rien qu'des Monstres."
Dernière modification par Alison Morrow le 15 juil. 2020, 19:53, modifié 1 fois.

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.

15 juil. 2020, 14:58
Le refuge des Rêves Oubliés  libre 
Avenir détruit et songes brisés ; l’Être est assailli par les démons de ses Cauchemars. Une larme coule sur sa joue rendue terriblement pâle par le froid ; elle n’est plus elle-même. Une créature faible et sans âme, coupable d’avoir brisé une Autre avec ses mots. Une bête de foire qui s’est blessée avec sa propre colère.

Tu clignes des yeux, essuies ta joue d’un geste rageur. L’Autre ne te témoigne aucune reconnaissance, reste allongée sur le sol et encaisse tes paroles sans broncher. Le temps s’effiloche autour de vous, comme un voile qui se déchire et vous laisse seules face au Néant, et tu attends.
Tu attends qu’elle réponde ; peut-être qu’elle vienne te frapper, ou qu’elle hurle.
Tu attends qu’elle continue de se briser, qu’elle te balance ses mots débiles à la figure, qu’elle embrase ton cœur du feu de la colère.

Un Monstre, te soufflent tes souvenirs. Tu plonges dans les méandres de ta mémoire pour échapper aux yeux accusateurs de l’Autre.
«
T’es un Monstre, hein ? », avais-tu crié à Aelle Bristyle. « Un putain d’Monstre qui veut juste me faire du mal. »
Tu te souviens encore de ce bouillonnement que tu ressentais au plus profond de ton ventre, de cette envie de la détruire par tes paroles et la glace de tes yeux. Tu te souviens encore de tes poings qui étaient serrés si forts que tes ongles t’entaillaient la paume des mains, de ta voix rauque et basse.
Un sourire vient danser sur tes lèvres. Les humains ne sont-ils pas tous des Monstres, finalement ? Les humains et leurs convictions, leurs certitudes ; les humains et leur envie d’imposer leur volonté au monde entier. Aelle Bristyle est un Monstre ; tu en es désormais persuadée, mais si elle l’est, des centaines d’Autres le sont également. Tu l’es ; Elyna l’est, seule Petite Ombre peut prétendre n’être que la création des Etoiles, n’appartenir qu’à la Lune.
Les Humains ; les êtres vivants en général ; tous ceux qui ont un jour tenté d’exister. Tes pensées se mettent à tourbillonner. Cette fille face à toi est un Monstre, Lili l’est peut-être aussi. L’Autre rencontrée dans la nuit il y a quelques éternités était un Cauchemar.
*On est tous des Monstres, d’tout façon. On est tous nés Monstres et on crèvera Monstres. On vivra des existences de Monstres complètement cons, sans jamais se rendre compte qu’on fait pitié.*
Tes dents se découvrent un peu, scintillement inattendu qui reflète l’argent de la neige.

Tu désires presque que l’Autre voie ces lèvres étirées. Qu’elle s’insurge contre ton amusement non-feint, contre ton envie irrépressible de te mettre à rire et contre l’étrange hystérie qui s’empare de ton être. Tu voudrais la voir hurler de frustration, crier contre ton hilarité.


« Ouais, j’suis sûrement un Monstre. Mais t’sais quoi ? »


Tu lui adresses un regard plein d’ironie, plein de moquerie – étincelant d’une colère enfouie. Ta bouche s’entrouvre pour laisser passer à nouveau des mots dégoulinant de mépris.

« Là, maintenant, j’en ai strictement rien à foutre. »


*Rien. A. Foutre. De. Toi. Et. De. Ta. Foutue. Colère.*
Qu’elle retourne à l’eau, tu ne feras rien. Qu’elle se jette au milieu des glaces, tu la laisseras faire. Qu’elle fuie vers le Château, tu ne la suivras pas. Qu’elle se mette à pleurer, ce n’est pas toi qui essuieras ses larmes.
Tu n’as presque plus conscience du froid qui saisit tes entrailles, de la douleur qui tétanise tes muscles et tes articulations. Seule compte cette envie de rire qui t’effraie autant qu’elle te rend euphorique, et le mépris que tu ne peux t’empêcher de ressentir à l’égard de la gamine bouillonnante.

Tu te lèves, fais quelques pas avec une grimace de douleur, tournes le dos à l’Autre.
*Tu m’fais pas peur, t’sais ?* Juste pour la défier.

• ‘til it seemed
that Sense was breaking through — •

ent‘r‘êvée