Les vacances de Noël étaient passées avec une célérité inégalée. Il avait été fou de joie de retrouver sa sœurette pendant ces deux semaines. Elle avait beau être physiquement et mentalement handicapée, elle n'en restait pas moins toujours souriante et de bonne compagnie. Il y avait entre eux une complicité profonde. Elle lui manquait encore plus que ses parents quand il était à Poudlard. C'était devenu une évidence depuis le départ de la veille. Il ne cessait de penser à elle, parce qu'il savait qu'elle avait besoin de lui. Sa maman avait beau travailler depuis la maison, elle était malgré tout fort occupée avec son commerce, le soir y comprit. Et son père, n'en parlons pas, il est souvent sollicité un peu partout en Angleterre pour son métier.

De ce fait, la tristesse avait pris ses aises dans le cœur du jeune garçon. Les cours de la journée l'avaient peu intéressé. Sa déprime post-vacances avait pris le pas sur le reste. Même son appétit s'en ressentait. Et il n'avait pas envie de se retrouver avec ses camarades. Ce soir, il préférait s'isoler et ruminer son spleen dans son coin. Mais où? La nuit était déjà tombée donc il valait mieux éviter le parc. La salle des trophées peut-être? Il s'y rendit le pas pesant. C'était raté pour la quiétude car quelques élèves qui admiraient les coupes des temps passés.

En redescendant vers le Terrier, déçu, il passa devant une porte dans un état assez délabré. Elle ne semblait pas fermée. Sa curiosité, toujours en éveil, le poussa à voir ce qui s'y trouvait derrière. On aurait dit des toilettes abandonnées. Quel calme! L'endroit par-fait. Il se rendit jusqu'au fond de la pièce et se laissa glisser dos au mur jusqu'au sol. Il replia ses jambes qu'il entoura de ses bras et déposa une joue sur sur ses genoux, le regard dans le vide. Ici, au moins, il ne devait pas se cacher et pouvait laisser libre court à sa tristesse.

Ce soir-là, Adulith avait décidé de ne pas se rendre à la salle commune comme à son habitude. Elle préféra errer dans les couloirs du château, perdue dans ses pensées, essayant d'imaginer les générations d'élèves qui s'étaient succédées entre ces murs. Elle appréciait de temps en temps ces moments de calme où elle pouvait se promener seule, parfois elle découvrait une nouvelle facette de Poudlard qu'elle ne connaissait pas. Une fois elle s'était retrouvée dans une pièce remplie de miroirs de toutes les formes et de toutes les tailles. Elle y était restée quelques temps, s'amusant de se voir réfléchie à l'infini. Lorsqu'elle avait voulu y retourner quelques jours plus tard, la pièce était introuvable. Mais elle n'en fut pas déçue, au contraire, cela faisait partie de la magie du château.

Alors que ses pas la dirigeaient dans le couloir du deuxième étage, elle aperçut une silhouette devant elle, il lui sembla reconnaître Ethan. Elle voulut s'approcher pour lui parler mais il ne la vit pas et se faufila dans les toilettes abandonnées. Adulith connaissait ce lieu, elle était déjà allée l'explorer bien entendu. Elle se demanda ce que pouvait y faire Ethan, peut-être avait-il entendu parler d'un passage secret qui partait des toilettes, ou d'un trésor caché dans un lavabo ? Ces pensées éveillèrent sa curiosité, elle songea que s'il trouvait un passage secret elle pourrait l'accompagner dans son exploration. Sans se demander s'il était poli ou non de suivre un de ses camarades, elle lui emboîta le pas, et ouvrit à son tour la porte des toilettes.

Elle entra doucement dans la pièce, elle était assez sombre et une légère odeur d'humidité et de renfermé y régnait. Elle repoussa la porte derrière elle la laissant entrebâillée, de sorte qu'un peu de clarté pénétrait dans la pièce. Elle plissa les yeux. Tout d'abord elle ne vit rien, ni personne. Peut-être qu'il avait réellement trouvé un passage secret et qu'il était déjà parti l'explorer… Elle avança encore, ses yeux commencèrent à s'habituer à l'obscurité et, arrivée au centre de la pièce elle aperçut une ombre au sol, au fond. Elle s'approcha pour y découvrir Ethan.
Il était assis contre le mur, ses bras enserrant ses jambes repliées. Elle ne voyait pas trop l'expression de son visage mais il n'y avait pas de doute sur le fait qu'il n'avait pas l'air très joyeux. Adulith hésita un instant, elle n'avait pas pensé à ce cas de figure en le suivant et se trouvait un peu gênée de l'avoir dérangé. Elle hésitait entre faire demi-tour (après tout, peut-être qu'il ne l'avait pas entendue entrer) ou parler, mais elle ne savait pas par quoi commencer. Si quelqu'un s'enferme dans des toilettes abandonnées c'est souvent qu'il préfère être seul. D'un autre côté elle ne pouvait se résoudre à le laisser là.
Elle approcha doucement et s'assit à côté de lui en silence, contre le mur. Elle resta là quelques secondes, puis posa une main sur son bras : "Ethan ? Qu'est-ce qui t'arrive ?" elle eut un peu peur d'être indiscrète, elle retira sa main et ajouta d'un ton hésitant "Si tu veux parler je suis là… On peut aussi rester silencieux si tu préfères…" elle se tut, elle ne voulait pas l'embêter et qu'il se sente obligé de parler, elle comprenait le besoin de s'isoler, cela lui arrivait souvent. Elle attendit donc patiemment qu'il lui réponde, en se disant qu'au moins il n'était plus tout seul avec ses idées noires.

Les yeux d'Ethan s'acclimataient à la pénombre de la pièce, la compagnonne idéale pour son humeur morose. Mais cela ne dura pas car quelqu'un ouvrait déjà la porte. Et zut! Est-ce donc impossible de trouver un endroit calme dans ce château? Il se figea, en espérant de toute ses forces qu'il ne soit pas repéré et que la personne fasse tout de suite de demi-tour. A son grand dam, l'intrus entra dans la pièce et, comble de malheur, se dirigeait droit vers lui. Il avait envie de lui hurler de déguerpir. Mais il se retint car cette personne ne pouvait pas savoir qu'il était dans cet état.

Ce qu'il ne comprit pas, c'est pourquoi le nouveau venu s'installait à côté de lui. Il ne voulait pas de compagnie et il ne l'avait certainement pas invité. Il détourna son visage en fermant les yeux, voulant éviter tout contact. Il préférait s'enfermer dans son monde que de faire partie de celui qui l'entourait. Il était à deux doigts de se lever pour trouver un autre endroit quand une main se posa sur son bras. Il ne voulait pas le reconnaître, mais ce contact humain lui fit du bien et il ne bougea pas. Une jeune voix féminine, qui savait qui il était, lui demandait ce qui lui arrivait. Il reconnaissait également cette voix mais il n'arrivait plus à l'associer à un visage. Ce n'était donc probablement pas une camarade de chez Poufsouffle. Peu lui importait, après tout. D'ailleurs il acquiesça vigoureusement mentalement quand elle lui proposa ensuite de rester silencieux.

Le silence se fit à nouveau. Quel plaisir. Seules leurs deux respirations étaient audible dans la pièce. Si seulement la porte avait pu être fermée, que ce rai de lumière arrête de le harceler. Son esprit avait désormais du mal à fureter et à broyer du noir. La faute à la présence à côté de lui le distrayait! Il ne savait pas comment lui dire sans mot et sans bouger qu'elle n'était pas la bienvenue, qu'il fallait qu'elle s'en aille. Avec les secondes qui passaient, ce silence devenait de plus en plus pesant. Il n'avait pas pour habitude d'être désagréable ou impoli avec les personnes qui l'entouraient. Surtout que cette fille semblait avoir de bonnes intentions. Mais il n'avait pas envie de se tourner vers elle pour lui parler. Le contact oculaire, le contact tout court, il n'en voulait pas. Il avait peur de paraître ... quoi au juste? Triste? En position de faiblesse? Dépité? De fondre en larme s'il croisait un autre regard?

- T'es qui? s'entendit-il dire finalement d'une petite voie sourde. Mais qu'est ce qui lui prenait? Était-il donc si faible qu'il ne savait pas rester en silence à côté d'une personne non-identifiée? Il se mordit la lèvre, pestant sur lui-même.

Ethan ne répondit pas tout de suite, il avait tourné la tête à son arrivée et n'avait pas bougé lorsqu'elle lui avait adressé la parole. Le silence les enveloppait. Ce n'était pas sans déplaire à Adulith qui appréciait ces moments de pause ; le silence et l'obscurité pouvaient avoir un côté rassurant et protecteur. Elle essayait de ne pas penser trop fort pour ne pas déranger son camarade et fixait les ombres devant eux. Elle se demandait comme elle pourrait remonter le moral à Ethan, elle n'était pas sûre de la marche à suivre dans ces cas-là. Elle aurait voulu demander conseil à sa mère ou à Alvy, elles, elles savaient toujours trouver les mots qu'il faut en cas de chagrin ou d'accès de nostalgie. Sa mère parvenait à la réconforter simplement en lui parlant, et Alvy finissait toujours par la faire rire ou lui donner l'impression que rien n'avait d'importance, elle prenait tout à la légère, parfois trop même. Mais Adulith n'était ni Alvy, ni sa mère, il fallait donc qu'elle trouve quoi faire par elle-même. Déjà elle savait qu'Alvy n'aurait jamais supporté ce silence, elle l'aurait brisé tout de suite. Pas Adulith, pour elle le silence est important, il permet de prendre le temps, d'écouter les autres, de s'écouter soi-même. Elle s'était aperçu en grandissant que la plupart des gens ne peuvent rester sans bruit plus de quelques minutes, il leur faut toujours combler un vide qu'ils trouvent angoissant, soit par des paroles, soit par de la musique, comme s'ils avaient peur de penser et de ce que ces pensées pourraient leur dire.

Ce fut Ethan qui brisa le silence et par là ses réflexions lorsqu'il lui demanda qui elle était. Adulith resta un instant surprise, elle n'avait pas pensé qu'il ne l'aurait peut-être pas reconnue dans le noir, heureusement que l'obscurité et l'état du garçon lui servaient d'excuse, sinon elle aurait pu être un peu vexée qu'il ne la reconnaisse pas. Elle ne savait pas trop quoi répondre, son ton ne lui parut pas très encourageant et lui fit regretter d'être venue, elle était énervée contre elle-même de n'avoir pas su agir autrement. Elle bredouilla un peu trop rapidement "Adulith. On s'est croisés plusieurs fois… Tu m'as aidé à voler… Je suis désolée, je t'ai vu entrer... j'aurais pas dû te suivre. Tu veux être tout seul, je comprends moi non plus j'aime pas qu'on me dérange quand je suis seule… Désolée. Je te laisse." C'était les paroles les plus longues qui avaient percé le silence depuis qu'elle était entrée, et elles lui firent l'effet d'une intrusion dans le calme de la pièce. Elle commença à se lever pour partir, mais ne put s'empêcher d'ajouter avec un sourire hésitant qu'il ne devait pas voir dans l'ombre "J'aime bien être seule aussi quand ça va pas, mais parfois être seuls à deux ça peut aider".

La voix qu'il n'avait pas reconnue appartenait à Adulith. Mais oui, bien sûr, comment n'avait pas réussi à la reconnaître? Il faut dire que la voie de la jeune fille n'était pas très assurée quand ils avaient passés du temps ensemble en cours de vol alors qu'ici, elle était plutôt douce. Bon, l'excuse était piètre, il fallait bien se l'avouer. Et pourquoi elle l'avait suivi, d'abord? Est-ce qu'elle suivait souvent les gens comme ça? Est-ce qu'elle le suivait souvent, lui?! Il s'emballait tout seul à cause de son humeur, il le savait pertinemment bien, et se calma. Après tout la jeune fille était totalement innocente dans la cause de son état morose. De plus elle lui parlait gentiment, et proposa de s'en aller! Voilà, problème réglé, bon débarras. Fin de l'histoire. Bon vent, va suivre quelqu'un d'autre.

Toujours renfrogné et la tête tournée du côté opposé à la Serdaigle, Ethan eut un sourire mauvais à l'idée qu'il la poussait vers la sortie avec une énorme main magique. Il pourrait à nouveau broyer du noir tout seul, à son aise, sans qu'on vienne le distraire. Il se rendit compte de la puérilité de son raisonnement. La distraction que lui offrait la jeune fille lui faisait déjà du bien. Quand elle proposa de quand même rester et d'être seuls à deux, l'idée lui plut bien, finalement. Il daigna enfin relever la tête et regarder dans la direction de la tache sombre que représentait sa camarade.

- Tu peux rester si tu veux, dit-il d'une voie un peu raide. Mais je risque de ne pas être de bonne compagnie aujourd'hui.

Il préférait prévenir. Pas qu'il avait l'intention d'être désagréable avec la jeune fille, mais il n'avait pas le cœur à la fête, c'était le moins que l'on puisse dire.

Ethan n'avait pas tourné la tête pendant qu'elle parlait et elle se dit qu'il devait être content qu'elle s'en aille. Il devait se demander ce qu'elle faisait là, et l'idée lui vint qu'il risquait de croire qu'elle avait l'habitude de suivre les gens. Seulement ce n'était pas le moment de lui expliquer qu'elle pensait qu'il partait explorer un passage secret, il allait la trouver bizarre (si ce n'était pas déjà le cas). Il finit cependant par lever la tête dans sa direction, son visage était sombre. Il lui proposa de rester, même si à son ton elle n'était pas certaine qu'il le voulait vraiment. Elle reprit donc sa place à côté de lui sur le sol et lui répondit en souriant "Je vais prendre le risque. Et si tu es vraiment de mauvaise compagnie, alors je partirai".

Elle s'appuya contre le mur, les jambes croisées, elle essayait d'être immobile pour se faire discrète. Elle sentait sous ses doigts le sol poussiéreux et froid, ce qui lui rappela la fois où Alvy et elle avait découvert une maison abandonnées lors de vacances passées ensemble. Elles y avaient passé des journées entières, à jouer par terre : à l'époque, elles n'auraient pu imaginer un endroit plus magique que ces murs délabrés, ces pierres qui s'effritaient. En y repensant, elle se dit que ce devait être dangereux de jouer là-bas, mais à leur âge le danger ne les avait pas effleurées tant elles étaient prises par les histoires qu'elles s'inventaient. Elle se demanda si Ethan avait connu ce genre d'endroit, ce genre de jeu, s'il avait aussi un ami d'enfance. Elle tourna la tête et le regarda à la dérobée, elle avait le sentiment que c'était à lui de prendre la parole s'il le souhaitait, elle attendrait donc. Elle avait le temps. Elle se perdit dans la contemplation des grains de poussière qui voletait lentement dans la fine lumière arrivant de l'extérieur, et laissa se dérouler le fil de ses pensées.

Sa camarade décida de rester et vint se rasseoir à côté de lui. Elle ne bougea plus. A part sa respiration discrète, c'est à peine s'il pouvait se rendre compte qu'elle était là. Il remarqua d'ailleurs que sa respiration à lui était beaucoup hachée et plus forte. Il essaya de se détendre pour la normaliser autant que possible. Pour s'aider, il décida de quitter sa position toute recroquevillée en lâchant ses jambes et en les étendant devant lui. Il imita Adulith en s'adossant au mur. Il laissa enfin échapper une longue expiration, comme si il expurgeait de lui une partie de sa mauvaise humeur.

La seule personne avec qui il avait déjà passé du temps sans dire un mot, c'était sa sœur. Il ne voyait pas l'intérêt d'être en compagnie de quelqu'un sans échanger avec lui. Jusqu'à aujourd'hui. Ce moment n'était pas infernal, contrairement à ce qu'il pensait au début. La présence de la jeune fille, qu'il connaissant pourtant à peine, avait quelque chose de réconfortant.

Les minutes s’égrainèrent une à une. Ethan se sentait de plus en plus à l'aise face à ce silence. Son désarroi était toujours bien là mais il était moins vif, moins tranchant. Quand il brisa finalement le silence, c'était sur un ton assez calme, bien qu'on pouvait deviner que la tristesse ne rôdait pas loin.

- Est-ce que tu manques à quelqu'un en étant ici, toi? J'veux dire, au point que cette personne doit en vivre différemment.

Le silence était agréable mais il avait maintenant besoin de parler. Jusqu'à quel point, il n'en savait encore rien. Cela dépendait aussi de la réceptivité de la jeune fille. On ne pouvait pas dire qu'il méritait une oreille attentive avec l'accueil qu'il lui avait réservé jusqu'à maintenant. S'il avait fait preuve de patience avec elle lors du cours de vol, on pouvait en dire autant sur elle en ce moment.

Adulith ne répondit pas tout de suite. Même si elle était perdue dans ses pensées, elle était consciente de la présence du garçon à côté d'elle, elle sentait qu'il était plus calme depuis quelques minutes. Quand il parla, elle mit un instant à réaliser que le son n'était plus celui de ses pensées. Elle prit le temps de réfléchir un instant, elle pensait justement à Alvy.
La question d'Ethan lui faisait penser à sa meilleure amie. S'il y avait bien une personne qu'elle laissait derrière elle en venant à Poudlard, c'était elle. Le seule personne qui lui manquait vraiment. Elles passaient tout leur temps ensemble avant, elles étaient très différentes mais justement, ainsi elles se complétaient. Depuis qu'elles étaient séparées, elles avaient dû apprendre à vivre l'une sans l'autre. C'était compliqué pour Alvy, qui devait vivre seule sa situation de Cracmolle. Et pour Adulith qui devait découvrir qui elle était sans son amie. Elles devaient apprendre à être deux personnes indépendantes alors qu'elles avaient toujours formé un duo. De plus, elle n'avait jamais réussi à effacer le sentiment d'avoir abandonné Alvy en venant à Poudlard, même si ce n'était pas de sa faute, et elle sentait parfois un certain ressentiment, jamais exprimé, chez son amie.
Elle n'était pas certaine qu'Ethan songeât à la même chose, il avait l'air vraiment touché par ce sujet, il devait forcément penser à quelqu'un qui lui était très proche. Elle aurait aimé lui parler d'Alvy mais elle se dit que ce n'était pas le moment, il est des moments où l'on parle et des moments où l'on écoute. Elle répondit donc de manière plutôt évasive pour que ses propres soucis n'empiètent pas sur ceux de son camarade : "Peut-être un peu… Ma meilleure amie. On était tout le temps ensemble, mais maintenant on doit apprendre à vivre l'une sans l'autre je suppose. Et toi, à qui manques-tu ?". Elle savait que s'il posait la question c'est qu'il songeait à sa propre situation, elle s'était tourné vers lui dans la pénombre, essayant de déchiffrer son expression, elle avait du mal à le voir, mais elle se dit qu'elle devait avoir un air peu triste, comme sa voix. Elle aurait voulu dire ou faire quelque chose pour le consoler, mais ne sachant pas quoi, elle resta immobile, lui laissant le temps de répondre.

Si Adulith était séparée de sa meilleure amie et devait apprendre à vivre sans elle, c'est que c'était une moldue. Dans ce cas de figure, c'était un au revoir qui était presque synonyme d'adieu car les deux filles allaient grandir et s'épanouir dans des mondes différents. Cela devait être dur à accepter pour sa camarade. Il la plaignit sincèrement pour avoir vécu une situation très similaire. Il avait également dû laisser sa bande de copains moldus derrière lui. Ils étaient soudés depuis tant d'années que leur expliquer qu'il partait en pensionnat avait été un véritable petit drame pour tous.

- C'est dommage pour ton amie et toi. J'espère que tu te feras de nouvelles amies ici aussi.

Mais son chagrin du jour prenait racine dans des sentiments plus profonds que l'amitié. Il n'était pas sûr qu'on puisse le comprendre. Mais cela n'avait finalement que peu d'importance. Se confier lui ferait probablement le plus grand bien. Il laisse s'écouler quelques secondes afin de rassembler son courage.

- C'est ma soeurette que j'ai laissé derrière moi. Elle est en retard mentalement. Elle va bientôt avoir neuf ans mais c'est comme si elle en avait cinq. Et ses jambes ne fonctionnent pas. Elle doit se déplacer en chaise roulante.

Voilà, le décor était planté. Il fit une pause et ravala un sanglot avant de continuer.

- Mais mes parents, même s'ils sont super gentils, ils n'ont pas assez de temps de s'occuper d'elle comme il faudrait. Et même quand ils en ont, ils semblent comme paralysés, comme apathique quand ils ont l'occasion de vraiment passer du bon temps avec elle. J'veux dire, plus que sur la durée d'un repas par exemple. J'ai peur qu'elle se sente tout le temps seule. Elle m'a dit à Noël qu'elle était super contente que je sois revenu à la maison et elle m'a supplié de lui promettre de ne plus jamais partir.

Une nouvelle pause. Sa respiration était de nouveau saccadée. Il ne savait pas très bien à quel moment s'arrêter. Il ne voulait pas paraître ridicule. Il ne comprenait pas non plus pourquoi il était tant touché. Mais la berge avait lâché, et le flot de ses paroles ne s'arrêteraient qu'une fois les réserves vides.

- Je me sens responsable de ma soeur, tu comprends? J'étais le seul à réellement m'occuper d'elle en dehors des choses obligatoires comme la nourriture ou l'habillement, le seul à lui apporter de la couleur dans sa vie. Parce que tu te doutes qu'elle n'a pas d'amie. Elle ne va même pas à l'école. Et maintenant, je l'abandonne.

Encore une pause. Il hésite à exprimer le fond de sa pensée. Il allait se lancer mais il fut pris d'un sanglot, et le moment passa. Il préféra garder le silence.

Adulith écoutait Ethan en silence, lui laissant le temps de dérouler son histoire. Elle essaya d'imaginer ce qu'il pouvait ressentir, elle-même était fille unique, elle avait donc du mal à se figurer ce que cela faisait d'avoir une petite sœur. Elle supposait que le lien qui unissait un frère et une sœur devait être très fort, et elle comprenait qu'Ethan se sente responsable en tant que grand frère. Elle se dit que c'était une grande responsabilité qui pesait sur ses épaules, surtout à son âge. Adulith éprouvait de la compassion face au chagrin d'Ethan, surtout lorsqu'il lui expliqua qu'il culpabilisait de laisser sa sœur. Elle avait déjà fait l'expérience de la gentillesse et de la patience du jeune garçon quand ils s'étaient rencontrés en cours de vol, et elle comprenait qu'il devait être difficile pour lui de se sentir impuissant loin de sa sœur. Elle se sentit touchée qu'il lui raconte ce qu'il ressentait, ce ne devait pas être facile pour lui. Il avait d'ailleurs eut du mal à commencer à parler, mais il continua ensuite comme si la parole le libérait d'un poids.
Quand il se tut, elle attendit un instant, pour être sûre de ne pas le couper, puis reposa une main sur son bras pour essayer de le consoler, même si le geste était un peu maladroit. Elle chercha ses mots puis prit la parole doucement "Je sais que ce que je pense ne change pas grand chose, mais je suis désolée que tu aies à vivre tout ça. Je suis sûre que tu es un frère fantastique, et que ta sœur sait que tu es là pour elle. Je sais que c'est facile à dire, mais tu ne dois pas culpabiliser, tu fais de ton mieux, et il faut que tu vives ta vie aussi… Ca ne veut pas dire que tu l'abandonnes…" elle sourit et ajouta "Et puis, dis-toi que quand tu seras un grand sorcier tu pourras l'aider encore plus, si tu veux on pourra chercher des enchantements que tu lui montreras à ton retour pour l'amuser ! Comment elle s'appelle ?" Elle le regardait, la tête légèrement penchée sur le côté, comme pour mieux décrypter ce qui se passait dans son esprit, elle faisait de son mieux pour remonter le moral de son camarade, même si elle savait que le chagrin ne disparaît jamais comme par magie.