Bad regardait les griffures sur son bras droit. Elles n’étaient pas profondes mais quelques gouttes de sang s’en écoulaient. Définitivement, les cours de soins aux créatures magiques ne lui réussissaient pas. Malgré le fait qu’il avait écouté attentivement les règles de sécurité, il avait quand même réussi à se faire griffer. Manque de chance ou d’adresse ? Bad n’en savait rien. La seule chose dont il était sûr était que la relation à cette matière était très compliquée pour cette première année.

Miss Almeida lui avait demandé de se rendre à l'infirmerie pour se faire soigner¹, ce à quoi le garçon avait répondu par un hochement de tête positif. En réalité, Bad pensait qu’une auto-consultation était suffisante et, tout en quittant le cours, il jeta un coup d’œil à ses plaies. Elles semblaient superficielles et le brun diagnostiqua seul qu’il suffisait de les laver. Un peu d’eau dessus et ça ira, se dit Bad en frottant son bras de sa main gauche. Un geste inutile car il n’avait fait qu’étaler le sang et en avait désormais plein la main. Profitant de cette belle et chaude journée de mai, il décida d’aller au lac nettoyer tout cela.

En chemin, il se rappela qu’il avait entendu parler d’un sortilège de Soin, Episkey, mais malheureusement, il ne le maîtrisait absolument pas. Bad avait hâte de poursuivre son apprentissage de la Magie car il se rendait compte au quotidien à quel point chaque chose qu’il apprenait pouvait lui être utile un jour ou l’autre. Nombre de ses camarades voyaient les cours comme un fardeau mais lui les saisissait comme des chances de devenir un meilleur sorcier, une meilleure personne aussi. Certes, il y avait des jours où le moral était moins bon mais le garçon, en cette veille de week-end, était d’une humeur agréable.

Arrivé à quelques mètres du lac, il tomba sur Kaela, une amie de Serpentard du même âge que lui. Elle était assise sur l’herbe, la tête et les vêtements complètement trempés. Qu’est-ce qui lui est arrivé ?, pensa Bad, surpris. La première chose qui lui vint en tête fut qu’elle était tombée dans l’eau. S’approchant d’elle pour lui demander ce qui s’était passé, la jeune fille remarqua sa présence et le salua la première. Alors que Bad allait faire de même, Kaela, telle une Legilimens, répondit à sa question. Peut-être que le regard interloqué du garçon l’avait mené sur la piste de son interrogation. Sa réponse était inattendue. Elle lui avoua avoir volontairement nagé dans le lac. Le Serdaigle n’avait même pas envisagé que quelqu’un veuille délibérément plonger dans ces eaux.

On ne voyait rien de ce qui se cachait sous la surface et Bad n’était pas des plus téméraires. Les seuls risques qu’il prenait étaient mesurés et réfléchis. Il ne laissait pas souvent la place à l’improvisation préférant maîtriser au mieux le danger. Une qualité mais plus souvent un défaut qui le bridait sur de nombreuses choses.

Oubliant complètement de laver son bras, il s’assit à côté de Kaela. La dernière partie de sa phrase avait interpellé le côté protecteur du brun. Elle avait eu besoin de nager. Sûrement pour échapper à quelque chose qui l’étouffait. Instantanément, Bad repensa à son père, décédé plusieurs semaines auparavant dans l’incendie des bâtiments proches du Ministère de la Magie. Sans qu’il ne puisse rien contrôler, il sentit les larmes monter à ses yeux. Tournant la tête vers le côté opposé à Kaela, il fit mine d’avoir vu quelque chose passer sur l’herbe. C’est dans cette posture peu naturelle, qu'après un raclement de gorge, il répondit :

« T’as pas peur de ce qu’il y a dans le lac ? Et l’eau n’est pas trop froide ? J'aurais jamais fait ça, moi. »

Sentant qu’il passait pour une poule mouillée - même s’il était le plus sec des deux -, il poursuivit pour détourner le sujet de la conversation :

« Au fait, ça fait longtemps qu’on a pas discuté. Est-ce que t’as des trucs à me raconter ? »

Bad fit semblant de se gratter les yeux mais en profita pour sécher ses larmes. Il tourna alors la tête vers Kaela. Peu de chance qu’elle ne remarque rien.

¹ Action validée par Miss Almeida

Bad ne prit pas de temps et s'assit aux côtés de Kaela, tout en la regardant, interloqué. Avant de lui poser une quelconque question cependant, il regarda l'herbe, tournant ainsi dos à la jeune fille. Cette dernière comprit que son ami n'allait peut-être pas bien, mais elle ne dit rien, consciente qu'elle devrait peut-être attendre avant de poser des questions au jeune garçon. Il prit d'ailleurs les devants en lui demandant si elle avait peur de ce qui se trouvait dans le lac et si l'eau n'était pas trop froide. La jeune fille rigola sincèrement et reprit son sérieux avant de répondre à son interlocuteur.

— Non, je n'ai pas peur! Et puis, l'eau était parfaite. Je ne suis pas allée bien loin, alors je ne vois pas ce qui aurait pu m'arriver de catastrophique! Au pire, j'aurais passé un peu de temps à l'infirmerie et j'aurais été dispensée des cours! Pas plus mal non? fit la jeune fille en riant, avant de poursuivre. On ira ensemble si tu veux, je suis sûre que tu trouveras que ce n'est pas si pire que ça!

Détendre l'atmosphère et faire rire Bad, telle était la mission qu'elle s'était donnée. La jeune fille ne souhaitait pas voir son ami triste. Pourtant, il le cachait bien. Mais Kaela était perspicace et voyait tout, ou presque. Souhaitant peut-être se changer les idées, le bleu et argent demanda à Kaela si elle avait des choses à lui raconter. Cependant, la rouquine ne savait pas quoi lui répondre. Elle voulait lui dire ce qui se passait dans sa vie, mais elle ne voulait pas avoir le monopole de la discussion non plus.

— Eh bien euh... C'est dur cette année d'étudier correctement, mon frère... 'Fin... elle prit une pause avant de continuer. Au début du mois, j'ai surpris mon frère être disons... tendre avec une fille. Et j'ai compris pourquoi il avait été si distant avec moi avant. Je te l'avais déjà dit peut-être? Enfin, je l'ai plutôt mal pris et s'en est suivie une dispute dans les couloirs, devant tout le monde. Depuis ce temps, je suis comme l'ombre de moi-même. Enfin, c'est pas vrai. Disons simplement que j'ai des hauts et des bas. Donc voilà... Je sais que c'est pas très grave, mais je ne l'ai vraiment pas bien pris.

Peut-être que Bad trouverait l'histoire de Kaela ridicule. Cependant, c'était son ami. Il se devait d'être là pour elle... comme elle devait l'être pour lui, d'ailleurs. La jeune fille oublia sa mission puisqu'elle s'adressa ensuite à son ami sans ménagement.

— Mais toi non plus, ç'a pas l'air d'aller fort fort. J'sais que t'as essayé d'le cacher mais t'es pas ben discret, hein. J'ai tout remarqué donc soit tu me dis ce qui se passe, soit tu fais comme si de rien n'était, mais essaies pas de cacher d'une manière peu discrète. On va pas s'mentir, pas vrai?


Kaela devait user de délicatesse lorsqu'elle parlait aux Autres. Mais elle n'en était souvent — rarement, même — incapable. La jeune fille ne savait pas pourquoi exactement, peut-être était-ce son caractère impulsif, mais elle s'en voulait toujours après avoir pris la parole et parlé sans avoir tourné sa langue sept fois dans sa bouche. Pourtant, à chaque fois, c'était pareil. L'adolescente était dure avec la personne, puis elle s'excusait, espérant que cette dernière la pardonne pour son comportement. La rouquine fit un air désolé à Bad avant de s'excuser de vive voix.

— Ouin... Je sais que je n'ai pas été très douce... Je suis vraiment désolée. Je peux reprendre? demanda Kaela qui, sans attendre, reprit. Et toi, que se passe-t-il exactement? Ça fait longtemps que l'Événement est arrivé? T'es pas obligé de me dire, mais je suis ton amie et malgré mon manque de délicatesse évident, je suis tout de même de bon conseil, je crois... Parfois en tout cas, ahah!

La Serpentard attendit impatiemment la réponse de son ami, tout en arrachant l'herbe de ses longs doigts et en vagabondant dans ses Pensées. Pensées qu'elle essayait de chasser. Ce n'était pas un franc succès, mais le temps était sensé arranger les choses, non? C'était ce que sa mère lui répétait sans cesse lorsqu'elle était petite.

Mes excuses pour la réaction de ma Protégée

Kaela ne put s'empêcher de rire lorsque Bad lui demanda si elle avait peur de ce qui se cachait dans l’eau. Le garçon avait pressenti cette réaction si prévisible. Quand elle ajouta, à la légère, qu’elle aurait pu se retrouver à l’infirmerie, Bad ne sut qu’en penser. Était-ce lui qui avait peur pour un rien ou, au contraire, était-ce elle qui était inconsciente ? Le brun était un peu perdu et cela se sentit dans sa réponse hésitante :

« Heu … Ensemble pour nager dans le lac ? Je sais pas si c’est une bonne idée ... »

L’énergie dégagée par la jeune fille l’avait prit de court et Bad n’arrivait pas à déceler l’ironie ou non de ses propos. Un mélange subtil de sérieux et de rire dont le garçon avait du mal à démêler les intentions. Cette débauche d’énergie à l’extrême de la part de Kaela pouvait être interprétée de deux manières selon Bad. Soit elle tentait de masquer une profonde douleur soit elle avait perçu que le Serdaigle avait eu un moment de faiblesse et elle tentait de lui remonter le moral. Le garçon opta pour la seconde option et perçut l’acte comme une véritable preuve d’une amitié sincère.

C’est plus compatissant et ouvert d'esprit que jamais qu’il tendit l’oreille pour écouter les propos de Kaela. Celle-ci lui expliqua qu’elle avait été réellement affectée par l’histoire avec son frère. Au fil des paroles, Bad se souvint qu’on lui avait rapporté l’anecdote de cette dispute fraternelle. Les commérages faisaient bon train à Poudlard. Il n’en connaissait à l’époque pas la cause mais, à travers les explications de Kaela, il en saisit tout le sens. Le garçon ne comprenait pas vraiment la réaction qu’elle avait eu en voyant son frère proche d’une fille. Même en essayant de transposer cela à Cadell, son propre frère, Bad ne percevait pas le problème. Quel mal y avait-il à cela ? Cependant, malgré les difficultés à comprendre le comportement de la Serpentard, aucune pointe de jugement ne traversa l’esprit du garçon. Chacun était différent et prédire avec certitude les réactions d’autrui tenait du miracle. Cadell en était l’exemple parfait. Bad se dit que la relation qu’entretenait Kaela et son frère devait être d’une nature et d’une intensité qu’il ne pouvait pas saisir.

Plongés dans ses analyses, le Serdaigle ne répondit pas directement et laissa, pendant quelques secondes, le silence s’installer. Un silence inconfortable. Lorsqu’il s’en rendit compte, il ressentit une profonde gêne et rougit légèrement. Quel manque de savoir être !, se fustigea-t-il intérieurement. Kaela s’était confiée à lui et il n’avait pas été capable réagir comme il l’aurait dû. Pire encore, ce fut elle qui reprit la parole ne laissant pas à Bad le temps de se rattraper. Elle semblait lui en vouloir car ses mots furent d’une franchise crue. Comme des lames, les mots de la jeune fille se voulaient incisifs. Elle n’y avait pas mis les formes et semblait l’assumer. Manque de tact ou vengeance déguisée, difficile pour Bad de le savoir mais, une chose était sûre, il l’avait mérité. Il avait été un piètre confident et se devait d’inverser la vapeur à tout prix. Il devait lui montrer qu’elle pouvait compter sur lui et que ce moment de faiblesse n’était que passager. Il était nécessaire qu'il marche à sa hauteur sur le chemin de leur amitié et cela nécessitait de se faire violence. De se livrer.

Au moment où il allait entamer ses confidences, Kaela s’excusa de la manière dont elle s’était exprimée. Bad lui adressa un léger sourire mais ses yeux exprimèrent une véritable affection amicale. Il se blâmait lui-même et avait pris ses mots durs comme un châtiment mérité.

Tournant le regard vers les doigts de Kaela jouant avec l’herbe, cette fois-ci le garçon n’hésita pas à se lancer.

« C’est vrai que c’est difficile en ce moment. Bad s’arrêta pour respirer profondément. J’essaye d’accepter ce qui s’est passé mais je ne comprends pas tout. Et même si chaque jour, ça me semble de plus en plus réel, quelque chose au fond de moi m’empêche d’avancer. Alors comme toi, j’ai des hauts et des bas. J’essaye de faire face mais c’est compliqué. »

Même s’il commençait à faire glisser le masque, Bad n'arrivait pas à exprimer tout ce qu'il avait en lui. Peu de chance que Kaela est compris le fin mot de l’histoire tant le garçon avait été vague dans ses explications. Certaines choses restaient enfouies au plus profond de son être et il n’arrivait pas à s’en libérer, à en parler. Avoir entamé cette conversation lui avait, cependant, fait du bien. Il sentait que quelques grammes de la tonne qui l’écrasait s’étaient envolés.

Bad savait que pour s’en défaire davantage, il fallait qu’il agisse maintenant. Qu'il se lance dans un acte irréfléchi et spontané. Sans un mot, il se mit debout et retira sa robe, son pantalon et ses chaussettes. Il se trouvait à présent en t-shirt et caleçon. Après un bref coup d’œil à son bras ensanglanté dont il avait oublié la blessure, il s’adressa à Kaela en penchant dans sa direction son regard émeraude qui retrouvait le scintillement de la vie.

« On va nager ? »

Kaela essayait de détendre l'atmosphère du mieux qu'elle le pouvait. La jeune fille espérait que Bad apprécierait le geste. Elle affirma ensuite à son ami qu'ils pourraient aller nager ensemble s'il le voulait bien. Ce dernier ne semblait pas sûr. Il disait qu'il ne savait pas si cela était une bonne idée. Encore une fois, la rouquine sourit et essaya de dissiper les craintes de son ami du mieux qu'elle le pouvait, tout en confirmant ses craintes, se voulant rassurante.

— Ahah! Je ne suis pas morte alors tout devrait bien aller même si tu viens non? Je suis sûre qu'aucune créature qui vit dans les profondeurs du lac ne te mangera! À moins vraiment que tu ne la cherches... fit Kaela en rigolant avant d'ajouter : Mais je te comprends de ne pas être sûr. Moi je ne me suis posé aucune question, mais je crois que c'est parce que j'étais bien trop dans mes pensées pour ça... Malgré que c'était dans mes plans... 'Fin, p't'être que j'en avais vraiment besoin aussi, ce qui a fait que je ne me suis pas questionnée une seule seconde!

Après la question de son ami, Kaela se sentit obligée de donner une réponse convenable. Sans trop de détails, mais pas avec trop peu non plus. La Serpentard souhaitait en même temps se libérer d'un poids, n'en ayant parlé qu'à très peu de personne. Était-ce parce qu'elle avait honte? La jeune fille ne le savait pas, mais elle avait confiance en son ami. Elle savait qu'il ne la jugerait pas, même si l'idée lui avait tout de même traversé l'esprit. Habituellement, Kaela n'avait pas peur du jugement. Mais cela arrivait parfois, lorsque des personnes chères à son cœur étaient concernées. Comme tout le monde probablement. Et c'était normal, elle était humaine après tout. Bad l'écouta attentivement, ce que l'adolescente apprécia beaucoup.

Après avoir fini de raconter son histoire, Kaela s'adressa à son ami d'une manière plus dure qu'elle ne l'aurait voulu. Tout de suite après cependant, elle s'excusa. Bad lui répondit en lui adressant un petit sourire. La Serpentard put également déceler dans son regard quelque chose de plus. Une affection amicale. La rouquine lui sourit en retour et écouta ce que le Serdaigle avait à dire. Bad affirma que c'était difficile pour lui en ces temps. Il disait qu'il essayait d'accepter ce qui s'était passé, mais qu'il ne comprenait pas tout. Il affirmait que chaque jour, cela lui semblait plus réel, plus vrai. Lui aussi avait des hauts et des bas. Il essayait d'être fort, mais c'était compliqué pour lui. Évidemment, Kaela n'avait pas compris la moitié de ce qu'il avait dit. La jeune fille, dans un souffle, s'adressa à Bad.

— Ça ne doit pas être facile... Mais que s'est-il passé exactement?

L'adolescente s'approcha un peu plus du jeune Serdaigle afin que leurs épaules se touchent et frotta le dos de son ami amicalement. Kaela voulait montrer qu'elle était là pour lui et qu'il pouvait prendre tout son temps pour lui raconter ce qui s'était passé dans sa vie. Et visiblement, cela n'avait pas été facile. Parce qu'il parlait peu. Parce qu'il avait essuyé ses larmes un peu plus tôt. Quelque chose de grave s'était passé, c'était sûr et certain. Grave à quel point? Ça, la jeune fille n'en avait aucune idée.

Et ce ne serait pas à ce moment-là qu'elle le saurait, puisque son ami se leva rapidement et se déshabilla sans gêne, ne gardant que son t-shirt et ses caleçons. Kaela vit cependant le bras ensanglanté de Bad. Après que celui-ci lui ait demandé s'ils allaient nager, la jeune fille l'arrêta et prit brusquement son bras sans ménagement, tout en faisant attention de ne pas toucher la blessure de son ami.

— Bad, qu'est-ce qui se passe? Hors de question qu'on aille dans l'eau sans que tu ne m'aies raconté quoi que ce soit.

Cette fois-ci, la jeune fille était sérieuse. Autant que lorsqu'elle s'était adressée à Bad au début de leur discussion. Son ton trahissait son angoisse. Son ton sec signifiait en fait qu'elle était inquiète pour son ami. Elle ne savait pas ce qu'elle pouvait faire pour lui, donc la méthode qu'elle avait trouvée était de lui poser le plus de questions afin qu'il se libère l'esprit.

— Tu sais je suis pas là comme déco, hein! Je sers à quelque chose et je veux que tu m'en dises plus sur ce qui s'est passé. Je m'en fous du temps que ça prendra ou que tu pleures. Je veux juste en savoir plus. Et ce n'est pas en me cachant tout ça que je suis plus avancée.

La rouquine se rassit par terre, espérant que son ami fasse de même et qu'il se vide le coeur une bonne fois pour toutes. La troisième année voyait qu'il souffrait. Elle voyait qu'il n'allait pas bien. Il était donc hors de question pour elle qu'elle fasse comme si de rien n'était. Elle ne pourrait pas se le pardonner de ne pas avoir insisté un peu, quitte à énerver Bad au plus haut point. Quitte à ce qu'il la laisse en plan dans le parc. Au moins, elle aurait essayé.

En écoutant les réponses de Kaela, Bad comprit qu’elle se posait généralement moins de questions que lui avant d’agir. Peut-être que le garçon devait en prendre de la graine. Lui qui réfléchissait continuellement se bridait bien souvent dans ses actes. Cette conversation avec la jeune fille lui fit ouvrir les yeux sur un trait de sa personnalité qu’il devait changer. S’il voulait devenir meilleur, étudier et s’entraîner ne seraient pas suffisant. Il fallait qu’il apprenne à se lancer dans l’inconnu et à en accepter les conséquences.

Les quelques mots de Bad sur sa situation actuelle ne convainquirent par Kaela. Le brun s’était à nouveau retenu dans ses propos s’exprimant avec parcimonie. Mais la jolie rousse ne le lâcha pas. Le garçon avait commencé à vider son sac et la jeune fille semblait prête à tout pour qu’il aille jusqu’au bout. Quelqu’en soit les douleurs qu’il aurait à affronter. Bad fut surpris de cette réaction. Habituellement, il lui suffisait de quelques mots pour faire plaisir à son interlocuteur afin que ce dernier le laisse en paix. Kaela était différente. Tenace et obstinée. Face aux épreuves, la jeune fille lui montra qu’elle l’accompagnerait, sa douceur comme arme. Pour lui prouver qu’il n’était pas seul, Kaela se rapprocha du garçon avant de lui adresser une caresse affective dans le dos. En cet instant, Bad reconnut la chance qu’il avait d’avoir une amie à ses côtés. Il lui adressa le plus doux et sincère sourire dont il était capable.

Paradoxalement, cela l’encouragea davantage dans sa réaction suivante. Contre toute attente, lorsque Bad se déshabilla et proposa à sa camarade d’aller nager, il lut dans son regard une réelle incompréhension mais pas seulement. Il pouvait décrypter aussi une pointe de colère. Kaela le saisit par le bras avec force l’empêchant d’aller plus loin. Elle n’acceptait pas qu’il tente de fuir à nouveau et elle lui demanda avec fermeté de tout lui raconter. La jeune fille voulait connaître intégralement son histoire.

Le Serdaigle réalisa que son acte spontané qui devait l’amener à se libérer n’était qu’un moyen de se dérober, d’échapper à la dure réalité. Il ne l’avait pas réalisé sur le coup pensant que son attitude était un moyen d’affronter ses démons. Mais maintenant qu’il en prenait conscience tout lui semblait limpide. Il le faisait à chaque fois. Dès que quelque chose le dérangeait, il fuyait, trouvant toujours une justification à son acte pour se donner bonne conscience. Mais cette fois, on ne le laissait pas faire. Malgré la frustration et la honte à se retrouver debout en caleçon sans pouvoir aller nager, Bad savait qu’elle avait raison. Le sentiment qu’il éprouvait était comparable à celui ressenti par un enfant qui se faisait disputer pour une bêtise qu’il avait commise. Un sentiment de colère pour masquer une vérité qu’on ne veut pas admettre dans l'instant. Lui qui avait vécu avec son père et son frère n’avait pas l’habitude qu’on l'interrompt dans ses plans, qu’on le stoppe dans son élan ou tout simplement qu’on lui dise non.

Les mots employés par la Serpentard étaient durs mais justes. Elle s’en prenait verbalement à lui pour le faire réagir mais aussi pour lui montrer qu’il pouvait avoir confiance en elle. Une confiance véritable. Il se rassit en tailleur auprès de Kaela, récupérant au passage son pantalon qu’il posa en boule sur ses cuisses. Dans un profond soupir, il fixa le lac devant lui. Sous le soleil de fin de journée, l’étendue d’eau était calme et paisible comme si elle aussi attendait ses explications. Après ces différentes émotions, Bad sentit qu’il était l’heure de parler. Habituellement, il préférait écouter les autres plutôt que d'avoir à se confier à quelqu’un. Cette invitation presque forcée était l’occasion parfaite pour se lancer. Un véritable plongeon. Pas dans le lac comme il l’imaginait mais un plongeon dans les sombres profondeurs de ses sentiments. Il ne savait pas ce qu’il en ressortirait ni comment la jeune fille réagirait mais il se confia, étrangement apaisé.

« Bon voilà, normalement avec mon père on s’écrit assez souvent. Mais un soir des vacances de printemps, j’étais inquiet parce que je n’avais eu aucune nouvelle de lui depuis plusieurs semaines. Souhaitant éviter de se faire du mal avec les détails, il éluda volontairement certains événements. Plus tard dans la soirée, j’ai rencontré par hasard une élève qui m’a dit qu’elle avait vu le nom de mon père dans un journal. Bad sentit les larmes monter une nouvelle fois à ses yeux mais il poursuivit. L’article où il y avait son nom parlait de l’incendie du Ministère de la Magie et des bâtiments à proximité. C’était la liste des victimes. »

Se remémorer ce terrible jour du 14 avril raviva ses blessures. Le garçon sentit l’air lui manquer comme s’il étouffait. Une crise d’angoisse commençait à l’envahir.

La jeune fille était spontanée et c'était l'une des qualités chez elle qu'elle chérissait le plus. En effet, d'après la rouquine, la spontanéité était synonyme de bonheur et de vivre moment présent. C'était pour cela qu'elle ne se posait pas trop de questions avant d'agir, mais surtout, avant de parler. Et cela pouvait avoir des conséquences regrettables.

Après avoir demandé à son ami ce qui se passait dans sa vie, un mutisme inquiétant et la blessure de ce dernier, Kaela ne pouvait tout simplement pas rester là à rien faire. La Serpentard s'était adressée à son ami brusquement, certes, mais elle voulait que ses paroles aient un impact sur Bad. La rouquine voulait qu'il se confie. Elle voulait tout savoir. Bon, peut-être pas tout, puisqu'il pourrait bien omettre des détails plus ou moins importants, mais au moins, il se serait vidé le coeur.

Kaela s'étant rassise par terre, elle espérait que son ami ferait pareil. Et c'est ce qu'il fit. Il posa son pantalon — qui était en boule — sur ses cuisses et soupira. La rouquine le regarda d'un air inquiet, ayant hâte qu'il se confie à elle. Elle détestait ne pas savoir. Elle était inquiète pour son ami. Très inquiète. Habituellement, il n'était pas comme cela. La troisième année s'attendait donc au pire concernant son histoire. Et avec le Conseil dans le décor, tout pouvait arriver. Tout incident pouvait être relié de proche ou de loin au nouveau gouvernement. Enfin, nouveau... Il était maintenant au pouvoir depuis plus d'un an. Pour Kaela, mai 2044 était tellement loin mais tellement proche en même temps! La jeune fille n'arrivait toujours pas à croire que le Ministère de la Magie était tombé et qu'une folle comme Ursula Parkinson avait réussi à prendre le pouvoir. Elle était peut-être loin d'être folle, au contraire. Parkinson était rusée et était prête à tout pour arriver à ses fins. Et c'était ce qui était le plus inquiétant.

Bref. La jeune fille se força à sortir de ses pensées afin de bien écouter son ami, de ne pas manquer un seul mot qui sortirait de sa bouche. Kaela pouvait bien des fois ne pas être attentive mais là, elle n'avait pas le choix d'écouter. D'abord parce qu'elle avait dû tirer les vers du nez à Bad et ensuite, parce qu'elle se devait d'être là pour son ami. À 100%. C'était son devoir, sa mission.

Le jeune garçon commença alors à raconter ce qui s'était passé. Il disait que lui et son père s'écrivaient souvent mais que pendant les vacances du printemps, il était inquiet puisque cela faisait déjà plusieurs semaines que son père ne l'avait pas contacté. Il disait ne pas s'inquiéter habituellement, mais une élève — plus tard dans la soirée — lui avait dit qu'elle avait vu le nom de son père dans le journal. C'était un article qui rapportait les dommages causés par l'incendie du Ministère de la Magie. Des dommages humains... Avant que Kaela ne puisse dire quoi que ce soit, elle remarqua que Bad avait de la difficulté tout d'un coup à respirer. La jeune fille intervint alors, sans même avoir dit un mot concernant ce que son ami venait de lui révéler.

— Bad, respire avec moi! Hmmm, pppffffff!

Kaela essayait de prendre de grandes respirations tout en gesticulant pour que Bad l'imite au plus sacrant. La jeune fille essayait tant bien que mal de garder son sang froid, mais voir son ami dans cet état la chamboulait. Elle ne savait pas comment réagir. Cela ne lui était jamais arrivé de devoir faire face à ce genre de situation.

— Es-tu sûr qu'il est bien mort? As-tu reçu une quelconque lettre ou quoi que ce soit pour te le dire? Parce que tant que ce n'est pas officiellement officiel...

La jeune fille avait espoir. Peut-être à tort, mais elle avait espoir. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle avait l'impression que toute cette histoire n'était pas finie. Même si elle avait tenté de se faire rassurante, disons que ce n'était pas très bien réussi. Kaela ne croyait pas que c'était aussi grave. Même si elle s'était attendue à plein de scénarios différents. Elle ne lisait pas non plus dans la tête de son ami, donc il était compliqué pour elle de savoir ce qui se passait dans sa tête.

— Je... désolée, c'était bête comme question... C'est sorti comme ça, je sais pas pourquoi. Mais je me demande vraiment si tu as eu la nouvelle officiellement, quelqu'un qui t'a envoyé quelque chose, dit Kaela avant même que le Serdaigle ne réponde à sa précédente question.

Savoir. Elle voulait tout savoir. Elle voulait pouvoir dresser un portrait plus juste de cette situation. Situation qui, tout de même, avouons-le, est regrettable pour son ami. La jeune fille ne savait pas comment elle aurait réagi à sa place... Se mettre dans la peau des gens était compliqué, et pour le moment, Kaela voulait seulement que son ami se calme. L'heure n'était pas à l'analyse de la situation, même si la troisième année l'avait peut-être un peu oublié.

Calquant sa respiration sur celle de Kaela, Bad finit par retrouver son souffle. Il n’était pas dans ses habitudes d’être sujet à ce type de crise. Le traumatisme subi n’avait donc pas eu qu’un impact psychologique mais aussi physique. En ce moment précis, le garçon se sentit vulnérable et ne put s’empêcher de s’excuser auprès de sa camarade pour ce moment de faiblesse.

Après le retour au calme, la Serpentard eut une réaction qui perturba grandement le garçon. Elle n’était pas convaincue de la mort de son père. Une intuition qui ne quittait pas Bad depuis qu’il avait appris la nouvelle. Des semaines qu’il pensait que cela n’était qu’un stratagème de son subconscient pour ne pas affronter la réalité. Et aujourd’hui, Kaela réactivait ce doute. Un infime espoir apparut chez le garçon. Mais dès que ce dernier fit surface, Bad s’en voulut et commença à se haïr de ne pas réussir à faire son deuil. Tous les efforts consentis depuis des semaines pour accepter le drame venaient d’être balayés en une fraction de seconde. À ces pensées, le Serdaigle fut pris de vertiges et voyait le Lac noir danser autour de lui. Pour reprendre ses esprits, il ferma les yeux quelques secondes.

Le garçon était perdu. Il ne savait plus quoi penser de la situation mais commençait aussi à en vouloir à Kaela. Comment pouvait-elle se permettre une telle question dans de pareilles circonstances ? Était-elle une porteuse d’espoir ou une sadique inconsciente ? Bad ne savait qu’en penser. Une chose était sûre, il n’y voyait pas plus clair. Au contraire, tout ce qui lui semblait établi s’effondrait peu à peu. La faille était visible depuis le début et Kaela s’y était insérée sans prendre de gants et sans aucun ménagement. Elle avait tout détruit et elle devait maintenant l’aider à reconstruire. Sur des bases saines. Le garçon savait sa réaction égoïste. Peut-être avait-elle juste voulu l’aider. Qu’importe. Il n’y a qu’une chose dont il était sûr : il avait besoin d’elle en cet instant.

Bad rouvrit les yeux et se tourna vers Kaela, le regard froid et noir. Il ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir pour ce qu'elle avait dit. Sans cligner une seule fois des yeux et d’un ton neutre dénué de toute émotion, il dressa la liste de tous les éléments en sa possession.

« Kenneth Eaven, c’est le nom de mon père. Peu de chance que quelqu’un porte le même, c’est pas tellement répandu. Il laissa quelques secondes s'écouler, le temps que Kaela puisse analyser ses paroles. Mais c’est vrai, je n’ai rien reçu d’officiel. De qui dois-je attendre des nouvelles ? Tu penses réellement que ceux qui nous gouvernent en ont quelque chose à faire de la mort d’un Moldu ? »

Bad attisait seul la haine qu’il avait envers le Conseil des Sorciers. Même si l’incendie n’était, semble-t-il, pas de leur fait, tout avait commencé à cause d’eux. Ils détruisaient jour après jour et à petit feu notre monde. Ils semblaient intouchables et n’avoir aucune limite. Se remémorer, leurs actes écœuraient le garçon. Pour lui, ils étaient les premiers responsables de ce qui était arrivé. Ils étaient les assassins de son père innocent.

Le Serdaigle fixa la surface du Lac qui entourait le château. Lui, c'était le doute qui l'encerclait, qui l'étouffait. Revenant à la conversation avec Kaela, Bad lui donna le dernier élément en sa possession d'un ton qui s'était légèrement adouci.

« En plus, ma mère m’a adressé une lettre pour me dire que mon père était bien à Londres pour le travail ce jour-là, qu’elle était désolée et qu’elle voulait qu’on en parle de vive voix quand je rentrerai à la maison. Pourquoi m’aurait-elle menti ? »

À nouveau menti, aurait-il pu dire. Pouvait-il réellement faire confiance à une femme qui lui avait caché le monde de la Magie pendant plus de dix ans ? De surcroît, cette lettre n’était pas à l’initiative de Madenn, sa mère, mais la réponse à une missive enflammée et aux mots crus de Bad qui ne comprenait pas pourquoi elle ne lui avait rien dit. Le garçon n’avait plus aucune certitude.

Kaela n'avait pas réfléchi avant d'ouvrir la bouche. Encore une fois, elle s'était mise dans de beaux draps. En même temps, peut-être que ses interrogations pourraient aider son ami à y voir plus clair... ou non. En effet, en doutant des dires du Serdaigle, c'était comme si la rouquine ne lui faisait pas confiance. Or, ce n'était pas le cas. Elle essayait simplement de faire réaliser à son ami qu'il y avait plusieurs possibilités et ce qu'il croyait être la vérité pouvait ne pas l'être. Non pas que la troisième année pensait qu'il mentait, mais il ne savait peut-être pas tout ce qui s'était passé.

Au moins, Bad s'était calmé. Il ne lui restait plus qu'à répondre à son interlocutrice. Ce dernier ferma les yeux et lorsqu'il les rouvrit, il regarda en direction de Kaela. Un regard froid et noir. Un frisson lui parcourut l'échine et elle détourna le regard, soudainement très intéressée par les feuilles dans les arbres qui dansaient au gré du vent, comme pour effacer cette vision de sa mémoire. Ce regard, elle voulait l'oublier. Cela lui confirmait que son ami n'avait pas apprécié son intervention. Bien sûr, elle s'en doutait, vu le temps que cela lui prenait pour répondre, mais elle ne s'attendait tout de même pas à cela.

Il finit finalement par dire d'un ton neutre et sans émotion — ton que Kaela ne lui connaissait pas — que son père s'appelait Kenneth Eaven et qu'il n'y avait que très peu de chance que quelqu'un se nomme de la même manière. Bad prit une pause et poursuivit, en disant qu'il n'avait rien eu d'officiel. Il demanda s'il devait attendre des nouvelles, si le gouvernement se préoccuperait de la mort d'un moldu.

L'adolescente n'avait rien dit et elle avait bien fait, puisque le Serdaigle ajouta sur un ton légèrement adouci que sa mère lui avait envoyé une lettre pour lui dire que son père était bien en déplacement à Londres pour le travail cette journée-là, qu'elle était désolée, etc. « Pourquoi lui aurait-elle menti? », demanda ensuite Bad. Son amie réfléchit un moment. Elle ne voulait rien dire de déplacé ; son interlocuteur en avait probablement assez vu de toutes les couleurs pour la journée. Kaela n'avait pas besoin d'en rajouter. Cependant, elle ne voulait pas réfléchir toute seule. Après tout, il s'agissait du père de son ami, non du sien.

— Ok je comprends... Bon, écoute. Avant de dire quoi que ce soit, je vais m'excuser. Je doutais pas de tes paroles, mais du fil des événements qui AURAIENT pu mener à la mort de ton père. Et si je dis ce que je pense, c'est parce que je crois que t'as le droit d'avoir accès à mes vraies réflexions. Je sais par contre que je peux être un peu plus douce... Mais bref! Donc au lieu de te sentir attaqué, prends ça comme une preuve d'amitié. S’il te plaît. Y'avait aucune mauvaise intention là-dedans, ok? J’espère que tu l'sais. La jeune fille fit un petit sourire à son ami, prit une pause et poursuivit. Et puis bon pour ton père... Je comprends que tu fasses le rapprochement entre le fait que tu n'aies pas de nouvelles de lui et ce qui s'est passé à Londres parce qu'il était là, mais je ne suis encore pas convaincue! Et j'espère bien qu'on te donnera des nouvelles! C'est d'un humain dont on parle après tout! Il a de la famille. Ils ne peuvent pas ne rien faire. Ce serait inhumain de leur part.

Kaela se rongea les ongles, toujours dans ses pensées. Il y avait quelque chose qui clochait, elle en était certaine. Le problème était qu'elle ne savait pas quoi exactement. Et comme elle n'était pas enquêtrice et qu'elle se voyait mal s'improviser membre des forces de l'ordre, la jeune fille essayait simplement de poser des questions à son ami afin de pouvoir remettre les pièces du casse-tête en place. Ce n'était pas facile, mais elle était sûre que tout cela ne finirait pas de cette manière. C'était impossible. Ce ne pouvait pas être une fin de chapitre d'un de la vie de Bad en compagnie de son père, la fin d'un livre d’une vie pour Monsieur Eaven. Son corps ne pouvait pas s'être perdu dans les cendres d'un incendie. Il ne pouvait pas partir comme ça, sans que personne n'aie de nouvelles officielles. C'était irréaliste. Et c'était pour cela que Kaela voulait creuser davantage.

Bad écoutait attentivement les propos de son amie. Il avait les yeux baissés et fixait ses cuisses nues. Il avait la chair de poule. Tout en analysant chacune des phrases de Kaela, il déplia son pantalon encore en boule sur ses cuisses. Toujours assis, il gesticula sur place pour réussir à l'enfiler. Des gestes mécaniques alors que l’intégralité de son esprit était dédié à écouter la jeune fille. Le Serdaigle triait les propos de Kaela. D’un côté, il regroupait les sourires et les excuses sur les maladresses dont elle faisait parfois preuve en s'exprimant. D’un autre, s’accumulait les éléments qui avaient fondé le point de vue de la Serpentard sur le décès de Kenneth. Bad se rendit compte qu’il avait des choses à se reprocher sur les deux tableaux.

Il avait été imperméable aux réflexions de son amie l’accusant même d’avoir détruit ses efforts. Elle n’était coupable que de franchise et l’en blâmer serait un aveu de faiblesse. Faible, pourtant, Bad savait qu’il l’était. D’autant plus, en ce moment. Il était incapable de protéger qui que ce soit. Pas même mon propre corps, se blâma-t-il en examinant les griffures sur son bras. Ses efforts avaient toujours été insuffisants. Il avait d’abord laisser partir son frère et maintenant il venait de perdre son père. Qui serait le prochain ?

S’il voulait être capable d'aider les autres, il devait devenir plus fort. Le garçon savait que la confiance se méritait et qu’on ne gagnait le respect et l’estime que par les actes. Bad eut l’impression qu’une boule de chaleur remontait de son ventre vers son cou. Comme si son corps voulait lui dire qu’il était prêt à le suivre dans sa quête de puissance intérieure. Il lui disait qu’il était temps qu’il change. Il allait devoir travailler dur pour tout connaître, tout maîtriser, tout savoir. Des secrets, on lui en avait cachés. Aujourd’hui, c’était terminé. Dorénavant, il mettrait tout en oeuvre pour avoir les cartes en main. C’est lui qui tirerait les rênes. Il ne devait plus vivre sa vie mais la modeler selon ses désirs.

Sa remise en question s’interrompit nette lorsque Bad entendit un mot sortir de la bouche de Kaela. Inhumain. Le Serdaigle tourna la tête vers la Serpentard alors qu’elle commençait à se ronger les ongles. Bad pouvait pratiquement voir à travers ses yeux, son cerveau en ébullition. Avait-elle raison ? Pour le garçon, il ne restait plus que deux hypothèses. Soit son monde était dépourvu d’humanité soit quelque chose clochait. Il lui suffisait d’un élément nouveau, d’un détail pour faire pencher la balance d'un côté ou de l’autre.

« Excuse-moi d’avoir été aussi froid tout à l’heure, Kaela. Je me voilais la face mais au plus profond de moi-même, je savais que quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire. J’ai beau retourner le problème dans tous les sens, je ne comprends pas. Je me sens complètement démuni face à tout ça. Et seul aussi. »

Il regretta ses dernières paroles à l’instant même où elles quittaient ses lèvres. La jeune fille était à ses côtés en ce moment. Et elle s’intéressait à lui.

« J’ai l’impression qu’on me cache des choses comme si j’étais incapable de garder un secret. »

Bad laissa filer quelques secondes, reportant son attention sur sa braguette restée ouverte. Il la referma d’un geste sec. Une question le taraudait depuis longtemps mais il hésitait à la poser. Il craignait, telle une gifle, d’être frappé de plein fouet par la vérité. S’il ne demandait pas maintenant, le ferait-il un jour ? Y avait-il dans son une entourage une personne plus franche et honnête que Kaela ? À toutes ces questions, la réponse était évidente. Bad se jeta à l’eau.

« Tu penses qu’on ne peut pas me faire confiance ? Que je suis trop faible pour que l’on puisse compter sur moi ? »

Ce qu’il ruminait intérieurement depuis des semaines, voir des mois ou des années, venait d’être explicité par des mots. Un poids se libéra instantanément de Bad. Il n’avait plus qu’à attendre. Une réponse, un verdict, une sentence, qu’importe. Il voulait simplement savoir.