Mes mots, comme une incantation s'échappaient de mes lèvres pour aller se perdre dans la nuit... Suspendus, ils n'étaient plus qu'une suite de sons. Ils n'avaient plus le moindre sens. Ce que je disais n'avait plus de sens. Cette soirée, comme le monde n'avait plus de sens.

Et pourtant, je continuais à les répéter. Indéfiniment. Dans l'espoir, peut-être inutile, que Bad les entende. Non, l'espoir n'est jamais inutile. Et si moi je l'abandonne là, sur la pierre froide, alors que son monde vient de s'éparpiller autour de lui... Alors je ne vaudrais pas mieux que ces gens qui tuent et qui brisent des vie. Je n'aurais pas tuer, mais je n'aurais pas aidé à survivre. Ce qui finalement était pareil.

Alors je continuais encore et toujours à rabâcher son nom comme une invocation aux Dieux.
Mes joues baignées de larmes, qui courraient une à une sur le corps allongé de Bad. Et mes mains agrippées férocement à son vêtement. Je serrais tellement le tissu que mes jointures en étaient blanches.

Un temps qui me parut interminable s'écoula comme si quelqu'un l'égrainait, grain par grain, doucement. Puis Bad ouvrit les yeux et prononça mon prénom. C'était un murmure faible, tremblant, mais réel. Alors je souris, je ris de soulagement. Je me reculais pour lui laisser de l'espace, je m'assis sur mes talons et je m'essuyais les yeux.
Bad me regarda de ses yeux verts. Ils semblaient vides mais toujours aussi beaux, fracturés. Je souriais à Bad comme une idiote, avec en contraste, mes yeux rouges.
Puis il me demanda de le raccompagner au dortoir. J'acceptais bien évidement. Je n'avais pas supplié le Ciel de le ramener pour le laisser là.
" Je ne dirais rien, je te le promet. Je vais t'aider à te relever."
Alors je lui tendis mon bras pour lui servir de soutien, bien qu'il était beaucoup plus grand et fort que moi. Nous nous mimes debout avec difficulté, nos jambes nous portant à peine. Lui, écrasé sous le poids du chagrin, et moi, engourdie par ma position pliée. Mais nous tenions bon, accrochés l'un à l'autre.
Le trajet jusqu'à la tour Ouest me parut interminable. En opposition parfaite avec la vitesse à laquelle je l'avais emprunté un peu plus tôt. Mais le même silence régnait. Seul le vent de la nuit s'engouffrant par les fenêtres ouvertes dans la pierre, sifflait à nos oreilles.
J'accompagnais donc Bad jusqu'à son dortoir, dans un silence froid, rythmé par nos respirations saccadées d'avoir monté les escaliers.
Et juste devant la porte du dortoir, je posais ma main sur son bras. Dans un mouvement d'excuse, de compassion ou juste de tristesse, je ne sais pas. Et avant de disparaître dans les escaliers , j'ajoutais dans un murmure :
"Je sais que tu ne me connais pas et que tu dois me haïr, mais si tu as besoin je suis là. D'accord? "

Merci pour cette danse, c'était un plaisir d'avoir partagé tes mots

Lily accepta sans broncher de l’aider. Mais plus encore, elle promit de garder le secret. Personne d’autre n’aurait vent de la disparition de son père. Pas de pitié, pas de compassion, pas de faux-semblants. C’était mieux comme ça.

La jeune fille lui offrit son bras pour lui permettre de se relever. Bad eut des difficultés à l’accrocher mais il finit par réussir à se mettre debout. Ils étaient prêts à partir. À quitter cette tour maudite. Des années que ce lieu était son repère, sa bulle contre le monde extérieur mais aujourd’hui tout avait changé. Ce lieu était marqué à vie de cette morbide soirée. Elle garderait le souvenir du décès de son père, une empreinte indélébile.

Arrivé devant son dortoir, Bad réalisa qu’il venait de parcourir un long chemin dont il n’avait que des bribes de souvenirs. Sa tête perdait la lutte face à la violence du choc. Des flashs d’images lui revinrent comme des pièces de puzzle éparpillées. Son corps trop lourd soutenu pas Lily. La descente des marches dans un silence religieux. Le passage devant le heurtoir qui s’était ouvert sans un mot comprenant la gravité de la situation. Puis, finalement, la main de Lily sur son bras. Une sensation qui l'avait ramené au présent.

Bad voulut la remercier mais les mots restaient bloqués dans sa gorge. Il tentait de déglutir mais rien n’y faisait. Lily resta un moment silencieuse avant de lui proposer son soutien. Mais il était trop tôt pour que le garçon accepte. Avant de la rencontrer, il avait un père. Elle lui avait arraché. Bad savait que ce n’était pas la faute de la jeune fille mais il était plus simple de lui en vouloir à elle. Au fil des secondes, les remerciements qu’il voulait lui adresser n’étaient plus d’actualité. Les mots de Lily avaient eu l’effet inverse de celui escompté. Elle n’y pouvait rien mais elle resterait pour Bad à jamais la messagère de la mort.

Une fois la Serdaigle partie, Bad entra dans son dortoir étonnamment vide à cette heure. Il trouva la force de parcourir seul les quelques mètres qui le séparaient de son lit avant de s’y écrouler sur le ventre. Toujours habillé, il plongea la tête dans son oreiller pressant du plus fort qu’il le pouvait son visage contre le carré de plumes. La douleur de son nez qui s’écrase n’atténuait en rien celle qu’il ressentait pour son père. Relâchant la pression contre l’oreiller, il s’abandonna à un flot de larmes qui se répandait à travers le tissu. Les minutes passèrent et le garçon pleura jusqu’à épuisement, jusqu’au noir complet.


Une faible lumière commençait à filtrer à travers les rideaux du dortoir. L’aube. Bad, exténué, était resté endormi de longues heures sans interruption. Son corps et son esprit, toujours marqués, avaient eu besoin d'un long repos pour se régénérer. Encore vêtu, le garçon se retourna sur le dos, les yeux rivés fixement sur le plafond. Il avait besoin de faire le point.

Son père était mort dans l’incendie du Ministère de la Magie. Cette pensée lui tordit l’estomac et il eut de nouveau l’envie de vomir. Mais cette fois, son ventre était vide et Bad resta la bouche ouverte, suffoquant, cherchant à reprendre sa respiration. Retrouvant ses esprits, il revint à ses pensées. L’incendie s’était déclenché, il y a trois semaines. Pourquoi personne ne lui avait rien dit avant ? Sa mère était forcément au courant. Elle l’aurait contacté, c’était certain. Et que faisait son père à Londres ? Quelque chose clochait. Ou alors peut-être que Bad cherchait une faille. Une faille qui n’existait pas. Le prénom dans le journal, noir sur blanc. Une absence de nouvelles paternelles inhabituelle. Des éléments qui ne laissaient plus de place au doute. C’était acté. Il était désormais orphelin de père.

FIN DU RP

Merci Lily pour ce RP plein d'émotions