Je tapote la table de bois de la salle commune de gryffondor, le menton posé sur mes mains, complètement avachie sur ma chaise et soufflant longuement. Je m'ennuie. J'ai pas envie de lire, pas envie d'aller à la bibliothèque, pas envie de faire mes devoirs. J'ai envie de bouger, de courir. Mais il pleut. Foutu temps, si même la météo s'y met... Je pourrais courir dans les couloirs, mais sans but précis je passerai pour une cinglée, déjà que mes camarades doivent me trouver bizarre... Et puis même si je trouve un couloir tranquille sans personne, il y a toujours un de ces foutu tableau pour me dire de me calmer, ou pour demander ce que c'est que tout ce chahut. Moi je leur réponds en leur tirant la langue. Ils sont bien moins pénibles les tableaux de ma maison. Et puis ce ne sont pas vraiment des personnes, alors papa et maman ne diraient pas que je suis impolie. Mais rester là à ne rien faire n'arrange pas mon cas. En plus y a deux pipelettes sur le canapé, ça m'énerve. J'avais fait des efforts pourtant, je me faisais des copines peu à peu, mais j'appréciais encore mes moments de solitudes. Ma salle de jeu me manquait, ainsi que mon balai miniature. Au moins je ne m'ennuyais jamais avec ça. Je pouvais me défouler, courir ou voler, tombant parfois, mais c'était pas bien grave. Et dans ce château où j'avais mille fois plus d'espace, je trouvais le moyen de m'ennuyer, parce qu'il y avait toujours des grands pour faire des réflexions ou se moquer. Pas que ça me gène en réalité, mais ils m'interrompaient et m'embêter, impossible de reprendre mes quêtes imaginaires avec ça.

Tiens d'ailleurs ça pourrait être une quête, d'explorer le château. Ça serait plus discret que quand je m'entraîne à terrasser des trolls. Et puis ça m'occuperait, parce que là, je vais finir par m'endormir au beau milieu de la journée... Animée par cette idée, je remonte au dortoir chercher ma cape, vu le temps extérieur, il y avait des chances pour que les larges couloirs ne soient pas d'une température des plus agréables. Papa m'en avait acheté une de bonne qualité, ni trop chaude, ni trop légère, juste ce qu'il fallait pour ce genre de journée. Ainsi vêtue, je pars dans mon exploration du château, jetant un rapide coup d'oeil aux salles du cinquième étage, aucune ne m'était accessible. Je descends alors d'un étage, mais rien de bien passionnant là non plus. Il en était de même pour le troisième étage. Le second par contre, m'intéressait déjà beaucoup plus. Il y avait tout pleins de salles, parfois ouvertes, parfois fermées, et j'espérais tomber sur l'une d'entre elle complètement vide. A la place je finis par tomber sur... des toilettes. C'était pas vraiment l'endroit rêvé... Mais après quelques secondes de réflexion, l'endroit avait l'air complètement désert et à l'abandon. Quelques flaques d'eau par-ci par-là, je crois qu'on ne prenait même plus la peine de venir nettoyer cet endroit. Bon j'étais pas certaine que quelconque endroit du château soit nettoyé par les elfes si ce n'est la Grande Salle tant poudlard était poussiéreux. Je referme donc la porte derrière moi, pénétrant dans le lieux, et vérifiant par la même occasion :

- Y a quelqu'un ?

Les temps sont parfois longs à Poudlard. Les jours se ressemblent, la routine s'installe, et toi, tu t'ennuies comme un rat mort. Il faut dire que t'es souvent tout seul, à fuir tous tes camarades trop bruyants à ton goût. Quand il fait beau, tu passes ta vie dans le parc, non loin du lac. Comme ça, tu peux courir, grimper aux arbres, discuter avec ton copain le Calamar géant - ou plutôt le nourrir en essayant de lui parler, mais il te répond jamais, le rustre ! - et lire des bouquins en profitant du soleil et du vent frais. Mais voilà, en Ecosse, et ben il fait souvent moche. Dire qu'il paraît que Londres c'est pire, t'as quand même l'impression d'y avoir vu plus souvent le soleil que par ici. Il suffit de voir la pluie battante contre les carreaux du château pour en être persuadé.

La dernière fois que tu t'ennuyais à ce point, t'as fini par fouiller la salle de Défense contre les Forces du Mal et t'as eu la malchance de tomber sur un Epouvantard. Bizarrement, t'as pas trop envie de retenter l'expérience. Mais ça ne t'empêche pas de repartir en exploration. Tu évites simplement les salles de classe. De toute manière, si vous n'avez pas le droit d'y avoir accès en dehors des heures de classe, c'est qu'il y a une raison, et tu l'as appris à tes dépends. C'est donc le plus naturellement du monde que t'as commencé à arpenter les étages du château, pour finalement atterrir au deuxième. T'as entendu dire qu'il y avait des toilettes abandonnées à cet étage. C'est pas très glamour, mais t'as bien envie de savoir à quoi ça ressemble.

Les lieux sont poussiéreux, dans un état proche de la ruine. Mais la bonne nouvelle, c'est que ça ne sent pas trop mauvais. Juste l'humidité. Autant dire que par rapport aux autres toilettes du château, ça sent la rose. Des fois tu te demandes ce que tes camarades avalent pour pourrir à ce point les toilettes. Là, si on passe outre les toilettes et les miroirs brisés, les robinets qui fuient une eau dont la couleur rappelle presque celle de la boue et les quelques moisissures, l'endroit n'est pas des plus désagréables. Au moins, il n'y a personne. Tu décides d'ouvrir tous les robinets, juste pour voir s'ils fonctionnent encore. Et tu te rends compte que la majorité ne fait que crachoter quelques gouttes d'eau marron dans un bruit désagréable.

Plutôt déçu, tu t'apprêtes à regarder si les chasses d'eau fonctionnent encore. C'est que t'as vachement envie de déclencher une inondation par ici maintenant que t'es là. Tu sais juste pas vraiment pourquoi. Sauf que c'est le moment qu'a choisi une fille pour entrer dans la pièce. Caché par la cabine dans laquelle tu es, elle n'a pas pu te voir. En revanche, lorsqu'elle demande s'il y a quelqu'un, tu finis par en sortir pour la toiser un instant, comme pour la jauger en un regard. Tu te demandes si elle risque de faire foirer ton plan ou si, au contraire, elle va t'aider à le mettre en oeuvre.

- Y'a moi. Qu'est-ce que tu fais là ?

Déception. Je peux pas m'empêcher de soupirer quand j'entends la voix d'un jeune garçon résonner entre les cabines. Il est planté là, me demandant ce que je fais ici. J'ai bien envie de lui retourner la question, mais ça ne ferait nullement avancer mon affaire. Je l'observe un instant avant de répondre. Un élève banal, si ce n'est qu'il a de beaux yeux verts. Ça lui donnerait presque un charme, s'il n'était pas si mal coiffé, pour ne pas dire pas coiffé du tout. Pourtant maman me l'avait assez dit, il faut savoir être présentable en toute circonstances. Mais enfin après tout, nous sommes dans des toilettes boueux d'un château miteux. Et quand je jouais, j'étais pas bien mieux, alors je pense que je pouvais m'abstenir d'une quelconque réflexion sur son apparence...

Bon et maintenant quelle excuse je pouvais bien lui donner à ma présence ici. Je pourrais lui dire que je me suis trompée, mais enfin si ça avait été le cas, j'aurais pas demandé si quelqu'un était là et je me serais simplement barré. Ou je pourrais lui dire que je cherche quelqu'un. Mais s'il me demandait qui je serais bien en mal de lui donner un nom... Je pense que le mieux était encore de lui dire la vérité. Au pire je n'étais plus à ça prêt, qu'un de plus ou de moins me trouve bizarre...

- Je m'ennuyais, et les jeux débiles des autres ça me soul. Je préfère jouer toute seule, du coup je cherchais une pièce tranquille, mais t'as trouvé celle-là avant moi... Toi tu fais quoi tout seul ici ?

C'est vrai quoi ! L'activité préféré des filles c'était de se raconter des ragots dans le dortoir ou la salle commune, et puis y avait ceux qui jouaient aux échecs, qui mangeaient des dragées surprises, qui s'échangeaient des cartes chocogrenouilles,... Vraiment rien de bien excitant...
Petit coup d'oeil autour de moi, je note que le lieu n'a vraiment pas du servir depuis bien longtemps. Du moins pas dans sa fonction initiale, car les gouttes boueuses dans les lavabos me font dire que quelqu'un à dû les activer il n'y a pas si longtemps. Peut-être le garçon justement... Franchement qu'est-ce qu'il fiche ici sérieux... Je me dis qu'avec un peu de chance il est comme moi, à aimer escalader toute sorte d'objets pour s'amuser, loin des autres élèves. Ou alors il est encore plus bizarre, du genre enfant possédé comme ceux dans les films d'horreur. Maman et papa voulaient pas que j'en regarde à mon âge, mais je le faisais quand même quand ils partaient faire une course. Ça avait du bon parfois, cette interdiction de sortir, c'est qu'au moins je pouvais faire tout ce que je voulais en leur absence.

Quoi qu'il en soit, pas d'écriture bizarre sur le verre brisé des miroirs des toilettes, comme on pouvait le voir dans tous les films. J'espérais alors qu'il entrait dans la première catégorie, celle des enfants qui s'amusent tout seul. Et sur un malentendu, il voudrait bien partager son terrain de jeu avec moi. J'avais quand même réussi l'exploit de trouver une pièce abandonnée, des toilettes qui plus est mais qui ne schlinguaient pas comme les autres, alors j'avais vraiment pas envie de laisser l'occasion s'échapper ainsi. Au pire j'irai ailleurs et je reviendrai un autre jour. Mais j'étais certaine que je pouvais monter tout en haut du lavabo central, et j'atteindrai ainsi un des points les plus hauts jamais atteint ! Ça ferait un super entrainement, je suis sûre qu'à cette hauteur je serais plus grande qu'un troll, et que je pourrai en assommer un directement.

Elle a pas l'air très content de te voir ici. Tu peux comprendre, t'es pas hyper content de la voir non plus. Globalement, quand on vient se perdre dans des toilettes abandonnées, c'est souvent qu'on a pas envie de se coltiner des camarades. Elle met un peu de temps à répondre à ta question, mais quand elle le fait, t'es presque surpris par son honnêteté. Tu croyais qu'elle aurait sorti toute sorte d'excuses toutes nulles, et en fait non. Son excuse, c'est un peu la même que la tienne. Du coup, t'es un peu moins sur tes gardes. Tu t'avances un peu plus dans la pièce, laissant tout de même encore plusieurs mètres de séparation entre vous. Mais tu marques clairement ton intérêt, derrière ton regard blasé.

Elle te retourne la question. Tu vas pas franchement pouvoir faire dans l'originalité niveau réponse. C'est pas ton truc de mentir non plus. Alors tu hausses légèrement les épaules.

- Je savais pas trop quoi faire, alors j'ai décidé d'explorer le coin. Et j'me suis dit que je pourrais essayer d'inonder les toilettes ici, ça passe le temps.

Oui, t'as des passe-temps bizarres, et alors ? On s'occupe comme on peut dans la vie. Et puis, vu l'état des toilettes, un peu d'eau en plus ne fera pas franchement beaucoup de dégâts. Sauf si il y a des trous dans le sol et que ça coule dans les pièces d'en-dessous. Mais là, ce ne serait pas de ta faute. Après tout, c'est une école ici, ils ont qu'à entretenir correctement les locaux s'ils veulent pas que les choses tournent mal. La fille n'a pas l'air trop embêtante. Et puis, si elle trouve les jeux des autres nuls et qu'elle s'ennuie, elle est peut être toute aussi attirée par les bêtises que toi. Alors tu te lances, même si tu ne sais pas trop pourquoi.

- Tu veux m'aider ?

Tu proposes plus par politesse qu'autre chose. Si tu penses que sa présence ne te dérangera pas, un refus te conviendrait tout aussi bien. T'es pas franchement regardant tant qu'on te laisse faire tes expériences comme tu veux. Et t'as décidé de transformer ces toilettes toutes moisies en super piscine de compétition. Mais sans nager dedans. Tout le monde sait que l'eau des toilettes c'est pas propre, il ne faut pas trop déconner. Il y a un petit bout de lavabo cassé par terre. En attendant sa réponse, tu shootes dedans de toutes tes forces. Il part s'éclater contre un mur en faisant beaucoup de bruit, et ça te tire un sourire. T'aimes bien casser des choses, ça défoule.

- Ou alors on casse tout.

T'as plus lancé la réflexion à haute voix pour toi-même que pour elle. N'empêche, maintenant que l'idée t'es venue, tu vas avoir du mal à t'en défaire. Vous risquez sûrement plus d'ennuis à tout casser qu'à créer une inondation. Mais tu t'en fiches, t'as juste besoin de t'occuper.

Je pensais avoir fait preuve de franchise, mais ce n'était rien à coté du garçon qui venait littéralement de m'avouer qu'il souhaitait inonder les toilettes. Et plus étrange encore quand il me demande de l'aider. Je crois que c'était la proposition de jeu la plus dingue que l'on m'ait demandé. Bon en même temps on m'avait pas fait beaucoup de propositions... Alors je sais pas trop... Les conséquences si on se faisait attraper ne m'effrayaient pas le moins du monde, mais je ne voyais juste aucun intérêt à faire ça. A part me tremper les pieds, je vois pas trop où ça allait me mener...

- Mouais bof

Mais le garçon n'a strictement rien à faire de ce que je raconte. Il a trouvé une autre occupation. Exploser ce pauvre morceau de lavabo en shootant dedans, ce qui n'est pas franchement mieux à mon avis... Le bruit du fracas aurait vite fait de ramener toute l'école ici, et c'était à l'opposé de mes plans de tranquillité. A la rigueur, je préférais encore son histoire d'inondation des toilettes. D'ailleurs ça m'avait donné une idée. Il avait envie de se défouler, et moi aussi. On avait un super espace de jeu pour nous tout seul, c'était l'occasion rêvé.

- Casse pas tout, j'ai une idée ! Active toutes les chasses d'eau des toilettes de droite, je fais l'autre côté. On va la faire ton inondation.

Sans même vérifier s'il suivait mon plan ou non, je m'attaque à la rangée de gauche, activant toutes les chasses d'eau dans l'espoir de faire déborder un maximum ces toilettes. Par chance ils étaient bel et bien en piteux état. Et même si un ou deux toilettes avaient décider de fonctionner plus ou moins bien, je me retrouve assez rapidement en terrain miné.

- Au fait, je m'appelle Erin.

Je m'attaque ensuite aux lavabos, ou l'eau était encore plus sale mais la quantité qui coulait n'était pas phénoménale. Tant pis, ça faisait toujours ça de pris.

J'étais plutôt fière du résultat, c'était pas trop trop mal. Loin de l'inondation que le garçon avait surement en tête mais c'était déjà ça.

- Dis quand t'as fini de ton côté ! Le but du jeu est simple, imagine l'eau c'est de la lave là, et le premier qui arrive à pousser l'autre dedans a gagné. Même si c'est juste un tout petit bout de pied, trop tard on est cramé. On a pas le droit de se faire mal et voilà, et aussi faut pas que y ait un prof qui vienne.

Voilà, tout le monde était content, il avait son inondation, et moi j'avais un jeu avec mes règles et enfin quelqu'un pour jouer... Et gagner. Parce que le soucis de jouer toute seule, c'est que le challenge n'était pas génial... Là par contre, j'avais fermement l'intention de lui tremper ses chaussettes dans l'eau dégueulasse.

Elle n'a pas l'air très emballée par ton idée d'inondation. Normal, c'est une fille. Les filles sont rarement drôles, et leurs occupations sont toutes nulles. Sauf Panthéa, tu l'aimes bien. Mais les autres sont nulles. Un peu comme les garçons en fait. Sauf toi, évidemment. Bref, les gens sont tous des nuls, et c'est pour ça qu'ils ne comprennent jamais rien à tes jeux. De toute façon, tu t'en fiches de ce qu'elle pense ou de ce qu'elle veut. Pas d'inondation, ça veut dire tout casser. Et si ça l'embête, et bah elle a qu'à s'en aller, parce que t'étais là avant elle, alors c'est toi qui décide ce qu'il se passe dans ces toilettes. Voilà, c'est comme ça et puis c'est tout. Mais lorsque tu annonces que tout casser est une option, elle semble se raviser pour l'inondation.

Un petit sourire prend place sur ton visage lorsqu'elle annonce qu'elle te vient en aide. C'est parti, à deux, il y aura bien plus de dégâts ! Tu commences par bien boucher les toilettes avec tous les rouleaux de papiers toilette que tu peux trouver avant de tirer toutes les chasses d'eau. Et le plan marche super bien, bientôt les cuvettes débordent et leur contenue ruisselle sur le carrelage abîmé de la pièce, à ta plus grande joie. La rouquine se présente alors à toi. Tu notes son prénom dans un coin de ta tête en te disant que ça peut toujours servir de le retenir. Après tout, elle n'a pas l'air si ennuyante que ça. Alors tu te présentes à ton tour.

- Azaël.

Bon, t'es pas très bavard, il faut bien l'admettre, mais c'est dans ta nature. Et puis, il n'y a pas grand chose de plus à développer. En la voyant ouvrir tous les robinets malgré leur faible pression, tu passes derrière elle pour bien boucher les canalisations, à base de tous les débris que tu peux trouver dans la pièces. Des vieux morceaux de cartons, des bouts de carrelage, du papier toilette, et même des morceaux de miroirs brisés que tu prends garde à manipuler avec précaution afin de ne pas te couper. Après tout, ils doivent être plein de microbes qui rentreraient dans les plaies, pas question que tu tombes malade pour avoir eu envie de t'amuser !

Voilà que le sol commence à sacrément se recouvrir de flotte et de boue de tous les côtés, à ton plus grand plaisir. Ton sourire s'élargit tandis que l'autre annonce que vous pouvez jouer à un jeu. Tu ne comprends pas bien le principe d'eau qui se transforme en lave, après tout, il suffirait de dire que vous mourrez noyés lorsque vous touchez l'eau, ce serait plus logique. Mais t'aimes bien la lave et tout ce qui brûle en général, alors ça te va aussi. Tu hoches la tête en te mettant face à elle.

- J'ai fini, on peut jouer ! Je crois pas que les profs viennent jusqu'ici.

Tu tends alors les mains vers elle et attends qu'elle fasse de même pour saisir ses mains et commencer à la pousser, bras tendus, coudes verrouillés, visiblement déterminé à gagner et à la pousser dans l'eau. Enfin la lave. Pas moyen que tu perdes contre une fille, ce serait trop la honte.

Azaël semblait un peu plus déterminé que moi dans ce projet d'inondation. Là où je m'étais contenté d'actionner toutes les chasses d'eau, il était allé jusqu'à boucher les toilettes qui fonctionnaient encore à peu près afin de les faire déborder aussi. Seul un petit couloir entre les cabines était resté sec, toutes es zones proches des portes des toilettes étaient trempées. Parfait, je mettais déjà ma stratégie en place. Il est surement plus fort que moi, alors le pousser ne rimerait à rien. Il fallait plutôt que je tente de le déséquilibrer, sur les côtés plutôt, afin de gagner.

Il avait déjà les mains tendues vers moi, il était prêt. Je me place alors face à lui, et avec l'excitation que provoque le jeu, je souris, plaçant mes doigts entre les siens, attendant le top départ. Mais apparemment il n'y en avait pas. Quand Azaël dit qu'il est prêt, c'est qu'il est prêt. Je sens ses bras fermement verrouiller là où les miens sont déjà plié près de mon visage. Ça s'annonce plutôt mal pour moi... En plus le sol glisse un peu, bien que je ne sois pas encore dans l'eau... Oui je me cherche des excuses. Mais quand je joue seule je ne perds pas. Et je dois dire que ça me soule franchement, que pour la première fois je ne maîtrise pas. Je cherche comment tricher un peu, mais j'ai pas d'excuse. Je me débat encore quelques seconde, mais rien à faire.

Floc.

Je baisse les bras. Lâchant un profond soupire. Je venais de découvrir une autre facette de moi. J'aime pas perdre. Et mes belles chaussures dans cette eau dégueulasse, c'est encore plus frustrant. Je lève les yeux au ciel. On ne va pas en rester là, certainement pas. J'ai une idée en plus. Elle m'était venue en tête quelques minutes avant, mais avec le garçon qui me tenait les mains, j'avais pas pu mettre mon plan à exécution. Je le regarde dans un sourire. Le regard qui pétille, presque machiavélique. Je vais gagner cette fois-ci c'est certain. Les règles sont simples : on se pousse dans l'eau sans se faire mal. On a rien dit de plus ou de moins.

- Bien joué.

Je glisse ma main dans ma poche l'air de rien, empoignant en réalité discrètement ma baguette.

- Revanche ?

J'attends même pas sa réponse, hors de question que je reste sur une défaite. Je sors ma baguette et la pointe sur lui :

- Crocus Malis !

Je me jette alors sur lui, histoire d'être certaine que le croche-pied magique fonctionne. Cette fois-ci je vais gagner.

C'est peut-être un peu trop facile avec une fille ce genre de jeu. T'as pas envie de perdre, mais tu vois bien dès début qu'elle ne sait pas s'y prendre comme il faut. Alors évidemment, t'as pas beaucoup de mal pour la coller dans la flotte. Une poussée un peu plus forte que les autres et hop, un pas de côté est fait et la victoire est tienne. Elle en est insipide tellement elle était évidente. Tu retiens un soupir. Elle, elle ne le retient pas. Cette défaite est visiblement difficile à accepter de son côté. Mais elle aurait pu faire un effort quand même. Tu te retiens de lui dire, t'es à peu près sûr qu'elle le prendrait mal. Mais faut dire que, quand on est nulle, on propose pas ce genre de jeu et c'est tout. Toi qui croyait avoir trouvé une camarade intéressante, elle ne l'est pas plus que les autres finalement.

Elle te félicite quand même pour ta victoire, avec un sourire en plus. Finalement, elle devait se douter qu'elle n'avait aucune chance face à toi. Elle te propose une revanche. Toi, t'as pas très envie de rejouer, c'était nul la première fois, il n'y a pas de raison pour qu'elle se soit améliorée en deux secondes. Sauf que voilà, elle n'attend pas ta réponse ou ton avis. Tu te retrouves avec une baguette magique pointée sur toi. Tu essaies tant bien que mal de conserver ton équilibre sous l'effet du croche-pied magique, tout en fouillant ta poche à la recherche de ta baguette magique. Mais déjà, tu tangues vachement, et en plus, elle te saute dessus, faisant voler ta baguette à l'autre bout des toilettes tandis que tu t'étales de tout ton long dans la flotte en criant sous la chute.

T'as le cul trempé. Et le dos aussi. Tes fringues sont pleines d'eau des chiottes. C'est dégueu. Dégueu dégueu dégueu. Tu te relèves vivement pour lancer un regard noir à la rouquine. Non mais pour qui elle se prend celle-là ? Ni une ni deux, tu donnes un immense coup de pied dans l'eau au sol, en sa direction, pour l'asperger d'une gerbe d'eau à son tour.

- T'es qu'une tricheuse ! Regarde mes vêtements à cause de toi ! Quand on est nulle, on joue pas et puis c'est tout !

Non mais c'est vrai quoi, t'en as marre à la fin. T'es meilleur que tout le monde dans cette école, et personne n'accepte ce fait. C'est quand même fou de se coltiner des gens à ce point emplis de mauvaise foi ! Agacé, tu lui lances un dernier regard méprisant avant de te diriger vers ta baguette magique qui a roulé plus loin, vers les cabines des toilettes.

Quelques pas déséquilibrés, sa main qui plonge dans sa poche. Curieuse réaction quand on est en train de basculer, on a tendance à lever les bras, à les battre pour retrouver l'équilibre. Alors je profite, je saisis l'occasion, elle est trop belle ainsi offerte sur un plateau d'argent. Je me jette sur lui et finis de l'achever. Bam. Victoire fatale dans un magnifique SPALCH, arrosant par la même occasion mes chaussettes et mes genoux. Et honnêtement je m'en fiche d'être mouillée, j'ai la satisfaction d'avoir gagné.

Lui par contre il est complètement trempé, de la tête au pied, enfin presque. Faut avouer que c'est dégueulasse quand-même cette eau. Moi ça me fait marrer. Lui beaucoup moins. Il gueule, il chouine, gnagnagna, tricheuse, blablabla, nulle, et j'en passe. Sans oublier son coup de pied dans la flaque pour m'en balancer à la tronche. Je suis touchée bien sûr, difficile à éviter. Mais honnêtement, entre son état et le mien, je préfère largement le mien. Je lève les yeux au ciel.

- T'es encore plus mauvais perdant qu'moi sérieux ! Ça c'est les mecs, toujours en train de chouiner... J'aurai fait ça à quelqu'un d'autre j'suis sûre t'aurai rigolé. P'tite nature va.

Je suis le genre de gamine à en remettre une couche, quitte à embêter mon monde, autant faire ça dans les règles de l'art... Mais enfin pour une fois que je me trouve un camarade de jeu, je me dis que je peux faire un effort pour le garder. Je suis tiraillée, il a l'air plus cool que les autres, mais c'est un mauvais perdant et il est pas très drôle quand même...

- Bon toi au moins tu t'amuses un peu, pas comme tous ces coincés du château. Tu verrais le dortoir des filles... Toujours à parler de trucs de mode là c'est trop chiant. Et j'te parle même pas des mecs qui parlent de quidditch alors que je connais mieux les règles qu'eux... plutôt que d'parler ils feraient mieux d'en faire, au moins je pourrais en faire avec eux. Franchement c'est tous les autres qui auraient mérité de finir le derrière dans l'eau. T'es pas fait mal au moins ?

Ouais parce qu'au final je mettais même pas inquiété de son état, puis il devait pas avoir bien mal vu le coup de pied qu'il a balancé après, mais enfin ça me coûtait rien de lui demander...

Mais c'est qu'elle en rajoute une couche en plus ! Elle voit pas qu'elle t'a déjà énervé ? D'où elle ose te traiter de mauvais perdant alors même que c'est elle qui a triché ? C'est quand même le monde à l'envers. A la loyale, tu lui aurais collé une raclée, comme il se doit. Alors la mauvaise perdante ici, c'est bien elle, et pas toi. Bon, par contre, faut bien admettre que t'aimes pas perdre. Surtout quand t'aurais dû gagner. Mais c'est normal, quand on a l'habitude d'être le meilleur partout, on n'aime pas se retrouver au deuxième rang. Cependant, ce que tu prends le plus mal, c'est sa façon de dire que tu chouines et que t'es une petite nature. Parce que c'est même pas vrai. Mais il y a quand même quelque chose que tu dois admettre. C'est que t'aurais probablement bien ri si c'était effectivement quelqu'un d'autre. Alors tu ne relèves pas vraiment, tu te contentes de rouler des yeux d'un air blasé, comme si finalement tout ça n'avait que peu d'importance.

N'empêche, t'as pas très envie de continuer à jouer avec une tricheuse. Enfin, tu récupères ta baguette magique, et la gardes en main, juste au cas où. Maintenant que tu sais qu'elle est capable de tout, t'as bien l'intention de lui montrer qu'avec une baguette à la main, t'es carrément meilleur qu'elle. Encore une fois. A croire que c'est tout ce qui t'importe, prouver que t'es au-dessus des autres, sans arrêt. Finalement, c'est sans doute plus pour toi que pour eux que tu fais tes preuves. Parce que tu t'en fiches de ce que peut penser une rouquine de Gryffondor. Elle n'est pas importante. Toi, en revanche, tu l'es. Cependant, à la suite de ses propos, ta colère retombe légèrement. Disons que t'es un peu moins disposé à bouder en l'entendant se plaindre des autres.

Faut dire qu'elle a raison. Les filles de votre âge, elles sont nulles. Et les garçons aussi. Ils y connaissent rien à rien et font les experts. Tu hoches légèrement la tête pour acquiescer ses propos. Surtout ceux concernant le fait que ce sont les autres qui auraient dû finir trempés par l'eau des toilettes. Comme quoi, elle peut dire des choses intelligentes de temps en temps.

- Non, j'ai pas mal, j'suis pas une chochotte.

Il faut quand même que tu remettes les choses dans leur contexte. Parce qu'elle a osé dire que tu chouinais, alors que c'est même pas vrai. Alors tu fais ton bonhomme, tu gardes la tête haute malgré tes vêtements trempés. Après tout, ce n'est pas un peu d'eau qui va t'empêcher d'être trop classe, faut bien qu'elle s'en rende compte. Mais t'as pas envie de rester avec elle alors qu'elle a triché. Du coup, tu te contentes de lui lancer un dernier regard noir avant de t'en aller, histoire d'aller te changer.