On nous a rentrés à l'intérieur, comme des moutons qu'on rentre dans une bergerie pour les protéger du loup. Notre loup, je le sais, c'est cette dame qui parlait à la directrice, sur le lac. Son nom, je le connais aussi, et il revient bien assez souvent dans mes questionnements pour que je le prononce à voix haute. *Ursula* Alors me voilà postée à la fenêtre, au détour d'un couloir, pour continuer à les observer comme je le faisais sur la rive — avant qu'on nous enferme tous. La forme ne m'a pas gênée, comment s'opposer à ma professeure de Potions ? Un autre jour, j'aurais eu le cran, peut-être. Et encore, face à quelqu'un d'autre que Celle qui enseigne la matière que je chéris tant. Non, c'est le fond qui me fait me sentir mal et m'enserre au plus profond. Je suis comme un oiseau en cage, une jolie cage toute dorée, certes. Et je crois que cette image aviaire explique ce besoin d'évasion à travers une vitre. Là, j'observe un spectacle dont on ne connaît pas encore la chute, et qui ne fait pas se relever les commissures de mes lèvres. Je me contente de m'adosser au mur, afin d'avoir un angle de vue satisfaisant. Les silhouettes sont loin, mais mon regard aimanté ne peut se détourner d'elles. Et les Autres ont disparu de mon champ de vision, je crois bien qu'ils sont flous autour ; la netteté apparaît seulement là où mes yeux se posent. Les professeurs sont calmes, tous. J'admire leur flegme, mais mon esprit s'agite et s'emballe, lui. Mes Pensées vont et viennent à un rythme effréné, ce n'est pas la première fois, alors je les laisse faire. Simplement, dans ce flux, je capte mes réflexions sur la politique de chacune des protagonistes. Je veux comprendre ce qui se déroule, là, sous mes yeux ; autrement, je sais que mon esprit ne me laissera pas tranquille cette nuit, et c'est bien plus déplaisant.
Alors pour l'occuper — *Tais-toi* — je ne trouve rien d'autre à clamer que mon ressenti. Et je laisse s'échapper dédaigneusement une Pensée bien trop personnelle, qui ne devrait pas être dévoilée à ces Autres qui m'entendent peut-être ; il est trop tard. En plus, quand les Mots fusent au-dehors, ils me semblent si éparpillés et décousus que j'ai l'envie folle de les ravaler.

« Alors c'est comme ça qu'elle compte gouverner le Royaume-Uni : en rendant une visite surprise à l'opposition ? »

Miss Xarinez les avait fait rentrer dans le château, l'extérieur leur était désormais interdit. A l'intérieur la cohue gagne malgré les efforts des préfets pour canaliser la foule d'élèves agités. L'Armée Noire est là, pour certains cette nouvelle sonne comme une menace imminente et viscérale car ils ne sont pas bien nés comme l'est Aliosus. Pour lui et pour d'autres, si cette nouvelle est surprenante, elle n'est pas si angoissante. Certains ont d'ailleurs probablement de la famille, là, dehors, un oncle, un frère, un cousin, une mère, vêtu de noir et se battant pour la protection de la société sorcière. Le Serpentard essaye de se persuader qu'il ne risque rien, mais les souvenirs d'une situation analogue à la soirée d'Halloween son encore bien trop vifs pour ne pas faire preuve de la plus grande des prudences.

Comme tous, Aliosus désire être témoin de ce qui va se passer, hors de question de se réfugier dans la salle commune. Il trompe la vigilance d'une figure de l'autorité et disparaît dans un escalier qu'il grimpe quatre à quatre, à la recherche d'un point d'observation correct. Là, enfin, après quelques volées de marches le voici devant une fenêtre d'où il peut contempler le lac. Il n'est pas le seul mais il y a suffisamment de place pour qu'il puisse distinguer une femme aller à la rencontre de Miss Loewy et des directeurs de Maisons. Ursula Parkinson. Son estomac se serre. C'est la première fois qu'il la vois. C'est elle, la personne la plus puissante de Grande Bretagne. C'est elle, pour qui son père travaille. Un mélange d'excitation et de crainte envahit son esprit, bientôt brisé par une réflexion à voix haute d'une fille à côté de lui.

"Elle a pris l'initiative, c'est intelligent." lui rétorque-t-il simplement.

L'azur de mes yeux finit par se détacher des personnages qui gesticulent sur la berge du lac. Ils se tournent vers un blond, qui a sûrement échappé aux professeurs surveillants comme moi. Je le reconnais, il faisait partie de ceux qui défendaient Orphéa dans un épique combat de boue l'opposant à Taylor — ma camarade de Dortoir. Étrangement, je n'arrive pas à extraire son nom de ma mémoire. Mes sourcils se froncent un peu, laissant transparaître involontairement mon trouble face à cette amnésie surprenante. Encore toi ? semble tout de même murmurer mon regard au Garçon.
Il y avait quelques Autres, comme... Non, *'me souviens pas d'leurs noms*. Un épisode discret de ce mois de janvier, dont les acteurs me restent flous, en somme.
Il y a une dizaine de jours, nous nous tenions au même endroit qu'*Ursula*, en contrebas. Cette réflexion me semble irréelle ; j'ai foulé cette même herbe qui fait face au lac gelé, et rien que ce détail m'intimide. Malgré la distance, je sens que Parkinson dégage un charisme indéniable. Qui fascine ses partisans, et plus de monde encore. Et je me dis que face à Elle, pour s'opposer, il faut avoir une sacrée volonté. Que tout votre être doit se rebiffer, sans laisser place à la raison ou la pensée, puisqu'elles fuient devant cette aura incontrôlable.
Ces idées, mes idées se placent contre sa politique, je le sais bien. Malgré sa prestance, Elle ne m'inspire pas confiance, et je ne peux pas l'expliquer.

Puis je me reprends, enfin, face aux paroles que prononce le Presqu'inconnu. Alors on l'a entendue, ma Pensée ; ce n'était pas vraiment prévu. Je tente de répondre à sa remarque, mais la mienne se fait maladroite, je crois. J'aime les choses à mon avantage. Et j'aime débattre sur un sujet que je maîtrise. Celui d'Ursula Parkinson m'est un peu trop bancal ; pourtant, j'ai hâte de savoir où nos Mots nous mèneront.

« Mais pourquoi, alors ? Est-ce qu'elle veut provoquer Miss Loewy et Poudlard ? »

En se retournant vers son interlocutrice, Aliosus la reconnu, c'était assez rare pour être mentionné, c'était la fille qui se tenait aux côtés de Taylor qui avait agressé sa camarade Orphéa, comportement typique de Gryffondor de se laisser emporter par ses émotions. Par contre, son nom, il ne fallait pas trop lui en demander non plus... Élise ? Non ce n'était pas du tout ça...

Quoi qu'il en soit, elle semblait plus intriguée que repoussée par la présence de la Cheffe du Conseil des Sorciers. Peut être qu'elle était bien née, elle n'avait pas l'air d'une vulgaire sang de bourbe en tout cas.
Dehors la tension était à couper au couteau, il semblait que Miss Parkinson apportait un objet - un manteau ? Une cape ? - à la directrice de Poudlard. Ça semblait étonnement anodin comme interaction, si ce n'était l'armée postée sur la rive...

"Aucune idée, mais je crois que si elle voulait provoquer ça ne se passerait pas comme ça. Il se demandait bien ce qui pouvait se dire là bas, en contrebas, sur la glace. J'ai plus l'impression que c'est une sorte de négociation, je sais pas..."

La situation était compliquée pour le garçon. Il n'aimait pas particulièrement la directrice de Poudlard, son cours sur les femmes et la Magie ne lui avait pas vraiment plus, mais il savait que c'était une sorcière incroyablement puissante. Il n'avait en revanche jamais approché Ursula Parkinson, mais c'était bien pour son gouvernement que son père travaillait...

Mes sourcils froncés, je réfléchissais. *Aliosus*. N'était-ce pas ainsi qu'il s'appelait ? Enfin, la mémoire semblait me revenir, fait sûrement dû à la blondeur de ses cheveux qui ne passaient pas inaperçu. Au moins, je retrouvais un peu de contenance en sachant à qui je m'adressais, précisément.

« Hm, oui, je vois. Enfin non, j'vois toujours pas ce qu'elle vient faire là. Miss Parkinson, je veux dire. »

Ce Miss que j'avais employé pouvait être interprété par Aliosus comme bon lui semblait. Aussi respectueux que sarcastique ou provocateur. J'avais rarement l'occasion d'opposer ainsi mes idées, ou au contraire de les faire correspondre. Échanger avec un Autre sur un sujet aussi épineux, et passionnant, que celui que nous abordions était décidément instructif.

« En tout cas, je n'vois pas ce qu'elles... négocient toutes les deux, comme tu dis. »

Pourtant, je croyais en son hypothèse, et j'affichais une expression sincère ; seulement j'étais incapable d'émettre la moindre suggestion concernant ce qui se tramait en contrebas. Profitant d'un regard en direction de la fenêtre de mon interlocuteur, je me retournai à nouveau afin d'observer la scène. Et le nouveau protagoniste que je vis apparaître me laissa stupéfaite.

« Attends... Est-ce que c'est Dallan... »

Un temps, durant lequel je me remémorai le nom qui figurait plus ou moins souvent sur les unes des journaux que nous recevions. *Encore une histoire de noms*, pensé-je.

« ... Blackwave ? »

Je ne savais pas si j'attendais une réponse positive ou négative de la part d'Aliosus, tant la vision de l'homme m'était surprenante. À vrai dire, tout ce que le *Serpentard* pourrait bien m'apprendre sur l'ancien ministre m'était le bienvenu.

"Je sais pas non plus ce qu'elles peuvent négocier entre elles, et je crois qu'à part les gens directement là bas personne le saura vraiment. "

Pourtant le garçon aurait bien voulu. Si son père faisait partie de l'armée, il aurait pu lui demander, mais ce n'était pas le genre de Magnus Nerrah d'être en première ligne, en tout cas ce n'était pas l'image qu'il se faisait de son père. Avait-il été mis au courant de cette initiative ? Et d'ailleurs, était-il haut placé ? Son ancien poste d'émissaire était public et prestigieux, mais de sa nouvelle affectation il ne connaissait pas grand chose. Était-ce un bon signe ?

Aliosus quitta des yeux sa camarade, Constance ? Hélène ? Non toujours pas. Les deux reportèrent leur attention sur les petites silhouettes en contrebas. Un nouveau protagoniste était arrivé, sur une sorte de chaise roulante, poussée par un Manteau Noir. La blonde s'exclama, mais Aliosus fronça les sourcils.

"Dallan Blackwave ? l'irlandais ne l'avait bien évidemment jamais vu en chair et en os, seulement les photos animées publiées dans les journaux, mais ça faisait des mois et il avait du mal à associer la silhouette de ce puissant mage au fragile personnage prostré là bas sur la glace. Tu es sûre ? Je pensais qu'il était enfermé à Azkaban." Soudain, ça devenait logique, qui que ce soit là bas, il avait l'allure qu'on s'attend de voir après neuf mois passés dans la terrible prison sorcière. L'image d'Alice s'imposa à son esprit. A quoi pouvait ressembler son père emprisonné à présent ? Quelles souffrances endurait-il ? Magnus pouvait-il aider son beau-frère ?

En attendant des réponses qu'il n'aurait sans doute jamais, les choses allaient probablement devenir très intéressante à la surface du lac gelé...

@Ruby Everheart je te prie d'accepter mes excuses pour ce retard.

Ne t'en fais pas, c'est moi qui m'excuse cette fois.

Une réponse de ce Garçon, d'Aliosus, que j'écoutai attentivement. Elle me paraissait parfaitement plausible, et je ne savais plus vraiment pourquoi nous nous trouvions ici à percer un mystère dont nous n'aurions jamais la clé. Heureusement, j'étais de plus en plus convaincue qu'il avait des idées à défendre, du moins qu'il n'argumentait pas à la légère, ce qui le distinguait de beaucoup d'autres élèves présents non loin de nous. Eux ne s'intéressaient même pas à l'événement qui se déroulait en contrebas, et avaient seulement suivi le mouvement de foule qui avait eu lieu sur la rive du lac, tout à l'heure.

« Je... Je n'sais pas, je crois. »

*Tu me mets le doute*. Non, impossible, cet homme était bien le même que celui qui revenait dans mes souvenirs, imprimé à l'encre noire sur les journaux. À cet instant, nous en savions très peu sur la scène et ses protagonistes, mais j'avais pourtant une impression qui persistait en moi : c'était là-bas que tout se jouait. Les Grands devaient sûrement agir avec tactique, je les enviais très peu à cet instant.

« Tiens, encore des élèves. » je lâchai, d'une voix atone. Sachant pertinemment que nous tous étions censés rester confinés dans l'enceinte du château, la situation n'était pas propice à l'ironie — deux fois déjà que j'en usais. J'étais davantage étonnée de voir qu'un petit groupe avait échappé à la surveillance de nos professeurs. Aussi, je m'empressai de me rattraper du mieux que je pouvais : « Tu les connais ? » À l'instant même où les mots purent s'extraire de ma bouche, j'aperçus un balai filer droit vers le lac. Mitigée entre l'amusement et l'exaspération, j'articulai une dernière fois « Tout l'monde peut sortir, si j'comprends bien ? » , levant ma main vers la fenêtre, paume vers le ciel, en signe d'incompréhension.

"Non, elles ont l'air plus âgées, et pas dans ma maison, je crois que je les reconnaîtrais sinon." C'était un vilain mensonge, à cette distance, et avec l'uniforme commun, il n'aurait pas su distinguer deux Serpentard d'années supérieures, il ne les connaissait tout simplement pas assez. "Elles viennent pas de chez vous, tu les connais pas non plus ? Elles vont se faire stopper net, ça doit être des opposantes au Conseil des Sorciers." Les silhouettes s'agitaient. Miss Loewy semblait répondre à Miss Holloway, monsieur Brigss avait fait une grimace... Deux professeures se mirent en mouvement pour intercepter les élèves qui filaient vers la rencontre.

"Je crois que tu as raison, pour Blackwave je veux dire, ça pourrait être lui mais... Mais pourquoi ? Faudra regarder les journaux bientôt, c'est évident qu'ils vont être au courant et on en saura peut être plus." Tout ça était fait devant des centaines de témoins, la Gazette ne tarderai pas à publier des articles expliquant la manœuvre, même si elle ne serait pas objective ça sera toujours bon à prendre.

"Pardonne ma question mais j'ai vraiment un trou de mémoire et ça me mets mal à l'aise, je n'arrive pas à me souvenir de ton nom. Pourtant on s'est bien déjà rencontré non ?" Il n'aimait pas admettre ce genre de chose, mais autant se montrer franc. Après tout valait mieux ça que se retrouver embêté par la suite. "C'était dans le parc, avec Bagholmes non ?"

Vraiment navrée, encore.

Il n'avait pas relevé mon sarcasme, mais je ne m'en formalisai pas. Malheureusement pour Aliosus, je n'avais aucune idée de leur identité ou de leur maison, ce que je m'empressai de lui dire en secouant la tête. En plissant légèrement les yeux, je pouvais mieux distinguer les évènements en cours.

« De toute façon, je n'sais pas si ça m'avancerait beaucoup de les connaître. »

*Je n'sais pas grand chose* pensé-je ironiquement, en référence à mes nombreuses hésitations. Ses mots me firent tiquer, soudain. *Le Conseil des Sorciers ?*. Je fouillai dans ma mémoire pour ressortir sa définition. Liée à Ursula Parkinson, sans aucun doute, ce qui voudrait dire que ces élèves qu'on voyait s'avancer étaient bel et bien contre sa politique... ? Par incertitude, je décidai d'approuver ses dires.
*Le journal...*. J'avais certes pensé aux imprimés du passé, mais la Gazette existait toujours — bien qu'elle ne reflétât pas souvent la réalité, ou qu'elle ne soit totalement neutre. Je hochai la tête, entendue. « 'Sûr. La Gazette est plus bavarde que les professeurs, parfois... J'attendrai mon courrier avec impatience. » je conclus.

La suite de ses paroles me surprit plus encore, et je me tournai vers lui, prise de court. Ainsi, les prénoms pouvaient aussi lui échapper. Je souris, sans montrer que j'avais tenté de me rappeler son nom quelques instants plus tôt.

« C'est pas grave. Oui, c'est ça... Épique ce combat, n'est-ce pas ? » lui dis-je, malicieuse. Pour ensuite lui donner mon nom, et ajouter « De Gryffondor, comme Bagholmes. » . Pourtant, incertaine, je ne pus me retenir de l'interroger lui aussi. « Et toi, tu es Aliosus, c'est ça ? » .

Je n'hésitai pas longtemps avant de le sonder de nouveau. « Tu en penses quoi de tout ça ? » demandé-je en désignant du menton la fenêtre, et ce qui se passait derrière.
Un peu brusque, mais j'aimais bien. Par tout ça, s'entendait ce qui se passait en bas ; mais si Aliosus souhaitait pousser ses idées plus loin, *qu'il le fasse !*. Le véritable débat allait commencer, du moins je me laissais tenter à le penser.

Bien sûr que si ça nous avancerai de les connaître, on pourrait deviner leurs intentions, c'était aussi logique que ça, mais visiblement sa camarade n'était pas du même avis, tans pis, il allait falloir être attentif aux rumeurs qui n'allaient pas manquer de se répandre dès ce soir.

"Plus bavard que les professeurs ? Parce que tu penses que nos professeurs nous parleraient de tout ça ? La plupart du temps ils n'en disent rien et puis franchement ils sont pas objectifs... On pourra en reparler une fois qu'on aura reçu la Gazette si elle en parle et comparer avec nos idées pour voir si on avait vu juste."

Elle renchérit tout de suite après l'évocation de la curieuse bagarre de filles, et en lui redonnant son nom. Soulagement pour le jeune irlandais qui avait besoin de se rattacher à ce genre d'éléments. Ruby Everheart, c'étais plutôt joli comme patronyme. C'était donc à son tour de confirmer son identité, ainsi ils seraient sur un pied d'égalité.
"Exact oui, Aliosus Nerrah, deuxième année et ce que j'en pense..." Le regard de la Gryffondor s'était soudain acéré lorsqu'elle lui avait posé cette dernière question "Je crois que ça serait bien mieux pour les sorciers que Poudlard travaille avec le Conseil pour nous protéger des moldus agressifs." C'était du gâchis de ressources, ça paraissait évident pourtant..."Et toi tu en pensesquoi ?"