* Les toilettes hantées de Mimi Geignarde ! *

Ainsley hésite un instant : entrer dans les toilettes et subir les jérémiades de l’un des fantômes les plus embêtants du château ou continuer de se retenir sur encore cinq étages, avec le risque qu’un escalier décide de faire un détour et prolonge le parcours la conduisant à la tour de Serdaigle ? La fillette soupira : si les deux étages qu’elle venait de monter était un indice, mieux valait pour elle aller à la rencontre de Myrtle Elizabeth Warren. Qui savait, avec un peu de chance le fantôme prendrait en compte qu’elles appartenaient à la même maison et lui ficherait la paix. Et puis bon, mieux valait supporter Mimi plutôt que les moqueries de tout Poudlard si elle avait le malheur d’avoir un accident en cours de route. Priant pour que Mimi n’y soit pas, la jeune sorcière poussa la porte des toilettes les plus dévastées de tout le château. À l’intérieur, une désagréable odeur d’humidité et la pénombre. Si l’apprentie sorcière n’avait aucun moyen de se débarrasser de l’odeur, elle connaissait un sort pour se donner plus de lumière. Elle était prête à éclairer son chemin d’un « Lumos », lorsqu’elle se souvint que …

* Ma baguette est dans mon sac … que j’ai laissé au dortoir ! *

La serdaigle soupira à nouveau : il allait falloir qu’elle prenne l’habitude de toujours avoir sa baguette sur elle, car ne pas y penser n'était pas sorcier et elle n'avait pas envie d'attirer l'attention sur elle à cause de ce genre de détail.

Si dans d’autres circonstances, l’absence de lumière et de baguette lui auraient apparu comme des signes évidents que s’aventurer dans ces toilettes était une mauvaise idée, l’envie pressante qui la tenaillait ne permit pas ce constat. Profitant de l’éclairage qu’apportaient les torches du couloir, Ainsley observa la pièce : au centre des lavabos disposés en cercle et autour des rangés de cabines de WC. Simple à naviguer. Le problème : la multitude de flaques d’eau séparant la jeune sorcière de sa cible. Inspirant un grand coup, la grande brune entra dans la pièce qui se retrouva plongée dans une pénombre plus profonde encore dès que la porte se referma. Les pas d’Ainsley résonnaient bruyamment dans la pièce vide : tantôt sur le sol sec, tantôt dans une flaque d’eau. Le clapotis de l’eau ruisselant autour d’elle et la mélodie d’un robinet qui gouttait, ajoutaient à l’atmosphère sinistre. Alors que quelques minutes auparavant elle priait pour que la résidente des lieux soit absente, elle aurait tout donné à l’instant pour profiter de sa funeste lumière spectrale. Elle était à quelques pas de son objectif lorsque, surprise par une flaque plus profonde qui lui trempa le pied jusqu’à la cheville, elle glissa sur le sol, perdit l’équilibre et tomba en criant. À sa grande surprise, au lieu de s’ouvrir le crâne sur le sol de pierre, sa tête s’y enfonça comme dans un coussin moelleux.

* Merci Eshu ! *

Sous le choc de la chute qui aurait pu la condamner à hanter les toilettes en compagnie de Myrthle pour l’éternité, la fillette resta allongée. Ses cheveux et ses vêtements alourdis par l'eau, son corps engourdie par la perte d’adrénaline et son esprit en proie à l’incompréhension, Ainsley serait restée allongé sur le sol à se questionner sur la nature de la magie qui l’avait sauvé (magie du château ou incident magique de sa part?), si elle n’avait pas eu une envie pressante à satisfaire. Elle venait tout juste de se débarrasser de sa robe gorgée d’eau croupie et tentait désespérément d’ignorer l’eau qui coulait de ses cheveux, lorsque le silence de la pièce fut brisé par l’ouverture de la porte. Paniquant à l’idée de se faire prendre dans une situation aussi embarrassante, Ainsley laissa son instinct prendre le dessus et se rallongea sur le sol mouillé, le visage caché dans sa robe.

Juliette était bien décidée à explorer la totalité de cette immense et magnifique école ! Mais les explorations de cette journée avaient plutôt mal commencé… Après avoir errée de longues minutes dans les couloirs, Juliette avait décidé d'examiner toutes les pièces du deuxième étage.

La première porte qu'elle ouvrit fut celle d'un tout petit placard à balais. Juliette était tout excitée en se rappelant toutes les choses incroyables qu'elle avait pu trouver dans les placards du manoir de ses grand-parents. Mais à sa grande déception, et malgré une exploration attentive de ces 3m², ce placard là contenait seulement des toiles d'araignée, deux balais et une serpillière apparemment soumise à un sortilège car elle s'agitait dans tout les sens. La deuxième porte que Juliette choisit d'ouvrir se trouvait juste en face de celle du placard à balais qu'elle venait de refermer. Mais là encore, elle découvrit un placard, plus grand que l'autre mais cette fois-ci complètement vide.

Après ces deux déceptions consécutives, Juliette se sentait frustrée et ouvrit brusquement la troisième porte qui se trouvait un peu plus loin sur la gauche. Quelle fut sa surprise quand elle se rendit compte qu'elle venait d'ouvrir la porte d'une salle de cours ! Six élèves, apparemment plus âgés qu'elle, étaient assis ensemble et semblaient en pleine réunion. En l'attendant ouvrir la porte, ils s'étaient retournés vers elle et la regardaient fixement. Juliette, bien que surprise d'être tombée sur une réunion d'élèves alors qu'on était dimanche, décida de faire comme si tout était normal, et avec un sourire accompagné d'un petit signe de main, referma doucement la porte. En s'éloignant, la fillette fut pris d'un fou rire nerveux qui l'obligea à s'arrêter quelques minutes pour reprendre contenance.

Juliette s'approcha de la quatrième porte avec plus de prudence et mis son oreille contre le bois de la porte pour essayer de savoir s'il y avait du monde dedans. Elle ne voulait pas déranger d'autres personnes. Elle sursauta en attendant un grand cri suivit d'un "plouf" complètement inattendu. Juliette hésita quelques secondes puis ouvrit la porte.

La lumière du couloir lui permit d'apercevoir les lavabos disposés en cercle au centre de la pièce et ce qu'elle devina être des rangés de cabines de WC le long des murs. La pièce était plongée dans la pénombre ce que Juliette trouva étrange pour des toilettes. En entrant, Juliette glissa dans une flaque d'eau et faillit tomber. C'est alors qu'elle remarqua une forme sombre étendue par terre.
La curiosité la poussait à aller voir de plus près ce que c'était mais Juliette décida de d'abord sortir sa baguette pour éclairer la pièce.
"Lumos", dit-elle calmement en faisant un boucle vers le haut avec sa baguette comme elle l'avait appris.

En s'approchant, Juliette compris que la forme étendue sur le sol est en fait un corps, et celui d'une fille si elle se fiait aux cheveux auburns, coupés au carré, épais, bouclés et surtout mouillés qu'elle apercevait. C'était surement elle que Juliette avait entendu crier avant d'entrer dans les toilettes. La jeune fille brune, dont elle ne distinguait pas le visage car il était caché dans une boule de tissu noir ressemblant à une robe de sorcière, ne bougeait pas.

C'est alors que Juliette se rappela les histoires qu'elle avait entendu sur une fille morte dans des toilettes abandonnés. Et alors elle paniqua vraiment, se demandant si cette fille aussi était morte ?
Mais Juliette finit par se calmer en la voyant remuer et rassurée, décida de s'approcher en disant :
"Hum ?... Salut ! Est-ce que ça va ? Pourquoi tu es étendue sur le sol ? Tu es blessée ? Et pourquoi tu es toute mouillée ? Tu veux que j'appelle de l'aide ?" Bon… elle avait voulu paraitre calme et confiante mais avec l'enchainement beaucoup trop rapide de toutes ces questions avec une voix rendue aigu par l'appréhension, c'était raté.

*Mauvaise idée ! * Ce fut la première pensée qui traversa l’esprit de la jeune sorcière lorsque son visage entra en contact avec sa robe mouillée. Encore une décision qui serait à ajouter à la liste exhaustive des choix qu’elle regrettait. La pression de son visage sur le vêtement imbibé en avait fait émerger l’eau froide et puante, comme si elle avait plongé sa tête dans la bouche humide d’un égout, du moins si un jour elle se retrouvait dans une situation impliquant de mettre la tête dans un égout elle était presque sûre que l'odeur serait la même. Si elle n’avait pas eu peur d’avaler ne serait-ce qu’une goutte de l’eau sale sur son visage, elle se serait autorisée la moue dégoutée que la situation lui inspirait, à la place elle s’imposa de rester le plus immobile possible, afin de ne pas se faire remarquer par la personne qui venait d’ouvrir la porte. Après tout, sans son envie pressante elle n’aurait pas mis un orteil dans cette pièce et elle priait Eshu qu’il en soit de même pour …

« Lumos ! » L’énonciation calme et claire du sortilège de lumière, arrêta net la pensée d’Ainsley. Une intervention divine par situation problématique était apparemment la limite. Malgré le faisceau lumineux qu’elle pouvait deviner sur son dos et la proximité de la poudlarienne à l’origine de cette lumière, Ainsley tenta de rester immobile, l'option "politique de l'autruche" étant toujours son premier choix. D'ailleurs, elle était persuadé que si son corps n’avait pas été traversé de petits tremblements, provoqués par le contact de la pierre froide et humide sur son corps, la découverte de ce qu'elle aurait interprêté comme étant un cadavre aurait fait fuir la petit curieuse.

« Hum ?... Salut ! Est-ce que ça va ? Pourquoi tu es étendue sur le sol ? Tu es blessée ? Et pourquoi tu es toute mouillée ? Tu veux que j'appelle de l'aide ? »

Ce fut la dernière proposition qui fit réagir Ainsley : il était hors de question qu’une personne supplémentaire soit invitée à être témoin de son embarras. C’était ce qu’elle avait eu l’intention de répondre à son interlocutrice, mais la lumière magique qui l’aveugla, lui brulant les yeux alors qu’elle relevait la tête, transforma sa réponse en un grognant incompréhensible. « Argh la lumière !! » La main près du visage pour se protéger les yeux, la fillette ne put s’empêcher de penser qu’elle était un aimant à situations embarrassantes et l’envie pressante qui l’avait conduit dans les toilettes était un indicateur que les choses pouvaient devenir plus gênantes encore. « J’ai pas besoin d’aide, ça va ! » reprit-elle un peu sèchement, une fois le choc de l’aveuglement passé « J’ai glissé, ça arrive à tout le monde ! » Puis, profitant de l’éclairage magique, elle tourna le dos à son interlocutrice et reprit son chemin vers son objectif initial avant d’ajouter, plus calmement cette fois-ci « N’éteins pas s’il te plait ». Non dit était l'évidence : elle avait besoin d'aide.

« Argh la lumière !! », grogna la fillette allongée par terre qui venait de relever la tête. *Oups, lui mettre la lumière juste sous le nez n'était peut être pas une idée… lumineuse*, pensa Juliette. « J’ai pas besoin d’aide, ça va ! J’ai glissé, ça arrive à tout le monde ! » enchaina-t-elle sèchement en se relevant. « N’éteins pas s’il te plait », dit-elle d'une voix apparemment adoucie en s'éloignant vers les toilettes.

Juliette la suivit jusqu'à la porte avec la lumière. Elle se rappellait l'avoir vu plusieurs fois en cours et dans les dortoirs de Serdaigle.
"Je m'appelle Juliette, toi c'est Ana-May non ? On est à Serdaigle toutes les deux."
La jeune fille se retourna vers elle avec un air outré et répondit sèchement "Mon prénom c'est Ainsley !", puis elle entra dans la cabine des toilettes sans laisser le temps à Juliette de s'excuser. Elle laissa cependant la porte entrebaillée, surement pour pouvoir profiter de la lumière.
*Ana-May, je dis vraiment n'importe quoi ! Pourquoi je ne lui ai pas juste demandé son prénom ?! Moi non plus ça ne m'aurait pas plu.* pensa Juliette en grimaçant.

En entrant dans la pièce, elle s'était focalisée sur Ainsley allongée par terre et prit maintenant le temps d'observer la pièce avec attention. Ce que Juliette vit la poussa à s'interroger : pourquoi ces toilettes étaient-ils si mal entretenus et plongés dans le noir alors que toutes les autres pièces du château étaient toujours impeccables ? D'où venaient toutes ses flaques d'eau ? Et pourquoi les canalisations émettaient autant de bruits étranges ?

Quand Ainsley ressortit, Juliette enchaina avec la première blague qui lui vint à l'esprit en espérant détendre l'atmosphère et faire oublier sa bourde. "Pourquoi les Gobelins n'aiment-ils pas les sorciers ? Parce qu'ils leur ont cherché des noises !" , dit-elle avec entrain. Bon… la première qui lui était venu à l'esprit était loin d'être la meilleure...
Elle examina le visage d'Ainsley avec appréhension, en plissant légèrement les yeux sans s'en rendre compte, pour voir comment elle réagissait à la blague.

Une voix, puis une seconde. Quelqu'un avait fait irruption dans les toilettes. Sans doute étaient-ils encore venus pour braver la peur de visiter une pièce "hantée", ou pour se moquer d'elle ! Ah, ils savaient bien le faire, ça !

Un bruit de chasse d'eau retentit dans la petite salle tandis que Mimi Geignarde émergea de la cuvette des toilettes en criant, hystérique :
"HaaAAAAAH NON ! QUOI ENCORE ?! Des élèves curieux ?"

Une fois devant les deux élèves, et flottant à bonne distance du sol, le fantôme contempla les fillettes, pencha la tête sur la droite et étira un sourire méprisant.
"Ooooooooh, elles se sont perduuuuues ?", puis son visage adopta une expression passablement énervée. "Ou bien vous êtes venues ici pour appeler Mimi !? C'est ça !? Appeler Mimi et se moquer d'elle, ou lui lancer des objets au visage, ou s'entraîner en lui jetant des sorts ! MECHANTES ! MECHANTES FILLES !"

Elle pointa du doigt Juliette, l'air foncièrement mauvais : "Toi là ! T'as déjà ta baguette en l'air, tu crois que pauvre Mimi ne t'a pas vue ?! Pauvre Mimi Geignarde va te montrer de quel bois elle se chauffe !"

Le fantôme s'élança alors vers les deux filles en émettant un cri grotesque, à la limite du rire démentiel et des pleurs, puis elle s'éleva dans les airs avant de les atteindre et disparue au fond d'une cuvette en la faisant immédiatement déborder. L'eau s'écoulait à flots, sans se tarir, à l'image de la tristesse et de la rancune du fantôme.