Environ une après midi entière. C’était le temps libre dont Phœbe estimait disposer avant que ses parents ne la cherchent dans le Chemin de Traverse. Ses pas l’avaient tout naturellement amenée vers la librairie Fleury et Bott, qu’elle n’avait visité que deux fois jusque-là, afin de se procurer ses manuels scolaires avant la rentrée. Cette fois-ci l’adolescente ne comptait pas se soucier de ces ouvrages, et venait pour se diriger vers les rayonnages qu’elle avait moins exploré. La sorcière estimait avoir une connaissance asse floue des contes sorciers, elle n’avait entendu que ceux de Beedle le Barde étant jeune, et souhaitait explorer d’autres histoires écrites par des sorciers. Le répertoire moldu conservait lui aussi une certaine richesse, mais la sorcière n’avait pas eu l’occasion d’écumer celui du monde de la magie par elle-même avant ce jour.

L’étudiante avait réalisé que la plupart du temps, les élèves faisaient leurs achats à partir d’aout, juste avant le départ pour Poudlard. Ainsi, en cette journée fraîche de juillet, la petite Swan savait qu’elle ne risquait pas de tomber sur des camarades, les listes n’étaient même pas encore arrivées. Cependant, la clientèle allait certainement être principalement constituée de magiciens adultes plus ou moins grands lecteurs.


L’un des désavantages à être seule, c’était que Phœbe n’était pas certaine d’être capable de pousser le battant de la porte, qu’elle avait jugé particulièrement lourd lors de ses précédentes visites, mais l’affluence était telle qu’il avait été aisé de trouver un adulte serviable pour lui ouvrir l’entrée vers la boutique. La Serpentard se demandait s’il serait sage de se présenter pour entrer dans l’équipe de sport de sa maison malgré les difficultés rencontrées pour des gestes si simples. Lorsqu’elle arriva en face de la devanture de Fleury et Bott, l’adolescente vit que la porte était entrouverte, et s’empressa de pénétrer au sein de la librairie, soulagée de ne pas passer cette épreuve.


L’air était plus lourd et sec en intérieur, et la présence des livres se sentait. Ce subtil parfum mêlant encre, parchemin, et neuf était directement reconnaissable. Les ouvrages pour la rentrée n’étaient pas encore exposés en évidence, prouvant que ce n’était pas encore la priorité de tous. De toute façon, la jeune sorcière ne compter pas s’en charger immédiatement. Elle ne vit personne, même derrière le comptoir, et en conclut que le gérant devait certainement être dans la réserve, à restaurer d’anciens ouvrages ou à s’occuper de commandes importantes pour renouveler son stock. Ainsi, Phœbe ne jugea pas nécessaire de le déranger et se dirigea vers des étagères sur lesquelles trônaient d’imposants livres. Les titres sur la cote brillaient, comme s’ils avaient été marqués avec du fil d’argent. Ce pouvait révéler d’une certaine superficialité mais la jeune sorcière se laissait souvent attirer par les cotes, seul élément visible sur les rayonnages, avant de consulter les résumés situés à l’arrière de la couverture.


Attirée par le mot « légende », la petite Swan tira lentement un livre de son emplacement pour l’étudier de plus près. Pour les Moldus, les légendes représentaient souvent ce qui tenait de la normalité du côté des personnes baignant dans le monde de la magie. Si un sorcier évoquait des légendes, ce devait témoigner de la présence d’un mystère que mêmes les connaissances des deux mondes combinés n’étaient pas à même de percer. L’adolescente posa sur une tablette l’objet et l’ouvrit avec délicatesse pour dévoiler le sommaire et s’y plongea avec intérêt pour se donner une idée du contenu. Perdue qu’elle était dans sa lecture, l’étudiante ne remarqua pas qu’elle n’était plus seule et qu’un garçon avait à son tour pénétré dans les lieux, sans s’être manifesté et qu’il entrait progressivement dans son champ de vision.

Quelle douce saison que l’été. C’était probablement la saison préférée de Connor. Le petit sorcier était très frileux et pour lui l’été était le seul moment où il y avait le moins de chance de faire froid, même au Royaume Uni. En ce bel après midi de juillet, la famille Garnier était de sortie et au grand complet (même maman s’était déplacée!) au Chemin de Traverse pour l'anniversaire des deux jumeaux Lisa et Matthieu Garnier. Il y a six ans de cela, Connor était encore un enfant unique et il était très heureux ainsi. Il adorait ces petits monstres qui lui servaient d'adelphes mais ils étaient épuisants au quotidien. C’étaient les enfants les plus turbulents que Connor ait rencontré, et il aimait parfois se retrouver loin d'eux pour être dans le calme. 

C'est ainsi, dans cette optique d’être au calme, que Connor demanda à ses parents l'autorisation d'aller à la librairie Fleury et Bott le temps que les ses frère et sœur choisissent leur cadeau d'anniversaire dans le Chemin de Traverse. Connor allait échapper aux pleurs et caprices pour un moment. Elisabeth, la mère de Connor, avait convenu avec l'enfant qu'il avait droit à deux heures de temps libre et qu'ensuite ils iraient tous ensemble prendre le goûter chez Florian Fortarôme. Connor prit cette information et la stocka bien dans sa tête, car si dans exactement une heure et cinquante deux minutes il ne sortait pas de la librairie pour être à l'heure devant chez le glacier, Maman Garnier viendrait le chercher par la peau des fesses et il vivrait la honte de sa vie. 

Connor entra dans le magasin après avoir bataillé un instant contre la lourde porte. Comment est-ce possible de faire une porte aussi lourde? Les enfants qui font leur courses tous seuls ne sont pas autorisés ici ? 

Le garçon n'avait jamais vraiment arpenté les rayonnages tout seul mais il avait déjà remarqué par le passé les étagères qui l’intéressaient ; c’était l'endroit des mythes et légendes. Connor était passionné par tout ce qui entourait les légendes urbaines. Son père lui avait parlé il y avait de ça quelques mois d'une légende française à propos d'une cité engloutie, la cité d'Ys. L'enfant souhaitait donc se renseigner un peu plus sur ce mystère qui fait jaser tant de gens. Il avait quelques titres en tête de livres "must have" sur le sujet comme "La cité d'Ys : légende ou réalité?", "Les archives secrètes d'Ys", "L’énigme d'Ys" ou encore "Ys enfin découverte". 

Dans ses recherches, Connor ne trouva qu'un seul livre de sa petite liste mentale. Il avait entre ses petits doigts "Les archives secrètes d'Ys" qui était un ouvrage plutôt assez fin ce qui cassa l’enthousiasme de l'enfant. Il pourrait finir ce livre avant même de rejoindre la boutique Florian Fortarôme, c’était pas suffisant. 

Dans le même rayonnage que le petit garçon se trouvait une demoiselle un peu plus grande que lui qui venait de sortir un livre de l’étagère dont le titre frappa le garçon "La cité d'Ys : lége........". C’était probablement le livre que cherchait Connor ! Elle posa le gros grimoire sur une table et commença à la décrypter. Connor posa à nouveau ses yeux sur le petit livre qu'il avait dans ses mains en se disant qu'il aimerait bien lire celui que la fille avait sous les yeux. Peut être existait-il en double? Connor chercha et rechercha à l'endroit où la fille avait trouvé ce gros bouquin mais rien, pas de second exemplaire. Connor allait abandonner et partir payer. Il consulta sa montre, il lui restait plus d'une heure vingt-cinq à passer avant de retrouver sa famille, s'il payait et partait il allait s'ennuyer comme un rat mort. 

L'enfant souffla un bon coup, essaya de se libérer du stress de l’idée d'aller parler à quelqu'un d'inconnu, à "une grande", car il était vraiment curieux de savoir ce qu'il pouvait se trouver dans ce livre. Et après tout ils devaient surement partager le même centre d’intérêt pour les mystères donc elle n'allait peut être pas le dévorer tout cru. 

Pendant qu'il était perdu dans ses pensées, Connor marchait jusqu'à la demoiselle, et une fois arrivé à sa hauteur il prit la parole d'une voix si peu assurée qu'on pourrait prendre pitié de lui : 

Exc.. Excuse moi je... Tu... Tu sais si je pourrais trouver ce livre qu.. Quelque part d'autre que dans.. dans tes mains ? 

Tandis que Phœbe scrutait avec attention la table des matières pour se donner une idée de la construction de l’ouvrage et de l’organisation du travail du chercheur, une agitation soudaine la fit relever la tête, pour ensuite la baisser à la hauteur d’un garçonnet de petite taille, ce qui la déstabilisa légèrement. Ses cent cinquante centimètres atteints à l’âge de treize faisaient d’elle une personne entourée de personnes presque toujours plus grandes, et parfois même les premières années dans son école, Poudlard, la dépassaient sur ce point. Cet enfant lui rappelait celle qu’elle était à un âge proche, et la petite Swan le trouvait attendrissant. Il était innocent, sympathique et ne devait certainement pas connaître l’école de sorcellerie. Nul doute qu’elle aurait réagi autrement si cette rencontre s’était déroulée quelques mois plus tard, dans l’enceinte du château. Ainsi à la requête du jeune garçon, elle répondit sans montrer de gêne ou de rejet. Qu’il s’intéresse au même sujet que son aîné était déjà un bon signe :


« Je n’ai pas regardé, mais il est possible que ce soit le seul exemplaire, du moins ici… Tu souhaitais le consulter ? »


Bien sûr, la réponse à cette interrogation allait être certainement positive, mais l’adolescente aurait aimé lire au moins l’encadré sur l’auteur à la fin, pour voir s’il avait écrit autre chose sur le sujet et à quel point il avait étudié ce mystère de la cité d’Ys, que personne ne semblait avoir résolu, à la connaissance de la Serpentard. Pour qu’un garçonnet aussi jeune s’intéresse à cette légende en particulier, il ne devait pas y avoir une foule d’explications possibles. Ainsi, soit il avait des origines françaises, soit il était passionné des mythologies de tout genres, ou même tout à la fois. Ce peu d’informations que Phœbe avait déduit d’une simple demande faisait de l’inconnu quelqu’un d’estimable à ses yeux, ce qui était rare. En général, bien peu d’individus étaient capable d’éveiller son intérêt, l’étudiante avait l’impression de n’avoir fait de rencontre sensationnelle lors de ses deux premières années à l’école. Avisant le petit carnet que l’enfant tenait entre ses mains, Phœbe proposa un compromis :


« Je peux te laisser jeter un œil, ça te dérangerait que je regarde en contrepartie ce petit ouvrage ? »


Le seul mot qu’elle avait pu déchiffrer avec certitude était ‘archives’ mais cela suffisait amplement pour éveiller sa curiosité. Se rendant compte que le garçon pourrait difficilement accéder au grimoire placé sur une tablette sûrement située trop en hauteur, la petite Swan eut la prévenance de le baisser pour lui. Avant de savoir s’il allait concéder à faire cet échange, l’adolescente fit une dernière remarque :


« Tu… Tu sembles t’intéresser aussi à cette légende… On en parle beaucoup en Bretagne, la petite, celle de France, c’est là que tu l’as découverte ? »

La jeune sorcière avait un peu de mal à trouver les bons mots pour s’exprimer et avait une formulation hésitante. Son interlocuteur ne l’intimidait pas, mais le manque d’habitude l’empêchait d’être à l’aise face à des étrangers.

La grande fille en face de Connor ne semblait pas si contrariée d'avoir été dérangée par le garçon. Elle lui proposa d'abord un échange de son gros et d'apparence si intéressant grimoire contre le petit livre que Connor avait entre ses mains, livre qu'il avait hésite à remettre dans les rayonnages quelques minutes auparavant. Autant vous dire que le garçon ne réfléchit pas bien longtemps à l'offre de la grande fille avant de l'accepter puis il posa ses petits doigts sur les pages de l'ouvrage qu'il convoitait. 

Ses yeux se perdirent un instant à l'endroit où le livre avait été ouvert, sur la table des matières qui expliquait comment était construit le livre. Il semblait répertorier les traces et indices de l'existence de la cité d'Ys par ordre chronologique et cela remontait vraiment loin dans le temps. Des dizaines de théoriciens ont travaillé sur l’étude de cette légende et ont sorti cet immense livre dans lequel tout semblait expliquer et valider l’idée que la cité a bel et bien existé. *Je le savais!* pensa l'enfant. En fait il n'en savait rien il connaissait cette histoire depuis deux semaines, mais il avait réellement voulu croire que la cité n’était pas seulement une hallucination de masse. 

Connor fut sorti de ses pensées par les paroles de la fille en face de lui qui lui demanda s'il avait découvert la légende d'Ys en Bretagne (une région de France proche du Royaume Uni) car elle venait apparemment de là. Connor ne savait pas que la légende venait d'un endroit spécifique en France, il pensait qu'elle existait dans la tête d'environ tous les français, que c’était un mythe très répandu en France. Apparemment non. Cette fille semblait en savoir beaucoup sur le sujet. Connor se surprit à penser que ça serait vraiment très intéressant d’échanger avec elle sur ce sujet, d'en apprendre plus et, éventuellement, de se sociabiliser par la même occasion. 

Je ne suis jamais allé en France, mais c'est mon père qui m'a parlé de ce mythe.

Cette phrase était purement factuelle, elle n'apportait rien à la conversation. Connor n’était pas quelqu'un de très sociable, pas car il n'aimait pas cela, mais seulement car il était timide et mal à l'aise en public. Il tenait ce trait de caractère de sa mère. En plus de ne pas être la plus sociable des personnes, Connor n'avait jamais parlé à des personnes plus que pour échanger des banalités, mis à part sa famille, d'où son inconfort. 

Connor s’était donné comme bonne résolution de bientôt-étudiant-à-Poudlard de faire un effort sur sa sociabilité, son comportement en public et sa personnalité. De plus, cette fille en face de lui semblait très intéressante et avait l'air de connaitre beaucoup de choses. La curiosité pesant encore plus dans la balance de ses résolutions, Connor se risqua à reprendre la parole.

Toi tu es déjà allée là-bas? En Bretagne? Il fit une pause. Et.... Tu as vu des preuves de l'existence d'Ys? Ou alors... Tu as rencontré des chercheurs peut-être ? 

Ses yeux s’étaient allumés d'une étincelle de curiosité. Il voulait tout savoir, et il espérait que la demoiselle aurait des réponses, ou des pistes de réflexion qu'ils pourraient étudier à deux.

Le garçonnet n'hésita pas longuement à opérer à l'échange proposé et Phœbe pu consulter ce petit carnet intriguant bien plus léger mais au contenu non moins dense renfermé en ses pages. Ces archives comprenaient des éléments peu connus de l'adolescente qui feuilleta l'ouvrage pour en voir le maximum. Perdue dans son étude, l'étudiante n'avait pas conscience de ce que faisait son benjamin.

À son interrogation l'enfant répondit que jamais il n'avait posé les pieds en France. C'était dommage, trouvait la petite Swan car elle avait déjà visité le pays plusieurs fois, ne serait ce que pour aller voir un peu de famille, ou même explorer certaines zones spéciales desquelles ses parents pensaient lui apprendre quelque chose, souvent lié à une légende locale, toujours plus intéressante racontée en contexte.

Ensuite, après une période de silence entre les deux jeunes magiciens le petit garçon le brisa en posant une question, reliée à ce qui s'était dit quelques instants auparavant. La Serpentard n'allait pas étaler sa vie, mais en dire juste assez pour apporter une réponse satisfaisante :

« Hum bien sûr je suis déjà allée en Bretagne. Souvent on me raconte les histoire sur les lieux mêmes ou elles se sont produites donc j'au été dans la région et je connais un peu le pays, certainement mieux que le Royaume-Uni. En revanche je ne l'ai pas vue, il est si facile de passer juste à côté sans la voir. À mon avis elle est incartable, ce qui explique que peu savent son authenticité et ce ne suffit pas à y pénétrer. »
Ys restait quelque chose qu'elle ne conaissait que de nom, pas de façon réelle et tangible. Phœbe espérait bien un jour ôter le voile dissimulant cette île au monde afin de se la révéler au moins à elle-même. L'adolescente ne cherchait pas à compromettre leur sécurité en dévoilant une porte d'accès si un jour elle en trouvait une.

Seulement sa curiosité la poussait à souhaiter ardement découvrir cet endroit mystique qui promettait d'être merveilleux. Ce désir pouvait sembler futile en comparaison à des faits essentiels de la vie concernant des soucis importants, mais cela permettait au moins à l'adolescente de se focaliser sur quelque chose qui n'était pas particulièrement sombre, bien au contraire. Il pouvait être important de se recentrer sur des affaires simples avant d'affronter les plus épineuses et complexes qui se promettaient de tirer dans un gouffre profond leur examinatrice.

«Qu'est-ce que ton père t'a transmis sur cette cité perdue, cet... Atlantide français en quelque sorte? »

Celui-ci devait très certainement avoir des racines communes avec l'adolescente qui aimerait en savoir un peu plus à ce sujet. Selon elle les livres étaient certes géniaux mais n'apportaient pas toute la réponse aux questions et par le dialogue, bien qu'il puisse être très difficile du fait de l'incapacité à se comporter avec une attitude calme et à l'aise en face d'étrangers inconnus. Cependant parler à un petit garçon qui avait conversé à ce sujet en compagnie de son père semblait tellement plus accessible à Phœbe qui parlait avec plus d'aisance avec ce garçon par rapport aux autres. Qu'ils aient une passion commune pour cette île entrait en ligne de mire pour expliquer une ouverture venant de la petite Swan relativement étonnante.