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22 mars 2018, 11:35
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Solo.



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« Owen m’a raconté un cauchemar qu’il avait fait, une nuit, après que nous sommes partis. »


      C’était une semaine après notre départ. Le déménagement avait été si soudain qu’il n’avait pas tout de suite compris qu’il ne retournerait pas dans la maison du bord de la falaise. On avait trouvé un endroit où vivre temporairement, quand je ne savais pas encore ce que nous ferions, lui et moi ; donc bien avant que je me décide à laisser Owen à ses grands-parents maternels. Pour lui, donc, « La Maison » était encore la maison du bord de la falaise. Il venait de se réveiller, son t-shirt trempé de sueur lui collant au corps. Il m’avait pourtant raconté ses péripéties nocturnes avec toute la simplicité du monde :

«  J’ai fait un rêve, et t’étais dedans, et maman aussi. On était à la maison. Il faisait nuit mais il faisait jour. Papy et mamie sont venus à la maison, sauf que mamie avait un chapeau bizarre. Elle me dit d’aller voir ce qu’il y a dans le placard, tu sais, celui qui est à côté du truc, là. J’ouvre, et en fait c’était un passage secret pour aller ailleurs. Je vous dis que j’y vais, pour voir, mais vous dites rien. Du coup je pars et là je trouve la maison, tout pareil, mais elle est toute pleine de saletés partout, comme si ça faisait longtemps qu’on était parti. Je suis rentré dans ma chambre et puis il y avait quelqu’un que je connaissais pas dans mon lit. Je crois que je l'ai déjà vu mais je sais pas qui c’est, et à la fin, y a maman qui arrive, je la regarde, et quand je me retourne, celui qui était dans mon lit s’est approché de moi et a levé un truc énorme vers moi et puis il a voulu me taper – il reste des biscuits aux pommes ? »

      J’avais trop peur de savoir qui était cet inconnu qui logeait dans le lit de mon fils. J’ai toujours été trop lâche pour le protéger comme j’aurais dû le faire. Le seul moment où j’ai enfin pris mon courage à deux mains pour le mettre en sécurité de ce que je croyais être un danger, je m’y suis pris d’une si belle façon que j’ai probablement gâché son enfance. Je sais qu’il ne va pas bien. Je sais qu’il n’est pas comme les autres garçons de son âge, et je sais que ça n’a rien à voir avec son père biologique, même si j’aurais préféré me trouver cette excuse. J’ai séparé Owen de sa mère, qui était le centre de son univers (et inversement). Qu’auriez-vous fait, à ma place ? À cette époque, je la croyais dangereuse. Non – elle l’était. 

     Elle et moi avons probablement été les pires parents du monde. Peut-être pas des parents du tout. Aujourd’hui, j’essaie de refaire ma vie avec Maxine. On s’en sort plutôt bien. Depuis quelques semaines, je travaille au Ministère. J’ai décroché un poste assez important au service des animaux du département de contrôle et de régulation des créatures magiques : je suis directeur de l’office de recherche et de contrôle des dragons. Max travaille toujours à la réserve. On s’est installé ensemble, pour de bon. J’essaye maintenant d’être un père : je me suis coupé les cheveux et je porte une chemise. Il n’est pas trop tard pour essayer.

     Aux prochaines vacances, celles de Pâques, Owen viendra à la maison. On passera deux semaines ensemble, tous les trois : Maxine, lui et moi.

     Mais je dois être honnête. Je n’ai pas eu cette idée tout seul.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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25 mars 2018, 12:28
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    Il était très étrange de retourner à Poudlard après tout ce temps. J’avais passé dans ce château des moments merveilleux. J’étais un élève un peu dissipé, à l’époque. Mes camarades de Serdaigle veillaient toujours au grain pour que je ne fasse pas perdre de points à notre maison en montrant un peu trop d'enthousiasme, un peu trop inopinément. Ma passion des dragons m’est venue lorsque j’étais adolescent. J’étais alors particulièrement doué en métamorphose et en soins aux créatures magiques. Je croyais fermement à la possibilité de créer de nouvelles espèces de créatures grâce à l’art de la métamorphose, une métamorphose qui aurait été profonde, pour changer véritablement le patrimoine génétique d’une espèce déjà existante. Je discutais de mes idées avec mes camarades et professeurs, je faisais de nombreuses recherches à la bibliothèque. Un jour, je suis tombé sur un livre de théories farfelues à propos d’espèces rares de dragon, qui seraient mystérieusement apparues du jour au lendemain, mais disparues presque aussitôt, apparemment trop faibles pour survivre longtemps en ce monde. Alors, je suis tombé amoureux de ces créatures extraordinaires, enfouissant au fond de mon cœur le désir secret de créer, un jour, ma propre espèce de dragons.

   Aujourd’hui, j’étais à Poudlard en invité… Non, en parent d’élève. Je souris à cette idée : aurais-je cru, à seize ans, qu’un jour je serai parent ? À cet âge, les filles étaient pour moi un mystère plus grand encore que les dragons, et elles n’étaient pas moins féroces à mes yeux. Peut-être est-ce mon amour des créatures merveilleuses et indomptables qui m’a poussé à aller à la rencontre de Kristen, quelques années plus tard. Maxine aussi était une sorte de dragon. Toujours surprenante, imprévisible, mais elle avait cette douceur infinie dont la plupart des dragons se dispensent.

   Voir que Kristen était devenue directrice de cette école centenaire m’avait évidemment surpris. Était-ce ce qu’elle voulait ? S’entreposer au cœur de vieilles pierres, elle qui avait tant besoin de mouvement, qui ne tenait pas en place et qui avait besoin de frôler l’ailleurs à chaque instant ? Je compris, en y réfléchissant, que c’était bien pour toutes ces raisons que c’était à Poudlard qu’elle devait être. La voir érigée en héroïne nationale, l’aurais-je cru ? Moins encore. Kristen n’avait rien de l’héroïne classique. Elle faisait simplement ce qu’elle voulait. La gloire, en plus de cela, ne l’intéressait pas le moins du monde. Elle voulait surtout sentir le souffle de la vie, et mieux encore, le souffle de la mort, pour mieux lui rire au nez quand la grande Fin ne ferait que la la caresser du bout de ses doigts squelettiques.

   Savoir qu’elle avait elle aussi refait sa vie était une surprise plus grande encore. J’ai toujours cru que Kristen finirait seule. Pas parce qu’elle n’est pas attirante, bien au contraire – je n’ai moi-même pas su résister à sa séduisante indifférence, et j’ai mis bien trop longtemps à me remettre du drame de mes sentiments pour elle. Je pensais simplement qu’elle voudrait rester seule, éternellement, et par choix. Par goût de la liberté.

   Les échos de sa relation avec Aude Luneau avaient ranimé l’âme outragée de sa mère. Cordelia avait appris que sa fille avait une relation homosexuelle dans Sorcière Hebdo, voyez-vous, et cela ne se pouvait ! Juste au moment où elle pouvait recommencer à en être fière, quand ses bonnes actions pouvaient lui garantir le Salut ! Si la foi était une affaire de Moldus, Cordelia ne manquait pas de penser qu’il existait, en ce monde, des choses qui se faisaient et d’autres qui ne se faisaient pas. On (qui ?) nous ferait payer nos pensées, nos actes, nos passions désorbitées. J’ai demandé à Cordelia ce qui posait problème, puisque Kristen semblait enfin être capable d’aimer.

« Aimer… Kristen n’aime pas, elle s’ennuie. Quand elle en aura assez de ce divertissement malsain, elle la jettera, et cette pauvre femme se repentira d’être tombée dans son piège. Comment ai-je pu songer à lui pardonner, comment… Quoi ? Moi¸ je n’en sais rien ? Mais je suis sa mère, je la connais par cœur. Et puis, que dira-t-on ? Et Owen, a-t-elle pensé à Owen ? »

   J’ai toujours été convaincu que Cordelia n’était pas une mauvaise personne. Je crois surtout qu’elle a toujours été très seule. J’aime me dire que cette solitude, due à la perte de toute sa famille, l’a complètement détraquée, et qu’Angus n’a jamais su la sauver. Enfant abandonnée, Cordelia a également toujours eu le modèle de la famille très classique imprimé dans sa tête : elle aurait voulu que Kristen accède à ce modèle. Je crois aussi que Cordelia en veut à Kristen d’être comme elle est. Angus m’a dit que quand Kristen était petite, Cordelia l’adorait. Ce n’était déjà pas réciproque : la petite préférait son papa, sans que personne ne puisse donner d’explication rationnelle à cette cruelle préférence enfantine.

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31 mars 2018, 15:40
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    Le petit elfe qui m’avait ouvert le portail me mena à travers tous les couloirs du château, tandis que je me remémorais ma scolarité entre ces murs. Nous arrivâmes enfin devant le bureau de Kristen. Je me demandai de quelle façon elle allait m’accueillir : en tant que directrice de l’établissement ? En tant que… qu’autre chose (quoi ?) ? Je m’interrogeai aussi sur la provenance de cet étrange œil volant qui me scrutait, et conclus qu’il valait peut-être mieux ne pas se poser trop de questions. Le petit elfe prononça le mot de passe et m’invita à grimper sur la première marche de l’escalier en colimaçon coulissant. Je n’avais jamais mis un pied dans le bureau directorial de Poudlard. Ce lieu me semblait complètement mythique, si bien que je doutais presque de son existence propre dans le monde du commun du mortel. La porte qui me séparait désormais de ce bureau était comme le portail vers un autre univers, totalement abstrait et impalpable pour les gens comme moi. Je me ressaisis : finalement, ce n’était qu’une porte. L’elfe de maison ferma son petit poing fripé et toqua à la porte. J’entendis le bruit des talons de Kristen tapant sur les pierres froides de son château, qui parvenait de l’autre univers. Mon cœur se tordit comme une éponge qu’on essore, je le sentis lourd dans ma poitrine, puis il sembla se gonfler pour taper au mur de ma cage thoracique.

    Ce n’était pourtant qu’une porte et Kristen n’était que Kristen. Je fermai les yeux, entendis les sanglots stridents des gonds et rouvris mes paupières. Je n’eus que peu de temps pour l’observer avant qu’elle ne s’écarte de l’embrasure de la porte, sa voix légèrement grave m’invitant à entrer. Elle n’avait pas beaucoup changé, à vrai dire, si ce n’est cette petite mèche blanche qui divisait sa tête en deux parties. Elle était très sérieuse et ses yeux bleu clair me transpercèrent, comme on revoit par hasard une personne que l’on a toujours cherché à éviter – ou dont on se rappelle l’existence parce qu’elle nous est tout simplement imposée, mais sans volonté propre de faire entrer l’autre dans notre univers.

    J’entrai dans son antre, découvrant pour la première fois ce fameux bureau imprégné de mystère. Je fus surpris de voir dans cette pièce un condensé de l’essence de Kristen. Si elle s’était placée au centre de cet endroit, on aurait pu ne pas la voir tant elle s’y serait bien fondue. L’accord entre le bureau et sa propriétaire était parfait, une véritable symbiose. Je sentis alors sa présence me pénétrer par tous les pores et j’étais là, au milieu de cette cage, complètement impuissant, comme je l’avais été pendant de si longues années. Captif d’elle. Je pensai à Maxine de toutes mes forces, à son sourire réconfortant et à ses yeux rieurs, à son tatouage dans le cou qui me faisait des clins d’œil amusés. J’enfermai ce bol d’air frais dans ma poitrine, pensant que je pourrai y puiser de l’oxygène dès que l’aura de Kristen se ferait trop oppressante.

    Elle m’invita à m’asseoir en face du bureau, où elle prit elle-même place. Elle me proposa quelques dragées surprise que je refusai poliment, paume levée. Je posai ensuite mes deux mains sur mes genoux et amorçai un « alors… » que Kristen prit pour une invitation à commencer son grand discours.

   Elle me fit part de toutes les bêtises qu’avait commises Owen, par ordre chronologique d’abord, puis les reprenant par ordre de gravité, insistant sur certaines d’entre elles en me lançant des regards où se mêlaient la sévérité et une certaine inquiétude. La dernière action en date, c’était un petit garçon qui avait été rendu sourd suite à un sortilège de bruit d’explosion lancé par Owen à quelques centimètres de ses tympans. Je ne savais pas quoi dire. Je me sentais désolé, stupide, honteux et pourtant incapable de régler le moindre problème.

  Je bredouillai quelques excuses dénuées de sens comme si j’avais moi-même été l’auteur de ce sortilège assourdissant. Kristen m’observait attentivement – je pris un bol d’air frais dans le creux de ma poitrine – et attendait de voir si j’allais faire une proposition intelligente. Comme elle ne vint pas, elle soupira et prit elle-même cette initiative. « Il a besoin d’être entouré d’une vraie famille, me dit-elle. Je veux qu’il habite avec toi. »

   Je vis alors un soupçon de faiblesse poindre dans son regard. Elle le perçut, puisqu’elle fit vriller ses yeux sur sa lampe de bureau un instant. Elle parla de responsabilité et je sentis qu’elle regrettait de ne pas pouvoir tenir son rôle de mère comme elle le souhaitait. Je me sentais mal à l’aise : je savais que c’était aussi ma faute si elle ne pouvait tout à fait s’autoriser à être la mère d’Owen. Alors, j’ai été stupide et j’ai pensé à mon travail à la réserve, à toutes les choses que je devrai abandonner. Je commis l’erreur de lui faire part de mes doutes à ce sujet. Au moment où les mots sortaient de ma bouche, je savais que j’étais un parfait idiot. J’aurais voulu les effacer, dire : « je me suis trompé de mots », mais il était trop tard. Je vis ses sourcils se froncer, sa bouche s’affiner, ses joues se creuser et sa main caresser le bois du bureau.

   Ce qu’elle aurait donné pour être une mère, tout simplement, et vivre avec Owen ! Je ne pus me retenir de penser qu’elle n’avait qu’à quitter Poudlard et repartir de zéro, vivre avec son fils et promettre de faire un effort pour tenir en place. Était-ce si difficile ? Ne me reprochait-elle pas quelque chose qu’elle-même ne parvenait pas à faire : changer son quotidien pour être une mère à plein-temps ? Je n’étais pourtant pas complètement à l’ouest : je me doutais que les choses étaient plus compliquées pour elle. C’était toujours ça, de toute façon : ce qui la concernait ne pouvait qu’être compliqué.

   Après un long silence, j’acceptai de chercher un emploi stable au ministère, qui pourrait me permettre de vivre avec Owen lorsqu’il ne serait pas à Poudlard. Kristen sembla partiellement soulagée, mais restait dans son cœur la certitude que quelque chose, en son fils, avait déjà été perdu et serait irrécupérable, malgré tous nos efforts.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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