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09 déc. 2015, 22:37
La dernière leçon  PV 
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ARSENI STOYANOV


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Diedouschka



Arseni ne comptait plus les heures passées derrière son bureau. Chaque jour lui apportait, invariablement, son lot de nouveaux dossiers à consulter et de nouvelles décisions à prendre. La masse de travail qu'il avait à traiter était colossale et toujours plus délicate à mesure que les mois défilaient. Arseni avait depuis longtemps perdu tout espoir de la réduire. Aussi, ne caressait-il plus le rêve de s'octroyer le moindre jour de congé. Comme tous les soirs, jusque tard dans la nuit, il se retrouvait assis derrière son vaste bureau, étudiant divers documents à la lumière frémissante d'une lampe à l'huile, dictant des notes à trois ou quatre plumes à papote, et répondant, de sa propre main, à des courriers officiels en provenance des quatre coins du globe.

" ... avec mes sincères félicitations. Signé A.Stoyanov. Post-scriptum : n'hésitez pas à vous adresser à mon secrétaire si jamais votre nouveau bureau vous apparaît trop austère. Cela fait longtemps que cette aile de mon cabinet n'est plus habitée. "

Arseni leva le nez du décret 11403, relatif à la libre-circulation des elfes au moment où la plume à papote verte offerte par le ministre de la Magie allemand apportait un point final à la dernière note de service qu'il venait de dicter. Le papier noirci s'envola de son pupitre pour atterrir dans sa main.

" Très bien, jugea Arseni après relecture. "

Parmi la multitude de tiroirs que comptait son bureau, un seul s'ouvrit pour laisser filer une enveloppe ensorcelée de couleur violette. En deux temps trois mouvements, la note de service s'y fourra toute seule, pliée avec le plus grand soin, avant que l'enveloppe ne disparaisse à toute vitesse par la porte entrouverte du bureau. Arseni étouffa un bâillement, son regard fixé sur la porte qui s'ouvrait lentement, poussée par une main encore inconnue. Une silhouette massive entra dans son bureau, vêtue d'épaisses fourrures. A sa vue, Arseni éprouva un sentiment de joie incommensurable.

" Je me demandais combien de temps il vous faudrait pour me rendre visite, déclara Arseni d'une voix tendre. "

Evgeniy Kowalczyk épousseta son manteau de fourrure à l'aide de sa chapka, l'air faussement distrait.

" Allons, allons, tu excuseras bien son retard à un vieil homme, hm ? Rétorqua le directeur de Durmstrang avec le ton mutin qu'Arseni lui avait toujours connu. Trêve de balivernes, veux-tu. Lève-toi que je te regarde. "

Arseni reposa près de l'encrier la plume d'aigle qu'il tenait dans sa main et se leva de son siège, dominant le vieil homme d'une bonne tête.

" Par ma barbe... tu as changé, déclara Evgeniy dont les yeux scrutateurs allaient et venaient des pieds à la tête d'Arseni. Et que trop. Approche mon enfant, approche. "

Arseni s'exécuta sans broncher. Il contourna son bureau d'un pas mesuré et s'approcha de son vieux maître comme l'adolescent d'autrefois : à demi paralysé par le respect qu'il lui inspirait. Le sourire et le regard lumineux du vieil homme raviva en lui un si grand nombre de souvenirs qu'il ne réalisa pas tout de suite que les bras puissants d'Evgeniy le serraient contre lui.

" Arsenievitch... couina Evgeniy, dont le visage contracté par l'émotion était tourné vers l'épaule droite d'Arseni. "

" Diedouschka... répondit Arseni en tapotant affectueusement l'épaule de son mentor. Bien des hivers sont passés. "

Evgeniy s'écarta en essuyant son visage dans sa manche. A le voir si ému, Arseni éprouva un véritable élan d'amour pour cet homme qui lui avait tout appris. Même loin de son giron durant des années – en fait depuis qu'il avait abandonné son poste de professeur à Durmstrang pour traquer son frère – Arseni n'avait pas oublié tout ce qu'Evgeniy avait fait pour lui. Il était comme un père. Le père qu'il n'avait jamais eu.

" Que me vaut l'honneur de votre présence ? "

Le regard malicieux d'Evgeniy, encore brillant des larmes qu'il n'avait pas réussi à verser, s'enfonça profondément dans celui d'Arseni.

" J'ai appris tes malheurs et les ai portés comme mes propres fautes durant toutes ces années. Je ne pouvais résolument pas me tenir si près de toi sans venir te voir. Je n'ai pas oublié l'enfant que tu étais mais je ne peux ignorer l'homme que tu es devenu... qui aurait cru ça possible, un fils de Durmstrang à la tête du gouvernement magique de Grande-Bretagne. Toi seul pouvait parvenir à un tel exploit. Toi seul pouvait me surprendre à ce point. Et pourtant, je ne peux m'empêcher de percevoir une ombre à ce tableau. Je ressens ta fatigue mon enfant et j'imagine la douleur quotidienne qui est la tienne. Je ne suis plus le sorcier d'autrefois, mais je peux encore me targuer de t'apprendre deux ou trois choses. "

Arseni ne chercha pas à dissimuler son étonnement. C'était peine perdue devant cet homme si cher à son coeur torturé. Il tourna les talons et retourna à son siège, derrière son bureau. Evgeniy lui emboîta le pas et s'installa face à lui, jetant au passage quelques regards intrigués tout autour de lui. Arseni avait l'impression que l'heure de recevoir sa dernière leçon était arrivée.

" La magie que tu utilises pour sauver les apparences est très dangereuse, poursuivit Evgeniy en prenant un air songeur. Je ne te l'ai pas enseignée dans un but aussi... futile. Cela ne te ressemble pas. Tu as toujours été un garçon sensé. Ce qui m'amène à croire que la magie noire commence à prendre une place potentiellement dévastatrice dans ta vie... nul sur cette terre, ne regretterait plus que moi une telle issue. Tu dois retrouver l'équilibre, coûte que coûte. "

Les mains croisés sous son menton, Arseni n'osait même plus soutenir le regard de son mentor. Le dicton disait bien qu'il n'y avait que la vérité qui blesse ; et de fait elle le blessait plus qu'il ne l'avait soupçonné.

" Que préconisez-vous ? Demanda-t-il sèchement. Un peu trop, à son propre goût. "

Evgeniy laissa éclater un rire gras qui tira Arseni de ses songes.

" Tu n'es pas sans savoir qu'un bal de noël sera bientôt donné à Poudlard en l'honneur des champions du tournoi des trois sorciers. Que dirais-tu d'y assister ? Le professeur Loewy n'a pas de cavalier aux dernières rumeurs. Tu lui as sauvé la vie à ce qu'il se dit, et... elle lui ressemble tant... "

Arseni fusilla son mentor du regard à cette allusion.

" Ce n'est pas parce que le malheur t'a accablé plus que quiconque que tu dois te refuser aux bonheurs que peut encore présenter cette vie, ajouta Evgeniy en martelant son poing sur le bureau. Invite-la. Il en ressortira plus de bien que tu ne le soupçonnes. Si tu dois encore suivre un conseil de ton ancien maître, suis celui-ci. "

Il avait imaginé un nombre incalculable de fois cette entrevue, mais Arseni n'avait pas effleuré l'idée de recevoir une telle leçon de son mentor. Il s'enfonça dans son siège, le regard dans le vague. La perspective d'inviter Kristen au bal de noël de Poudlard lui paressait quelque peu surréaliste, tant par la fonction qu'il occupait que par l'état d'esprit qu'il trimbalait avec lui depuis des années. Cette noirceur imperceptible pour le commun des mortels – si ce n'est pour quelques uns de ses proches – prenait une place grandissante dans son esprit, si bien qu'il se refusait presque à goûter au moindre petit plaisir désormais. Comment en était-il arrivé là ? Il ne le savait pas vraiment. Sa vie n'avait été qu'une succession de ruines depuis la mort de son frère. Il avait progressivement tout perdu, jusqu'au goût de vivre. Pouvait-il le retrouver ? Arseni hésita, observa Evgeniy, avant de tendre le bras vers sa plume d'aigle.

" Très bien. Quand vous rentrerez au château, portez-lui ce message de ma part. "

Il se saisit d'un parchemin vierge et y coucha ces quelques mots :



Chère Kristen,

Ma démarche vous surprendra peut-être mais un homme, à qui je tiens énormément, m'a dit un jour qu'il fallait toujours se trouver là où on nous attendait le moins. Je crois savoir que vous n'avez pas de cavalier pour le bal que vous organiserez bientôt sous votre toit. Peut-être, après la surprise que suscitera la lecture de ce message, qu'il vous viendra à l'esprit de vous y rendre avec moi ? J'ai gardé quelques restes des grands bals que nous donnions autrefois à Durmstrang et il me plairait de vous revoir dans un cadre différent de celui dans lequel nous nous sommes parlés les deux dernières fois.

Arseni
Dernière modification par Arseni Stoyanov le 28 avr. 2017, 21:43, modifié 1 fois.
15 déc. 2015, 17:38
La dernière leçon  PV 
Kristen n’était pas ce qu’on appelle un peu dédaigneusement une « femme compliquée ». Elle avait des tonnes de problèmes, n’aimait pas particulièrement faire la conversation avec autrui ; d’ailleurs elle ignorait encore qui était censé être son « prochain » et avait longtemps pensé que c’était simplement la personne se tenait la plus proche de soi, ce qui, au final, n’était pas forcément une idée dépourvue de sens. Cette distance qu’elle s’était toujours appliquée à mettre entre elle et le monde, pas tout à fait volontairement, lui évitait au moins le problème des sentiments un peu trop envahissants. Parce que voilà ce qu’est une femme compliquée : c’est une femme qui croit savoir ce qu’elle veut, puis qui ne sait plus et qui dit qu’après tout, cela n’a jamais été ce qu’elle voulait et que tu as mal compris ! qui s’autorise tout et n’autorise rien, c’est quelqu’un qui remet toujours la faute sur l’inaptitude exceptionnelle des autres à la comprendre, de toute façon, alors qu’elle-même ne se comprend pas vraiment. Non merci, donc.

Tout le monde pouvait être apte à comprendre la directrice de Poudlard, en y réfléchissant un peu. Elle était très prévisible. Le problème, quand on est à ce point hostile aux autres, c’est que personne n’essaie jamais de vous comprendre, et vous devenez alors un mystère un peu bizarre. On ne sait pas trop à quoi s’attendre avec vous juste par la force de l’habitude et de la rumeur : « paraît qu’il faut la prendre avec des pincettes ! »

La vérité était simplement que Kristen Loewy éprouvait un profond dépit à l’égard de beaucoup de choses. La vie l’avait martelée de coups et à force, elle ne les sentait presque plus. Elle aurait pu encaisser encore de nombreuses crasses et à la fin, dans sa plus haute indifférence, lâcher un : « c’est bon, tu as fini maintenant ? »

Les choses qui l’animaient, si rares, prenaient naturellement beaucoup plus d’importance. Un homme en particulier faisait partie de ses priorités, et il se tenait là, actuellement en face d’elle, alors qu’elle tenait entre ses mains une lettre écrite de la main du Ministre de la Magie en personne.


« Eh bien ? Qu’est-ce que ça dit ? lança-t-il, croisant les bras et haussant un sourcil. »

Elle parcourut une nouvelle fois la lettre, toujours si étonnée.

« Le Ministre de la Magie m’invite au bal de Noël. »

Un rire sournois se fit entendre, tandis qu’il balançait sa tête en arrière.

« Ben voyons ! Il s’invite tout seul, tu veux dire, et cherche un prétexte pour pouvoir entrer. »

Kristen releva les yeux vers lui, et son regard ne trahissant rien d’autre qu’un profond état de fatigue. Il sentit tout de suite qu’elle était en partie fatiguée de lui et il tourna les talons, haussant les épaules et soupirant trop fort, de manière à bien faire comprendre au monde entier qu’il avait soupiré et que décidément, il était agacé ! N’ayant cure de ses réactions enfantines et supposant le plus simplement du monde que la tête du Ministre ne devait pas lui revenir, elle relut certains passages de la lettre.

Elle pensa qu’Arseni commençait à la connaître, ayant franchement prévu sa surprise et ayant bien appuyé dessus. Ce qui l’étonnait le plus, pourtant, c’était la dernière phrase de la lettre. Il lui plairait de la revoir dans un cadre différent ? Elle haussa les épaules. Pourquoi pas, après tout ? Au moins, elle ne serait pas mal accompagnée. Une chose la dérangeait pourtant : elle se disait bien qu’un homme comme Arseni Stoyanov devait avoir d’autres chats à fouetter que se rendre à un bal dans une école.


« Bon, fit-elle. »

Il se retourna.

« Que vas-tu lui répondre ? »

La directrice se demanda bien en quoi cela pouvait l’intéresser.

« Que j’irai avec lui. »

Il fit à nouveau demi-tour.

« D’accord. C’est bien. Il y eut un silence et il reprit, bon, on continue ? »

Et à ces mots, n’en pouvant plus de se tourner, de se retourner et de se re-retourner, il fit une bonne fois pour toute volte-face vers Kristen en écartant grand les bras d’un air triomphant. La directrice hocha la tête avec un léger sourire et se leva. Elle s’avança au centre de la salle et se planta là, devant lui. C’était reparti pour cette leçon. L’entraînement commençait vaguement à porter ses fruits. Malheureusement, il n'aidait pas à vaincre la cécité sentimentale.

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25 déc. 2015, 11:35
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ARSENI STOYANOV


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Sombre raison



Evgeniy l'observa longuement, de ce regard à la fois si doux et si perçant, sa main refermée sur la lettre qu'il venait de lui remettre. Arseni ressentit à travers ce regard, le poids d'un lourd questionnement qui menaçait à tout instant de franchir les lèvres du vieil homme. Celui-ci, peu sujet à le ménager, glissa la lettre dans la doublure intérieure de son manteau, avant de laisser choir ses coudes massifs sur le bureau et de basculer une partie de son poids vers l'avant. Conscient qu'il ne gagnerait rien à reculer devant lui, Arseni l'imita ; s'armant d'un fin sourire qu'il dissimula derrière ses mains croisées serties de chevalières en argent. Le vieil homme pouffa, ses larges épaules secouées de spasmes réguliers, visiblement ravi du défi qui lui était proposé.

« Ne me laisse pas croire que tu as cédé si facilement pour ménager mon vieux coeur. »

« Non, répondit Arseni. Seulement pour ménager vos vieux os. »

Voir le corps du vieil homme trembler à chaque bouffée de rire suscitée par sa plaisanterie mit Arseni de bonne humeur. De tout ce qu'il avait perdu en abandonnant le giron de Durmstrang, le rire communicatif de son mentor était de loin l'élément qui lui avait le plus fait défaut tout au long de ces années d'exil. Il écouta, amusé, ce rire gras remplir la pièce puis mourir à petit feu dans la gorge de son propriétaire.

« Pourquoi l'as-tu sauvée ? lui demanda très sérieusement Evgeniy, qui finit par troquer son rire gras pour un sourire énigmatique. Tu aurais pu l'abandonner elle et tous les autres à leur sort. Aussi triste soit-il, il ne te concernait en rien. Pourquoi cette bonté ? »

Arseni batailla ferme pour ne pas détourner son regard. Soufflant un filet d'air coupable entre ses doigts, il répondit : « La bonté n'est pour rien dans ce que j'ai fait. Je ne pouvais simplement pas me l'imaginer en cage... à la merci de ces démons. Seule. Sans aucune aide. Ma culpabilité s'est chargée du reste. Je ne voulais pas revivre la même histoire et subir une fois encore ses conséquences. » Une ombre voila aussitôt la face du vieil homme. Son sourire s'envola comme un vulgaire fétu de paille emporté par une bourrasque de vent. De ce brusque changement de physionomie ne survécut que la terrible acuité de son regard.

Arseni pouvait clairement deviner les pensées qui se dessinaient sous le crâne dégarni de son mentor. Il ressentit ce froid intense, pénétrant, à vous en glacer le sang ; quand bien même il ne s'agissait plus là que d'un souvenir. Il revit cette gigantesque rotonde noyée dans une pénombre étouffante ; ces yeux injectés de sang dénués de vie. Et il la revit, elle. Son coeur céda de nouveau à la détresse. Une détresse enfantine, sourde, et si douloureuse. En fermant les yeux, il redouta de se retrouver prisonnier de cette vision mais tout ce qu'il perçut n'était que ténèbres. Des ténèbres assourdissantes.

« Elles se ressemblent, sous certains aspects, s'entendit-il dire. Mais elles sont si différentes dans le fond. Je ne gagnerai rien à les comparer. Mais quand je croise le regard de Kristen, je perçois cette même tendresse dissimulée sous une carapace d'acier. Je crois qu'elle pourrait bien me comprendre. Et c'est ce qui m'attire et m'effraie. »

Le siège sur lequel Evgeniy était assis poussa quelques gémissements. Quand Arseni rouvrit les yeux, son mentor était confortablement tassé contre le dossier de son siège, les bras étalés sur les accoudoirs. Il ne le regardait plus de ses yeux scrutateurs mais avec une douceur subtile, semblable à celle d'un père contemplant l'oeuvre d'un fils.

« Tu n'as jamais été un monstre, Arseni. Et tu ne le seras jamais, dit-il avec le plus grand sérieux. J'ai pu entrevoir quel genre de femme elle était en assistant à la première tâche du tournoi à ses côtés. Je crois aussi qu'elle pourrait bien te comprendre. Et c'est ce qui me rend heureux. »
Dernière modification par Arseni Stoyanov le 28 avr. 2017, 21:43, modifié 1 fois.
26 déc. 2015, 12:29
La dernière leçon  PV 
Kristen inspira un grand coup, levant son bras droit. Elle se concentra de toutes ses forces et tenta de visualiser au mieux ce qu’elle voulait produire. Elle sentait sa magie circuler en elle, et voulut la canaliser dans son bras. C’était comme s’il y avait de l’électricité dans ses veines ; elle ressentait de petits picotements irréguliers à l’intérieur. Son bras levé se mit à trembler alors qu’elle sentait la magie se concentrer dans cette partie de son corps. Kristen sentait son bras engourdi, presque douloureux, mais elle tint bon. Le dos de sa main fut le premier à réagir. Sa peau commença à s’arracher et se transforma bien vite en de petites boules noires qui lévitaient. Elle arrêta le processus, ayant créé trois boules noires et sa main étant déjà suffisamment douloureuse.

~~~


En se levant, il se permit un sourire satisfait. Il prit un gant en cuir noir sur le bureau de Kristen et après avoir soigné la main de celle-ci, lui tendit. Le dos de sa main était couvert de cicatrices. La directrice saisit le gant de ses mains sans un merci et l’enfila.

« Tu fais des progrès. Le plus difficile est passé, la suite ira plus vite. »

Kristen ne répondit rien, ne lui adressa pas le moindre signe de reconnaissance, et s’affala sur un fauteuil. Chaque entraînement l’épuisait. Elle était satisfaite de ses progrès, même si elle n’en montrait rien. Elle n’était pas du genre à se réjouir de quoi que ce soit, elle n’en avait pas la motivation et préférait utiliser son énergie ailleurs. Elle ferma les yeux quelques secondes, expirant de fatigue, les bras sur les accoudoirs et les mains pendues dans le vide. Le silence était pesant. Lui, il repensait à la lettre que le Ministre de la Magie avait envoyée à Kristen.

« Tu te souviens cette fois où nous avons dansé ? »

La directrice n’écoutait pas vraiment et les yeux fermés, l’esprit ailleurs, essaya un « mhh » d’approbation. En vérité, elle s'en souvenait tout à fait. Cet épisode appartenait à un passé lointain, dont elle se souciait peu, mais il suffisait de faire remonter le souvenir pour qu'il se dessine parfaitement dans son esprit. C’était il y a dix ans. Kristen et cet homme passaient la soirée ensemble dans un bar et puis sans qu'elle ne puisse l'expliquer simplement, ils avaient fini par se donner en spectacle, dansant tous deux sur la chanson Sway, reprise par un groupe de musiciens peu connus. Les souvenirs étaient nets, la directrice de Poudlard se souvenait de l’ivresse qu’elle avait ressentie à ce moment-là, et elle se souvint de son petit cœur qui avait sursauté lorsque leurs visages avaient été si près, si près - mais ce n'était pas vraiment son visage à lui - qu'ils étaient tous les deux grandioses, se souciant uniquement l'un de l'autre. Ce souvenir-là lui fit peur, il était indésirable et salissait sa mémoire.

« Oui, je m’en souviens. Peux-tu me laisser, maintenant ? »

~~~


Plus tard, alors que sa main était moins douloureuse et qu’elle était seule dans son bureau, elle reprit la lettre d’Arseni, l’invitant au bal de Noël, et entreprit de rédiger une réponse. Elle se surprit à bloquer sur le ton à employer. Elle ne voulait pas paraître froide, mais tenait toujours à placer une certaine distance entre elle et lui. Elle se lança finalement :

Cher Arseni,

J’ai bien reçu votre lettre. Sachez que je serais très honorée de partager ce moment avec vous.


Elle s’arrêta. En vérité, elle n’avait plus rien à dire et était du genre à ne dire que ce qu’il fallait. Les envolées lyriques lui étaient totalement inconnues. Cependant, elle avait conscience que rédiger un billet si court était un peu impoli. Elle reprit donc, cherchant quelques vagues mots de sympathie :

Puisse cette soirée être l’occasion de penser à autre chose qu’à nos préoccupations respectives.


Elle se dit que cela faisait encore un peu court, mais était cette fois à court d’imagination. Kristen pensa qu’Arseni le comprendrait bien, et peut-être même n’en attendrait-il pas moins d’elle. Alors, elle acheva :

Mes amitiés,
Kristen.

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