Le Silence de l'Autre te fit soudainement prendre conscience d'une chose.
Tu n'en pouvais plus.
Tu ne pouvais plus rester ici, plantée là, avec cette fille qui avait vécu la même chose que toi et qui te renvoyait en pleine face tous tes souvenirs douloureux. Maman qui sourit ; Maman qui rigole ; Maman qui murmure ; Maman qui te parle ; Maman qui t'embrasse ; Maman qui t'enlace ; Maman.
Maman qui meurt, du sang écarlate sur tout le corps.
*Arrête !*
Oui, arrête d'y penser ; cesse de te torturer.

Mais la simple présence de cette Autre, cette Gryffondor, te dérange. Te trouble, t'étouffe. Tu étouffes du manque ; du manque que te procure la mort de Maman.
Tu la hais.
Tu hais cette fille.
Cette fille qui connait ta douleur et qui ne fait que te la rappeler encore plus.
Tu la hais.
Tu hais ta mère.
Celle qui t'a abandonné alors que tu avais tant besoin d'elle.

Tu n'en peux plus.
Tes mains s'enfoncent dans tes poches qui te servent en cet instant de moufles, te protégeant du froid et de tous tes problèmes. Tu te balances lentement, d'un pied à l'autre.
Et puis tu craques.
Les larmes ont séché sur tes joues ; seules subsistent les traces sales qu'elles ont laissés sur tes joues. *J'veux m'barrer* Oui, tu veux que cette fille te foute la paix avec sa présence qui te fait mal.
Alors tu t'en vas.
Tu ne lui jette plus un seul regard, mais tu pars en courant, l'eau éclaboussant tes jambes quand tu marchas dans des flaques pleines de mousse.
Tu t'en vas ; tu coures.
Tu en as marre de fuir ; marre de te cacher derrière un chapeau pour ne pas fixer la vérité en face. Marre de revêtir un costume d'enfant heureuse pour cacher que tu allais exploser.
Tu en avais marre mais pourtant tu le faisais.
Et tu fuyais.
Loin.
Loin des toilettes abandonnées ; loin du malheur.