Inscription
Connexion

26 mai 2020, 22:54
De tout mon être  solo 


2 mai 2045

•••


Une année s’était écoulée, certainement la pire de toute sa vie. On lui avait tant prit qu’il lui était inconcevable de tenir une liste. Elle avait perdu, et ce qu’elle avait gagné comme consolation, on lui avait arraché.
Une année que son père avait été jeté à Azkaban, sans procès aucun. Condamné pour avoir été loyal, condamné pour avoir eu de l’honneur. Pour avoir tout eu tout ce que ses bourreaux n’auront jamais, pas même un soupçon.

Comme chaque matin depuis quelques semaines maintenant, Alice s’était levée avant toutes sa chambrée. Elle dormait mal, de toutes façons, son sommeil agité par les souvenirs. Parfois, elle revoyait son père, tantôt fort et fier, tantôt meurtrit et moribond. Parfois, il s’agissait d’une clairière dans laquelle elle sentait des regards la dévisagés sans que personne ne pointe le bout de son nez. Parfois, Alice marchait dans le domaine de son père, dépouillé de ses meubles, sans trace de vie, elle y marchait, non, y furetait à pas feutré. Parfois, les nuits les plus terribles, elle entendait le rire de Carry, elle sentait ses ongles s’insinuer dans la cicatrice qui fendait son visage. Alice ne rêvait plus de ce Manteau Noir qui avait essayé de lui faire du mal, ce jour d’été. Des horreurs pires encore avaient remplacées celle ci. Et Alice n’avait que douze ans. Qu’oublierait-elle, l’année prochaine ? Quel drame serait remplacé par un plus terrible encore ?

Elle s’était installée dans la salle d’eau, et y était resté un long moment. Assise sous le jet d’eau, ses genoux pressés contre sa poitrine naissante, elle avait cessé de pensé, ou bien l’avait fait, inconsciemment. L’eau coulait le long de son corps, mouillait ses cils, encombraient le gouffre que formait ses bras autour de ses jambes. L’eau couvrait le silence de la salle, lui donnait l’impression de ne faire qu’un avec. L’eau la berçait comme une douce et bienveillante amie. Comme une mère qui accueillerait son enfant tourmenté.

Sixième année RP - 741B47
Étudiante à Beauxbâtons depuis Janvier 2046
Fondatrice du MERLIN

26 mai 2020, 23:18
De tout mon être  solo 
Le petit déjeuner avait été balayé, Alice n’aurait rien pu engloutir en ce jour. Elle n’avait pas faim, n’avait pas non plus envie de voir le visage joyeux de qui que ce soit. Ce jour n’était pas aux rires, pas pour Alice tout du moins. Eux continuaient à vivre normalement, comme si rien n’était arrivé, comme si la Terre n’avait jamais cessé de tourner. Ils étaient sots d’avoir oublié, ou sages d’être parvenu à vivre avec, Alice ne savait pas.

Le cours de métamorphose avait été suivi avec soin, mais rien de plus. Elle avait écouté, n’avait pas prit la parole. Lorsqu’il fut terminé, Alice se déplaça jusqu’à la Grande Salle. Elle y récupéra un pain rond qu’elle glissa dans sa robe de sorcier, et rejoignit les couloirs, puis l’extérieur, évitant soigneusement chaque visage connu. Alice ne serait pas de bonne compagnie aujourd’hui, et n’avait pas plus faim que ce matin de toutes façons.
La fillette grimpa jusqu’au premier étage où l’accueillerait, dans une heure à présent, miss Holloway, pour son cours de Défense contre les Forces du Mal. Alice s’installa dans un recoin, aussi loin des salles de classe que possible, et entreprit de manger son morceau de pain, son regard lunaire planté sur une dalle de pierre.

Chaque déglutition lui était longue, inconfortable, si bien que le pain à moitié mangé finit dans la poche de sa robe. Qu’importe les miettes, les poissons du lac s’en régaleront plus tard.
De son sac, Alice en extirpa son manuel de Défense contre les Forces du Mal, sa plume et et son encrier. Il n’y avait pas de cours à recopier, pas de devoirs à terminé, seulement une volonté de tenir quelque chose entre ses doigts malingres. Alice trempa sa plume dans son encrier, et laissa la première goutte retombe lentement sur son bouchon de liège qui l’aspira avec lenteur. La seconde goutte prit plus de temps à disparaître. La troisième, plus de temps encore. A la quatrième, Alice essuya le bout de sa plume contre le verre et vint l’apporter à son parchemin vierge. Elle n’avait rien envie d’écrire, rien de particulier tout du moins. Aucune idée de dessin ne lui venait. Si, peut-être l’image que l’enfant ce faisait d’un détraqueur. Un haillon noirâtre pour seul vêtement, une bouche, non, un gouffre ténébreux sans dent et sans langue, un trou dans lequel mourraient rire et joie. Jamais sa plume ne parviendrait à donner un semblait de vrai à ces choses.

Un mot, juste un, vint se coucher sur le papier.

Père.

C’était bien ce mot qui hantait l’enfant. Ce même mot qui lui permettait de se relever chaque matin malgré les ténèbres de chaque nuit.

J’aimerais vous dire que je peux vous sauver, car c’est ce que je veux depuis une année maintenant, mais rien n’est fait, car je ne peux rien faire.

Cela arrivait lentement, sans qu’aucune réflexion ne pousse la rédaction. C’était le coeur, et seulement lui, qui traçait chaque boucle de chaque lettre.

J’ai peur je crois. De ne plus vous revoir, de me lever un matin et de recevoir une lettre m’informant de votre mort. Je ne sais pas si c’est de la peur, c’est peut-être de la colère. Je déteste tout ceux qui avaient la possibilité que moi je n’ai pas de vous sauver. J’essaye vous savez ? D’être forte, de dire aux autres de faire des choses pour faire avancer la situation. Mais elle n’avance pas. Elle traine. Et ceux qui peuvent vous aider ne font rien, c’est terrible vous savez ? Vous me manquez tous les jours. Je crois que je vous manque aussi. Je regarde les étoiles, et elles brillent parfois plus fort. Je sais que c’est Grand-Mère qui me dit que vous pensez à moi. Et je lui dis de vous le dire, que moi aussi je pense à vous. Je ne vous oublie pas. J’en suis incapable, de toutes façons. On me demande de sourire, d’être forte. Je crois que je le suis. Je crois que c’est ce que je montre aux autres. C’est ce qu’il faut.

Des bruits de pas se rapprochèrent, et Alice reposa sa plume, referma son encrier, et enfourna le tout dans son sac. La réalité lui revenait à mesure que le couloir se remplissait. Les cours allaient débuter.

Sixième année RP - 741B47
Étudiante à Beauxbâtons depuis Janvier 2046
Fondatrice du MERLIN

26 mai 2020, 23:48
De tout mon être  solo 
Elle avait traversé le château, jusqu’à quitter ses pierres. La journée se terminait lentement, tranquillement. Le soleil avait été timide aujourd’hui, caché derrière d’épais nuages gris souris. Une bonne chose, Alice n’aurait donc pas à sortir son ombrelle pour rejoindre les abords du Lac Noir.

Le château rapetissait dans son dos. Elle voulait en être loin, autant que possible. Ne pas entendre les autres vivre près d’elle. L’isolement lui faisait du bien. C’était cruel pour ses amis que de faire ainsi, s’isoler, pour se recentrer. Mais ils la comprenaient, Alice en était persuadée : ils étaient ses amis.
Elle s’était installée dans l’herbe verdoyante, et fraîches sous ses doigts. Les eaux du lac dansaient doucement, tranquillement, au gré du vent. Alice respirait chaque brise comme si chacune d’entre elles lui redonnaient une bouffée d’air perdue depuis longtemps. Ce château la tuait, la promiscuité la tuait. La nature lui manquait, les landes irlandaises, les hauts arbres de la forêt de Grand-Père. Poudlard et son immense parc n’étaient rien à côté de la liberté qu’elle avait autrefois.

Comme à midi, Alice sorti de quoi écrire et son parchemin aux tiers noircis de mots. L’encre avait bavé, un peu. Peu importait, ces mots n’étaient pour personne d’autre qu’elle. Elle, et elle seule.

Elle resta un moment là, sans rien faire, sans rien écrire, l’encre retombant sur le parchemin pour le tâcher de noir. La goutte s’écoulait le long de la page, sans qu’Alice ne cherche à la rattraper. Peu importait.

Je ne suis pas forte. Je laisse les choses arriver, alors que je les vois arriver. On m’a fait du mal Père, et on continuera à m’en faire car je suis faible. J’ai d’abord pensé que j’étais maudite, mais c’est l’excuse des faibles doublés de sots. Il doit quand même y avoir une malédiction. Je n’ai pas essayé de vous remplacé, ou peut-être que si. Monsieur Penwyn est porté disparu, et j’ai finit par le considérer comme quelque chose d’autre qu’un professeur. Il veut que je vienne vivre chez lui, avec sa femme et son bébé. Il voulait. J’ai voulu vous remplacé sans le vouloir. Je voulais juste ne plus voir votre visage tordu de douleur dans mes rêves. Au début je ne m’en plaignais pas car je n’oubliais pas votre visage, mais ça devient terrible. Je ne veux plus vous savoir en danger. Vous avez mal, je le sais, et je l’imagine tous les soirs. Je vois les détraqueurs venir vous prendre tout ce qu’il vous reste de votre humanité. Peut-être qu’il n’y a plus rien à vous prendre, peut-être que vous n’êtes plus qu’une masse à peine humaine, toute...

A l’encre se mêlèrent des larmes silencieuses, retenues depuis bien trop longtemps. Imaginer son père décharné c’était une chose, le coucher sur papier… c’était autre chose de bien plus terrible.
Du revers de sa manche, Alice essuya ses yeux embués.

Je vous aime, je ne vous oublierais jamais. Je ne peux pas vous remplacer même si j’essayais. J’aime monsieur Penwyn, et j’aime oncle Kenneth. Mais vous je vous aime plus que n’importe quoi. Aujourd’hui, cela fait une année que vous n’êtes plus avec moi. Tout s’est écroulé, et j’ai beau essayé de retenir tout ce qui tombe, je n’y parviens pas. On se meurt sans vous. J’ai besoin de vous. J’ai toujours eu besoin de vous.

Alice reposa sa plume, assiégée par un torrent de tristesse. Elle vint enfouir son visage dans ses mains, écrasant son nez et ses lèvres pour ne pas pleurer. Elle en avait assez d’être faible et fragile. Et pourtant, les dieux savaient qu’elle l’était.
Elle ne pouvait plus respirer, sans quoi elle pleurerait. Alors, ses doigts se saisirent du foulard attaché à son cou, et elle vint hurler contre lui. Elle hurlait, hurlait, hurlait, sans qu’aucun son ne traverse le tissu. Elle pleurait peut-être, mais peu importait au final.

Alice cessa de crier lorsque le souffle vint à lui manquer. Elle resta un moment, un long moment, son visage dans le foulard. Elle ne sanglotait pas, reniflait un peu cependant. Elle prit une grande inspiration, replaça le foulard bien à son cou, et récupéra sa plume mouillée de larmes et, d’un pic dans l’encrier, de noir.

Je dois apprendre à ne plus compter sur vous. C’est à vous de compter sur moi. Je vous ferai libérer, j’emploierai tous les moyens possible. Je vous aime Père, je vous aime de tout mon être.

Aucun amour ne sera jamais aussi pur que celui qu’Alice éprouvait pour son père.
Et de cet amour sincère, Alice devait en tirer plus de force que d’autres choses. Il n’y avait pas de place pour la faiblesse.

FIN

Sixième année RP - 741B47
Étudiante à Beauxbâtons depuis Janvier 2046
Fondatrice du MERLIN