A peine un "Bonjour" après mon entrée chez Fleury et Bott, mon regard accrocha une couverture marron : Comment ensorceler son fromage ?. Je bougonnai. Je n'étais déjà pas un rat de librairie, alors bon rat, les fromages, très peu pour moi. Me figurant la façon dont le parfum d’un vieux fromage remplacerait l'odeur du vieux papier, le nez plissé de dégoût, je me sentais pris comme un rat, traversé par un long frisson froid.

La petite cloche sonna une nouvelle fois pour signaler une nouvelle entrée dans le magasin, ouvrant une nouvelle porte dans mes pensées comme une nouvelle case d'un calendrier chocolaté. De la cloche de l'entrée à la cloche à fromage, mon esprit déviait, gourmand, vers les cloches qui avaient tinté à Pâques l'an dernier. Faisant tout un fromage de la pluie d'oeufs chocolatés qui s'était abattue à ce moment sur le château, je me répétais : "en avril, ne te dépouille pas d'un chocolat".

Le goût collant du fromage imaginé fondit finalement dans mon esprit à la vitesse du chocolat au soleil, tandis qu'y resurgissait le quid de mon entrée dans ce drôle d'endroit. A Cambridge, les "livres" étaient sterling et me servaient à acheter des chocolats. Ici, les gallions me serviraient à acheter ces drôles de livres sorciers, qui ne permettaient pas d'acheter de chocolat. Des livres sans image et sans son, ni tout à fait bande-dessinée ni tout à fait dessin animé, qui pesaient plus que cent oeufs au chocolat.

Des livres, mes pensées glissèrent vers la rentrée. C'était avec l'insistance d'un cognard - et une volonté de fer, plus dure que tous les chocolats - que j'avais dit, redit, répété, martelé à mes parents cet été que je voulais du vol pour ma troisième année à Poudlard. En échange, j'avais renoncé à parler de Gryffondor à la maison, à l'origine du conflit avec mon père larvé depuis la première année. "Pas de matière à baguette et du vol" répété avec la constance de "Des bonbons, pas de soupe au potiron" dans Lucky Luke. Le compromis était tombé. Du vol mais des matières à baguette.

J'avais ainsi été mené à la baguette par mon père jusqu'à la filière Pratique et Ouverture. Le commandement à la baguette avait été plus souple que prévu, moi qui m'attendais déjà à Auror comme Tobias ou Tronc Commun, mais baguette en réglisse ou pas, j'avais été conduit par le bout du nez, et je n'aimais pas cela.

J'avançais dans mes pensées et le rayon "vol et quidditch", le sentiment d'impuissance face à mon père coincé dans la gorge avec l'amertume d'un puissant chocolat noir. Mon esprit était plus collé qu'un caracollant au sujet de la filière tandis que mon index glissait doucement sur l'ABCD des couvertures, suivi par mon regard :
...
Le Quidditch d’hier et d’aujourd’hui, Jessica Sapworthy
Manuel du quidditch de notre temps, Verity Savan
Attrapeur de grande valeur, Lewis Semper
D’or, de bronze et d’argent : les cent plus grandes victoires du quidditch, John Stalone !

J'entourai l'ouvrage de Stalone de mes doigts, puis le glissai dans ma besace, tentant à toute force de substituer dans mes pensées les paroles de mon père par celles d'Esther, la copine d'Adam, dites cet été à la maison -voler pour lire, lire pour voler, tu ne t'amélioreras plus sans avoir ingurgité de la théorie-. A peine l'opération rangement express du livre terminée et la tête relevée, je remarquai une jeune fille dans le rayon d'à côté, qui suivait l'allée. Si je continuais, j'allais la croiser.

Mes parents m'avaient laissé depuis un bon moment déjà, pour aller boire un verre au Chaudron Baveur. J'étais au milieu de la rue du Chemin de Traverse et j'avais déjà ma baguette, mon matériel de potion et je dégustais une glace à l'italienne à la framboise. Ce n'était pas mon parfum préféré mais bon, venant de mon père, c'est l'intention qui compte. Jamais je n'aurais parié sur le fait qu'il m'offre une glace. Je checkais ma liste pour savoir ce qu'il me restait encore à acheter. *Ça c'est fait, la baguette je l'ai,... Ah les livres! Et c'est chez... Fleury et Bott. Ok, j'ai plus qu'à trouver la boutique!* J'ai donc remonté la rue jusqu'à l'entrée de la boutique en question et j'y suis rentrée.

J'ai prononcé un petit *Bonjour* car tout était calme alors je ne voulais pas trop me faire remarquer. Je me suis dirigée vers l'étalage de livres se trouvant juste en face de moi. *Alors, je dois déjà trouver "Sorts et contresorts", bon et bien commençons par là-bas et si je trouves pas je demanderai à quelqu'un.* Il y avait des livres de toutes sortes: certains portaient sur la cuisine, d'autres sur les potions, d'autres encore sur les créatures magiques mais mon oeil fut attiré par les livres de Quidditch.

J'avais déjà entendu parler de sport, car oui mes parents ne m'adressaient ps souvent la parole, mais ils m'avaient quand mise au courant de certaines pratiques du monde des sorcier. C'est moi il me semble qui leur avait posé la question. Lorsqu'ils m'avaient décrit Poudlard peu après mes premiers signes de magie. Je me souviens comme si c'était hier leur avoir demandé "Mais maman, ils font quel sport là-bas? Et ils connaissent le basquet, le volley, le tennis,..." On ne m'arrêtait plus, j'avais fait la liste d'à peu près tous les sports "moldus" qui existaient. A ma plus grande déception, mon père m'avait répondu que non, que ce n'était pas ce genre de sport qui était pratiqué. C'était du Quidditch. Imaginez le dire ça comme s'il présentait le graal, avec un grand mouvement de bras, car mon père était fan de ce sport mais n'avais malheureusement jamais réussi à intégrer l'équipe de sa maison. Avant que l'on m'explique, je l'avais regardé avec un air décontenancé mais lorsqu'il a prononcé le mot "balai", j'ai bondi. Je rêvais de monter sur un balai.

Alors ce jour-là, quand mon regard a accroché le titre de ce livre, Le Quidditch à travers les âges, je n'ai pas pu m'empêcher d'en prendre un et de le feuilleter. *J'aimerai trop l'acheter mais j'ai peur de ne plus avoir assez de sous pour la suite des courses... Il me reste quoi en plus des livres? Les vêtements...mince je ne sais pas si ça passera. Bon je reviendrais après avoir finit mes courses s'il me reste un peu de sous...* Je l'ai donc reposé sur le présentoir et je me suis dirigée vers un autre rayon, pour trouver mon fameux lire de sort. Les autres étaient déjà dans le panier. *Ah non, il me reste aussi l'Histoire de Poudlard à acheter..*

J'ai cherché pendant un bout de temps mais ne les trouvant pas, je me suis dirigée dans le rayon d'a côté. Il y avait un jeune garçon un peu plus âgé que moi qui était penché sur un ouvrage. *Je vais lui demander, on ne sait jamais, peut être que ce n'est pas la première fois qu'il vient ici!* Je me suis donc rapprochée et j'ai éclairci ma voix.

- Heu bonjour, excuse moi, je cherche un livre et je ne le trouve pas. Tu ne saurais pas où je peux le trouver par hasard? A vrai dire, y en a deux que je trouves pas. Ce sont "Sorts et contresorts" et "L'histoire de Poudlard".

Attendant sa réaction, Pamela a jeté un coup d'oeil au titre du livre que regardais le jeune garçon aux cheveux bruns.

@Jacob Tramontane

Ni téléportation ni transplanage. Ni une ni deux. J'allais donc bien croiser le chemin de la rousse qui avançait dans le rayon. Elle venait de piquer ma curiosité avec l'efficacité d'un vif d'or en parcourant un ouvrage de quidditch. Intrigué, j'esquissai un pas vers elle, la rencontrant en moins de temps même qu'il ne faut pour articuler "quidditch", un léger sourire aux lèvres.

Les rayons autour de nous étaient si ternes qu'on aurait eu envie de plier toutes ces pages en origamis à colorier et faire voltiger dans la pièce pour faire rayonner de pétillements le brun-gris prévisible ambiant. Comment était-il possible d'employer le même mot que celui qui désignait ces allées sombres pour qualifier les rayons du soleil ? J'aurais porté mon pull et ma cravate tout de rouge et d'or pour animer l'atmosphère austère, si j'avais su. Mais le rouge Gryffondor aurait été une honte pour Tobias, stationné dans la rue avec d'autres Grands Serpentards. Alors je portais la robe de sorcier noire couleur deuil et librairie.

J'aurais échangé ce lieu terne et sans vie contre les tribunes rouge et or du quidditch si seulement un tel sortilège de transfert avait été possible. J'aurais abandonné les pages qui grattent le doigt pour poser mes doigts sur mon balai, vivre la sensation vertigineuse du vol, ce rythme du vent imprimé sur la peau comme le rythme d'une de ces mélodies que je jouais au piano. Le plaisir suspendu était pourtant à vingt milles lieues dans les airs de cette position debout, planté sur mes appuis sur le sol de la librairie.

Le désintérêt sincère pour les étagères massives et muettes me destinait ainsi à être tout particulièrement attentif à ma camarade apparemment préoccupée par les cours de sortilèges et d'histoire de la magie, plutôt que le vol, à ma vive déception. La supposant nouvelle, je lui adressais pourtant un grand sourire : "Tu entres à Poudlard ? ...En fait, tu auras plusieurs matières, le premier livre que tu cherches est affilié aux Sortilèges, en un coup de baguette transformer le monde. Cool, non ? Le deuxième est de l'histoire de la magie... tu vois, chaque matière a un rayon." Je me serais presque convaincu.

Tandis que je commençais à avancer direction HDLM en lui faisant signe de venir, je continuai : "On a une professeure d'histoire de la magie très réputée, Miss Montmort, elle avait gagné le tournoi des Trois Sorciers ! Et c'était aussi une joueuse de quidditch réputée !" Nous revenions enfin à nos hippogriffes. "Tu t'intéresses au quidditch ?"

Le rayon atteint, je pointai du doigt la bonne étagère à la rousse, lui indiquant un rapide "Jacob, bientôt troisième année dans la maison des Rouges et Or" jovial en me rendant compte de mon oubli de me présenter, tout en repensant à cette théorie étrange du grand Serdaigle croisé l’an dernier à Fleury et Bott : comme les baguettes choisissent leurs sorciers, les livres magiques choisiraient aussi leurs lecteurs. Peut-être était-ce pour cela que je n’avais pas encore mis la main sur ledit livre d’histoire de la magie dans l'étagère, aussi peu aimanté par la matière à la barbe grise qu'un humain le serait par une acromentule affamée.