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26 déc. 2017, 23:15
 RPG+  La promesse du bonheur  PV 
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LA TENDRESSE D’UNE MÈRE


Voir Kristen tenter de se faufiler entre sa raison et sa volonté me mis mal à l’aise. Je regrettais aussitôt d’avoir négligé la présence de son fils entre les murs du château, comme je m’en voulais de ne pas avoir eu une seule pensée pour la chair de ma chair jusqu’à cet instant. Pris de remords, je passai ma main le long du bras de Kristen. Ce contact était un réconfort adressé aussi bien à elle qu’à moi-même. Nous avions en commun d’avoir été des mères quelque peu singulières pour nos enfants, pour ne pas dire particulièrement absentes, sans pour autant renier l’amour profond que nous leur vouions.

Ne souhaitant pas la brusquer, je pris un ton délicat :

« Je ne te demanderai jamais de choisir entre moi et ton fils. J’ai parlé sans réfléchir. Il est sans doute plus raisonnable de ne pas le contrarier davantage… tout du moins, le temps que vos relations s’améliorent. »

Je savais la chose difficilement engagée, mais pas perdue pour autant. Le garçon que j’avais aperçu à la cérémonie de répartition dégageait quelque chose de très particulier. Une énergie et une volonté sans faille qui, si elles étaient nimbées d’une aura de revanche, ressemblaient beaucoup à celles qui habitaient Kristen. Mère et fils partageaient bien trop de points communs pour que leur relation continuât de s’enfoncer dans les limbes. J’espérais intimement que Kristen y songeait quand le doute l’assaillait. A défaut d’en être certaine, je lui offris un sourire pour l’assurer de mon soutien sans faille.

« Je suis certaine que tout rentrera dans l’ordre. Il ne peut en être autrement. »

Je m’avançai contre Kristen et posai ma tête contre son épaule. La fatigue que j’avais tenté de refouler pesait de tout son poids sur mon organisme. Mon esprit se mit à vagabonder, semblant presque jaillir de moi pour se disperser aux quatre vents. Mes préoccupations quant à la santé de Sybille me revinrent comme un boomerang en pleine figure. Je me redressai et, prenant la main de Kristen, l’invitai implicitement à me suivre pour retrouver nos places autour de la petite table parfaitement dressée.

En chemin, je n’arrivai cependant plus à cacher mes craintes et me tournai soudain vers Kristen en la suppliant du regard. Savoir le père de Sybille entre les mains de mages noirs tout aussi dangereux qu’il l’était lui-même m’inquiétait au plus haut point. Je redoutai que le traitement qu’ils lui réservaient, aussi justifié soit-il, ait un impact sur ma fille.

« Kristen… tu en sais bien plus que moi sur le fonctionnement des Horcruxes… j-je suis inquiète pour Sybille, lui avouai-je en soutenant difficilement son regard. Est-ce que le traitement que recevra son père aura un impact sur elle ? S’il venait à souffrir, en souffrirait-elle tout autant ? Il faut que je le sache, tu comprends ? »

La perspective de la savoir souffrante me glaçait le sang et me terrifiait. Mon coeur de mère ne pouvait l’imaginer dans un tel état. Au fond de moi naquit la conviction que si les réponses de Kristen allaient dans le sens de mes craintes, il me revenait de trouver un moyen d’annihiler totalement le lien qui la liait à son infâme père.
27 déc. 2017, 23:15
 RPG+  La promesse du bonheur  PV 
Kristen resta pensive, sérieuse. Elle ne fut pas vexée d’être considérée comme une soi-disant experte des Horcruxes ; c’était un peu trop vrai. Elle avait lu trop d’ouvrages ombrageux pour se cacher de connaître certaines choses sur les plus sombres secrets de la magie noire. De l’origine des Horcruxes, notamment, on pouvait penser à Kochtcheï, « l’Immortel » ou plus exactement le « Sans mort », un personnage du folklore russe qui avait littéralement caché sa mort hors de lui, dans un œuf quasiment introuvable. A partir de là, on avait fait plusieurs recherches, il y avait probablement eu plusieurs « évolutions » dans la création de ces objets. Puis était arrivé Harry Potter, le Survivant ou l’Élu, et alors le sujet était devenu plus sérieusement un prétexte à l’étude de la magie noire : on pouvait maintenant mesurer l’impact de cette forme de magie sur les êtres humains, tenter de comprendre ce qu’est un Horcruxe de l’intérieur.

Il n’en était pas ressorti grand-chose de bon. Aude avait raison d’être inquiète. Kristen hésita : elle voulait de tout son cœur que Pierre Legallet souffre le martyre, mais sa souffrance se répercuterait sans nul doute sur Sybille. Vouloir le plus de mal possible à Legallet n’était donc pas très responsable.

« Peut-être pas autant, dit-elle. »

Elle s’en voulut aussitôt, le ton qu’elle avait employé était un peu trop semblable à celui d’une blague de très mauvais goût. Elle ne l’avait même pas fait exprès. Gênée, elle se leva à nouveau (décidément, il lui était difficile de rester en place pour ce petit-déjeuner) et alla chercher une minuscule clé dans un tiroir de son bureau. Elle tapota la clé avec sa baguette. Elle ne sembla pas changer d’apparence. Néanmoins, Kristen se dirigea vers l’étagère vitrée de ses ouvrages interdits, ouvrit la vitre avec la clé et sortit deux ouvrages des étagères : Secrets les plus sombres des Forces du Mal, d’Owle Bullock, et Horcruxes : l’Art et la Manière, de David Howe. C’étaient deux gros livres abîmés avec une multitude de pages cornées et à l’intérieur, des traits très fins de crayon qui soulignaient quelques phrases.

Elle posa ces deux livres sur un guéridon, les feuilleta, tapota sa baguette sur quelques pages. Elle retourna à son bureau, sortit quelques feuilles de parchemin et tapota sa baguette sur celles-ci. Sa manœuvre était étrange à regarder de loin. Elle saisit le paquet de feuilles, sur lesquelles étaient apparues des copies des pages qu’elle avait précédemment touchées de sa baguette. Ce n’était pas bien compliqué, une fois qu’on avait pris le coup de main, mais il lui avait fallu un certain temps pour arriver à ce niveau de performance en copie de livres.

« Il y a certaines choses affreuses qui méritent d’être connues, surtout dans cette situation. Si l'on veut aider Sybille, il faut connaître à fond le mal dont elle souffre, dit-elle en tendant les feuilles à Aude. »

Elle retourna de l’autre côté de la table et ajouta :

« Ce n’est qu’une sélection de ce qui me semble le plus important pour y voir clair, mais bien entendu, tu pourras consulter le reste quand tu le voudras. Je sais que ce n’est pas forcément un très beau cadeau, j’en suis désolée, mais tu trouveras mieux que moi ce qu'on peut en tirer de... bon. »

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
~ if i wasn’t a narcissist i wouldn’t like me either ~

@Mentionnez-moi pour activer le Tabou
29 déc. 2017, 00:53
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L’HORIZON BLEU


Mon coeur avait l’espoir d’un avenir sans souffrance pour ma fille, mais ma raison s’accorda avec la réponse de Kristen. Laconique, comme à son habitude, elle s’affaira autour de sa bibliothèque puis de son bureau avec l’habilité de quelqu’un qui savait parfaitement ce qu’il avait à faire. Je l’observai, silencieuse et un peu anxieuse. Je connaissais trop bien Kristen pour savoir qu’elle ne m’épargnerait rien, pas le moindre détail, même livré à contrecoeur. C’était simplement dans sa nature. A ses yeux, la vérité s’affrontait droit sur ses jambes. Il n’y avait aucun moyen d’en atténuer la laideur. Je ne pouvais lui donner tort.

Quand elle revint vers moi, un paquet de feuilles à la main, je ne pus retenir mon mouvement. Elle le remarqua mais n’en dit rien. Mon anxiété s’accompagnait désormais d’une curiosité oppressante. Il me fallait apprendre tout ce qu’il y avait à apprendre au sujet de cette magie abjecte. Il n’y avait aucune autre option sur la table, à mon grand regret. L’oeil acéré, je survolais la première page, m’arrêtais sur quelques mots clé, élargissais mon champ de lecture puis reprenais frénétiquement ma quête, le coeur de plus en plus serré par ce que je découvrais.

La création d’un horcruxe était une pure abomination. Une monstruosité sans nom teintée d’un égoïsme viscéral. J’haïs cette découverte comme je devais, un peu plus tard, haïr tout ce qu’il y avait à savoir sur les horcruxes. Le coeur au bord des lèvres, je posai les documents sur la table comme s’ils étaient réellement imprégnés de magie noire et tournai mon regard vers Kristen, seule et unique réconfort à mon âme en peine.

J’évacuai la tension qui s’était accumulé en moi par ce simple contact visuel et décidai de reporter mon analyse de ces documents à plus tard. Toute cette appréhension avait failli me faire perdre de vue la raison de ce petit-déjeuner. Je sortis ma baguette magique de ma manche et la pointai vers la pile de feuilles pour les expédier instantanément sur mon bureau, dans mes appartements privés.

« Tout ça attendra, dis-je en rangeant ma baguette. Ce moment est à nous. A nous seules. Je ne souhaite pas l’assombrir davantage. »

J’avais conscience d’avoir amené la conversation sur une pente glissante et désormais de la renier au profit d’un peu de simplicité, mais je me sentais à vif et exténuée. J’avais grand besoin de sommeil. Je me pris même à rêver de m’endormir dans les bras de Kristen.

A défaut de lui soumettre l’idée, j’étendis mon bras par-dessus la table et lui pris la main. De la gauche, je portai le fond de café refroidit à mes lèvres et me laissai aller à un coup d’oeil vers la meurtrière la plus proche.

Étonnamment, le ciel était d’un bleu d’été et non d’un gris automnal.

L’avenir ne m’avait jamais paru si trouble, mais l’horizon qui se reflétait dans mes yeux était bleu. Bleu comme un horizon d’été.