Fendant le ciel comme un feu d'artifice vermillon, le sortilège de détresse lancé par Avis Mersch alerta d'abord un Sombral, qui prit peur et disparut plus profondément dans les bois. Puis, un élève de sixième année qui tâchait d'échapper à la surveillance des préfets leva les yeux vers le ciel, et le vit aussi. Pez ne fut que le douzième être vivant à le remarquer, et entreprit d'enquêter sur sa provenance. Il transplana vers l'origine du sort et vit ce qu'il en était. Affolé, il disparut aussitôt, direction le bureau de la directrice de Poudlard qui, elle, n'avait pas vu les étincelles, puisqu'elle était au plein milieu d'une discussion très profonde avec Aude Luneau à propos de leurs souvenirs d'enfance.

Pez interrompit la conversation, ce qui agaça passablement Kristen. Elle savait pourtant que Pez ne serait pas venu sans bonne raison.

« Pez ? Qu'est-ce qu'il y a ? »

Aude et Kristen ne disaient plus rien, focalisées sur le petit être. Il ne savait pas par où commencer, aussi lâcha-t-il brusquement :

« Monsieur le professeur Penwyn ! Pez a vu Monsieur le professeur d'études des Moldus, ici, à Poudlard ! »

L'expression de Kristen changea d'un coup. Elle n'en croyait pas ses oreilles. Le professeur Penwyn avait disparu depuis trois mois maintenant et, pour être honnête, elle n'attendait pas vraiment son retour. Elle s'était dit qu'il était peut-être mort en raison de ses liens avec le monde Moldu, ou qu'il avait été enlevé, ou bien qu'il était en prison. Cela devait être monnaie courante, en ce moment, et Kristen n'avait eu aucun moyen de savoir ce qu'il lui était véritablement arrivé - et aussi, il est vrai, peu de temps à consacrer à une cause qu'elle imaginait peut-être perdue. Elle prenait la défense de ses professeurs, les protégeait s'il le fallait, mais elle n'aurait pas parcouru le monde pour les retrouver. Surtout pas en ce moment.

« Désolée, Aude. Je vais voir ce qu'il en est. »

Aude hocha la tête et lui sourit, l'air de dire : sois prudente, c'est peut-être un piège, tout en lui faisant confiance pour gérer cette situation au mieux.

« Pez, emmène-moi exactement où tu l'as vu. »

L'elfe acquiesça et ils disparurent, laissant Aude Luneau finir son biscuit, seule sur son fauteuil.



Ce qui sautait aux yeux, c'était qu'Edward n'avait pas l'air en grande forme. Évidemment : on ne disparait pas ainsi pendant trois mois en revenant tout pimpant, même quand on est Edward Penwyn, l'idole des adolescentes. Kristen sortit immédiatement sa baguette magique et la pointa vers le sorcier. Impressionné, Pez se recula pour se placer derrière la directrice de Poudlard.

« Oui ? interrogea-t-elle simplement, méfiante. »

La femme qui venait de le sauver s'appelait Avis Mersch. Edward eut tout juste le temps d'exprimer une dernière fois sa gratitude par un sourire crispé qu'elle disparut de la zone. Désormais livré à lui-même, il ne pouvait qu'attendre à quelques mètres des eaux du lac noir qu'une personne vienne le récupérer pour que son cauchemar prenne fin. Si la générale de l'armée noire était convaincue de l'arrivée imminente de sorciers, l'ancien prisonnier ne le voyait pas de cet œil-là. À cette heure avancée de la nuit, la plupart des habitants du château devaient être dans leurs logements, prêts à aller s'endormir si ce n'était déjà fait.

Le temps ne semblait pas avoir d'emprise sur l'homme ; il patienta immobile comme si ne rien faire pendant de longs instants était un mécanisme acquis durant sa captivité, captivité dont il avait oublié chacune des journées. On lui avait dit que sa disparition avait duré trois mois. Trois longs mois qui avaient disparu de sa mémoire et dont il ignorait tout. Comme pour un rêve, il s'était réveillé en ayant oublié ce qu'il venait de vivre. Seul le cadavre d'un homme à ses côtés lors de son réveil était une réminiscence de ce passé oublié. Même si il ne savait pas pourquoi, Edward était persuadé qu'il avait tué cet homme et cette simple idée lui donnait des nausées.

Un bruit sourd se fit entendre à la limite de la rive, mais à peine le sorcier tourna son regard dans cette direction qu'un second bruit, identique au premier retentit. Quelqu'un était venu le voir et était aussitôt reparti. L'esprit embrumé par sa perte de mémoire et par la douleur qui lui tiraillait le visage, Edward ne chercha aucune explication à ce qu'il venait de se produire. Au lieu de ça, il se rapprocha des eaux calmes du lac noir et contempla son reflet d'un air médusé. Ce n'est pas sa barbe longue et désordonnée qui le consterna mais l'immense fracture boursouflée qui traversait de part et d'autre son nez. Il ne se reconnaissait plus, l'homme qui était de l'autre côté de la surface était un inconnu dans un bien piteux état.

Une fois de plus, le bruit caractéristique d'un transplanage se fit entendre. Hors de question cette fois-ci de manquer la personne qui venait le voir, il se retourna et découvrit Kristen Loewy, la directrice de Poudlard accompagnée d'un elfe de maison. Il n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche que la sorcière sortit sa baguette magique et l'interrogea sur ses intentions. Désemparé, le sorcier resta bouche-bée pendant plusieurs secondes.

« Kristen... c'est moi, Edward Penwyn, balbutia-t-il du mieux qu'il pouvait.»

Il ne savait pas comment justifier sa disparition pendant plus de trois mois. À la place de la directrice de Poudlard, lui aussi serait suspicieux du retour d'un de ses professeurs après une aussi longue absence, surtout en de pareils temps.

« Je... je... ne sais pas ce qu'il s'est passé... Je me suis réveillé il y a moins de... Edward était bien incapable de mettre la moindre notion de durée dans sa phrase. Ursula Parkinson m'a fait libérer d'une prison moldue. Il... il paraît que j'ai disparu pendant plus de... plus de... Les mots ont du mal à sortir de sa bouche, comme si les dire les rendraient officiellement vrais. trois mois... mais pour moi c'est comme si je donnais encore cours hier... »

Les émotions se seraient emparés du sorcier si il n'était pas autant désorienté.

Sa baguette était toujours pointée sur le professeur d'études des Moldus lorsqu'il jugea bon de se présenter : C'est moi, Edward Penwyn, et elle leva au ciel des yeux plein d'exaspération tant elle jugeait l'information à la fois hautement inutile et questionnable, car pour le moment, rien ne lui disait qu'il s'agissait véritablement du professeur Penwyn, et pas d'un ennemi déguisé. Le fait qu'il dise ne rien savoir et avoir l'impression que le temps ne s'était pas écoulé était également un gros problème.

« Ah. Comme c'est pratique, se contenta-t-elle de lâcher froidement, toujours au comble de la méfiance. »

La mention d'Ursula Parkinson le libérant d'une prison moldue lui fit plisser les yeux encore davantage, tandis qu'elle cherchait dans le regard absent du professeur Penwyn le moindre indice qui pourrait la mener sur la voie du secret qu'il semblait cacher. Elle ne daigna pas baisser sa baguette.

« Laissez-moi remettre les choses en ordre un instant, parce que je ne suis pas sûre de suivre. Vous disparaissez pendant trois mois, et vous vous présentez à moi aujourd'hui, sans savoir ce qu'il s'est passé, hormis que vous, Edward Penwyn, professeur d'étude des Moldus à Poudlard, avez été emprisonné par des Moldus, sauvé par Ursula Parkinson et simplement ramené ici ? »

La directrice de Poudlard s'autorisa un petit rire soufflé plein de dédain.

« En prison pendant trois mois chez les Moldus, et vous n'êtes pas mort, pas même éventré, ou, je ne sais pas ce qu'ils peuvent inventer... scalpé ? Ils se sont contentés de fracasser votre joli petit nez. Mais vous ne pouvez rien en dire puisque vous n'en savez rien, évidemment. C'est bien cela ? »

Elle lança un bref regard à Pez comme s'il pouvait comprendre à quel point cette situation était comique, mais le pauvre elfe ne savait tout simplement pas où se mettre, alors il se contenta de baisser les yeux, tâchant de se faire tout petit.

« Alors, que suis-je censée faire de ces informations, professeur ? »

La réponse cinglante de la directrice de Poudlard frappa Edward en plein dans l'estomac. Il ne s'attendait pas à ce qu'on l'accueille les bras ouverts après une si longue absence, mais jamais il n'aurait pensé recevoir une telle remarque. Après avoir perdu tout ses repères, voilà que Kristen Loewy venait remettre en question son intégrité mentale. Ce ne sont pas les paroles cinglantes de la sorcière qui le rendirent stupéfait, mais l'acceptation de sa logique. Elle avait raison. Comment était-il possible qu'il ait passé autant de temps dans une prison moldue, trois longs mois si il en croyait ce qu'on lui avait dit, sans avoir subi davantage de sévices physiques ? Seul son visage lui faisait horriblement souffrir, il ne semblait pas avoir été atteint ailleurs.

Pendant de longues secondes - plus de stupéfaction que de réflexion - Edward resta silencieux sans oser regarder la femme dans les yeux. Son état ne lui permettait pas de réfléchir convenablement, il ne pouvait qu'accepter les dures paroles qu'avaient tenues la directrice. Bien incapable de trouver la réponse adéquate à sa question, l'homme lâcha d'une voix résignée :

« Je... je n'en ai pas... pas la moindre idée. »

Il ne savait plus du tout qui il était. Il avait été absent bien trop longtemps, et cette part d'inconnue dans son passé lui donnait l'impression de ne plus être le même homme qu'avant. Trois mois, c'est long. Il aurait pu s'en passer des choses, il aurait pu subir de nombreuses atrocités ou même en faire subir à d'autres. À cette simple pensée, Edward regarda machinalement ses deux mains, tremblantes de peur. Ses deux mains avaient commis un meurtre, c'est la seule chose dont il pouvait être sûr concernant son passé disparu. Les yeux de l'homme commencèrent à s'embuer de larmes en prenant conscience de la situation dans laquelle il était.

« Vous avez... raison, on ne peut pas me faire... confiance... tant que ma mémoire ne sera pas rétabli, finit-il par lâcher au bout de quelques instants. »

Le bref échange qu'il avait eu avec la cheffe du Conseil des Sorciers quelques instants plus tôt lui revint en tête. Elle ne l'avait pas gardé auprès d'elle, elle l'avait envoyé directement à Poudlard car elle savait que Kristen Loewy serait capable de lever ce mystère.

« Ursula Parkinson pense que j'ai subi un sortilège... d'Amnésie. Selon elle... des sorciers seraient au service des... Moldus. tenta-t-il d'articuler du mieux que sa détresse le lui permettait. Elle m'a fait envoyé ici pour... que vous m'aidiez. Vous connaîtriez... un certain Aidan Bowers... qui pourrait m'aider à retrouver la mémoire et... découvrir ce que les moldus m'ont fait. »

N'ayant pas osé lever la tête durant tout l'échange, Edward se contenta de balayer ses yeux avec la manche de sa robe de sorcier en piteux état afin qu'aucune larme ne ruisselle le long de son visage.

Kristen n'avait jamais passé trois mois en prison - de justesse, à vrai dire -, mais elle avait l'arrogance de penser que si cela avait été le cas, elle n'aurait pas été aussi pitoyable qu'Edward Penwyn. Elle ne le saura jamais, je l'espère, mais si je vous donnais mon avis d'humble narratrice, voici ce que j'en dirais : en prison, Kristen se serait apparentée à un animal sauvage - plus que d'habitude, j'entends -, complètement submergée par la rage. La première chose qu'elle aurait voulu faire, en sortant, n'aurait pas été de trouver un refuge : elle aurait en revanche pu brûler ceux qui l'avaient enfermée, faire en sorte qu'il ne reste plus rien d'eux, surtout si elle avait considéré son enfermement comme non justifié. Car elle ne se leurrait pas, elle aurait eu des raisons de faire de la prison, plusieurs fois, et cela aurait été juridiquement acceptable. Bien sûr, son premier réflexe, en apprenant une telle condamnation, aurait été de fuir pour ne pas renoncer à sa liberté... Edward Penwyn, s'il avait été enfermé par des Moldus comme il le prétendait, ne pouvait pas avoir été enfermé pour de bonnes raisons. Qui l'on est n'est pas une raison suffisante. Alors où était sa rage ? Qu'est-ce que c'était que cette flaque de misère ?

La directrice de Poudlard, qui n'éprouvait donc aucune pitié pour Edward Penwyn, fit claquer sa langue contre son palais. En plus de subir l'aspect déplorable de l'ancien professeur d'étude des Moldus, Kristen devait aussi subir l'influence d'Ursula Parkinson à travers celui-ci. Il le disait lui-même, il n'avait aucun souvenir mais il était envoyé par elle... Cela cachait forcément quelque manigance de son côté également. Elle n'aimait pas l'idée en elle-même, même si le fait que des sorciers soient potentiellement au service des Moldus pour éliminer les leur était, au final, ce qui la répugnait le plus dans le discours de Penwyn. Mais elle pouvait penser que ce n'était pas un mensonge, au regard du rapport de mission de la Cause au Ministère de la Magie, datant de mars.

« Aidan Bowers pourrait fouiller votre esprit, c'est vrai. Si vous avez effectivement subi un sortilège d'Amnésie, ce qu'il y verra, cependant, ne sera qu'un trou béant dans votre mémoire. Je connaissais un autre sorcier suffisamment talentueux pour restaurer vos souvenirs, à condition que vous ayez déjà fait la moitié du chemin en trouvant dans votre esprit quelques indices, mais ce sorcier n'est plus de ce monde. Je ne vois pas ce que je peux faire pour vous, si ce n'est vous faire hospitaliser... Bien que je ne tienne pas spécialement à vous emmener dans un endroit caché où se trouvent des dizaines et des dizaines de sorciers. »

Elle haussa les épaules.

« Comprenez bien qu'aussi pitoyable soit votre état, et j'en suis désolée pour vous, je ne peux pas mettre en danger d'autres sorciers parce que vous avez commis l'erreur de vous faire capturer. Si les Moldus vous ont enfermé et que vous avez perdu la mémoire, n'est-il pas possible qu'ils aient utilisé leur technologie pour vous retrouver, au cas où vous auriez été suffisamment malin pour vous échapper tout seul avant l'arrivée de Parkinson ? Peut-être qu'il ont une procédure de ce genre, qu'en sais-je... Comment appellent-ils ça... une mouche... un moucheron... Enfin, c'est vous le prof, vous voyez de quoi je veux parler. Je sais que j'ai l'air de leur accorder beaucoup de crédit, mais je ne peux pas exclure l'éventualité qu'ils aient été assez intelligents pour envisager cette piste, surtout si Parkinson a raison et qu'ils travaillent avec des salopa... des sorciers. En vous promenant dans notre monde, vous nous mettez peut-être en danger. »

Kristen soupira longuement. Elle n'avait aucune certitude, peut-être allait-elle beaucoup trop loin dans ces suppositions, mais elle ne pouvait réellement rien faire pour Edward, à plus forte raison s'il était gentiment envoyé par Parkinson qui n'avait pas le luxe de se promener à Poudlard comme elle le souhaitait, pour son plus grand déplaisir. Il y avait deux menaces dans l'équation, et Edward en était la convergence personnifiée. Si lui-même n'avait aucune idée de ce qu'il se passait, comment Kristen aurait-elle pu en savoir davantage, et donc prendre une décision raisonnable ? Kristen avait suffisamment de soucis à gérer pour s'ajouter cela sur le dos.

« Je n'ai aucune certitude. Peut-être êtes vous sain, peut-être pas. Dans tous les cas, vous représentez, excusez-moi, un problème que je ne peux pas ajouter à ma liste. Le plus sage serait de vous... hum... prendre des petites vacances loin de tout, vous l'avez mérité, je crois ? »

La peine que ressentait Edward en son for intérieur se mua rapidement en colère. Au début hagard face à la réplique de la directrice de Poudlard, il finit par bouillonner de plus en plus à chaque vocable que proférait la sorcière à son égard. Ses dents grincèrent en l'entendant juger de son « état pitoyable » et ses ongles s'enfoncèrent dans la paume de sa main droite refermée lorsqu'elle jugea qu'il avait fait l'« erreur de se faire capturer ». Il n'avait pas demandé à se faire capturer par les Moldus. Pas non plus de passer trois mois dans une prison et encore moins à ce qu'on lui arrache tous les souvenirs liés à sa captivité. Car si il avait été fait prisonnier, c'était parce qu'il avait voulu s'assurer que chacune des personnes qui croyaient en sa cause puissent s'en sortir indemne. Un état d'âme qu'il ne regrettait pas car il plaçait la loyauté au-dessus de tout.

Seulement, au lieu de déverser sa frustration en une amère tirade, il se tut. Une fois de plus, les paroles de Kristen le poignardèrent de par leur logique. Après tout ce temps en prison, les Moldus auraient très bien pu mettre un mouchard sur lui afin de pouvoir le suivre à la trace. Peut-être avaient-ils même envisagé sa libération par des sorciers et espéraient qu'il les mène vers un lieu à forte affluence sorcière. Et voilà qu'il était aux portes de Poudlard. Sa présence ici mettait en danger non seulement les habitants de Pré-au-lard, mais aussi tous les étudiants qui se pensaient en sécurité dans l'enceinte du château. Retrouvant peu à peu constance, le sorcier lui répondit prestement :

« Un mouchard, lui répondit-il et rajouta pour lui-même : Je mets Poudlard en danger en restant ici... Il faut que je parte au plus vite. »

Il finit par redresser la tête et regarda Kristen droit dans les yeux. Même si il était toujours perturbé par les événements récents, Edward n'en avait pas encore fini avec cette entrevue.

« Les souvenirs de ma captivité ont peut-être disparu, mais je suis toujours le même homme. Je m'assurerais pendant ces petites vacances que je ne suis sous l'emprise d'aucun artifice moldu ou sortilège qui pourrait faire de moi un danger pour le château ou pour les sorciers. »

Merlin seul savait ce que les Moldus avaient pu faire de lui pendant sa captivité et le fait qu'il n'ait aucun souvenir de celle-ci n'était pas bon signe. Il devait s'assurer que son intégrité était respectée et espérait pouvoir trouver des indices sur ce qu'il s'était passé durant ces trois mois.

« Une fois que ce sera fait, j'aimerais revenir à Poudlard à la rentrée. Quitte à devoir prouver par tous les moyens imaginables que je ne suis le pantin de personne. Les enfants ont besoin de se préparer aux changements de notre monde, et quoi de mieux qu'une personne sachant de quoi les Moldus sont capables pour les y préparer. »

Edward venait d'émettre une requête à la directrice de Poudlard sans attendre la moindre réponse de sa part. Elle aurait certainement besoin de temps pour y réfléchir. Le sorcier ne devait pas s'attarder plus que nécessaire aux abords du château, il fallait qu'il parte.

« Auriez-vous un moyen de me faire partir d'ici au plus vite ? »

Kristen trouvait paradoxal de prétendre être le même homme avec un trou de mémoire. Certes, trois mois dans une vie, ce n'était pas grand-chose - ce n'était pas comme la modification de souvenirs que Nathan lui avait fait subir, qui avait complètement déglingué sa personnalité, quelques années plus tôt. Mais depuis cette expérience, Kristen était persuadée que chaque souvenir, aussi infime soit-il, aussi fugace soit-il, qu'il ne représente qu'une seconde ou qu'il en représente des milliers, était précieux, car il faisait partie de l'expérience totale et définissait les êtres, permettait d'analyser le monde, de le comprendre, et de se comprendre soi-même - même si cette dernière partie était de loin la plus complexe de toutes. En dehors de cela, Edward Penwyn n'avait tout de même pas l'air d'être le même homme qu'à son départ, d'après ce qu'elle en avait vu et entendu lorsqu'il était encore professeur à Poudlard.

« Eh bien, faites ce que vous voulez, vous m'enverrez un courrier quand vous aurez retrouvé vos esprits. Si ce jour vient et que le poste est toujours libre à ce moment-là, bien entendu. Pour l'heure, je crains que vous ayez de toute façon oublié de quoi les Moldus sont capables et que votre absence ne représente pas une... plus-value pédagogique..? »

Elle sourit en coin, d'un sourire qui se voulait engageant mais qui apparut plus moqueur qu'autre chose - car il était difficile d'imaginer autre chose que de la moquerie dans les sourires de Kristen, en tout cas pour ceux qu'elle adressait au commun du mortel.

« Quand bien même, pour un ancien professeur d'étude des Moldus, d'origine Moldue qui plus est, je vous trouve bien proche d'une certaine Ursula Parkinson pour enseigner un tel sujet. Je suis cependant ravie de constater que si je dois un jour envisager de faire plier votre esprit, il me suffira de vous sauver la vie. Comme vous le dites, cela fait trois mois, mais pour vous, c'est comme si c'était hier ! C'est bien peu de choses, une opinion. »

Elle haussa les épaules, tout simplement, comme si elle adhérait à sa dernière phrase. Puis, elle se tourna vers Pez et lui dit :

« Pez, veux-tu bien conduire Monsieur Penwyn où il lui plaira ? J'ai du courrier à trier. Fais attention sur la route ! »

Kristen avait une sainte horreur de trier son courrier, mais elle n'avait pas une once de pitié pour Edward Penwyn, qui lui paraissait très suspect, quel que soit l'angle duquel on cherchait à observer la situation. Toutes les hypothèses possibles et envisageables ne le rendaient pas désiré à Poudlard : soit il avait eu la mémoire effacée par les Moldus, et peut-être un appareil en lui qui en faisait une arme dangereuse pour Poudlard ou les sorciers en général, soit il s'était fait laver le cerveau par le Conseil des Sorciers lui-même, vu ses positions terriblement changeantes pour un professeur d'étude des Moldus réputé plein de valeurs et apparemment apprécié des élèves pour son ouverture d'esprit à ce sujet - du jour au lendemain, à l'échelle temporelle de son esprit dans tous les cas déformés. Qu'il soit un pantin des Moldus ou de Parkinson, Kristen n'avait pas l'intention de s'en encombrer. Un pantin de Parkinson, elle en avait déjà eu un, et qui avait le mérite d'avoir toute sa tête.

Elle se tourna une dernière fois vers la gueule cassée d'Edward Penwyn, leva la main en signe de salut et dit :

« Bonnes vacances, Monsieur Penwyn ! »

Puis, elle regagna le château pour ne pas y trier son courrier.

En entendant la directrice de Poudlard lui répondre, le bras gauche d'Edward Penwyn se tendit et son poing se resserra. Si la sorcière était renommée pour ses compétences magiques, elle manquait cruellement de tact et de compétences sociales. Ce n'était pas le fait qu'elle soit incapable d'éprouver la moindre empathie pour la situation dans laquelle il était plongé qui le mettait en rogne, mais bien l'inexactitude du jugement qu'elle venait de porter. Jamais il n'avait laissé entendre qu'il adhérait à l'idéologie d'Ursula Parkinson, jamais il n'avait dit le moindre mot en sa faveur. Depuis le début de sa courte entrevue avec Kristen, l'ancien prisonnier s'était contenté de répéter ce qu'on lui avait dit, sans le moindre jugement de valeur, puisqu'il était plongé dans un profond état de léthargie provoqué par le sortilège d'Amnésie. Sans repères, déboussolé, il avait été bien incapable de réfléchir. Ne voulant pas envenimer la situation - il n'était de toute manière pas capable d'argumenter davantage - l'homme se contenta de dire avant qu'elle ne disparaisse :

« Ce courrier doit être vraiment important pour que vous le traitiez à une heure si tardive. Au revoir, Madame la directrice, ironisa-t-il »

Edward se tourna ensuite vers Pez avec un regard plein de doutes. À quel endroit pouvait-il demander à l'elfe de l'emmener ? Son identité ayant sans doute été découverte par les Moldus, son appartement londonien n'était pas un endroit sûr pour l'accueillir. De plus, après sa capture, Diane avait dû déménagé puisqu'il était bien trop risqué de rester dans ce lieu. Où pouvait-elle bien s'être rendue ? Pendant plusieurs secondes, l'homme réfléchit à l'endroit où il pouvait être emmené, mais aucun lieu ne lui convenait ; il était hors de question qu'il se rende chez sa mère et la mette en danger. Seul un endroit pouvait convenir à son nouveau départ, mais il était risqué.

« Merci de m'aider, cher Pez. Pourrais-tu m'emmener dans mes appartements à Londres ? Je sais que c'est risqué, mais je dois voir ce qu'il en est avant d'aller ailleurs. »

Lorsque l'elfe lui tendit la main, Edward s'en saisit avec un sourire plein d'amertume. Il ne savait pas ce qu'il allait découvrir sur place ; une boule au ventre s'empara de lui.