Jamais je n’ai été si vite. Nous descendons à une allure vertigineuse, serrés dans une sorte d’engin pour moldus, mélange de train et de voiture décapotable. Conduite par un gobelin à l’haleine détestable, elle poursuit son chemin sans nous laisser craindre un accident mais en nous donnant clairement l’impression que l’on est comme sur un balai. Je dis cela mais j’avoue n’avoir jamais volé de ma vie aussi est-ce une pure imagination de ma part. Ivanovna est restée là haut avec Alexandre et maintenant, je comprends pourquoi. Le pauvre aurait rendu tout le biberon que Mère venait de lui donner (du lait aux aspects changeants, encore une mixture douteuse à base de plantes rares…). Père semble rire aux éclats de nous voir réagir à ce qui est une sorte de tremblement de terre permanent. Mère retient son chapeau avec une main, l’autre étant vissée à une poignée opportunément prévue à cet effet par les concepteurs du véhicule… ce n’est vraiment pas mon genre mais des petits cris m’échappent par instants, quand la surprise, voire la peur, l’emportent sur ma capacité à tout encaisser. Je n’ai pas mal au cœur, ce serait même très amusant si ce n’était pas inquiétant de ne pas toujours voir où l’on va. On passe même à un moment sous une cascade qui nous trempe jusqu‘aux os mais dans l’instant suivant, le gobelin assis derrière nous prononce une formule et nous voilà à nouveau secs… Encore une bizarrerie de ce lieu gigantesque. Une fois arrivés dans ce qui semble être la partie la plus éloignée de la surface, nous nous trouvons sous une énorme forme ronde, je ne sais pas comment l’appeler mais cela ressemble au fond d’un bol à l’envers, qui pourrait contenir largement un  dragon. La place, puisque la pièce est de la taille d’au moins Trafalgar Square, est ronde elle aussi, avec des piliers régulièrement placés comme soutien au plafond dont certaines parties semblent moins anciennes que d’autres. Et entre chaque pilier, on distingue des portes, majestueuses, comme autant de trophées à elles seules.
Trois adultes posent leurs mains contre l’une d’entre elles, Mère et les deux gobelins. Je ne comprends pas ce qu’a dit l’un d’entre eux, ni le rôle de cet ongle maternel posé à la verticale d’un point nettement marqué comme le nœud de l’ensemble. De discrets cliquetis rompent le silence presque solennel qui s’est installé depuis que nous sommes arrivés ici. Et finalement, je découvre une immense pièce, qui devrait être plongée dans le noir mais qui ne l’est pas. Les gobelins nous laissent entrer dans ce que je comprends comme appartenant à mes parents. Leur coffre-fort… Mes yeux ne croient pas ce qu’ils voient. Tout cela, c’est à mes parents ? Mais…. Comment est-ce possible ? Ils m’ont toujours donné l’impression de compter la moindre mornille. C’est totalement incroyable.
Père sort de sa valise un objet étrange, je ne l’ai jamais vu auparavant. L’aurait-il acquis durant son absence ? Il nous a laissés plus d’une heure nous dépatouiller avec l’achat de mes fournitures… Mais ce n’est rien au regard du reste. Cette pièce si grande… d’immenses tas de gallions, des armoires dont certaines sont vitrées, laissant apparaitre des objets aussi étranges que menaçants. Je suis sidérée.

- Nous sommes si riches que cela ?

Tandis que Père range sa nouvelle acquisition, je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi tous ces efforts quotidiens pour sauver le moindre argent quand autant de richesse dort ici.

- Ne t’inquiète pas ma chérie…

Mais la réponse ne me satisfait pas, il y a là un mystère que je voudrais bien comprendre. Mais le ton sans réplique que Mère a adopté, tout en parlant presque aussi document qu’à l’habitude m’a fait taire une bonne fois pour toutes. Je ne vais pas demander si ce sont des objets magiques, ce serait doublement stupide. S’ils sont ici, c’est qu’ils ont une grande valeur. Dans une petite vitrine, j’aperçois même de minuscules bocaux contenant ce qui semble être de petits animaux, ou des morceaux de je ne sais quoi. Les contenants ont tous rigoureusement la même taille, comme s’il s’agissait d’une série. Des fétiches ? Ou des… ingrédients ? Je fais en sorte de ne pas montrer davantage mon étonnement et observe tout ce que je vois pour m’en rappeler ensuite. Une partie de moi se sent soulagée, nous ne mourrons pas de faim, même si Mère ne termine jamais son encyclopédie.
De sa baguette magique, Mère attire à elle une belle poignée de gallions qui viennent atterrir dans sa bourse, sans bruit. Le tout sans la grossir pour autant.

- Je prends celui-là aussi ?

Mère désigne du doigt un cube rouge de la taille d’un petit chaudron. A la réponse affirmative de Père, je vois le cube se rétrécir instantanément et rejoindre les gallions dans la bourse, toujours aussi petite malgré le poids supplémentaire.
Juste après, Père s’adresse au gobelin qui conduisait le véhicule.

- Avez-vous croisé Ossuzof ?

Il ne répond que par un léger signe mais si discret que je ne peux déterminer s’il a répondu oui ou non.
Ils prennent tous la direction de la sortie, je ne peux que les suivre mais je serais bien restée pour admirer plus encore toutes ls merveilles entreposées dans le coffre de mes parents. Alors que nous remontons dans le chariot, j’entends un grognement très lointain, déclenchant des vibrations dans toute la zone. Une chose rôde dans ce lointain sous-sol de Gringotts, je préfère ne pas me retrouver en face d’elle quand j’entends, une minute plus tard, l’écho de ce cri rebondir encore et encore sur les parois rocheuses qui font office de mur à ces profondeurs.
Je croyais avoir eu mon compte d’émotions chez Ollivander, puis chez Fleury et Bott…. Mais jusqu’au bout je serai allée de surprise en surprise ce jour où je pars pour Poudlard. Jusqu’au moment où je dis au revoir à ma mère, je repense à ces minutes dans les tréfonds de Gringotts. Quelle mystérieuse pièce, surtout par ce qu’elle renferme. J’ai hâte d’y retourner, seule.


Les autres épisodes =>
Episode 1 : La pièce inattendue
Episode 2 : J’aurais besoin de compagnie
Episode 3 : Peu importe pourvu que ce soit du noir
Episode 4 : Des millions de mots
Episode 5 : Au sud de l’Arctique