Ouais qu’ils soient quittes, c’était bien ça, c’était un bon compromis pour elle. Ça pouvait paraitre bénin pour certains mais ce qu’elle disait elle le prenait au pied de la lettre. Si un jour elle était occupée, qu’elle était à l’autre bout du monde, elle viendrait à son appel. Mais Chems était quand même de bonne composition. Même si finalement cette histoire avait pris des proportions auxquelles la jeune fille ne s’attendait pas, ça lui avait servi de leçon, la prochaine fois elle le mettrait dans la confidence, nettement moins risqué et bien plus drôle. Même si la jeune fille c’était renfermée sur elle-même et n’avait pas eu une discussion si longue avec quelqu’un depuis longtemps, son cœur était étrangement plus léger. Savoir qu’elle avait quelqu’un sur qui compter, qui la suivrait même si elle était la risée de toute l’école, c’était très rassurant et un faible sourire se dessina sur son visage. Son regard se baissa sur l’eau calme du Lac Noir, il était même trop calme Poudlard semblait perdre de sa joie peu à peu tout le monde était préoccupé par telle ou telle chose, le monde extérieur, l’étrange sorcière qui squattait le château… Les rires des enfants n’avaient plus assez de force pour passer outre toute cette morosité et ça n’aidait en rien la jeune fille à passer à autre chose vu que les seuls rires des gens se trouvaient sur son passage.

La voix de Chems s’éleva de nouveau dans l’air, ce qui eut pour effet de faire relever la tête à Aliénor. Si elle se souvenait de ce moment ? Comment l’oublier peu de temps après, elle recevait cette lettre de son père. Mais elle n’avait jamais pensé à demander au garçon si lui avait reçu ses lettres tant attendues.

-Bien sûr je me souviens !

Mais la jeune fille fronça les sourcils face à la révélation de Chems, il avait essayé d’aller de l’autre côté du lac en direction de la forêt interdite et ce, sans elle ? Certainement pour ça qu’il n’avait pas réussi. Mais quand il changea de direction pour diriger la barque vers la forêt, la curiosité de la jeune Delphillia monta d’un cran. Elle se retourna pour observer la forêt se rapprocher toujours plus, jusqu’à ce que la barque heurte une sorte de barrière invisible et change de cap avec autant de douceur que de brutalité. La main de la jeune fille vint s’agripper au bois de la barque alors qu’elle fixait le point d’impact invisible.

-Tu crois que si on nage ça…

Elle fixait toujours le point au loin et fut donc totalement sortie de ses pensées par l’exclamation de son camarade. Elle fronça d’autant plus les sourcils en lui lançant un regard noir avant que le soleil soit bloqué par les branches d’un arbre qui se tenait là immergé à moitié et les branches formant comme des mangroves sur le lac pourtant profond à cet endroit. Immédiatement son attention se porta sur l’arbre, ses interrogations sur cette barrière invisible envolées bien plus haut que la cime de cet arbre qui les invitait littéralement à grimper. La barque c’était immobilisée à la demande du garçon et quand celui-ci proposa de grimper, à peine un sourire de défi plus tard, Aliénor se leva, elle n’avait qu’à tendre les bras et faire un peu d’efforts pour atteindre la première branche. Elle ne voulait pas vraiment passer par l’eau qui pourtant offrait des prises un peu plus simples au plus proche du tronc. Mais sa crainte de l’eau, au combien diminué n’était pas inexistante pour autant. Se jeter dans cette eau trouble, dont elle ne voit pas le fond, si elle pouvait éviter elle le ferait. En équilibre instable sur cette barque, elle sauta pour s’agripper à une branche qui lui paraissait plus solide que celle sur laquelle elle appuya ses pieds pour se hisser. Un grand sourire se dessina sur ses lèvres et une lueur d’espièglerie éclaira son regard. Elle jeta un rapide regard à Chems qui lui non plus ne se faisait pas prier. Qu’elle merveilleuse idée ! Elle grimpa encore un peu, non sans efforts, prenant un peu de hauteur et cherchant une branche sur laquelle elle pourrait se poser et observer la vue. Plus elle montait, plus la vue sur le château et la forêt interdite de l’autre côté était belle. Ça changeait de la vue de la volière ! Ils étaient bien plus proche de la forêt, peut-être en sautant assez loin ils atterriraient sur la rive ?

La jeune fille s’assit sur une branche avant de chercher son compagnon dans l’entremêlement des branches.

-Chems ! T’as vu ça, on pourrait presque voir une licorne comme ça !

Son père lui avait dit qu’il y avait des licornes dans la forêt interdite, bien évidement elle n’avait pas pu vérifier, mais elle croyait son père, ça devait être dingue d’en voir une. Elle brisa une petite branche de l’arbre et la balança le plus fort possible en direction de la forêt. Celle-ci rebondit avec la même force que lui avait donné la jeune fille et revint vers elle. Aliénor l’évita de peu en se penchant sur le côté.

-Tu crois ça vient d’où ce mur invisible ? J’ai encore plus l’impression qu’on nous enferme ici…J’aime pas ça.

Elle ne supportait pas qu’on lui prenne une once de liberté, Aliénor était un esprit libre et alla avait besoin que sa vie soit tout aussi libre, cette liberté que lui apportait le vol sur balai. D’ailleurs si elle venait avec une barque jusque là avec un balai et qu’elle essayait de passer, elle allait rebondir aussi ? Ca doit faire bizarre comme sensation.

Quelques bruissement plus tard, Chems trouvait les côtés de la brune sur une branche voisine, sifflant son étonnement face à la vue épatante. « Ce serait pas la limite du grand dôme ? supposa-t-il avec hésitation en plissant finalement les yeux sur la zone accessible que visuellement. Alors, Chems s’approcha de l’extrémité de sa ramure de quelques pas de funambule en écartant les bras juste pour la beauté du geste (la branche n’était pas assez fine pour mettre son sens de l’équilibre à l’épreuve) et pencha le buste dans le vide une fois arrivé à son bout pour évaluer la hauteur jusqu’à atteindre l’eau. Ce mur invisible… Il leva les yeux dans l’espoir de capter un scintillement du dôme, mais à l’horizon, le soleil ne brillait déjà plus assez pour faire refléter la magie de protection. À défaut de repérer quelque chose dans le ciel, le garçon nota au moins la présence de quelques branches encore plus haute tandis qu'il appuyait sur ses appuis pour se préparer à un saut. « C’est plus pour ne rien laisser— sa phrase coupa le temps du transfert sur une autre branche et reprit son cours sa réception ...entrer que pour nous empêcher de sortir. »

Puis, succombant à sa bougeotte aiguë :

- J’vais refaire le tour du propriétaire, signala-il en s’engouffrant de nouveau dans le coeur du houppier là où les différentes branches formaient un espèce d’escalier entrelacé facile à escalader sous une voûte de feuille si opaque qu’il hésitait presque à allumer un lumos à force de mettre les doigts dans les toiles d'araignées. Un port étalé et arrondi, beaucoup de branche très large et solide, un espace central assez dégagé.... Chems l'avait un peu remarqué en grimpant mais en faisait correctement le constat maintenant, charmé : « Y’a du potentiel pour une sacrée cabane! » Gardant toujours une oreille attentive pour Aliénor, il prit un peu plus de hauteur, s’accrochant au mieux aux branches les plus verticales vers l'éminence de l’arbre où se dégageait un autre point d’observation tout aussi spectaculaire, à hauteur de cime. Avec la large étendue d’eau si proche en contrebas, le poufsouffle s’imaginait là sur le mât d’un bateau. Mais imprévisible, comme souvent, une idée le fit prestement redescendre de son nid-de-pie vers là où il pensait trouver l’emplacement d’Aliénor et, comme une araignée tombe subitement du plafond, se laissa basculer tête en bas, face à face avec sa camarade dans un fouillis de feuilles et de brindille, évitant la chute que grâce à l'accroche de ses jambes. « Tu veux pas tester pour de vrai pour voir si on peut traverser le mur à la nage? usa-t-il de ce prétexte sans honte pour rendre sa proposition aussi attrayante pour la brune qu'elle ne l'était pour lui. « Et puis cet arbre n'est pas le meilleur plongeoir que t'aies jamais vu?! Ce serait dommage de pas l'essayer je dis ça... » Tout ça pour dire en fin de compte -après avoir énuméré toute une marre de possibilité, de proposition et de "bonne" raison- l'objectif de fond de son monologue persuasif:

- On devrait revenir ici.

Cependant, dans toute sa liste, Chems n'avait pas révélé sa meilleure raison. Celle qui surpassait toute les autres. Parce qu'une fois qu'ils auraient remis pied à terre, il ne savait pas si les préoccupations évoquées par Aliénor tout à l'heure allaient persister, si elles allaient encore isoler la brune ni pour combien de temps. Ici au moins, la réputation d'untel était un facteur neutre. Ici, aucun regard n'avait de poids si ce n'est celui mystérieux de la forêt.

Perchée sur sa branche, elle écoutait Chems. Ne rien faire rentrer ? Peut-être. Certainement même. Mais elle n’était tout de même pas à l’aise avec le concept. Et surtout qu’augmenter les protections du château à ce point n’était pas vraiment encourageant. La jeune fille se demandait bien ce qui pouvait essayer d’entrer dans le château qui soit assez dangereux pour qu’on transforme le château lui-même en île et qu’on réalise un dôme magique protecteur.

Mais alors qu’elle s’interrogeait, son camarade s’engouffra de nouveau dans l’entremêlement de branches de l’arbre. Elle le suivit du regard tant qu’elle le put en souriant. Elle se sentait soutenue, là ou elle ne l’avait pas forcément été depuis toute cette histoire. Par choix certes, mais elle ne pensait que de recevoir ce soutien lui ferait tant de bien. Pourtant au fond d’elle, ce moment à deux loin des regards devait rester loin justement de ses regards qu’on pouvait lui lancer. Elle ne voulait pas partager ça et c’était peut-être plus de la fierté que de la protection dans le fond, même si elle pensait vraiment protéger ses quelques personnes à qui elle tient.

Une cabane, c’était la phrase qui réveilla Aliénor de ses réflexions. A force de rester seule, elle se laissait de plus en plus aller dans sa bulle. Se laissant porter par sa curiosité et son esprit d’aventure, Aliénor se décida à rejoindre le garçon pour elle aussi s’imaginer un petit havre de paix entre les branches fortes et protectrices de cet arbre. Elle passa de branche en branches avec habilité s’imaginant un pont de singe par-ci, une échelle de corde par-là, un petit salon sur quelques planches de bois à l’abris du vent pour venir observer avec des multiplettes ce qu’il se passait dans la forêt. Un refuge autant qu’un poste d’avant-garde. Qui sait si elle voyait les fameuses choses dont on les protège arriver ? Elle serait importante et ce serait une sacrée aventure ça !

-J’imagine très bien une cabane ouais, avec un petit salon cosy comme en salle co ! Et des hamacs pour faire la sieste ! Et une tyrolienne jusqu’à l’eau c’est bien ça !

Chems prenait de la hauteur alors qu’elle faisait le tour du tronc réalisant des plans fous dans sa tête pour cette cabane. Architecte d’un instant elle la voyait se dessiner dans son esprit. Comme un pirate en haut du mat d’un bateau, le garçon héla Aliénor. Voir si on pouvait passer à la nage ? La curiosité lui aurait crié oui, mais les restes de sa peur de l’eau étaient encore là. S’ils s’épuisaient et qu’ils ne pouvaient pas revenir ? Si elle paniquait comme les fois précédentes ? Si sa magie l’abandonnait la laissant se noyer au milieu du lac de Poudlard ? Un frisson parcourut la colonne vertébrale de la batteuse.

-Sacré plongeoir oui…

Elle regarda Chems puis l’eau avant de continuer sa phrase.

-Je suis pas certaine d’être capable de faire ça, l’eau est profonde ici et… Même si j’ai plus trop peur je préfère pas tenter le diable.

Elle monta un peu pour se retrouver non loin en dessous du garçon. Rester là, loin de tout le monde en paix et avec cette vue incroyable qui s’offrait à eux. C’était une idée ça.

-Mais revenir… Oui.

Elle s’assit sur la branche qui la supportait en laissant pendre ses jambes dans le vide. Elle les balança comme une enfant inspirant une grande goulée d’air. C’était agréable ce calme, comme si tout s’arrêtait quand ils étaient ici.

-Ça pourrait être notre QG ? On en parlerait à personne comme ça on pourrait se réfugier ici. Pas de photo pourrie, pas de petits cons de Serpentard, juste l’arbre et le bruit de l’eau.

C’était un peu utopique peut-être. Mais cette découverte de Chems offrait à la jeune fille un lieu neutre, sans rien ni personne pour la juger. Aliénor secoua la tête de gauche à droite chassant ses idées moroses et stupides. Elle ne voulait pas y penser, elle voulait profiter de ce moment avec cette personne qu’elle avait faillit perdre avec une mauvaise blague. Même si c’était particulièrement drôle.

-Bon alors tu sautes ?

Elle leva les yeux vers Chems un air de défi dans le regard et un sourcil arqué. Elle savait bien qu’il en était capable et c’était ça qui plaisait le plus à la jeune fille dans ses moments passés avec le Poufsouffle. Ils étaient aussi libres l’un que l’autre, sans limites, sans frontières, on ne pouvait pas les brider. Chems nourrissait son esprit d’aventure et son besoin de liberté.

- Ouais ! On fera un plan de tout ce qu’on mettra comme t’as dis tout à l’heure. J’ai jamais dormi dans un hamac, révassa-t-il en fermant les yeux pour s’imaginer l’espace avec plus de lumière, de chaleur et de confort. Ainsi, si non aux yeux de tous, ils se reparleraient quand même jusqu’à ce qu’Aliénor soit disposé à le faire hors des limites du lac également. C’était un soulagement d’avoir trouver un dénouement à cette histoire noueuse de lettre, bien que tempéré par les murmures sur sa camarade.

- Bon alors tu sautes ?

Sa bulle de béatitude éclata en rencontrant la pointe d’aiguille de cette incitation, et le garçon dû se plier en deux pour regarder au niveau de branche d’en dessous. « De quoi? » dit-il surpris. « Je parlais pour plus tard pas maintenant. » O-oh… c’est quoi c’regard. Naah, si elle pensait qu’il allait marcher. « J’vais pas sauter avec mes vêtements range ce sourcil! » piailla-t-il en présentant de ses mains son état peu propice à la nage. Non. Absolument pas. Il allait se rasseoir au sec, profité du couché de soleil en imaginant leur futur cabane et… « T’sais quoi, bouge pas tu vas voir. » . . . Et puis d'abord, papa avait toujours dit de ne pas remettre à plus tard ce qu’on pouvait faire le jour même. Même si il disait ça pour le travail, ça pouvait s'appliquer à tout donc qu’à cela ne tienne! Chems se redressa sans avoir besoin de plus d'inspiration, l'ultimatum dans les yeux vairons malicieux faisait amplement l'affaire, piétinant jusqu’au tronc pour se donner un meilleur élan tout en remontant ses manches.

Un sprint, une cabriole et un cri de guerre plus tard, Chems brisait la surface de l’eau la tête la première. Le froid brutal si brusquement ajouté à la sensation de chute précipita son rythme cardiaque comme jamais. En réapparaissant au dessus de la surface, c'est l’afflux d’adrénaline plus que le manque d’oxygène qui écourtait son souffle en complément d’une sensation de bien-être ravageuse. « J’avais raison ! cria-t-il euphorique en levant le nez sur les ramifications où était juché Aliénor. Meilleur plongeoir du monde ! Tu veux essayer ? Ça va si tu t’éloignes pas du tronc? » Ce rush redescendant progressivement, Chems recouvra tout ses sens rationnels au compte goutte, c'est à dire trop lentement pour se souvenir de l’intense appréhension dans les yeux de sa camarade lorsqu’elle avait refusé de nager tout à l’heure, appréhension que sa mémoire finira par lui rappeler d'un flash éclair un peu tardif. Coupable, le garçon rectifia aussi vite qu’il avait proposé, toujours à un volume nécessaire pour se faire entendre, sinon bien moins téméraire : « Te forces pas ! » Se faisant un lit des vagues, il se descripa complètement pour se laisser partir en planche, le ciel s’étalant sur la majorité de son champ de vision. Peint de couleurs chaudes pour saluer la dernière révérence du soleil avec de laisser son règne à la lune, le début de soirée annonçait son arrivée, et avec elle, le dîner. L’estomac du poufsouffle gargouilla rien que d’y songer. Oh la réactivité de son appétit n’était certes pas sujet de plaisanterie mais il pouvait tenté de le distraire. « Alors sur une échelle de troll à “ça en rendrait même les strangulots jaloux”, il était comment mon plongeon? À ça, il leva son index dans un pseudo avertissement avant que la brune n'ait pu ouvrir la bouche. J'accepterai pas moins qu’optimal, aller j’ai même pas fait de plat en plus ! » Bien… si Aliénor le connaissait en dehors du château, elle saurait qu’il était sujet à ce genre de mésaventure et qu’il n’avait pas assez l’opportunité d’être orgueilleux sur ce sujet, mais pour l’heure, il pouvait bien profiter des bénéfices de cette réussite plus occasionnelle que courante et la vantardise en faisait partie.

Finalement, après s’être délecter d’avoir fait le flotteur, la fraîcheur de l’eau -qu'il avait de moins en moins de facilité à ignorer- le ramena au plus près de l'arbre de quelques brasses et sans plus attendre, Chems étira ses bras vers les branches les plus basses dans une tentative pour remonter. Néanmoins, malgré ses efforts, le constat évident qu’il ne se hisserait pas aussi facilement en étant dans l’eau finit par lui faire relâcher ses efforts. Même atteindre et saisir une main tendue aurait été difficile puisqu’il était incapable de se propulser avec ses jambes.

- Bah en parlant d’échelle, je l’ajoute sur la liste de course tiens, c’est vraiment pas évident de remonter de là, expira-t-il un souffle lourd en laissant ses bras tomber dans l’eau. Il n’y avait plus qu’à contourner l’arbre. « On se retrouve à la barque d'accord! »

Si ses premières réactions étaient de refuser la petite proposition, Aliénor ne manqua pas d’accentuer encore plus son regard pour pousser le garçon à la faute. C’était autant amusant que de sauter finalement, elle en était certaine, du moins pour elle c’était certain. Mais elle fut tout de même surprise quand le garçon prit de l’élan.

-Attend c’était…

Et il sautant avant même qu’elle ne puisse finir sa phrase, le bras dans sa direction, elle s’arrêta net une main accrochée à une branche plus frêle au-dessus d’elle, elle fini sa phrase dans un murmure.

-… Une blague.

Un frisson la parcourut quand il atteint l’eau. Son bras tendu se rétracta aussitôt et sa main se plaqua sur sa bouche alors que Chems c’était fait avaler par les profondeurs du lac noir. Elle se baissa vers la nuée de petites bulles qui indiquaient l’endroit où il avait sauté alors que la peur que quelque chose de mal ne se passe s’immisçait en elle. Quand il sortit la tête de l’eau, elle remarqua qu’elle avait retenu sa respiration jusque-là. Un long soupire passa ses lèvres alors que sa main descendit pour se poser sur sa poitrine. Son cœur battait à tout rompre. Elle ne put réprimer un sourire quand Chems lui proposa de sauter à son tour. Elle secoua la tête de droite à gauche avant de descendre vers les premières branches de l’arbre, au plus près de l’eau. Vu où était la braque de toute façon, elle allait devoir se mouiller mais autant retarder ce moment au maximum. Elle s’assit, les jambes dans le vide, le regard porté sur Chems qui barbottait dans l’eau.

-Oh je dirais que tu peux rivaliser avec une sirène, mais ça flatterait beaucoup trop ton égo, alors un bébé troll des montagnes, avec les bras qui vont dans tous les sens.

Elle mima une chute avec ses bras faisant des moulinets hasardeux autour de l’axe de ses épaules. Laissant échapper un rire. Ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas partagé un tel moment avec quelqu’un et soudain une étrange nostalgie s’empara de la jeune fille. Ils partageaient ce genre de moments entre eux et elle, elle ratait tout ça. Faisait-elle une erreur ? Mais une image des rires et des commentaires qui fusaient sur son passage au château, elle se voyait mal rire ainsi avec quelqu’un en public.

Perdue dans ses pensées, elle ne fit qu’acquiescer à la remarque de Chems. On se retrouve à la barque, ok. Aliénor se redressa comme elle le pouvait avant de changer de branche pour s’avancer de la barque en tournant autour du tronc. Une fois presque dans l’axe de celle-ci elle s’avança pour être un peu près sur la même ligne qu’elle. Il y avait quoi, deux mètres à tout casser au-dessus de l’eau et un mètre à sa gauche, la barque qui flottait là attendant ses navigateurs. D’ailleurs Chems arrivant déjà quand Aliénor prit une grande inspiration en fermant les yeux avant de se laisser tomber dans l’eau.

Une décharge électrique la parcourut quand son corps entra en contact avec l’eau. Quand celle-ci s’infiltra dans ses narines, la troisième année s’agita pour remonter à la surface le plus rapidement possible. Le souffle court, elle retrouva de l’air avant d’ouvrir les yeux comme un chien qu’on aurait jeté dans l’eau de force. Elle savait nager, là n’était pas le problème, elle avait appris plus petite avant son accident. Mais son cerveau n’était pas vraiment dans son état normal. Elle essayait de souffler calmement alors que ses bras forçaient sur l’eau pour atteindre la braque qui était juste là. Une fois le bois à portée, Aliénor s’y accrocha comme elle le put. Elle souffla un grand coup et son rythme cardiaque se calma un peu. Elle était certes toujours dans l’eau, mais elle ne pouvait pas couler accrochée ainsi à la barque.

-Chems ? T’es sur la barque ? Tu peux m’aider à monter ?

Parce que seule, essoufflée et ses jambes qui s’agitaient toujours dans l’eau, elle risquait de faire se renverser la barque plutôt que de monter correctement dedans.

Le bruit du plongeon fit augmenter sa cadence à Chems, passant au crawl pour rattraper la barque s'éloignant de plus en plus avec les remous du lac. Se hisser dans l'embarcation une fois arrivée cependant, relève encore d'une autre paire de manche, et sans un appui au milieu des eaux profondes, avec juste ses jambes, ses bras et son meilleur gainage, l'exercice est rude. Même lorsqu'il trouve assez de force pour monter une jambe, ses semelles mouillées glissent sur le bord de la barque et le ramènent à l'eau, le faisant doucement jurer. Les essaies s'enchaînèrent donc ainsi jusqu'à ce qu'enfin, il ne parvienne à accrocher un pied suffisamment longtemps pour basculer du bon côté du canot, atterrissant à son fond sans aucune grâce et dans un bruit sourd. Exactement deux minutes après, la voix d'Aliénor le prévint de sa présence à proximité.

« Chems ? T’es sur la barque ?
- Ouep. Présent, répondit-il un peu haletant en secouant sa main au ciel comme preuve.
- Tu peux m’aider à monter ? »

Se redressant à la demande, le poufsouffle s'accouda aux bords de la barque juste à côté de là où s'accrochait la brune et cala son visage au creux de sa paume droite, guettant attentivement la prochaine chose qui se dessinerait sur le visage d'Aliénor face à sa réponse impertinente. « Je sais pas, je suis pas sûr. Tu disais quoi au sujet du troll des montagnes déjà? » D'abord, il pensait seulement sourire alors qu'il faisait exprès de tirer sans vergogne sur la patience de la jeune fille en lui renvoyant sa taquinerie au visage. Mais avant de s'en rendre compte, Chems éclata carrément de rire. Tout ce qu'il avait perçu et entendu de sa camarade dans ces quelques derniers instants était une consolation dont la soudaine réalisation est si réconfortante que le garçon ne parvient plus à s'arrêter. Il pouvait bien toléré de ne pas avoir son égo chouchouté parce que par ce biais, à mi chemin entre le défi et la franchise crue de la brune, il percutait enfin qu'Aliénor était "de retour". Cette révélation introspective valait plus que mille compliments réuni. Tant pis si il devait être un troll au lieu d'une sirène pour ça. Après plusieurs semaine de mutisme, c'était là une joie immense qui se manifestait. Aussi, ayant déjà été incapable de contenir son hilarité, Chems décida de lui apporté une justification claire. « Tu m'as manqué ! » avoua-t-il lorsque son rire lui laissa une fenêtre pour intervenir.

Il offrit finalement l'aide qu'Aliénor avait sollicité en lui confiant d'attraper ses poignets tandis qu'il se redressait prudemment, pliant complètement une jambe et fléchissant la deuxième en truquant une sorte de stabilité entre son pied droit et l'appui entier de son tibia gauche.

« Allez attrape, on y va. Il commence à faire froid. »

La tête de Chems apparut alors que le cœur de la fillette faisait des loopings dans sa cage thoracique. Ce n’était définitivement pas une bonne idée. Les jointures de ses doigts blanchissaient tant elle serrait le bois de la barque et en plus Chems joua avec ses nerfs. Il avait tellement raison, la jeune fille n’avait rien à répondre. Un grognement sortit de sa bouche pour toute réponse et elle tourna son regard vers l’arbre, puis vers l’eau qui l’entourait. Son souffle lui manqua voyant cette immensité qui pouvait l’aspirer à tout moment. Des fourmillements se firent sentir dans ses doigts et elle braqua de nouveau son regard vers le garçon. Quand celui-ci éclata de rire, elle lui lança un regard noir, les lèvres pincées. Un filet de voix laissa échapper quelques mots fleuris au garçon.

-Très drôle on se marre… Tsss s’que t’es enquiquinant quand tu t’y mets…

Heureusement, celui-ci se décida à l’aider juste après avoir déclarer quelques mots qui firent un effet un peu trop important à la jeune fille. Elle lui avait manqué ? Elle ? Elle manquait à des gens ? Mais elle restait concentrée sur le fait de sortir de l’eau. Chems la tirant de toutes ses forces, elle s’efforça de caler son pied sur les rebords de la barque qui opérait un mouvement de balancier un peu trop risqué. Une fois sur la barque quasiment allongée de tout son long, n’ayant pu que rouler sur le côté pour atteindre le bois de la pauvre barque. Celle-ci tanguait encore fortement, mais Chems semblait bien en place sur ses appuis et heureusement. Elle n’avait pas sa force, du moins elle le pensait alors le soulever comme il vient de le faire ? Ouais non et puis douée comme elle l’est, non ce n’était pas une bonne idée. Elle se redressa comme elle le put pressant ses bras sur ses épaules.

-Avoue que t’aurais jamais pu me laisser dans l’eau ! Odieux personnage.

Elle lui lança un regard mi-courroucé mi-amusé. Oui lui aussi avait manqué à la jeune batteuse, comme tous les gens du château en fait. Mais pouvait-elle seulement revenir en arrière ? Les autres eux ne reviendraient pas en arrière, elle était devenu la risée d’une partie du château et ça risquait de ne pas s’arrêter d’aussi tôt.

-Tu m’as manqué aussi…

Elle baissa les yeux vers le sol, enfin vers le bois de la barque, soudain gênée par cette fragilité dont elle faisait preuve face au garçon. Il avait toujours eu ce don de la faire parler. S’en était presque agaçant, mais ça faisait toujours un bien fou à la troisième année, même si jamais elle ne l’admettrait.

Elle observa encore une fois l’arbre qu’ils allaient quitter. Elle ne pouvait pas rester là ? Se cacher pour toujours dans ce refuge de fortune ? Devait-elle vraiment retourner affronter le regard des autres, les rires à peine dissimulés et les piques acerbes ? Elle n’avait pas le choix elle le savait. Mais pourtant la perspective de restait là semblait si belle… Elle soupira avant de trouver le regard de Chems, il avait raison, le soleil commençait doucement à décliner et le froid se glissant dans les vêtements trempés de la jeune fille. Elle agita ses mains sur ses épaules et un léger tremblement lui prit.

-Ouais t’as raison, il commence à faire froid. En avant !

La barque se remit en route et son regard se perdit dans le sillage provoqué sur son passage. Elle se mordillait l’intérieur de la joue anxieuse. Cette parenthèse que venait de lui offrir Chems, c’était un cadeau inestimable. Elle ne pourrait certainement jamais faire quelque chose de la sorte pour lui.

-Je… Merci Chems. Merci pour tout.

Elle n’avait même pas relevé les yeux, elle n’osait pas, elle ne pouvait pas Foutue fierté ! Mais ses sentiments, qu’elle gardait en elle, qu’elle cachait bien au fond d’elle, ce soir, elle n’avait pas la force de les retenir, elle était vraiment touchée par tout ce qu’il avait pu faire. Il lui avait pardonné un acte stupide et était venu vers elle alors qu’elle faisait tout pour le repousser. Chems était quelqu’un de bien, un ami.

- Je note Delphillia, je note, dit-il en essorant ses vêtements sans manquer le coup d'œil aiguisé de sa camarade, les commissures de lèvre du garçon monté dans un rictus qui ne voulait plus les quitter. Cependant, il ne s'attendait pas à ce que la jeune fille passe si vite du jeu à la sincérité, et l'aveu fébrile qui s'en suivit le fit tiquer. Chems savait mieux, il n'était pas l'unique sujet de ces mots tenant ce soupçon de mélancolie. Il voulut sourire et hocher la tête, mais elle ne le regardait déjà plus. Aurait voulu s'amuser à se placer dans son champ de vision, tordre le cou et lui dire qu'il n'y avait vraiment pas de quoi, mais se trouva incapable de batifoler nul part proche d'un quelconque semblant de désinvolture.

Le chemin du retour parut tellement plus long à Chems. Il regardait le ponton se rapprocher de plus en plus avec appréhension. Il était comme un escalier ce ponton, un escalier vers la scène qui les exposeraient une nouvelle fois aux regards. Toutefois, ce n'était pas desdits regards qu'il se souciait, mais plutôt de la réaction de sa camarade.

Par chance, une fois sur la terre ferme, la rive du château et le bout de parc qui y était rattaché étaient presque complètement vide de monde. En revanche, ce n'était pas le cas du hall, des couloirs et encore moins de la grande salle se remplissant pour le repas. Sur leur passage, difficile de ne pas remarquer les regards insistants ; sans doute à cause des flaques d’eau qu’ils laissaient sur leur sillage, peut-être pour autre chose. Quoi qu’il en soit, Chems ne se sentait pas embarrassé d’attirer autant l’attention, n’ayant en tête que d’enfiler des vêtements secs et d’arriver à temps pour le dîner.

Malgré ça, une fois arriver dans la salle commune des poufsouffles, après un trajet remplis de chuchotement et de regard en coin, le garçon se sentit de clarifier une petite chose, se retournant vers sa camarade avant d’entrer dans son dortoir.

- Je vais pas faire semblant de pas te parler pour les autres Ali.

Il laissait ça à la discrétion de la brune, espérant vraiment la revoir dans la grande salle avec tout le monde pour le repas de ce soir.

Le silence qui régnait sur le chemin du retour attristait autant qu’arrangeait la jeune fille. Elle retournait à son masque, à cette carapace qu’elle se forgeait depuis quelques mois maintenant. Mais pour autant, Chems était là et il avait été une bouffé d’air frais pour elle et même si pour eux c’était plus simple de faire les imbéciles, il était passé outre beaucoup de choses pour lui offrir ce moment. La batteuse avait été particulièrement indélicate avec lui. Mais tout le monde n’avait pas sa fierté et lui était venu vers elle alors qu’elle repoussait tout le monde ce qui, finalement en disait assez long sur leur relation.

Le regard perdu sur l’eau elle ne releva les yeux uniquement lorsque la barque s’immobilisa. Il était temps, temps d’affronter de nouveau les autres et leurs regards en coins, leur sourires moqueurs et les rires faussement discrets. Aliénor prit une grande inspiration avant de sortir de la barque. Une fois arrivés dans le hall, Aliénor sentit immédiatement la différence entre l’extérieur. Elle se blinda, essayant de faire comme si tout cela ne comptait pas, lançant quelques regards noirs à ceux osant faire un peu plus de bruits que les autres. Il est sûr que leur état à tous les deux n’aidaient pas. Trempés jusqu’aux os, ça devait être un sacré spectacle. Quelques mois plus tôt elle aurait ri à gorge déployée pour les faire taire, mais elle n’avait plus cette lumière.

Arrivés en salle commune, alors que la jeune fille voulait filer rapidement vers les dortoirs des filles et s’y terrer avec des fruits pour repas du soir, elle fut interrompue par Chems. A ses quelques mots, Aliénor ne savait que répondre. Ca la touchait oui, elle avait l’impression de sortir la tête de l’eau, mais avait-elle le droit de lui imposer toute cette mascarade ?

-Merci.

Sa voix était presque inaudible et elle ne put rester là plus longtemps. Elle plongea son regard une dernière fois dans les yeux de Chems, elle était désolée, elle se sentait mal et pitoyable, elle n’avait pas l’impression d’avoir le droit d’avoir un ami dans ses temps troubles. C’était stupide oui, mais c’était trop lui demander de prendre du recul maintenant.

Puis elle partit en direction de son dortoir avec aucune intention d’en sortir. Elle avait des fruits c’était tout ce dont elle avait besoin. Du moins c’était ce qu’elle pensait. Elle allait repenser à cette après-midi comme un rêve dont elle se réveillait, une parenthèse impossible, un mirage en plein désert. En bref quelque chose qu’elle devait oublier car trop beau pour elle. Mais quand elle s’en rendra compte, elle saura juste qu’elle a du soutien et qu’elle n’est pas seule. Mais laissez lui le temps de s’en rendre compte.

Fin pour moi! Merci beaucoup Chems, à la prochaine!

Sec et affamé, Chems était ressorti en trombe du dortoir. Voir que certains élèves revenaient déjà du repas n’éveillait que davantage son appétit. Au milieu de la salle commune, il parvint toutefois à se retenir de sprinter dans la grande salle. Le regard sur le passage vers le dortoir des filles ou il avait vu Aliénor disparaître, il attendit pour sa réapparition, piétinant autours du mobilier de la salle commune. Mais plus les minutes défilaient, plus les petits groupe d’élèves revenant de la grande salle se faisait fréquent, et plus le garçon croyait moins en ses désillusions. Il n’avait que l’espoir qu’elle ait été plus rapide que lui pour se changer pour le porter jusqu’au repas.

Un espoir vain vraiment. À la table à moitié remplis de poufsouffle, il n’y avait aucune trace de sa camarade.

S’intégrant à la conversation d’un petit rassemblement animé de quatre élèves que Chems savait assez sympathique pour ne pas être embarrassé par sa présence, il se ramena de quoi combler le trou dans son estomac. La nourriture cependant avait moins de saveur lorsqu’elle était consommé en cogitant, et entre deux bouchée, le poufsouffle ne put finalement pas s’empêcher de se retourner vers leur table voisine, passant son regard sur les visages attablés là avec lassitude. Tout serpentard a vu cette photo. Il lâcha sa fourchette. C’était pour chaque élèves de cette maison qu’Aliénor n’allait pas mangé ce soir. Qu’il y ait des cas isolés, des pas concernés, ou qu’importe ce qui aurait pu disculper certains, pour l’instant sa pote était partit se coucher le ventre vide et il était trop tard pour que Chems sente la foi de chercher les différentes nuances dans le vert du serpent. Il se détourna, irait-il jusqu’à dire, dégouté, et satisfait de s’être assis du bon côté de sa table pour ne avoir à les voir ce soir. Rattrapant son couvert en tentant de retrouver l’enthousiasme qui l’avait ramené pour le dîner, il réorganisa du bout des dents de sa fourchette les petits pois à la sauce dans son assiette. En redressant une carotte à la verticale, ses pensées virvoletèrent vers la mangrove artificielle au sud ouest du lac, et surtout sur l’arbre isolé. Il continua ainsi, bougeant une pomme de terre au dessus de la carotte pour faire son houppier, quelques pois -les hamacs, les lampions... une autre carotte pour l’échelle et— « C’est quoi ? »

Chems sortit de sa fantaisie, levant mollement la tête vers un regard plein de question faisant partie du petit groupe de quatre qui s’était étrécit à deux. « Pas bien de jouer avec la nourriture… » ajouta le gars d’en face, le ton morne. Dis qu’t’es pas intéressé et va-t'en sinon. Ils avaient convenu avec Aliénor qu’ils n’en parleraient à personne de toute manière donc voila… Chems s’adressa au plus impliqué du duo, laissant l’autre à sa mousse au chocolat.

« Top secret ! Tu trouveras jamais.
- Oh aller ! Je peux essayer ? »

L’irlandais haussa les épaules, calant sa joue contre sa paume « T’as jusqu’à ce que mes légumes refroidissent » et il observa son voisin de table penché la tête dans tous les sens pour tenter de distinguer quelque chose qu’il ne trouvera jamais à raison de plusieurs propositions qui ne manquèrent pas de ramener un sourire aux lèvres de Chems en plus de son appétit.

Pourvu que le projet dépasse le stade de concept au petit pois.


C’était super, merci Ali ! À la prochaine