Résumé du post :

• Lili fait encore des blagues à Jules.
• Ils se demandent s'ils ont déjà été à un bal.
• La jeune fille pense à son ancienne meilleure amie + petite réflexion sur le destin

Depuis un certain temps déjà, les crapauds honoraient de leurs sons de crapauds organisés une salle qui elle-même se remplissait à vue d’œil. J’aperçus Alice, une condisciple, rayonnante comme toujours… elle paraissait en grande conversation avec quelqu’un que je ne connaissais pas mais en tout cas, les choses allaient bien pour elle à ce qu’il semblait. Une Poufsouffle revêtait une tenue vraiment jolie, oui, peut-être la reine du bal, jusqu’à plus ample informé. Mais les Gryffondor n’étaient pas encore arrivés en masse, il était un peu tôt pour attribuer le titre… Un peu déçue par les roses qui peuplaient les coiffures d’autres dames, je n’avais pas le monopole de quoi que ce fut, je marchais de plus en plus à l’arrière des convives, une façon de me cacher progressivement d’une foule qui commençait à m’oppresser. Dans les romans russes, les scènes de bal sont aussi nombreuses que les mois d’hiver. Et à leur lecture, j’avais toujours une image idyllique de ces moments. Les femmes sont toutes resplendissantes, et les hommes grands, beaux, ténébreux… désirables. Souvent ils hésitent ou ne comprennent pas les œillades qu’elles leur adressent, et ils font à peu près l’inverse de ce qu’il faudrait. Et toujours les femmes finissent par faire le premier pas. Moi… c’était comme jouer systématiquement avec les noirs. Un coup de retard… et ce soir-là plusieurs. Père, que je doive au moins vous remercier de cela, avoir appris à votre fille à demeurer insensible en façade. Quelle compétence salvatrice. Je devais cependant me méfier de moi-même car si jamais la pression montait déraisonnablement, je serais capable de faire une grosse bêtise. Je ne m’en rendais que moyennement compte, et il était heureux que le masque d’Halloween m’aidât en cela, mais je devenais nerveuse. Impatiente.

J’avais envoyé la veille un hibou à une connaissance mais il ne m’avait pas répondu. Evidemment. Mes mots étaient tellement impénétrables qu’il n’avait sans doute pas compris. Et puis… peut-être n’en avait-il rien à faire… peut-être avais-je été folle d’espérer. Que se passerait-il en outre si l’adulte finissait par avoir le courage que je lui prêtais ? Moi, dans les bras d’un garçon, en train de danser quand le premier à qui j’avais fait un signe l’avait finalement accepté ? Ma fille, à faire tout et n’importe quoi, on finit par se prendre les pieds dans sa robe. Emberlificotus totalus… j’en venais à me demander pourquoi donc avait-il fallu que je vienne ici ? Par quelle folie ? Je ne savais pas m’amuser et de tout cela je ne retirerais rien. Bécasse incapable d’autre chose que… ce pourquoi on m’avait fait venir au monde. S’acharner au travail, pour en mourir un jour. Dans ce roman noir que je croyais être ma vie, où donc était l’arme du crime ? Je ne l’avais pas encore croisée. Et cette comédie en nécessitait une. La magie n’est d’aucune aide dans ces instants-là et je ressentais presque un désespoir, comme si j’étais dans une impasse totale. Il est parfois difficile de grandir dans une ambiance dénuée d’exemple proche, de… modèle. Je ne pouvais pas m’en rendre compte, et si je me plongeais dans les romans dès que le travail m’en laissait le temps, c’était sans doute pour compenser, trouver des réponses. Je les aimais, mes livres, ces heures passées dans les pages noircies par ces grands écrivains. Mais la vie n’est pas aussi puissante, elle est. Terne. Tiens, au moment où j’atteignais la dernière strate de la foule avant de basculer dans l’autre pièce, je vis un Poufsouffle s’asseoir. Spectacle surprenant… Le beau gosse des blaireaux, au demeurant bon joueur de quidditch, je n’y connaissais rien mais si tout le monde le disait même à Serpentard… Le genre de garçon toujours très entouré, d’une foule d’admiratrices dont toutes rêvent de prendre la place de l’élue. Lui était différent pourtant, j’avais déjà remarqué qu’il entretenait une relation en apparence assez ancienne avec une autre Poufsouffle. Preuve que cela pouvait exister. J’aurais bien été lui parler, et surtout pas dans l’idée de le mettre en porte à faux ; « …et pourquoi tu es seul ? »,  « Ta copine n’est pas avec toi ??... ». Je ne savais rien de sa vie et j’aurais eu l’air de manigancer si j’avais fait le moindre geste. Les relations humaines me semblaient bien compliquées. En même temps, je me sentais irrésistiblement attirée par une… aventure. Pas au sens d’une histoire d’un soir…. Quelque chose de passionné, de chaotique, un élan irrépressible. Mais avant tout ne jamais acculer l’autre. J’aimais les gens qui faisaient attention. Et je me devais d’appliquer à moi-même ces exigences. Je n’irais donc pas lui parler, et d’ailleurs pourquoi lui plutôt qu’un autre ? J’en étais presque à oublier mon professeur. Tourner de ci de là à contempler les tenues, souvent assez inventives, la magie permet bien des folies, m’avait fait un temps perdre de vue le plus important. En fait, je trompais mon ennui ancestral en laissant délirer mon regard.

Je sentais que je n’avais plus ma place ici, l’envie de voler de mes propres ailes avait poppé, naturellement. Bon sang, quand viendrait-il, qu’au moins je sois fixée… Les déguisements avaient cela de positif que je le cherchais à chaque fois que quelqu’un se présentait. Cela m’occupait l’esprit. Mais non, ce n’était jamais lui. Et puis, il était grand, bien plus que moi et d’ailleurs si nous avions dû danser, c’eut été grotesque… Grotesque, un mot qui m’allait comme un gant… Grand, et sa carrure impressionnante avait quelque chose de rassurant. Tante Neptuna, tu pourrais quand même faire un effort et m’aider un peu…

En fait, je passais d’une idée à une autre sans aucune cohérence, depuis un certain temps déjà je n’étais plus moi, abandonnée par ma volonté ; comment avais-je pu en d’autres circonstances prendre autant de plaisir à danser ? Ce ne serait pas ce soir qu’une bourrasque soufflerait de nouveau. Et ces crapauds… par Merlin… ils parlaient, tout d’un coup. Je me mis à sourire.



@Rhys Saunders