L'Etude des moldus était une matière qui intriguait Enora. Elle qui n'avait jamais été en contact prolongé avec eux, se demandait en quoi les connaître était si important. Eux ne pouvait pas les connaître vraiment à cause de la loi sur le secret magique alors pourquoi les sorciers devraient-ils faire cet effort ? Elle ne doutait pas que tout ceci lui serait expliqué en troisième année mais pour l'instant, ça resterait un mystère. 

Pour attiser un peu sa curiosité, c'était en salle d'étude des moldus que l'aiglonne avait décidé de s'installer pour trouver un peu de calme et d'intimité. Le château n'était pourtant pas bien peuplé pendant l'été mais elle voulait être sûr d'être à l'abri des regards. Sinon, elle ne pourrait sûrement pas faire ce qu'elle était en train de faire. 

La jeune fille s'ennuyait et tous les moyens étaient bons pour lui procurer un peu d'adrénaline ou lui provoquer n'importe quel autre éclat d'émotion. Les livres ne lui suffisaient plus à ça et pour cause, elle avait lu tous les siens et la moitié de ceux de la bibliothèque de l'école. En attendant un colis de ses parents, elle s'était mise à relire son livre préféré. Un roman qu'une amie de sa mère lui avait conseillé et qu'elle avait immédiatement adoré. Pour pimenter un peu les choses, elle le lisait assise à la fenêtre. Son pied droit balançait dans le vide et la lumière du soleil, sans intermédiaire, éclairait les pages de son livre. Elle n'était pas complètement folle et s'en tenait aux salles du premier étage pour son petit manège. Mais Enora envisageait de passer bientôt au deuxième car elle commençait à s'habituer à la hauteur et ce n'était pas le but. 

Tap tap tap tap tap ...

Ravie de s'être débarrassée de son étrange maladie, Panthéa avait retrouvé le sourire et l'énergie du début de l'été. Résignée à ne pas se laisser abattre par les derniers évènements de sa vie, la fillette s'était constituée un agenda de ministre, et aujourd'hui, elle voulait absolument trouver la salle sur demande dont son père lui avait tant parlé.

"Si vous devez demander, jamais vous ne saurez. Et si vous savez, il vous suffit de demander."

Elle traversait les couloirs à toute vitesse, tantôt en frôlant les murs, tantôt en parcourant l'espace en effectuant des pas de danse. Seul le bruit de ses chaussures se répétait en échos sur les pierres du château. L'énigme lui donnait matière à réflexion, mais à quoi servaient les vacances sinon à prendre le temps de faire ce qu'on n'avait pas le temps d'effectuer pendant le reste de l'année ?
Et Panthéa avait beaucoup, beaucoup de temps à tuer avant le repas du soir.

Une salle, puis une autre, puis encore une autre ... Lorsque son regard fut accroché par une silhouette qui semblait assise sur le rebord d'une fenêtre.
La fillette stoppa net sa course, fit quelques pas en arrière et observa la scène :
Une de ses camarade se tenait bien là, à la frontière du vide, un livre dans les mains.
Ne réalisait-elle pas le danger dans lequel elle s'était mise !? L'horreur de la situation lui retourna l'estomac tandis qu'une forte sensation de vertige s'emparait d'elle.

"E-Enora !?", cria-t-elle à la jeune fille qu'elle avait bien reconnue pour l'avoir côtoyée pendant l'année. Elle avait beau ne pas s'adresser à tout le monde, Panthéa retenait facilement les prénoms.
"Qu'est-ce que tu fais ? Tu ... Tu risques de tomber, ne reste pas là !"

Plongée dans son livre, Enora se demandait combien de temps encore elle supporterait de le lire. Elle avait beau adorer chaque personnage, bon ou vilain, chaque rebondissement dans l'histoire, ceux qui paraisssaient évidents comme ceux qui l'avaient surprise la première fois, c'était tout juste si elle ne devinait pas le prochain mot. Quand il lui arrivait parfois de découvrir un nouveau détail ou bien de faire un rapprochement qu'elle n'avait pas déjà vu, elle était aux anges. Ces moments se faisaient malheureusement de plus en plus rare, chaque déchiffrage laissant de moins en moins de place à l'imprévu. Elle continuait à chercher pourtant. Et quand elle trouvait, elle regrettait presque de ne pas avoir laissé cette découverte à la prochaine fois où, trop ennuyée par les livres de la bibliothèques, elle en reviendrait à son préféré. 
La salle d'étude des moldus ne semblait pas lui porter chance car depuis qu'elle s'y était installée, rien ne l'avait surprise. Seule la maigre altitude lui procurait quelque exaltation. A d'autre, elle procurait de la peur. Comme à cette élève qui venait de surgir en trombe dans la pièce. Enora en eu pour son compte ! Prise la main dans le sac, elle serra par réflexe son ouvrage contre son petit coeur qui menaçait de quitter sa poitrine. Le mouvement impromptu lui fit perdre l'équilibre et si ce n'était pour un réflexe bienheureux, elle serait sans doute tombée du mauvais côté de la fenêtre. 
Au sol, l'aiglonne luttait pour reprendre ses esprits en se massant le coude endoloris. Elle était mal tombée et la voilà d'humeur encore plus rabougrie qu'auparavant. Quelle idée de la surprendre dans une situation si précaire !

- Tu aurais pu prévenir ! Tu m'as fait peur.

Elle ne savait pas encore à qui elle s'adressait, se rappelant seulement du tutoiement dont elle avait fait l'objet. Après s'être assurée qu'elle ne souffrirait pas d'un bleu, elle se redressa et dégagea son visage de la couverture de mêches rebelles. La fille qui avait fait interruption n'était autre que sa préfète. Elle soupira.

Son regard passa du visage agacé d'Enora au livre qu'elle tenait dans les mains. Panthéa pencha légèrement la tête sur la droite afin d'en lire le titre, sans succès.

"T'as pas peur du vide ?", lui demanda-t-elle en redressant le cou. Ne pas avoir le vertige équivalait à posséder un super-pouvoir aux yeux de la fillette. Pour elle, se tenir debout sur une table ou une chaise relevait déjà de la bravoure, mais se tenir assis sur le rebord d'une fenêtre placée au premier étage d'un château ? Voilà qui était téméraire, pour ne pas dire parfaitement inconscient. Il y avait des bancs plein l'école, pourquoi les élèves ne les utilisaient-ils pas ?

Elle n'osa pas s'approcher plus, la fenêtre était encore ouverte.
"Même si on n'a pas peur du vide, c'est super dangereux de se tenir là ! Rien que ... Rien que d'y penser ..." La fillette frissonna si fort que tout son corps en trembla. Son effroi était immense, mais elle luttait contre ses démons pour ne pas paraître complètement folle devant sa camarade. Ses efforts se traduisirent par un immobilisme parfait.

"Tu n'as pas pu rentrer chez toi pour les vacances ?", demanda-t-elle enfin, soucieuse de ne plus penser au vide qui se trouvait de l'autre côté du mur, ainsi que d'étancher sa curiosité piquée au vif. "Tu ne t'ennuies pas trop ?"

Voyant que Panthéa n'avait pas l'air de vouloir la réprimander, l'aiglonne se détendit un peu. Elle alla même jusqu'à se reposer sur la fenêtre dont elle venait de tomber. Une légère brise rafraichit la pièce, jouant au passage avec les pages de son livre qu'elle tenait ouvert. Elle le referma dans un "clac" sonore avant de répondre à l'interrogation de la préfète.

- Non je n'ai pas de vertige. J'ai passé le plus clair de mon temps à grimper dans les arbres avant Poudlard, ajouta-t-elle, se remémorant un instant ce temps insouciant.

Elle se tourna ensuite vers sa camarade et l'observa plus attentivement. Si Enora s'était relaxée, elle semblait aussi tendue que lorsqu'elle avait débarqué dans la pièce, inquiète. Elle avait même l'air d'avoir des frissons. Pour que la petite brune les remarque depuis l'autre bout de la pièce, il devait plus ressembler à des tremblements ! Sans doute elle souffrait de cette peur du vide. Pour ne pas lui causer plus de soucis, elle se décolla du rebord pour aussitôt se servir du mur voisin comme support.

- Toi si ? demanda-t-elle à son tour.

Panthéa changea brusquement de sujet, sans doute pour se distraire. Mais le point qu'elle choisit de discuter était justement ce qu'Enora cherchait désespérément à oublier : son séjour forcé à Poudlard. Son visage se rembrunit, oubliée la curiosité de pouvoir parler à une autre âme.

- Malheureusement, et oui pour répondre à ta seconde question. C'est bien pour cela que je lis, ajouta-t-elle en secouant son livre.

Enora s'en voulut aussitôt d'avoir été aussi brusque. Elle ne savait pas pourquoi mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Son bras la lançait et elle n'en devenait que plus irritée.

La fillette hocha vigoureusement la tête lorsqu'Enora lui demanda si elle avait peur du vide : "Je ne sais pas comment tu fais ... grimper dans un arbre !", dit-elle en ouvrant grand les yeux pour donner à sa phrase plus d'importance. "D'ailleurs je déteste les cours de vol pour cette raison. Traverser les airs sur un balai, non merci !"

Sa camarade semblait nerveuse en abordant l'ennui de rester dans le château pendant les vacances. Ou peut-être était-ce la déception de n'avoir pu rentrer chez elle et de revoir sa famille qui la mettait en colère. Peu importait, le sujet semblait sensible et Panthéa n'avait pas envie de lui causer du chagrin ou de l'énervement. Son bras semblait pris de légers spasmes, et la fillette ne voulait pas se prendre un coup par inadvertance, même si le dernier poing qu'elle avait pris en pleine figure avait marqué le début d'une forte amitié.

"Ouai c'est ... C'est mort ici, sans les autres ..."
Elle repensa à Azaël qui lui manquait beaucoup. Elle n'avait cessé de repenser à leurs dernières conversations : même en ayant abordé des thèmes graves, elle aurait tout donné pour les revivre en boucle plutôt que de devoir supporter la solitude de cet été interminable.
Elle se rappela soudain de la quête qu'elle s'était donnée ce jour-là, en se levant : trouver la salle sur demande et honorer la mémoire de son père.

"Dis", lança-t-elle à l'acrobate qui se tenait maintenant contre le mur, bien plus en sécurité qu'auparavant, "T'as entendu parler de la salle sur demande, toi ? Je sais qu'il y a une espèce d'énigme qui permet de la trouver, mais bon ... Je crois que j'ai vraiment fait tout le château, et je ne l'ai pas trouvée."
Elle aurait été bête de ne pas tenter sa chance. Après tout, Enora en savait peut-être plus qu'elle à ce sujet, ou du moins, peut-être possédait-elle des informations que Panthéa n'avait pas.

Enora sourit tristement à sa camarade. C'était bien dommage que les cours de vol soient obligatoires dans son cas. Le vertige était une phobie avérée après tout, et même une maladie s'il s'agissait en fait d'acrophobie non diagnostiquée. L'aiglonne en savait quelque chose, sa mère était une autre de ses sorcières, traumatisées par les balais. 
Panthéa continua à parler mais la petite brune ne l'écoutait plus que d'une oreille distraite. Elle voulait seulement retourner à ses affaires lorsqu'une phrase l'interpella suffisament pour qu'elle revienne à la conversation présente. La salle sur demande ? Elle en avait très brièvement entendu parler en effet. Encore plus brièvement l'avait-elle vue mentionnée dans un livre. Et pourtant, depuis qu'elle était là, elle en avait lu des tonnes et des tonnes !

- Mon père soutient que ce n'est qu'une légende mais je l'ai croisée une ou deux fois dans des livres sur l'histoire de Poudlard. Je crois que c'est simplement qu'il ne l'a jamais trouvée. C'était sous un autre nom par contre ...

Nom qui lui échappait complètement à présent. Elle posa son livre sur le rebord de la fenêtre à sa gauche et se mit à faire les cent pas dans la pièce, comme si ça allait l'aider à retrouver cette idée qui lui échappait. Si quelqu'un d'autre était entré dans la salle d'étude des moldus pendant son manège, nul doute qu'il l'aurait prise pour une folle. Elle tournait en rond, murmurant inaudiblement des mots aléatoires, espérant qu'un enchainement de son lui apparaisse familier. 

- La pièce va et vient ! s'écria-t-elle au bout de quelques instants, fière d'avoir pu retrouver le bon terme. 

Touchée !
Panthéa souriait à présent, pleinement satisfaite d'avoir accroché l'attention de sa camarade, juste assez en tout cas pour qu'elle abandonne définitivement la fenêtre et se mette à faire les cent pas dans la salle de cours. La fillette attendit sagement, les bras croisés dans son dos, qu'Enora retrouve le nom qu'elle avait vu mentionné dans ses lectures, espérant grandement que son rituel soit efficace.

Lorsqu'elle s'exclama, Panthéa se mit à applaudir joyeusement.

"La salle va-et-vient ?", demanda-t-elle alors, un sourcil légèrement arqué. "C'est vraiment un nom, ça ?" Poudlard avait le don pour nommer les lieux et les objets en se fichant complètement du qu'en-dira-t-on, visiblement. Elle ignorait le responsable du second nom de la salle sur demande, mais espérait qu'il ait obtenu l'aide nécessaire dans sa vie.

"Pourquoi "va-et-vient" ? Elle peut pas aller et venir en se baladant dans les murs quand même. Je veux bien qu'elle soit magique, mais je pensais qu'elle ... qu'elle apparaissait. Tout simplement." Sa quête pour trouver la fameuse salle venait de se complexifier. Si la salle n'apparaissait pas vraiment, comme pour un sort de métamorphose par exemple, mais qu'elle choisissait d'elle-même où elle allait s'installer dans le château, comment allaient-elles faire pour la trouver ?

"C'est bizarre quand même, enfin ... Mon père il m'a dit que si on répondait à une énigme, on pouvait la trouver", ajouta-t-elle alors, toujours aussi perplexe. "Un peu comme pour rentrer dans notre salle commune. La phrase c'est "Si vous devez demander, jamais vous ne saurez. Et si vous savez, il vous suffit de demander.""

Elle se tut complètement et attendit les réflexions de sa camarade qui semblait en savoir plus qu'elle sur la question.

Enora rit doucement. C'est vrai que le nom était un peu ... simplet. Mais bon, beaucoup d'appellations populaires dans l'école de magie britannique était ainsi : la dame grise et compagnie. 
Panthéa fit plusieurs conjectures à partir de cette information nouvelle pour elle. Comme cela n'avait jamais semblé être d'une importance quelconque, l'aiglonne n'avait pas particulièrement retenu ce qui se disait dans son livre à ce sujet, ni même son titre d'ailleurs,  mais elle craignait que la blonde ne fasse erreur. Elle pinça les lèvres, attendant patiemment qu'elle finisse. D'abord, lui couper la parole lui serait impoli et malgré sa pauvre humeur et le fait que sa préfète avait manqué de la tuer en faisant irruption dans la salle, Enora savait faire preuve de politesse. Ensuite, il était toujours délicat de dire à quelqu'un qu'on pensait qu'ils avaient tort. Surtout quand on en avait pas la preuve à disposition. La suite serait donc à prendre avec des pincettes. 

- Je ne crois pas que ce soit pour ça. De ce dont je me souviens, son emplacement ne varie pas vraiment mais l'accès n'apparait pas toujours non plus. 

Enora réfléchit davantage. Elle n'avait jamais vu mention d'une énigme mais si le père de sa camarade aiglonne avait déjà été dans cette pièce alors sans doute avait-il raison. 

- Je ne me rappelle pas non plus d'une énigme mais si ton père y a déjà été alors peut-être sait-il mieux que l'auteur du livre que j'ai lu. Resterait à savoir qui la pose pourtant ... réfléchit-elle à voix haute. 

Elle qui cherchait à se changer les idées, la voilà sur la piste d'une quête mystérieuse grâce l'entrée innatendue de Panthéa.