Contre toute attente, Oliver reçut avec une légère surprise la réaction de Kristen. Celle-ci avait d’ailleurs été plutôt bavarde, ce qui laissait entendre que le plan d’Oliver était recevable pour la directrice de Poudlard. Effectivement, si la Citadelle prenait conscience que les membres du Réseau connaissaient les rondes des Manteaux noirs, il faudrait trouver une autre tactique. Il fallait prévoir plusieurs plans, mais prévoir plusieurs plans disait aussi se prémunir contre plus de failles. Ce qui reviendrait là aussi à perdre un temps fou. Le plus envisageable serait-il d’élaborer un seul plan à la perfection, sans la moindre et unique faille ? Ou plusieurs plans avec quelques défauts ? La première option ne laissait qu’une seule réelle chance, mais pouvait être un succès remarquable, tandis que la deuxième permettait de prendre moins de risques, sans réelle garantie de succès. Oliver se convainquit alors de la première option.

« Évidemment, tous les sorciers, quels qu’ils soient, doivent adhérer aux actions du Réseau, et y trouver une conviction. Il n’a jamais été question pour moi de mettre de côté les Sangs-Purs. Je n’aurais pas rejoint votre résistance autrement. »

Oliver marqua une pause.

« La communication sera importante. C’est même la clé du succès, car comme vous dites effectivement, l’image est ce qui nous fera gagner, et c’est en communiquant qu’on montrera notre image ; mais je ne vous apprends rien en disant cela. Là où je veux en venir, c’est qu’il faudra jouer cartes sur table, être honnêtes quoi qu’il en soit, déclara Oliver en poussant un peu plus loin la pensée de Kristen. »

À ce moment-là de l’entrevue précisément, le directeur de Gryffondor avait oublié son objectif, celui de devenir Conseiller du Réseau. Il ne pensait plus qu’à renforcer le plan qu’il avait soumis, se rendant compte qu’en fait, c’était ça le plus important, et que le reste était superficiel. À vrai dire, il ne conseillait plus parce que le titre du « poste » disait cela, mais il conseillait dans le vrai sens du terme.

« Il ne faut pas promettre monts et merveilles aux sorciers. Il faut être réaliste, cela ne va pas être une partie de plaisir... Je pense que nous jouissons déjà de l’adhérence de nombreux sorciers grâce à la réputation de Poudlard, c’est certain. Mais pas suffisant. Il faudra être habile lorsqu’on pointera du doigt les travers du gouvernement actuel, ou plutôt de la dictature actuelle. Ne pas passer pour de vulgaires dénonciateurs. »

Puis Oliver, lancé, expliqua à Kristen comment ils pourraient commencer pour renforcer l’adhérence qu’ils avaient déjà un peu : il faudrait venir en aide aux sorciers en difficultés face au Conseil des sorciers. Être de réels sauveurs, en toute légitimité. Pour ça, il faudrait être à l’écoute : les lieux à principales concentrations sorcières seraient à privilégier. De petites actions, simples, comme résoudre une altercation entre un sorcier et un Manteau noir, protéger une famille menacée par le Conseil dans un lieu sécurisé par le Réseau, ou encore faire sortir du pays ceux qui le désirent, pour se protéger. À mesure qu’il parlait et qu’il donnait des exemples, Oliver cherchait à capter un quelconque signe d’adhésion de la directrice de Poudlard à son discours.

Plus intéressée qu'elle ne l'avait été jusque-là, Kristen s'avança tout à fait au-dessus de son bureau et, croisant les doigts, planta ses yeux d'un bleu profond dans les pupilles d'Oliver, comme on plante un pieu dans le cœur d'un vampire. Certes, Oliver avait failli retomber dans ses vieux travers en ne faisant que répéter ce que Kristen venait de dire, mais fort heureusement, il avait cette fois-ci donné des exemples concrets d'actions pour rendre le Réseau plus séduisant.

« Je commence à être satisfaite par vos réponses, finit-elle par dire après un long silence. »

Elle pencha un peu la tête sur le côté.

« Vous commencez à percevoir la logique du Réseau. Aux yeux de l'opinion publique, nous serons les gentils. »

Elle se recula enfin.

« Vous ne le savez peut-être pas, mais j'ai déjà commencé à proposer ce genre de solutions. Malheureusement, en ce qui concerne la protection de familles menacées dans des lieux sécurisés par le Réseau, nous ne pouvons pas accueillir tout le monde. C'est triste à dire, mais tant que nos moyens resteront limités, nous devrons faire des choix. J'ai cependant l'espoir que le Réseau se développe et que ces lieux protégés se multiplient, avec le temps. »

Kristen marqua une courte pause. Irene Field, par exemple, avait été la première personne à profiter de cette protection pour son fils, alors que le Réseau n'était même pas encore créé. Par conséquent, Irene était redevable à Kristen, et la reconnaissance n'a pas de prix. En l'occurrence, cela avait permis au Réseau de gagner un nouveau membre.

« Pour le reste, c'est plus compliqué. On ne quitte pas le pays si facilement, à moins de passer par des moyens de transport utilisés par les Moldus. Cela dit, je ne crois pas que la fuite soit une solution, et je ne suis pas pour l'encourager. Si tout le monde fuyait, il ne resterait que les partisans de Parkinson, et une poignée de sorciers inconscients et idéalistes comme nous le sommes, prêts à se faire écraser. »

Inconsciente et idéaliste. Deux mots qui collaient plutôt bien à Kristen, malgré ce qu'elle aurait pu en dire. Ursula Parkinson aussi était sans doute inconsciente et idéaliste.

« Je vous suis cependant pour la protection ponctuelle de sorciers menacés par les Manteaux Noirs, mais comme vous l'avez suggéré, notre méthode doit être impeccable. Nos actions achèteront la reconnaissance de ces sorciers, qui pourront nous rejoindre et nous aider à renverser le gouvernement de Parkinson. Ce n'est peut-être pas comme cela que vous imaginiez les choses, mais c'est pourtant la méthode la plus efficace, et c'est une loi qui régit la plupart des relations humaines. Dans le même temps, nous devons du mieux possible agir conformément aux lois édictées par le Conseil, du moins en apparence, pour ne pas passer pour des terroristes aux yeux de ceux qui le supportent. Le problème étant que ceux que nous voudrons protéger seront la plupart du temps des hors-la-loi, sinon, il n'y aurait pas d'altercation entre les Manteaux Noirs et eux. C'est une affaire plus épineuse qu'il n'y paraît, n'est-ce pas ? »

Kristen colla ses mains entre elles et tapota son menton du bout de ses index. Elle était en pleine réflexion, et elle explorait de plus en plus de pistes pour renverser le Conseil des Sorciers. C'était à la guerre, comme à la guerre ; et comme Oliver l'avait dit, elle serait honnête.

« L'idéal, si l'occasion se présentait, serait de faire passer les partisans de Parkinson, les Manteaux Noirs, par exemple, pour ceux qui ne font pas respecter les lois du Conseil. Ainsi, ces lois seraient vues comme injustes aussi bien pour ceux qui n'y croient déjà pas que pour ceux qui y croient. Nous avons besoin de martyrs. Et là, nous serons des sauveurs. »

Sincèrement navré de mon énorme retard !

Satisfaite et diabolique à la fois. Satisfaite des réponses d’Oliver, diabolique dans sa façon de mener le Réseau. Avait-elle tort cependant ? Oliver commençait à croire que non. Même en étant les gentils, il faudrait s’avérer vicieux, malins. Oliver avait hésité à être plus fourbe, mais avait préféré jouer la carte de l’intégrité. Il faudrait finalement tricher cependant un peu, puisque Kristen avait pour objectif d’acheter la reconnaissance des sorciers menacés, qu’ils leur soient redevables.
La directrice de Poudlard était lancée dans ses explications. Le directeur de Gryffondor percevait la rage qui habitait en elle, il percevait ses convictions et son désir féroce de mettre fin à la dictature d’Ursula. Elle voyait chaque détail et envisageait chacune des conséquences des actions proposées par Oliver. Et cela l’impressionnait.

« Avez-vous déjà commencé à envoyer des sorciers sur le terrain à la recherche de martyrs ? Il faudrait aussi lancer des missions d’espionnage des Manteaux Noirs afin de les pointer du doigt lorsqu’ils feront un pas de travers. Combien de sorciers ont actuellement rejoint le Réseau ? »

Oliver posait des questions concrètes, qui faisaient avancer l’affaire.

« Savez-vous qui, dans le Réseau, pourrait offrir un lieu de protection sécurisé ? Poudlard ne pourra effectivement pas accueillir tout le monde, et comme disent les Moldus, on ne met pas tous les œufs dans le même panier. Le sortilège de Fidelitas pourrait se révéler très utile. »

Il ne mentionna pas qu’il était lui-même en train de mettre en place cette idée afin de protéger sa propre famille dans son appartement à Londres.

« Une aide résistante extérieure au pays serait aussi envisageable… ajouta-t-il d’un air pensif. Les directeurs et directrices des autres écoles, qui nous ont aidé il y a mois, sont un facteur à prendre en compte, mais j’imagine que vous avez déjà pensé à cela. »

Petit à petit, tout se mettait en place dans la tête du professeur Briggs. Oliver commençait à comprendre la logique du Réseau. En fait, le terme même « réseau » signifiait beaucoup dans la conception qu’avait Kristen de cette résistance.

« Quoi qu’il en soit, il ne faudra pas tarder à agir et lancer des missions. Commencer par de l’espionnage et du renseignement me semble être la première étape. Le choix des lieux d’actions entre aussi en ligne de compte, par exemple, là où se trouvent les Manteaux Noirs en grande majorité comme le Chemin de Traverse. Que comptez-vous faire, Kristen ? »