Inscription
Connexion
29 déc. 2016, 18:13
Rumeur d'Orient
Kristen paraissait sans doute froide et détachée, et peut-être Arseni Stoyanov avait-il fini, lui aussi, par avoir ce ressenti. Leur dernière rencontre avait été tout juste cordiale, il n’y avait pas eu de plus, ni de moins. Kristen avait été comme on s’attend à ce qu’elle soit : neutre. Après Sainte Mangouste, ils s’étaient revus au début de l’année, car Arseni était venu à Poudlard pour faire part de quelque chose d’important à Kristen, à propos de la bague d’omniscience, l’une des merveilles de la magie. Ils avaient un peu discuté, mais rien d’exceptionnel. C’était toujours très professionnel.

Pourtant, elle se souciait de lui comme se soucient de l’autre les amis. D’ailleurs, Arseni l’appelait « mon amie » et Kristen ne trouvait plus cela bizarre, ce qui était bien le signe que c’était devenu normal. Et aujourd’hui, Kristen s’inquiétait de ce qui pourrait arriver à Arseni. Elle avait appris par Eléonore Coldman que sa tête avait été mise à prix par un groupe dangereux à la tête de la Bulgarie : les Noirfangueurs.

Quelqu’un d’indifférent aurait dit : « après tout, ce ne sont pas mes affaires, et de quoi je me mêle ! » mais Kristen n’était justement pas quelqu’un d’indifférent à Arseni Stoyanov. Là en était la preuve : elle comptait bien se mêler de cette affaire-là. Elle l’avait aidé dans le Dominion, lui avait peut-être évité d’être tué par la magie noire qui le persécutait, et elle continuerait à l’aider aussi longtemps qu’elle le pourrait ; qu’il le veuille, ou non.

Elle ne montrait pas son affection par des gestes ou des paroles douces. Parfois, elle pouvait sembler secrète à ceux auxquels elle tenait, car elle ne leur disait pas tout, même si elle leur faisait confiance. Elle estimait qu’elle savait ce qu’elle faisait, et n’en disait jamais plus que nécessaire. Elle se disait que les amis n’ont pas besoin de tout savoir l’un de l’autre pour tenir l’un à l’autre, se faire confiance et agir comme des amis de toute façon. Kristen, justement, se situait toujours du côté de l’action. Elle pouvait disparaître durant quelques temps, ne rien dire, ne pas exprimer son affection et se faire oublier, mais si ceux auxquels elle tenait avaient besoin d’elle, elle saurait être là, et ferait même tout pour qu’ils n’aient même pas à demander.

C’était en fin d’après-midi, et il faisait déjà nuit, car nous étions en plein mois de décembre. La visite de Kristen au QG de Liverpool ne remontait qu’à deux jours, car elle avait voulu faire vite pour rencontrer Arseni. Elle se rendait au Ministère de la Magie par une voix normale, bien qu’elle ait eu le moyen de voir le Ministre plus vite. Elle ne tenait pas à débarquer à l’improviste et prendre le risque de déranger Arseni outre mesure.

Elle marchait vite, et son souffle était court. Elle pensait que chaque seconde qu’elle perdait dans ces couloirs était une seconde de gagnée pour les Noirfangueurs et leurs partisans, qui pouvaient monter quelque plan contre Arseni et le parfaire durant ces milliards de secondes qui s’écoulaient toujours.

La directrice de Poudlard avait croisé quelques personnes qui ne lui étaient pas tout à fait inconnues – et même un ancien collègue de la brigade spéciale du département de régulation et de contrôle des créatures magiques, dans l’Atrium – mais avait soigneusement évité toute potentielle conversation en accélérant le rythme de sa marche. Après avoir répondu à quelques questions nécessaires sur sa présence – car le Ministre n’était pas quelqu’un que l’on pouvait déranger sans mettre au courant la moitié du ministère -, elle se retrouva devant le bureau du Ministre : elle inspira un coup, se tint bien droite et releva la tête avant de frapper à sa porte.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
~ if i wasn’t a narcissist i wouldn’t like me either ~

@Mentionnez-moi pour activer le Tabou
31 déc. 2016, 11:15
Rumeur d'Orient
Image
ARSENI STOYANOV


Arseni Stoyanov se trouvait toujours là où on l’attendait, mais jamais de la façon attendue. Il était dans sa nature de surprendre, d’étonner. Au fil du temps, la chose était devenue naturelle, une sorte de mécanique inconsciente qui se mettait en branle quelle que soit la nécessité.

Aussi, quand le message de Kristen Loewy lui parvint pour le prévenir de sa visite prochaine — il accueillit d’ailleurs avec un brin d’humour le fait que son amie se moquait éperdument de connaître sa disponibilité — il demeura là où il était désormais attendu ; soit dans ce bureau trop grand, taillé à la mesure d’hommes et de femmes avides de puissance, mus par une certaine conception de la grandeur que ne partageait pas le présent ministre de la Magie.

Arseni était d’un naturel discret ; un homme fait pour les espaces réduits dans lesquels il se mouvait avec bien plus d’aisance qu’il n’en était capable dans des vastes pièces. Dans ces dernières, il était le plus souvent à l’arrêt, assis sur une chaise ou dans un fauteuil, ou tout simplement debout, les bras croisés dans son dos, lourd et immobile comme un ursidé. Dans les autres, il lui prenait d’en arpenter l’espace raccourci, allant d’un mur à un autre avec la souplesse et la légèreté d’un félin.

Enfoncé dans son fauteuil en chintz, tourné de trois-quarts vers l’entrée, et vêtu d’une robe de sorcier orientale aux couleurs éclatantes, Arseni parcourait d’un air concentré la dernière déclaration d’Ezza Djelardin, la présidente du Congrès Magique d’Iran, proclamée devant le parlement turc à l’occasion de sa dernière visite protocolaire. Studieux, Arseni cherchait à saisir la personnalité de cette femme dont il devait faire la rencontre officielle dans une semaine. Une entreprise qui lui était délicate, tant une partie de ses pensées s’attachait naturellement à tenter de deviner ce qui pouvait bien amener Kristen à vouloir le rencontrer dans un délai si bref.

Avait-elle découvert quelque chose d’important sur Aidan Bowers ? L’hypothèse méritait qu’on s’y attarde. Arseni avait toutefois le sentiment que ce n’était pas un motif suffisant pour justifier l’étrange empressement de Kristen. Il soupira, vaincu par ces infatigables questionnements.

La déclaration d’Ezza Djelardin figurait sur une petite table en bois de cerisier, proche du fauteuil en chintz, quand Kristen toqua à la porte. Arseni, qui ne manquait plus une occasion de s’exercer à des sortilèges simples, pointa sa baguette magique vers la porte. Celle-ci s’ouvrit sans un grincement.

Un sourire mi-triomphant mi-crispé gravé sur son visage, Arseni se leva puis s’inclina légèrement. C’était sa façon de souhaiter la bienvenue à quelqu’un qu’il avait attendu durant un long moment.

« Bonsoir Kristen, venez donc vous asseoir, dit-il d’un ton courtois en désignant l’autre fauteuil en chintz tourné de trois-quarts vers celui qu’il occupait un instant plus tôt. »

Pour observer, Arseni observa attentivement la gestuelle de son amie, mais il n’en tira, à son grand regret, aucun élément de réponse à ces questions. Résigné, l’expression même de son visage le laissait transparaître, il attendit que Kristen prit place pour se rasseoir.

« C’est amusant, j’ai beau sondé ma mémoire, je n’ai aucun souvenir de vous avoir déjà vu si pressée de me voir, dit-il, d’une voix où perçaient l’amusement et un soupçon de fatigue. »

- 1 -
Dernière modification par Arseni Stoyanov le 28 avr. 2017, 21:48, modifié 1 fois.
31 déc. 2016, 12:40
Rumeur d'Orient
Kristen avait un air très sérieux lorsqu’elle entra dans le bureau du Ministre. Elle croisa les bras et semblait un peu crispée. Elle inclina légèrement la tête en guise de salut. Lorsqu’Arseni l’invita à s’assoir, elle hésita quelques instants, agrippa l’accoudoir du fauteuil et enfonça ses doigts dans la mousse qui le recouvrait. Elle prit une nouvelle inspiration, et finalement s’assit doucement sur ce fauteuil qu’Arseni lui avait désigné. Elle croisa les jambes comme ses bras l’étaient à nouveau et ne s’enfonça pas dans le siège, restant droite et presque prête à se relever, déjà.

En temps normal, Kristen aurait tenté l’humour pour répondre à la remarque d’Arseni, mais elle avait présentement d’autres choses plus importantes que l’ironie qui lui trottaient dans la tête.

« Je suis navrée de vous imposer ma visite, dit-elle d’une voix monotone. »

Elle fronça les sourcils. Elle avait parfois tendance à élire à ce point ses mots qu’elle pouvait sembler sèche. On dit souvent que l’oral permet moins d’incompréhensions ou de mésinterprétations que l’écrit, car le ton de la voix aide à cerner l’humeur de celui qui parle, mais Kristen avait cette particularité de, parfois, parler comme si sa voix était écrite.

« Je ne serais pas venue si vite si je n’avais pas jugé cela important. »

Elle décroisa ses bras et gratta inconsciemment de sa main gauche l’accoudoir du fauteuil sur lequel elle était assise, avec un rythme régulier. Elle écartait ses doigts puis les faisait tous se rejoindre vers un point central de convergence, au milieu de sa paume, les écartait à nouveau, les faisait glisser pour se rejoindre, et ainsi de suite. Il lui fallut un petit soupir pour qu’elle arrête son geste.

Kristen se mordit légèrement les lèvres en les faisant rentrer à l’intérieur de sa bouche durant une demi-seconde, plissa les yeux en plongeant le bleu de ses iris dans la noisette de celles d’Arseni. Elle réfléchissait à la meilleure façon de présenter les choses. Kristen n’était ni du genre à amener les choses frontalement en shootant dedans avec ses gros sabots, ni du genre à faire mille détours, car cela pouvait être une perte de temps considérable. De plus, elle était sûre, au final, qu’elle avait raison de dire ce qu’elle dirait, alors il n’était pas utile de s’attarder sur une quelconque mise en scène. Aussi soupira-t-elle avant de se lancer :

« Comme je suis restée près de vous lorsque vous étiez en danger dans le Dominion, je resterais près de vous si vous étiez en danger ici. »

Cela lui coûtait un peu. Elle le pensait, elle était sincère, mais elle avait toujours du mal à exprimer ces choses-là avec des mots. Elle le ressentait, alors cela lui suffisait ; mais cela ne suffisait jamais aux autres : il leur fallait des mots.

« Et j’ai des raisons de penser que vous pourriez effectivement être en danger. Je ne parle pas forcément d'Aidan Bowers, acheva-t-elle dans un nouveau soupir. »

Elle pensa qu’Arseni le savait peut-être déjà, mais elle voulait être sûre. Elle voulait avoir son avis sur la question pour confirmer les dires d'Eléonore Coldman et elle voulait montrer que malgré tout, elle serait prête à s’engager pour l’aider à affronter ce qui pourrait, pour lui, représenter un danger. Elle se doutait également qu'elle allait devoir donner des explications sur la provenance de ses informations. C'était aussi la raison de son soupir. Elle n'en avait pas envie. Elle ne pensait pas que cela pouvait être important, ce n'était pas le sujet.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
~ if i wasn’t a narcissist i wouldn’t like me either ~

@Mentionnez-moi pour activer le Tabou
01 janv. 2017, 11:22
Rumeur d'Orient
Image
ARSENI STOYANOV


« Vous parlez évidemment des Noirfangueurs, conclut Arseni, sans la moindre fioriture. »

Immobile, son regard aigu fixé sur Kristen, Arseni ne donnait pas la sensation de réfléchir, seulement d’observer. Cette façon silencieuse de regarder les gens lui était propre. A bien des égards, elle pouvait délier n’importe quelle langue, pour peu qu’il fut disposé à y consacrer assez de temps.

Pour autant, Arseni dissimulait avec un certain brio la tempête d’interrogations qui sévissait en son for intérieur ; celle-là même qui accaparait toutes ses pensées. L’existence des Noirfangueurs n’était pas une information difficile à trouver pour peu qu’on s’intéressât à sa Bulgarie natale, mais Arseni avait du mal à croire que Kristen s’y soit intéressée par le plus simple des hasards. La Bulgarie était un champ de ruines auquel personne ne prêtait d’intérêts. Kristen n’était pas une exception à cette règle, il en était convaincu.

Tout laissait penser, malgré sa conviction profonde, qu’elle avait eu vent de la prime qui pesait sur sa tête. C’était la seule raison qui pouvait expliquer son empressement à le rencontrer dans les plus brefs délais, et maintenant ses soupirs à répétition — qui ne ponctuaient habituellement, chez elle, que les discussions ennuyeuses. En prime, elle lui donnait l’impression de marcher sur des oeufs, comme si elle ne maîtrisait pas totalement le sujet de leur discussion. Ce qui était assez peu commun chez la Kristen Loewy qu’il connaissait.

Comment était-elle entrée en possession de cette information ? Cette question le préoccupait, naturellement, car il devinait une réponse pleine de mystères. Plus que jamais, Arseni se pensait en présence d’une équation à multiples inconnues.

Il plissa les yeux et bascula contre le dossier du fauteuil en posant sa seule main valide sur l’accoudoir — l’autre, noire et desséchée, était posée sur sa cuisse comme un objet d’ornement du plus mauvais goût.

« Comment vous avez appris cela, je l’ignore, mais je vous prie de garder cette information pour vous seule. Dans votre propre intérêt, il serait judicieux que cela reste entre nous. J’ai bien assez à faire de voir ma tête mise à prix. Je ne sais pas ce qu’il en serait si la vôtre l’était également. »

Sa voix était chaude, presque métallique. A travers elle, c’était toute son inquiétude qui s’exprimait.

« Cadenassé à double tour sous les trottoirs de Londres, je suis une proie sans intérêt, poursuivit-il sur un ton plus doux, comme si sa propre condition lui inspirait de la sympathie. Je doute qu’ils tentent quoi que ce soit ici. Dehors, il en sera peut-être autrement. Je crois pouvoir disposer librement de trois mois, quatre tout au plus, pour me préparer au pire. La mise à prix est autant une marque d’intérêt qu’un aveu de faiblesse. Ils jugent, peut-être, que leur bras n’est pas assez long pour m’atteindre jusqu’ici, mais assez pour faire miroiter un butin providentiel à tous les mercenaires qui pourraient relever le challenge de m’abattre. »

La physionomie d’Arseni changea d’un battement de cil. Une forme de modestie creusa ses traits tandis que son regard basculait dans le vide.

« Je vous suis éternellement reconnaissant de m’avoir sauvé l’été dernier, dit-il, alors qu’un sourire subtile faisait poindre un semblant de lumière sur son visage. Mais les Noirfangueurs forment un morceau autrement plus coriace que celui que représentait mon demi-frère. »

- 2 -
Dernière modification par Arseni Stoyanov le 28 avr. 2017, 21:48, modifié 1 fois.
01 janv. 2017, 21:28
Rumeur d'Orient
Kristen restait figée sur son siège et ne laissait déborder aucune émotion de son visage. Elle grattait de temps en temps son accoudoir. Le danger que courait Arseni était donc bien réel. Elle serra les dents et aspira ses joues dans le tout petit espace qui pouvait faire passer de l’air dans sa mâchoire. Le souci avec la présente situation, c’était que n’importe qui d’un peu au courant et préférant l’argent à la morale pouvait devenir un ennemi. Il ne s’agissait donc dans l'immédiat pas que des Noirfangueurs : l’ennemi était nulle part et partout à la fois, le danger rôdait, il était tapi dans l’ombre et pouvait surgir de n’importe où. De n’importe quel coin de rue, à n’importe quelle heure de la journée ou de la nuit. Pour être sûr de l'éliminer, il fallait frapper à la source, et le plus vite serait le mieux.

Lorsqu’Arseni commença à exprimer sa reconnaissance pour les événements du dominion, Kristen sentit venir la suite de sa phrase. Le « mais » confirma son appréhension, et elle releva le menton tandis que ses sourcils se fronçaient. Elle posait sur son ami un regard extrêmement dur. A peine Arseni finit-il sa phrase que Kristen enchaîna, sèchement :

« Si vous le dites. »

Elle semblait désormais beaucoup plus convaincue dans ses paroles. Le chemin à prendre lui semblait très simple, car dans son esprit, en ce qui concernait ce qu’elle devait faire, tout était très clair. Avec la certitude et le sentiment d’éminence du danger, son inquiétude se transformait en détermination inébranlable. Un sourire, qui ressemblait plus à une étrange grimace, anima le coin de sa bouche tandis que ses épaules se soulevaient dans l’expiration d’un rire.

« Mais que vos ennemis soient coriaces ou non, je serai là pour vous aider à les affronter. Ferais-je preuve de trop d’audace, Monsieur le Ministre, en vous assurant que je ne vous laisse pas le choix ? »

Sa voix exprimait un mélange d'ironie largement vinaigrée et de profonds reproches. Elle parlait comme quelqu'un qui veut à tout prix imposer son idée à son interlocuteur, et elle n'avait pas l'intention de laisser à Arseni la moindre chance de protester. Elle haussa fièrement le menton et plissa ses yeux dans un petit air hésitant entre l’arrogance et l’insolence pure et dure.

« Je pourrais être enfermée dans une cellule, à l’heure actuelle. Grâce à vous, ce n’est pas le cas. J’imagine bien que vous me laisserez profiter de ma liberté pour me rendre utile. »

L'empêcher d'agir serait une autre forme d'emprisonnement, en particulier dans ce cas où elle voulait faire quelque chose pour aider un ami. Elle n'avait pas eu le plaisir d'en avoir beaucoup, n'avait pas souvent éprouvé le réel désir de se dévouer à quelqu'un qu'elle pourrait appeler "ami". C'était nouveau, pour elle, et elle ne voulait pas que cette expérience soit gâchée par l'immobilisme. Elle avait gagné deux amis d'un coup, cette année : pour n'importe qui, ce serait peu, mais c'était extraordinaire pour Kristen. Elle ne resterait pas les bras croisés pendant que l'un d'eux se mettait en danger. Elle en serait même vexée.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
~ if i wasn’t a narcissist i wouldn’t like me either ~

@Mentionnez-moi pour activer le Tabou
02 janv. 2017, 12:00
Rumeur d'Orient
Image
ARSENI STOYANOV


Arseni aurait du s’y attendre et c’était pourtant laissé surprendre par la réaction d’orgueil de Kristen. Les yeux légèrement plus ouverts, il souriait sans méchanceté aucune. C’était un de ces sourires approbateurs qui vous allégeait les atmosphères les plus viciés.

Il y avait entre ces deux-là un certain degré de connivence pour ce qui était d’assurer la sécurité de l’autre. Une entente tacite que ni l’un ni l’autre n’avait pourtant jamais convenu en présence du principal concerné. De la même façon qu’Arseni avait épargné à Kristen une condamnation ferme à Azkaban sans lui demander son avis, Kristen lui avait évité de devenir un monstre au coeur du Dominion sans la moindre consultation. Chacun d’eux avait décidé que certaines choses peu avouables étaient nécessaires pour le bien de l’autre : Arseni avait abandonné Poudlard en braquant tous les signaux d’alarme du ministère sur lui, Kristen avait pris le risque de s’interposer entre lui et son demi-frère avant d’accorder une confiance momentanée à Theodorus Lynch. Ce dévouement aveugle formait le ciment de leur amitié, si singulière fut-elle.

« Vous faites preuve de trop d’audace, en effet, professeur, dit Arseni en appuyant sur les dernières syllabes pour souligner l’ironie de ses propos. »

Il se leva de son fauteuil en s’aidant de sa main droite, entraînant dans son mouvement un petit rire guilleret.

« Mais je suis un trop mauvais juge pour la condamner. »

Arseni adressa par dessus son épaule un regard appuyé à son amie. L’éclat de ses yeux noisette pétillait de malice.

Le pied alerte et souple, il s’avança vers une commode ouvragée au bois rougeâtre qu’il ouvrit d’un tapotement de baguette magique. Une pensine en sortit doucement, planant à un peu plus d’un mètre du sol. Elle n’était pas en pierre comme la grande majorité des pensines conventionnelles, mais en bois d’ébène ; un bois noir très sombre qui était gravé d’une multitude de petites runes argentées.

« Approchez, je crois qu’il est temps que vous compreniez certaines choses, dit Arseni en arrachant de sa tempe un filet de pensées semblable à des crins de licorne — dont la consistance vaporeuse rappelait pour autant qu’il s’agissait bien de pensées. Tout commence là… »

Les pensées se diluèrent dans le liquide incolore de la pensine, révélant des scènes de vie décousues.

« Je vous préviens, vous ne ferez pas que découvrir mon passé dans cette pensine, vous éprouverez aussi mes sentiments de l’époque. Certains souvenirs sont difficiles. A plus d’un titre, il faudra vous en démêler quand vous en ressortirez. Ne laissez pas mes sentiments se fondre en vous. Entendu ? »

Arseni fixait Kristen avec un sérieux assumé. Son sourire avait disparu. Ses lèvres ne formaient plus qu’une ligne parfaitement droite. D’un geste de la main, il invita Kristen à se plonger dans ses souvenirs.

{…}

Le fond de la pensine s’ouvrit comme une fenêtre sur un nouveau monde. Un monde particulièrement sombre où le froid mordant de l’hiver avait figé l’herbe sur le sol. Assis côte à côte sur un banc de pierre, deux garçons observaient le ciel constellé d’étoiles. Le plus petit n’était autre qu’Arseni. On lui reconnaissait déjà l’intensité de son regard noisette. Il avait sept ans et se trouvait emmitouflé dans un manteau de fourrure, une chapka trop grande pour lui posée sur sa tête. A côté de lui, de quatre ou cinq ans plus vieux, se tenait son demi-frère Stanislav.

« Tu n’as pas froid ? l’interrogea Arseni d’une voix claironnante qui fit sourire l’aîné. »

« Non. Ne t’inquiète pas. Je réfléchis juste. »

« A quoi ? demanda Arseni en balançant ses petits pieds dans le vide. »

« A ce que je vais devenir petit frère, répondit Stanislav avec une douceur protectrice. Durmstrang offre tellement de possibilités. »

Arseni se tortilla sur place, les yeux étincelant d’admiration et le coeur vibrant d’émotion.

« Moi je sais ce que je veux faire plus tard. Je veux être comme toi ! »

Stanislav éclata de rire et souleva la chapka pour ébouriffer les cheveux d’Arseni.

{…}

Le souvenir sombra dans des limbes obscures, faisant place à un autre. Arseni y avait quinze ans. Torse nu, il se tenait sur la berge d’un lac entièrement gelé où mouillait un immense navire fantôme, penché sur un bac d’eau afin d’y laver ses longs cheveux. La neige alentours et la forte vapeur qui s’échappait de sa bouche entrouverte indiquaient une température ambiante exagérément basse. Une température qui ne semblait pourtant pas avoir d’emprise sur lui. Son corps athlétique était marqué de nombreuses cicatrices et autres traces de brûlures.

Stanislav apparut soudain dans son dos et lui décolla une tape amicale dans le dos.

« Tu ferais mieux de lever la tête et d’ouvrir les yeux petit frère. Tu verrais alors le nombre de filles qui sont littéralement entrain de te manger du regard. Il y en a dans le lot qui survivrait à l’examen de notre mère, tu sais. »

Stanislav était plus grand qu’Arseni. Il avait atteint la vingtaine. Il avait la même chevelure châtain qu’Arseni, mais des yeux vert, presque émeraude, et une barbe naissante envahissait son menton et ses bajoues.

« Arrête tes bêtises, tu veux bien, rétorqua Arseni sans même dénier accorder un seul regard aux filles qui lui lançaient effectivement des regards enflammés depuis la proue du navire. Alors ça y est, tu t’en vas ? »

Son rythme cardiaque s’emballa.

« Oui petit frère. J’en ai fini avec cette école. Quelque chose de plus grand m’attend dehors. Tu vas me manquer. »

Les deux frères se regardèrent puis échangèrent une longue accolade. Stanislav s’éloigna ensuite sans ajouter le moindre mot, la mâchoire serrée de retenir des larmes qu’il ne pouvait se résoudre à verser. Arseni, lui, ne cachait pas sa tristesse. Les épaules baissées, ses lèvres pincées, il souffla :

« Toi aussi grand frère. Cruellement… »

{…}

Une brume noire engloutit le souvenir et se dispersa pour en laisser filtrer un autre. La neige et la glace avaient laissé place à un salon douillet avec une énorme cheminée en marbre pour le garder bien au chaud. Une grande table se trouvait au centre de la pièce, de belles vitrines décorées d'objets somptueux recouvraient les murs. Un Arseni jeune adulte, une jeune femme aux cheveux châtains coupés courts un peu plus âgée que lui, trois filles plus jeunes chacune aux longs cheveux auburn comme la vieille femme installée en bout de table — dont les traits fatigués laissaient tout de même transparaître une certaine beauté —affichaient des mines soucieuses. Leur ressemblance était si frappante qu'il était impossible de ne pas remarquer qu'ils étaient tous frères et soeurs sous l'oeil épuisé de leur mère.

« Stanislav ne peut pas figurer sur cette liste.. Irina, je le connais, c'est impossible ! déclara la vieille femme en s'adressant à la plus âgée de ses filles. »

Irina jeta un regard en biais sur les trois plus jeunes.

« Mère, il est tard. Vous ne pensez pas que Viktoria, Ana, et Véra devraient monter se coucher. »

Les trois protestèrent avec virulence mais Arseni leva la main et comme par magie le silence retomba.

« Grande soeur, Stanislav est également leur frère, déclara-t-il en plongeant son regard dans celui de sa soeur. Elles ont autant le droit de connaître la vérité que mère et moi. »

« Arseni a raison, ajouta la mère. Tout le monde ici tient à Stanislav. Alors, dis-nous tout ... d'où tiens-tu cette information ? »

Irina se pinça les lèvres, le regard vague.

« Si le ministère venait à l'apprendre je serais immédiatement renvoyée... mais j'ai trouvé son nom dans une liste... une liste que le Bureau des affaires obscures tient pour secrète. Il n'y a aucun doute, le Bureau y travaille depuis des mois déjà... il en fait partie... il fait partie de ce groupe de mages noirs qui se revendiquent comme étant les héritiers du savoir perdu de Grindelwald. Et... »

Arseni fronça soudainement les sourcils.

« Et ? »

Sous la pression palpable de l'instant, Irina fondit en larmes.

« Le ... le ministère le recherche pour le meurtre des Kolarov ! »

Le visage d'Arseni vira au blanc. Quelque chose en lui se brisa et la brume noire le recouvrit.

- 3 -
Dernière modification par Arseni Stoyanov le 28 avr. 2017, 21:48, modifié 1 fois.
07 janv. 2017, 13:19
Rumeur d'Orient
La directrice de Poudlard suivait Arseni avec un regard fier et digne. Lorsque celui-ci planta dans Kristen ses yeux noisette épicés de malice, elle soutint son regard en plissant les yeux. Elle n’était pas du genre à être intimidée par un regard, car elle-même pouvait exceller dans cette pratique. En vérité, qu’Arseni pense qu’elle fasse preuve de trop d’audace, ou non, elle n’en avait cure. La question avait été posée pour décorer le cœur de son propos : elle ne lui laissait pas le choix d’être là.

Sans annoncer ses intentions outre mesure, Arseni fit sortir une pensine d’une commode. Kristen fronça les sourcils en l’observant. Quand Arseni l’invita à s’approcher, elle obéit, mais avança tout de même assez lentement. Elle ne comprenait pas encore où tout cela menait. L’air très sérieux, elle écouta chaque parole du Ministre avec attention. Elle-même possédait une pensine, dans son bureau, à Poudlard. Elle consultait régulièrement certains de ses souvenirs, non pas pour ressasser le passé, mais pour réfléchir. Elle voulait être sûre de ne rien oublier d’important, de ne rien louper de ce qu’elle avait vécu. Les souvenirs qu’elle consultait avaient longtemps concerné le tournoi des trois sorciers. Plus récemment, elle avait tendance à se replonger dans ses souvenirs concernant Aidan Bowers, les découvertes qu’elle avait fait sur son groupe, ou bien la visite d’Erza Nyakane à Poudlard. Ce n’était jamais rien de trop personnel.

Ainsi, quand l’ancien directeur de Poudlard annonça à Kristen qu’elle découvrirait son passé dans la pensine, et qu’elle ressentirait les émotions du Arseni de l’époque, celle-ci fut très gênée. A vrai dire, elle n’avait aucune envie de faire cette expérience – et elle n’en ressentait pas le besoin particulier. Elle n’avait pas pour vocation de s’occuper du passé d’Arseni, mais d’assurer son avenir. Néanmoins, elle estima que c’était important pour lui, s’il prenait la décision d’en arriver là. C’était peut-être aussi une garantie de sa bonne volonté.

Kristen ne put retenir un soupir. Elle attrapa ses cheveux de chaque côté de sa nuque et les rassembla pour qu’ils ne la gênent pas. Elle lança un regard un peu sévère à Arseni, regard qui pouvait exprimer son envie très moyenne de faire cette expérience, et plongea finalement dans ses souvenirs.

Elle reconnut d’abord le sorcier qu’elle avait vu dans le dominion, Stanislav Stoyanov, et un tout petit garçon qui devait être Arseni. Elle ressentait toute l’admiration d’Arseni enfant pour son grand-fère. Quelques années plus tard, elle découvrit un Arseni adolescent et un Stanislav qui avait encore grandi. Ils se séparaient, et Kristen sentit le déchirement que cette séparation provoquait. Les deux frères avaient été très proches.

Le troisième acte, le nœud, fut plus complexe. Il annonçait une suite plus tragique. Kristen découvrit une grande partie de la famille d’Arseni – elle ne soupçonnait pas qu’ils aient été si nombreux – réunie autour d’une table. Le sujet principal de la discussion était justement Stanislav Stoyanov. Celui-ci aurait été membre d’un groupe de mages noirs héritiers de Grindelwald. A travers ce souvenir et les sentiments d’Arseni, Kristen sentit son cœur se serrer, l’angoisse monter. C’était un mélange d’incompréhension, d’incrédulité et d’un peu de peur. Toujours consciente qu’elle était plongée dans une réalité qui n’était pas la sienne, Kristen put minimiser ces émotions, et en vouloir à l’Arseni du présent de posséder une pensine si bizarrement faite.

Finalement, lorsque l’une des sœurs d’Arseni annonça que Stanislav était recherché pour meurtre, elle sentit que son cœur – ou celui de l’Arseni de l’époque – avait fait un bond.
Dernière modification par Kristen Loewy le 12 mai 2017, 12:20, modifié 1 fois.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
~ if i wasn’t a narcissist i wouldn’t like me either ~

@Mentionnez-moi pour activer le Tabou
08 janv. 2017, 11:44
Rumeur d'Orient
Image
ARSENI STOYANOV


{ Attention, certains passages de ce RP peuvent choquer la sensibilité de certaines personnes. }

La brume noire s'écarta comme si elle était repoussée par une main invisible. Arseni se tenait devant un portail en fer forgé noir dans une version un poil plus jeune que celle qu'on lui connaissait aujourd'hui. Vêtu d'un manteau noir à capuchon, il avait le nez levé vers le ciel étoilé et semblait entièrement aspiré par ce qu'il observait. De ses fines lèvres roses s'échappait à intervalle de temps régulier un petit nuage de vapeur, comme pour immortaliser la fraîcheur ambiante.

« Alors ça y est... tu t'en vas ? »

L’étonnement puis le soulagement passèrent successivement sur son visage. Il se retourna et fit face à sa soeur la plus jeune. Véra. Jeune adolescente, Véra arborait une opulente chevelure auburn et des yeux noisettes en forme d'amandes, en tout point identiques à ceux de son frère. Son visage lumineux exprimait à chaque instant une pureté rare, innocente, que la clarté de la lune mettait plus que jamais en valeur.

« Oui, répondit. Oui, il est temps de mettre fin à cette folie. »

« Tu feras attention à toi, promis ? insista Véra, les yeux plein d’espoir. Tu ne les laisseras pas te changer, promets-le moi, je t’en supplie. »

« Je te le promets. »

Véra se pinça les lèvres avant de charger son frère pour le serrer entre ses petits bras. Soudain, la brume s’épaissit. Kristen eut tout juste le temps de voir Arseni sourire et étreindre sa petite soeur comme si c'était la dernière fois.

{…}

Les ténèbres révélèrent une vaste pièce dont le plafond culminait à une hauteur insoupçonnable. Une assemblée d'une centaine de personnes se trouvait réunie autour d'une table taillée dans un marbre noir que l'élégant lustre suspendu au plafond faisait scintiller de petits points argentés. Le bruit était monstre. Les conversations fusaient dans toutes les directions dans une franche camaraderie que l'alcool coulant à flot aidait à entretenir. Tous les visages présents dans la salle avaient la particularité de suinter la fierté, la suffisance, à l'exception de celui d’Arseni qui, lui, brillait par sa fermeté et son détachement. Stanislav se tenait à son côté, un grand sourire venant ponctuer chaque regard qu'il faisait tomber sur son frère. Un homme de grande stature, de bonne famille à en juger seulement sa posture et la rareté des étoffes qu'il portait sur ses épaules, leva vivement les bras en l'air. Ce qui fit taire l'assemblée toute entière. Un sourire arrogant se dessina sur son visage sculpté dans la rudesse du grand nord.

« Mes frères, aujourd'hui est un jour nouveau ! »

De vives exclamations saluèrent cette introduction pour le moins efficace. L'homme qui semblait mener l'assemblée à la baguette attendit que le silence se fit pour continuer.

« Aujourd'hui, nous accueillons parmi nous un nouveau bras armé. Et quel bras mes frères ! Ni plus ni moins que le Dragon Écarlate ! Ou devrais-je dire monsieur le champion de Bulgarie de Duel sorcier, hein Arseni, que préfères-tu ? »

« Le Dragon Écarlate, vous économiserez ainsi votre salive, répondit un Arseni Stoyanov dont le visage n'exprimait toujours rien. »

Des rires assourdissants résonnèrent dans toute la pièce. Stanislav envoya une tape amicale sur l'épaule de son frère tandis que le chef du groupe riait aux éclats en lui faisant signe d'approcher. Arseni Stoyanov rejoignit le cercle libre au milieu de l'assemblée où on lui fit retrousser la manche de son bras droit. Le chef posa une main sur sa nuque et l'obligea à baisser la tête jusqu'à ce que son front se retrouve coller contre le sien. Alors un silence absolu s'abattit sur l'assemblée.

« Arseni.. Aleksandar.. Radoslav.. Stoyanov.. jures-tu sur l'honneur de défendre notre cause dans la vie comme dans la mort ? ... Jures-tu protection et loyauté aux frères ici présents ? ... Jures-tu fidélité aux enseignements du maître Grindelwald ? ... Jures-tu fidélité à la seule source de pouvoir en ce monde, la magie noire ? »

« Sur l'honneur, je le jure. »

Les mâchoires d'Arseni se contractèrent. L'homme tira une boite dorée de sa robe. Il l'ouvrit et saisit une baguette magique nervurée d'or.

« Moi, Sámson Zsigmond Grindelwald, jure sur l'honneur de faire de toi notre nouveau frère de chair et de sang. »

Sur ces mots, il pointa la baguette magique sur l'avant-bras dénudée et tout en l'agitant saigna la peau pour y graver une marque noire à base de roses, de ronces, de cercles, de triangles, de losanges et de chiffres.

Un brouhaha indescriptible fit trembler les murs quand le dernier détail fut gravé. L'assemblée toute entière manifestait une joie incommensurable. Stanislav serrait son frère dans ses bras, euphorique.

{…}

La brume vira au rouge, d'abord un rouge brique avant de prendre un rouge intense comme celui des flammes. Et en effet, tout était entrain de brûler... un village tout entier au milieu d'une plaine enneigée. Des cris de terreur éclataient un peu partout tandis que plusieurs groupes, hilares, jetaient des sorts dans toutes les directions. La scène se focalisa sur un groupe en particuliers, arrêté sur le parvis d'une église. Arseni Stoyanov se tenait derrière Stanislav Stoyanov et Sámson Grindelwald. Sámson leva sa baguette et les portes de l'église volèrent en éclat. Une foule tenta de s'en échapper mais le groupe s'assura un contrôle total sur elle. Une lueur étincelante dans les yeux de Stanislav indiquait qu'il jubilait. Derrière, Arseni affichait une mine insondable. Sámson agita sa baguette et une jeune femme d'une vingtaine d'années aux longs cheveux blonds se souleva dans les airs. Incapable de répondre du moindre mouvement de son corps, elle atterrit aux pieds de son bourreau dont le sourire carnassier réveilla en elle la seule chose qu'elle était encore capable de contrôler : ses larmes.

« ARSENI !! cria Sámson. »

Arseni contourna son frère et se porta à la hauteur de Sámson qui lui jeta un regard en biais. Un drôle de regard où on pouvait lire comme un sentiment de plaisir sadique.

« Je veux que tu la fasses souffrir, mon frère... Je veux lire dans son regard toute la souffrance du monde pendant que tu la tortureras. Il est temps que tu te montres digne, mon frère... oui, il est temps… »

Tout se déroula très vite. En quelques secondes à peine, comme si Arseni avait soigneusement tout orchestré depuis des lustres. Il porta sa main droite à sa poche pour saisir sa baguette tandis que la gauche, discrètement, saisissait quelque chose dans une autre poche. La seconde d'après, il jetait un objet à la jeune femme en criant « Portus ! ». Elle se volatilisait dans la foulée. Lui aussi...

... pour réapparaître au sommet d'une colline, à une trentaine de kilomètres du village incendié. Un autre tourbillon noire frappa le sol juste derrière lui. Le temps de se retourner, Arseni faisait face à son demi-frère, le visage rouge de colère, les yeux injectés de haine.

« TU FAISAIS MA FIERTÉ PETIT FRÈRE ! MA SATANÉE FIERTÉ ! s'écria Stanislav comme un dément. AVADA KED... »

« Silencio ! répliquait tout juste à temps Arseni. Tu faisais la mienne... mais c'était il y a longtemps... bien avant QUE TU NE PERDES LA RAISON ! »

Stanislav agita sa baguette magique devant sa bouche et le son de sa voix résonna de nouveau clairement.

« TU ES FAIBLE ! TU L'AS TOUJOURS ÉTÉ ET TU LE RESTERAS ! SECTUMSEPRA ! »

Arseni n'eut le temps de contrer le sortilège de son frère. Une marre de sang rouge imbiba sa chemise blanche au niveau de son flanc droit. Pliant le genou, il se retrouva à terre, la main appuyée contre ses côtes.

« Tu étais mon héros... mon héros Stanislav, souffla Arseni dont les yeux étincelaient à présent. TU ÉTAIS MON FRÈRE ! »

« SILENCE CHIEN ! TRAÎTRE À MON SANG ! SILENCE TU N'ES QUE POISON ! AVADA KEDAVRA ! »

Arseni eut tout juste le réflexe de rouler sur le côté pour éviter le rayon vert...

« Avada Kedavra ! »

... quand le sien atteignait sa cible. Stanislav s'écroulait dans la neige, mort.

{…}

« M'aimes-tu mon frère ? »

C’était un nouveau souvenir. Un souvenir beaucoup plus récent. Kristen n’eut aucun mal à reconnaître l’Arseni qui venait d’être nommé directeur de Poudlard. Elle n’eut même aucun mal à reconnaître la pièce dans laquelle il se tenait pour être déjà entrée dans une des chambres des Trois Balais, à Pré-au-Lard. Arseni tressaillit. Puis, sans se tourner, répondit :

« Autant qu'il est possible d'aimer une soeur. »

Le silence retomba. Un instant, Arseni eut peur que sa réponse ne fut pas à la hauteur de ce que sa soeur attendait. Mais tournant les talons, il découvrit pire encore. Viktoria était pliée en deux, une main sur le ventre, l'autre sur la bouche comme pour s'empêcher de crier ; des larmes courraient sur ses joues à la lumière de la lampe à huile. Lâchant son verre d'alcool, Arseni se précipita pour la prendre dans ses bras.

« Allons, qu'y a-t-il ?! »

La tête haute, il sentit les poings de Viktoria agripper sa chemise et sa bouche se coller à son pectoral droit pour étouffer un cri. Une légère panique le gagna.

« Parle ! s'exclama-t-il en la saisissant par les bras. »

Viktoria leva ses yeux émeraude embués de larmes — elle avait le regard de leur mère, ce qui avait toujours eu le don de pétrifier Arseni quand elle le fixait — et balbutia :

« Ils... ils l'ont... tu-tué... no-notre petite Véra... i-ils l'ont mass-massacré ! »

« QUE DIS-TU ?! s'écria Arseni, les yeux écarquillés de frayeur. »

Viktoria déglutit et pleurant de plus bel, elle essaya vraisemblablement de rassembler son courage en prenant de grandes inspirations.

« Elle a... elle a voulu marcher dans tes pas. Elle disait vouloir te rendre justice... elle, elle les a rejoint mais... mais je ne sais comment, ils ont découvert sa véritable identité... Oh Arseni.. notre si petite Véra... »

Elle s'étrangla avant de pouvoir terminer sa phrase et repoussa son étreinte pour se coller à lui.

Glacé jusque dans sa chair, Arseni demeura immobile, quand bien même Viktoria cherchait le réconfort de sa chaleur. Ses grands yeux noisettes se remplirent de larmes. Ses mâchoires se serrèrent pour tenter de les endiguer, en vain. Les larmes coulèrent sans difficulté. Véra, la plus jeune de ses sœurs, n'était plus.

Quelque chose au fond de lui se déchira comme on déchire une vulgaire feuille de papier. Ses entrailles se recroquevillèrent et des tremblements incontrôlés apparurent le long de ses bras. Pour les faire taire, Arseni ne trouva rien de mieux que d'enrouler brusquement ses bras autour de sa sœur pour la serrer contre lui, ses larmes de haine venant mourir dans son opulente chevelure auburn.

« Ne-ne nous abandonne pas... si tu m'aimes, ne-nous laisse pas... je t'en prie, lui murmura maladroitement Viktoria. »

Les traits d'Arseni se crispèrent un peu plus, si cela était possible.

« Tu dois retourner auprès de mère, ordonna-t-il, le visage blême de colère. Tu le dois ! répéta-t-il pour couper court à la réplique que Viktoria s'apprêtait à prononcer. »

Conscient du ton qu'il venait d'employer, il caressa sa joue.

« S'il te plait, l'implora-t-il. »

Viktoria se pinça les lèvres mais finit par acquiescer. Arseni l'embrassa sur le front puis, lancé comme une tornade, se dirigea vers la sortie.

« Que comptes-tu faire ? l'interrogea Viktoria alors que les chevalières enroulées autour de ses doigts tintaient contre la poignée de la porte. »

« La ramener. »

{…}

Le dernier souvenir dans lequel Kristen se retrouva voyait le même Arseni remonter un escalier sombre. Son cœur tambourinait contre sa poitrine. Tout son sang bouillonnait de colère, une colère immense, froide, et profondément humaine.

Au sommet de l’escalier, un sorcier masqué vêtu de noir dégaina sa baguette magique mais Arseni fut trop rapide pour lui. D’un mouvement de bras, sa propre baguette magique envoya une espèce de fronde s’enrouler autour du cou de l’individu pour l’étrangler jusqu’à ce que mort s’en suive. Arseni le dépassa sans se soucier de son sort alors qu’il s’écroulait au sol et se tortillait en émettant des bruits gutturaux immondes.

Animé par l’immensité de sa souffrance, Arseni poussa la seule porte qui se profila au bout du couloir. Il s’arrêta net en la découvrant de son regard tremblant…

Véra était accrochée par les mains et les pieds. Sa robe de sorcière était sale et maculée de sang. Arseni s’approcha d’elle d’une démarche saccadée, ses jambes ployant sous le poids de la dévastation. Il s’écroula sur les genoux devant le corps mutilé de sa petite sœur. Le menton relevé, la bouche ouverte, il la regardait, suspendue dans les airs comme un gibier prit dans un piège. Et il pleura, ô oui combien il pleura de découvrir son visage lacéré d’innombrables entailles et ses yeux fermés sur des rivières de sang.

{…}

Kristen émergea de la pensine. Elle était de retour dans le présent.

Appuyé contre la baie vitrée de son bureau, sa tempe collée à la vitre, Arseni pleurait en silence. Sa seule main encore valide ne tenait plus sa baguette. Tremblante, elle était plaquée contre sa bouche, tandis que les larmes coulaient insensiblement sur elle.

Arseni cligna des yeux et retira sa main de sa bouche. Ses traits étaient transfigurés par la colère, devenus terrifiants de noirceur.

« Voilà, dit-il d’un ton ferme. Désormais vous savez ce que sont les Noirfangueurs. Vous savez ce qu’il peut en coûter de consacrer une vie à les combattre. »

- 4 -
Dernière modification par Arseni Stoyanov le 28 avr. 2017, 21:49, modifié 1 fois.
08 janv. 2017, 14:27
Rumeur d'Orient
Kristen suivit le déroulement du passé d’Arseni avec une attention de plus en plus vive. Elle ne pouvait pas faire autrement, à vrai dire. C’était un genre d’injustice qui faisait que plus les événements étaient violents, plus la pensine semblait aspirer Kristen. Bientôt, elle eut l’impression d’être un fantôme qui assistait réellement à toutes ces scènes, et le souvenir d’Arseni semblait être le sien, en tant que spectatrice.

Elle retint le nom de Sámson Zsigmond Grindelwald, elle retint tout ce qu’elle put, essayant non sans peine de se détacher du seul ressenti que pouvait lui provoquer l’étrange pensine d’Arseni. Il fallait qu’elle sépare le spectacle de la réalité, il fallait qu’elle se souvienne où elle était : dans le bureau du Ministre, la tête plongée dans sa pensine, et tout ceci n’était qu’un souvenir. Elle n’y était pas, elle n’avait aucune raison de se laisser prendre par ces émotions. Il fallait que ce soit utile : qu’elle observe, comme toujours, qu’elle analyse au mieux les images qui lui étaient offertes, qu’elle retienne ce qu’elle pouvait entendre.

Arseni avait rejoint ce groupe des adeptes de Grindelwald et y avait retrouvé son frère. Le premier – le seul, à vrai dire - avantage de la pensine se trouva là : si la pensine s’était contentée de montrer des images, Kristen aurait pu penser qu’Arseni avait rejoint ce groupe par conviction. Mais son cœur, elle le ressentait, ne disait rien de tout cela. Il n’était pas là par plaisir. Ce sentiment fut confirmé par les images que Kristen vit ensuite. Arseni qui refusait d’obéir à son chef, qui sauvait une jeune femme d’une mort certaine. Et puis, Arseni qui combattait son frère, et qui le tuait. Elle vit un éclair vert jaillir de la baguette d’Arseni, et le temps fut suspendu durant quelques secondes qui parurent interminables.

Kristen fut alors troublée par son propre souvenir, qui se mélangea à celui d’Arseni. Elle repensait à Stanislav, dans le dominion, bien vivant, qui parlait de se faire tuer « une deuxième fois » par son frère. C’était donc cela dont il était question.

La suite fut encore plus horrible, si c’était possible. Kristen sentit que le souvenir était assez récent, encore vif. Il annonçait la mort d’une des sœurs d’Arseni. Le cœur de Kristen se serrait dans tous les sens, comme s’il était un torchon mouillé qu’on essore. Elle avait une boule dans la gorge : l’impression d’avoir avalé de travers une balle de golf entière.

Le final était le pire. Le corps d’une jeune femme, inerte, accroché comme un morceau de viande chez le boucher. Malgré tout le sang qui la recouvrait, elle avait toujours en elle une certaine idée de la beauté. La scène n’en était que plus affreuse.

Elle tituba en sortant de la pensine. Ses yeux bien ouverts restaient bloqués sur la pensine. Son cœur battait vite, sa respiration était forte et elle déglutit plusieurs fois sans parvenir à avaler une bonne fois pour toutes la balle de golf coincée dans sa gorge. Elle ne vit pas tout de suite où était Arseni. Un peu paniquée, elle regarda à droite et à gauche à toute vitesse pour le chercher du regard. Etait-il parti ?

Elle le vit enfin, contre la vitre de son bureau. Il pleurait. Elle ne l’avait jamais vu pleurer, elle ne savait même pas qu’il en était capable. C’était bizarre. Elle soupira d’émotion : ce voyage dans le passé l’avait épuisée. Elle chancela un peu et se laissa tomber dans le siège sur lequel elle était assise quelques minutes – ou quelques siècles ? – auparavant.

Kristen n’osait pas regarder Arseni. Elle ne savait pas comment se comporter avec lui, dont le visage était tout mouillé de larmes. Elle lui glissa simplement un regard lorsqu’il prit la parole, mais dès que leurs regards s’entrechoquèrent, les yeux de Kristen vrillèrent vers un meuble quelconque de la pièce.

Elle n’était pas du genre à avoir peur. Son appréciation du danger était souvent douteuse. Elle aurait été prête à tout pour protéger ceux qui lui étaient chers, et donc Arseni, en l’occurrence. Mais les Noirfangueurs devaient être des déchets dont même la Lâcheté ne voulait pas. Si le combat avait été frontal, elle y serait allée, elle y aurait couru. Sa vie ne lui était pas assez chère pour vouloir la préserver avant de préserver celle de ses amis.

Mais elle doutait que les Noirfangueurs soient du genre à se contenter de leurs ennemis propres : dans le souvenir qu’Arseni lui avait montré, ils tuaient presque par plaisir. Ils massacraient parce que telle était leur volonté. Elle repensa au corps mutilé de la sœur d’Arseni et fut prise d’une crampe à l’estomac. Qu’engagerait-elle, en se lançant là-dedans ? Sa vie seule serait-elle en jeu, ou bien l’amplitude était-elle plus grande ?

La balle de golf était toujours coincée dans sa gorge et elle ne put rien dire.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
~ if i wasn’t a narcissist i wouldn’t like me either ~

@Mentionnez-moi pour activer le Tabou
10 janv. 2017, 00:44
Rumeur d'Orient
Image
ARSENI STOYANOV


Pas un bruit, pas un soubresaut, pas un gémissement. Il fallait les voir de ses propres yeux pour les croire. Les larmes d’Arseni Stoyanov étaient ainsi faites, lourdes de chagrin mais toujours silencieuses, celle d’un homme humble, simple, dirait-on. Tout individu connaissait son lot de peines. Malgré l’horreur des siennes, Arseni ne les considérait ni plus grandes ni plus importantes que celles des autres. Elles étaient, cela suffisait amplement.

Après un long moment durant lequel le silence s’imposa comme un roi, Arseni sécha ses larmes d’un revers de manche puis il repoussa une mèche rebelle d’un geste désintéressé. Il ne fit cependant pas le choix de regarder Kristen. Il ne souhaitait pas qu’elle puisse le fixer droit dans les yeux alors qu’ils étaient encore bouffis des larmes qu’il avait déversés. Après tant d’années, tant d’épreuves passées, le souvenir de sa petite Véra hantait encore ses songes de nuit comme de jour. Arseni savait au plus profond de son âme que ce souvenir le hanterait jusqu’à la fin de ses jours.

Il ne pouvait pas croire que quiconque se sente prêt à vivre la même chose. Personne ne pouvait décemment courir après un tel désastre. Même la grande Kristen Loewy.

« Aucun engagement d’aucune sorte ne vous lie à moi, dit-il d’une voix lourde, ce qui donnait à ses mots une intonation vibrante, tandis que son regard cherchait sans voir par la vitre. Mettriez-vous en danger votre vie, celle de votre fils, ou encore celle de vos parents, pour espérer triompher de ce mal ? J’en doute. Aucune personne sensée n’accepterait un tel engagement… »

Arseni prit une profonde inspiration en fermant les yeux.

« Si seulement je l’avais su… même moi je n’aurais pas couru après tous ces périls. »

Sa voix tonna comme une conclusion. Il se massa le front du bout des doigts. Ce front moite d’avoir enduré la vision de sa plus jeune soeur livrée en pâture à ces monstres innommables. Non, il ne pouvait accepter que son amie puisse accepter la même conclusion pour l’un des siens. Pas au nom de leur amitié. Aucune amitié ne valait un tel prix.

« Renoncez, dit-il en rouvrant ses yeux sur l’extrémité de ses doigts mouillés. Je vous le demande en tant qu’ami. S’ils apprennent que vous êtes avec moi, ils trouveront un moyen de vous faire du mal. Ils vous enlèveront ce que vous avez de plus cher, s’en prendront à ceux que vous pensiez à l’abri. Ils vous réduiront à l’état de spectre. Un spectre de vengeance. »

Finalement, Arseni se tourna pour planter son regard épuisé — triste et épuisé — dans celui de Kristen.

« En faisant de vous ce spectre de vengeance, ils m’infligeraient une ultime blessure. Celle dont je ne pourrais me relever. »

- 5 -
Dernière modification par Arseni Stoyanov le 28 avr. 2017, 21:49, modifié 1 fois.