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16 févr. 2020, 23:32
A la lumière du Cœur  PV 
19

MAGNÉTISME


Personne ne sait vraiment quand et par qui la première pensine a été conçue. Mais tous les spécialistes s’accordent sur un fait : ce sont les rouleaux de Delphes qui, les premiers, font référence à cet objet. S’il n’est pas clairement nommé, les textes conservés à la Grande Bibliothèque du collège Albaldah évoquent bel et bien un récipient en pierre capable de retenir les pensées de la célèbre Pythie, le grand oracle de la ville, parmi les objets jalousement conservés dans le temple du dieu Apollon.
Histoire des artefacts magiques, par Jacob Little.

*

« Jamais. Comme je ne laisserai jamais personne dire du mal de vous, dis-je après avoir ravalé mes larmes. »

Mon cœur martelait ma poitrine avec une telle brutalité que je craignais de voir ma cage thoracique céder sous ses assauts répétés. Le premier souvenir de Kristen avait libéré toutes mes émotions refoulées. Je me sentais submergée par le lien familial qui m’unissait à Arseni ; ce fil qui, longtemps, avait été rompu avant d’être renoué dans la pensine de Kristen. D’un simple nom et d’une sincère reconnaissance pour quelqu’un que je ne connaissais fondamentalement pas, nous étions passés à un visage et un profond sentiment d’appartenance à une même famille.

Incapable de freiner mon désir d’en savoir plus, je me levai et retournai au coffret pour y saisir un autre souvenir, n’importe lequel. Le hasard tira pour moi le souvenir du 25 août 2040 : bureau de la directrice. Non sans un regard pour Kristen, qui me tournait le dos, je déversai le contenu de la fiole dans la pensine et répétai le geste qui m’avait précipité des années en arrière, entre la chaise d’Arseni et le lit de Kristen.

Dans ce souvenir-là, ni l’un ni l’autre n’affichait plus de signe de faiblesse. Bien au contraire. Assis face à face devant la cheminée du bureau que je venais de quitter, ils débordaient tous les deux d’assurance, visiblement heureux de se retrouver.

« Les délégations de Durmstrang et de Beauxbâtons se sont mises en route, déclara Arseni. Emily Fawkes dépêchera un comité d'accueil au moment où elles franchiront la frontière. Même si je doute que se soit nécessaire, nous assurerons leur protection jusqu'à l'entrée du domaine de l'école. A partir de là, comme convenu, vous les traiterez comme bon vous semble. »

Arseni dégageait quelque chose de magnétique tandis que je me déplaçai en cercle autour de la scène pour l’observer sous tous les angles. Il évoqua son inquiétude avant qu’un éclair rouge n’illumine la pièce, précédant l’apparition de mon fidèle Feuxnoyr. Je plissai immédiatement les yeux sur le rouleau coincé dans son bec. Rouleau qu’Arseni remit à Kristen.

« J'avais vingt et un ans… elle en avait dix-huit. J'avais déjà presque tout gagné. Elle sortait de nulle part… une minute et trente cinq secondes… c'est tout ce qu'il a fallu à Aude Luneau pour me battre. »

Quoi ?! Aude Luneau et lui s’étaient affrontés ? Je n’en croyais pas mes oreilles. La suite de leur conversation me laissa sans voix ; et à plus d’un titre, sa conclusion.


De retour dans le véritable bureau de Kristen, je pris une grande inspiration, tous mes sens troublés par le voyage temporel. Je clignai des yeux en posant une main sur le bord de la pensine, cherchant fébrilement à repérer la silhouette de Kristen — elle n’avait pas bougé de sa position, mais me regardait en face à cet instant. Je déglutis, encore troublée par la réponse d’Arseni.

« Il vous aimait ? demandai-je, ma bouche étrangement sèche. »

17 févr. 2020, 00:27
A la lumière du Cœur  PV 
Elena avait plongé dans un nouveau souvenir, mais il était impossible pour Kristen de savoir lequel : elle n'avait pas pu voir, à cette distance, l'étiquette de la fiole qu'elle avait choisie. Les bras croisés, finalement adossée contre l'une de ses bibliothèques, Kristen attendit. Elle aurait pu se rasseoir, aller siroter son thé, mais elle n'en avait plus envie. Elle était beaucoup trop tendue, effrayée par les réactions qu'Elena pourrait avoir en apprenant à connaître son demi-frère, mais aussi Kristen par la même occasion. Et si la fiole qu'elle avait choisie était celle où elle traitait si mal Arseni, à ce bal de Noël lors du Tournoi des Trois Sorciers ? Quand Arseni découvrait dans quelle magie elle versait ? Ou bien celui où il était question de son fils ?

Quand Elena sortit de ce souvenir inconnu, elle semblait beaucoup moins euphorique que la première fois. Kristen s'attendit presque à entendre un reproche. Mais il n'en fut rien : à la place, Elena lui demanda si Arseni l'aimait... La directrice de Poudlard, complètement prise au dépourvu, sentit ses joues chauffer instantanément. Quel souvenir avait-elle vu pour en venir à poser cette question ? Était-ce ce fameux bal, justement, ou bien cette fois où Arseni avait confessé que Kristen lui rappelait quelqu'un qu'il avait aimé ? Quoi d'autre ? Ce n'était pas la première fois qu'on lui posait cette question. Aude, elle-même, lui avait déjà demandé si elle avait eu une relation avec Arseni. Peut-être qu'il y avait bien eu quelque chose, mais aveugle comme elle l'était, elle ne l'aurait pas remarqué de toute façon. Tout ceci n'avait plus d'importance aujourd'hui. Elle préférait aussi se dire qu'il n'en était rien, qu'ils étaient amis et que cela suffisait. Elle n'avait pas besoin de s'imaginer autre chose et ainsi alourdir le poids de sa culpabilité : car elle n'avait pas pu le sauver, au final.

Kristen ne savait pas quoi répondre et tâchait de se concentrer pour faire disparaître le feu de ses joues. Cela ne lui ressemblait pas. Après avoir retenu une inspiration, elle se décida à répondre du mieux qu'elle pouvait :

« Nous étions amis. Je crois que nous nous comprenions sans avoir besoin de parler beaucoup. Nous n'avions pas non plus besoin de plus pour nous soucier l'un de l'autre. »

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
~ if i wasn’t a narcissist i wouldn’t like me either ~

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20 févr. 2020, 11:22
A la lumière du Cœur  PV 
« Sans avoir besoin de parler beaucoup… répéta Elena, songeuse et en même temps soulagée de savoir que son sauveur et son mentor n'avaient pas entretenu une relation amoureuse. Elle ne voulait pas croire que la relation entre Kristen et madame Luneau reposait sur les cendres d'une séparation. »

Elle s’assit sur la plus basse des trois marches qui séparaient l’espace de travail du reste de la pièce, sentant l’énergie lui manquer dans les jambes.

C’était la première fois qu’elle voyageait dans les souvenirs de quelqu’un d’autre et la première fois qu’elle enchaînait successivement deux souvenirs de quelqu’un d’autre. Elle ressortait toute chamboulée de cette expérience, ne sachant plus très bien ce qui relevait des observations de Kristen ou des siennes. Arseni s’avérait un personnage beaucoup plus complexe que l’image qu’elle s’en était forgée en écoutant Viktoria et Irina. Elle lui trouvait quelque chose de torturé — ce qui en faisait une figure d’autant plus proche d’elle, qu’elle n’oubliait pas le moindre sévisse qu’elle avait enduré au convent de Kostenevo — et de mélancolique à la fois, sans trop savoir quel élément dominait vraiment son portrait.

« Est-ce que je peux repartir avec la boîte ? demanda-t-elle en baissant ses yeux sur le sol noir zébré de marbre blanc. »

Elle commençait à sentir les effets d’une redoutable migraine toquer aux portes de son esprit. Elle avait faim, soif, et avait la nette impression que toute son énergie s’évaporait par tous les pores de sa peau de minute en minute. Malgré sa curiosité dévorante, elle devait se montrer raisonnable et remettre à plus tard la consultation des autres souvenirs de peur de s’évanouir au beau milieu de l’un d’entre eux.

« … elle ne serait peut-être pas en sécurité dans le dortoir… la remettre au fond du lac, ça pourrait être une idée ? récita-t-elle à haute voix, quand bien même elle croyait formuler tout ça dans l’espace confidentiel de ses pensées. Vous m’autoriserez à revenir consulter d’autres souvenirs, une autre fois ? »

Cette demande-là, Elena la formula en portant son regard dans celui de Kristen. Elle y voyait la possibilité de poursuivre son analyse sur Arseni, et en même temps de retrouver Kristen un peu plus souvent que ce à quoi elle l’avait habitué depuis que le Choixpeau l’avait envoyé à Gryffondor.

20 févr. 2020, 22:04
A la lumière du Cœur  PV 
Le bruit de ses pas résonnait dans la pièce quand elle s'approcha d'Elena. Seul le frottement de sa cape se fit entendre au moment où elle s'assit sur les marches, à côté de la jeune Stoyanov. Kristen la regarda de côté, puis fixa un point au loin.

« Pourquoi vouloir repartir avec, si c'est pour la remettre au fond du lac ? Tiens-tu à t'infliger à nouveau ce périple pour mériter de le connaître un peu plus ? »

Cela aurait bien été une logique de Gryffondor : s'imposer toujours plus de défis, même lorsque ce n'est plus utile, pour prouver sa bravoure et montrer que l'on mérite ce que l'on a. Que ce qui est acquis a été acquis par la force et la détermination. Les Gryffondor n'attendent pas : ils prennent.

« Fais-en ce que tu veux. Tu pourras revenir consulter le reste des souvenirs quand tu voudras. Assure-toi simplement de me prévenir avant, et je me rendrai disponible pour toi. Et quoi que tu en fasses, souviens-toi que ce cadeau est le tien, et seulement le tien, alors prends-en soin. Il contient certains secrets que je ne souhaite pas partager avec n'importe qui. »

La directrice de Poudlard soupira et se résigna à poser ses yeux sur l'enfant. Cette enfant qu'elle avait déjà rejetée, lorsqu'elle lui avait demandé d'être sa marraine. Les enfants grandissent vite.

« Je suis désolée de ne pas t'avoir donné de nouvelles concernant ta demande. Les choses sont toujours plus compliquées qu'on ne le voudrait. Je n'ai pas que des amis, dans ce monde, c'est pourquoi je... »

Elle hésita. Allait-elle vraiment se montrer si faible devant une enfant, même une enfant à qui elle avait confié une boîte pleine de secrets ? Montrer était parfois plus facile que dire, et les mots se coinçaient dans sa gorge. La vérité n'était pas facile à lâcher. Et si Elena réagissait de la même façon qu'Owen ? Non, elle comprendrait...

« J'essaie d'avoir le moins d'attaches possibles. D'en montrer le moins possible, en tout cas. »

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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22 févr. 2020, 23:09
A la lumière du Cœur  PV 
Elena écouta religieusement Kristen, comme si toute son existence était suspendue à ses lèvres. Elle ressentit un profond soulagement en l’entendant lui signifier qu’elle pouvait revenir quand elle le souhaitait. Car s’il n’était pas dans ses projets de déranger Kristen, elle éprouvait néanmoins le besoin de ressouder le lien étroit qu’elle entretenait avec la directrice de Poudlard. L’entendre avouer qu’elle essayait à tout prix d’avoir le moins d’attaches possibles, pour se protéger de ses ennemis (ou pour protéger ses attaches de ses ennemis, Elena ne faisait pas bien la différence) termina de convaincre Elena que ce lien devait persister, quoi qu’il arrive. Parce qu’il était impensable dans sa petite caboche idéaliste que Kristen affronte seule ses ennemis.

« Si j’ai appris une chose sur ma famille, quelque chose de parfaitement claire, c’est que nous n’abandonnons jamais nos amis à leur sort, dit-elle en posant sa main sur l’avant-bras de Kristen. Peu importe que vous acceptiez ou non ma demande, je vous considère déjà comme ma marraine. Et je ne vous laisserais jamais tomber. »

Alimentées par le courage de ses opinions, ses jambes acceptèrent de porter son poids jusqu’à la table en verre où sa tasse de thé avait eu le temps de refroidir. Elena la vida, gorgée après gorgée, avant de se pencher sur le coffret qu’elle referma avec la plus grande douceur pour le laisser là. Là où, finalement, il était tout à fait à sa place. Elena ne se sentait plus le droit de le sortir de ce bureau. Les souvenirs de Kristen étaient aussi précieux que sa personne l’était à ses yeux. Il était hors de question qu’ils quittent le giron de leur maîtresse. Elena leur rendrait visite quand les événements le permettraient, en attendant, elle avait déjà bien assez de deux souvenirs à décortiquer. Rien qu’avec ces deux-là, il lui faudrait des semaines pour tout replacer dans son contexte.

Elle adressa un sourire à Kristen, ses yeux encore humides des larmes qu’elle avait versées mais pétillants d’une joie sincère. Elle la remercia pour le thé et lui promis de ne pas le laisser refroidir la prochaine fois. Après quoi elle se dirigea vers la porte du bureau. En l’ouvrant, Elena porta son regard par-delà son épaule pour éperonner Kristen, assise sur cette marche où elles s’étaient toutes les deux retrouvées.

« Jamais. Vous faites partie de notre famille. »