Ce soir là, Samy est complètement surexcité, dépassé par les évènements. Pour la toute première fois, il ne participe pas à la cérémonie de répartition et au grand banquet en tant qu'élève mais bien en tant qu'adulte, assis comme il se doit à la table des professeurs. On l'a placé sur l'aile gauche de la grande table, entre Hagrid et un homme qu'il ne connaît pas.

Le jeune homme parcourt l'assemblée du regard, fier comme un coq, et sourit en reconnaissant certains visages. A en croire les têtes que font certains étudiants, ils ne s'attendaient pas à son retour. Lui non plus, d'ailleurs, ne s'y attendait pas. Il avait passé de merveilleuses années à Poudlard, mais avait vécu son départ comme une délivrance, il volait vers un futur inconnu qui lui plaisait beaucoup. En partant du château, il n'avait jamais songé à revenir, et pourtant, un an plus tard, il était de retour. Il avait bien réfléchi, et l'école lui manquait, les gens lui manquaient, l'ambiance, les professeurs, la sécurité, et le parc, surtout le parc, lui manquaient. Alors, quand le poste s'était libéré, Samy avait sauté sur l'occasion et ne regrettait nullement sa décision. Son boulot lui plaisait déjà, il était relativement libre, ses missions étaient précises, aller faire un tour dans la forêt interdite, soigner les créatures, surveiller l'activité du parc, aider les élèves... En bref, il avait hâte de débuter.

Cette année encore, de nombreux enfants complètement perdus passent sous le Choixpeau avant de s'en aller rejoindre leur table, sous les applaudissements du reste du château. L'apprenti observe le spectacle d'un peu plus loin, se réjouissant silencieusement et gratifiant d'un sourire tous les élèves envoyés à Poufsouffle. Il n'y peut rien, c'est incontrôlable : quoi qu'on en dise, Poufsouffle est la meilleure maison.

Une fois la répartition achevée, le grand banquet tant attendu débute. L'anglais s'empresse de remplir son assiette de mets en tous genres, dinde, salade, ratatouille, pommes-de-terre sautées, il se sert sans compter en jus de citrouille, jus d'œillet et autres boissons qui lui avaient bien manqué. Pendant ce temps-là, la direction de Poudlard prend la parole et entreprend de présenter un à un tous les membres de l'équipe éducative. Il en reconnaît certains, en découvre d'autres, et applaudit de longues minutes durant lorsqu'Hagrid est annoncé.

Quand vient son tour, il se contente de hocher discrètement la tête et arbore sur son visage un immense sourire.

Sa première rentrée scolaire en temps que membre de l’équipe éducative, c’était une chose nouvelle pour l’infirmier qui avait commencé ce travail ici neuf mois plus tôt. Il avait déjà assisté à la répartition des élèves dans les différentes maisons de Poudlard mais jamais vu de cette table, il l’avait toujours vécue à la table des Poufsouffle. Il ressentait toujours la même sensation en regardant les petites têtes passer une à une sous le choixpeau et il se rappela sa répartition. Il avait l’impression que des milliers de chose s’étaient passées depuis cette soirée là.

En arrivant au château, il avait pensé qu’il serait envoyé dans la même maison que son père à Gryffondor. Le choixpeau avait lui même évoqué cette idée mais il avait très vite changé d’avis en révélant à toute la salle que sa place était dans la maison d’Helga. Il se rappelait également très bien de la réaction d’une jeune fille qui était désormais sa meilleure amie. Lorsqu’il s’était rapproché de la table des Poufsouffle, elle s’était levée et lui avait serré la main vigoureusement en se présentant. Elle lui révéla qu’elle l’avait vu sortir du train et qu’elle avait deviné qu’ils seraient dans la même maison. Rafael s’était d’abord dit qu’elle était un peu bizarre mais s’était très vite rendu compte qu’elle était géniale. C’est d’un air nostalgique que l’infirmier regarda le dernier élève se rendre à la table des Serdaigle.

Quelques secondes après, les plats se remplirent de nourriture variée, et très vite Rafael remarqua son voisin de table remplir son assiette. Il n’avait pas encore fait très attention à lui, il avait remarqué qu’il était jeune et avait deviné qu’il était nouveau dans l’équipe mais ne savait pas qui c’était. Il semblait encore jeune mais la sous-directrice du château était l’exemple même que Kristen ne prenait pas forcément en compte l’âge des professeurs qu’elle engageait et Rafael trouvait cela bien. Avant qu’il ne puisse lui demander de se présenter, la directrice prit la parole pour présenter l’équipe et principalement les nouveaux. Rafael vit le jeune homme hocher la tête lorsque Kristen nomma Samuel Falkner et Rafael devina que c’était lui.

Il ne vit d’abord pas le rapprochement bien qu’il tiqua sur le nom, cela lui disait quelque chose mais il n’arrivait pas à savoir quoi. Tout en écoutant la directrice finir le tour de table, Rafael réfléchissait à ce nom et ce n’est que lorsqu’elle termina qu’il se rappela enfin. Samira Falkner, la femme de Arturo López! Il avait déjà entendu ce nom quelque part mais il ne savait pas si Samuel était de la même famille que Samira. Discrètement, Rafael regarda le jeune homme du coin de l’œil mais il ne voyait pas de ressemblance avec Arturo. Était-il possible que les deux hommes soient de la même famille? Désirant en avoir le cœur net, Rafael tourna la tête vers son voisin et lui demanda:

« — Enchanté Samuel, c’est bien ça? Il fait une petite pause avant d’ajouter: Falkner comme Samira Falkner? Tu connais quelqu’un qui s’appelle Arturo López? »

Occupé à manger, Samy ne porte d'abord pas son attention sur son voisin. Il a compris qu'il était le nouvel infirmier et cela lui suffit. Après tout, ils auront d'autres occasions de sympathiser, peut-être se croiseront-ils à l'infirmerie même si le jeune apprenti a une santé plutôt robuste. Vivre plusieurs mois dans une forêt avec deux autres camarades dans le but d'étudier les centaures durant ses études lui a permis d'acquérir des défenses immunitaires relativement efficaces, il est donc peu probable qu'il attrape un rhume un jour. Et puis, dans le pire des cas, Samy sait se soigner lui-même.

Il mange en silence, assez impressionné par la situation. L'on pense souvent qu'il a confiance en lui, qu'il est à l'aise en toute situation, même lui arrive à s'en persuader parfois, et pourtant il se sent vraiment minuscule assis là, à cette table. Il sent les regards de certains élèves tournés dans sa direction, et cela le perturbe un peu. Il tente de garder la tête haute, de sourire, mais à l'intérieur de lui, il panique. Samy n'a aucun discours à faire mais il a le tract, et ça il ne peut pas le contrôler.

De son côté, la personne annoncée par la direction et située à sa droite semble perturbée par quelque chose. Rapidement, elle prend la parole. Samy pense tout d'abord qu'elle parle seul, et puis on l'appelle par son prénom - prénom qu'il n'a, au passage, plus entendu depuis de nombreuses années. Il tourne la tête et regarde vraiment et pour la toute première fois Rafael Mason. Grand, les cheveux noirs, des yeux bleus, la trentaine. Il porte la barbe, chose peu commune chez les médecins. L'étape de l'observation passée, le jeune homme se reconnecte à la réalité et écoute ce que son voisin a à lui dire.

A son grand étonnement, l'infirmier lui parle de sa mère. Puis de son père. Très vite, des connexions se font dans l'esprit du jeune homme. D'où connait-il ses parents ? Le trentenaire insiste sur son père, cela signifie qu'il le connaît bien. Cependant, Samy ne parvient pas à établir un lien entre les deux personnes. "Un infirmier, un infirmier..... Je vois pas le lien direct." Ne voulant pas paraître impoli en réfléchissant pendant trop longtemps, il répond à l'homme.

« Bonjour Monsieur Rafael Mason, enchanté aussi, on se connaît ? Oui, c'est bien les noms de mes deux parents que vous venez de dire. Si je peux me permettre, d'où est-ce que vous les connaissez ? »

Alors qu'il était élève, il vouvoyait tout le monde. A présent titulaire de son poste au sein du corps enseignant, il ne sait pas vraiment comment il doit s'adresser à ses collègues. Beaucoup semblent se tutoyer, d'ailleurs Monsieur Mason vient lui-même de le faire, mais Samy est intimidé, et jeune, alors il choisit de vouvoyer son interlocuteur le temps de voir comment évoluent les choses.

En réalité, Rafael connaissait plus Arturo que Samira bien qu’il les ait déjà vus tous les deux. Il l’avait rencontré trois ans plus tôt lorsqu’il était venu travailler aux urgences de Sainte Mangouste à Londres. Les deux hommes s’étaient parlés pour la première fois pour la prise en charge d’un patient qui avait subi un traumatisme après avoir vu sa plus jeune fille se faire mordre par un loup-garou. Arturo López intervenait aux urgences ponctuellement en tant que psychomage et il fallait avouer que c’était une ressource incroyable pour le service.

Leur deuxième entrevue avait été le début de leur relation lorsqu’ils s’étaient occupés d’un patient qui avait été présent lors des attentats du ministère de la magie. Ce jour-là avait été très dur émotionnellement pour l’infirmier qui avait inexorablement repensé à sa soeur Mila. Il avait essayé de rester professionnel mais il n’avait pas trompé son collègue. Ce dernier avait bien compris que cet évènement touchait de près Rafael et après avoir réussi à établir un lien de confiance avec lui, Arturo avait aidé Rafael à surmonter ce traumatisme. Ils avaient donc commencer à se voir en dehors de Sainte Mangouste et le jeune homme avait été invité plusieurs fois chez la famille de Samuel. C’était d’ailleurs grâce à Arturo et son fils Felix qu’il avait appris qu’un poste d’infirmier venait de se libérer à Poudlard. Rafael devait beaucoup à cet homme.

En entendant les paroles de l’infirmier, le jeune garde-chasse se demandait quelle était la raison pour laquelle Rafael savait tout ça. Lui n’eut pas besoin d’entendre sa réponse pour savoir qu’il avait visé juste, le visage du jeune homme avait déjà apporté la réponse. Il semblait réfléchir aux paroles de l’infirmier et fouillait certainement sa mémoire pour savoir s’ils se connaissaient, en vain. Il abandonna ses recherches pour répondre au trentenaire. Il lui retourna les politesses et répondit aux questions de Rafael, il était donc bien le fils de Samira et Arturo mais ne savait pas le lien qui unissait ce dernier à Rafael.

Celui-ci remarqua que le jeune garçon le vouvoyait et l’appelait Monsieur et cela le fit sourire. De son côté, il avait l’habitude de tutoyer ses collègues facilement, d’autant plus lorsqu’ils étaient plus jeunes que lui mais il comprenait que son cadet préfère rester prudent. Il s’empressa de le mettre à l’aise avant d’éluder sa réponse.

« — Non je ne pense pas qu’on se connaisse mais je t’en prie, tu peux m’appeler Rafael et me tutoyer.

Rafael s’empara de son verre de jus de citrouille et en but une gorgée tout en réfléchissant à la manière de présenter les choses. Il n’avait pas forcément envie de parler de sa soeur avec le jeune homme mais il pouvait évoquer l’aide que lui avait apportée son père. Il posa donc son verre et commença les explications.

— Je ne me rappelle pas t’avoir déjà vu mais je suis déjà allé plusieurs fois chez tes parents. Je suis un ancien collègue d’Arturo, nous avons travaillé ensemble aux urgences de Sainte Mangouste. Par la suite, ton père m’a aidé à traverser une période difficile et c’est lui qui m’a averti qu’un poste était libre à Poudlard. »

Très vite, Rafael met Samy rassure en lui proposant qu'ils se tutoient. C'est une proposition que l'apprenti s'empresse d'accepter et à laquelle il répond :

« Merci Rafael, ravi de te rencontrer, donc. Tu peux m'appeler Samy. »

Et puis, son voisin de table complète ses dires en lui expliquant d'où il connaît ses parents et tout s'éclaire dans l'esprit du jeune homme, qui, si sa couleur de peau le lui permettait, rougirait sans doute de honte. Oui, effectivement, il a entendu parler de Rafael, et pas qu'un peu. A vrai dire, il est au courant de toute sa vie ou presque, et particulièrement des phases les plus difficiles qu'il a traversées. Son père l'appelait sans cesse "Afa" lorsqu'il lui en parlait, pour protéger son identité certainement, lui donner un peu d'intimité, et justement pour éviter qu'une situation comme celle-ci ne se produise. Pourtant, ils en sont tous deux rendus là, et Samy ne sait pas du tout comment réagir. C'est donc lui le fameux "Afa"... Ils vont passer au moins un an ensemble, et Rafael a à peine terminé de se présenter que le jeune homme connaît déjà tout de lui, toutes ces choses intimes qu'on ne dit qu'à ses proches, qu'on ne crie pas sur les toits, ces choses qui nous regardent et que l'on ne souhaite pas voir exposées, et pire que tout, ces choses qu'on ne veut pas que les gens que l'on vient de rencontrer apprennent car l'on ne veut pas être pris en pitié dès le premier instant. Le jeune homme a conscience de tout cela.

Il est terriblement mal à l'aise, se souvenant de l'assassinat de Mila, du parcours difficile de Rafael, de ses moments de grande douleurs durant lesquels il s'est confié à son père, et ne sait que faire. Il n'aurait jamais dû être au courant de ces informations ! Doit-il le lui dire ? Ou bien continuer à faire comme s'il n'avait jamais entendu parler de lui ? Finalement, Samy choisit de taire ce secret et de laisser une chance à l'infirmier de lui révéler ce dont il a envie de parler. Il ne lui forcera pas la main, et ne lui dira pas ce qu'il sait. Une personne gênée vaut mieux que deux, et puis, l'anglais imagine que dans la situation inverse il aurait souhaité que son interlocuteur procède de la même façon.

« Oui j'ai entendu parler de toi, Papa t'aime vraiment bien je crois. Ca me fait plaisir qu'on fasse connaissance, j'ai entendu que du positif sur toi ! Il dit souvent qu'il a beau avoir des tas de copains, ses amis il peut les compter sur les doigts de la main. Pardon, tu peux me passer la salade de carottes s'il te plaît ? »

Il pointe du doigt le saladier en gratifiant l'infirmier d'un grand sourire. Il se sert, puis poursuit.

« Mon père me raconte rarement ce qu'il fait quand il est appelé dans un hôpital, mais du coup je me suis toujours demandé : c'est quoi le cas le plus bizarre que t'aies pu rencontrer quand tu y travaillais ? Que ce soit mental ou physique, d'ailleurs, c'est juste que le sujet m'intrigue. »

Samuel sembla se décontracter dés qu’il entendit Rafael lui demander de le tutoyer. Il se rappelait ses premiers jours dans son nouveau travail, il n’était pas un homme très timide mais il avait trouvé ça très impressionnant de se retrouver dans un milieu qu’il ne connaissait pas avec des personnes qu’il n’avait jamais vus ou seulement dans les journaux. Il avait énormément apprécié que ses collègues le mettent à l’aise de la manière dont il venait de le faire. Samuel rectifia donc ses dires en appelant l’infirmier par son prénom et en le tutoyant.

Après avoir écouté les explications de Rafael sur les relations qu’il entretenait avec son père, Samuel sembla réfléchir à la situation. L’infirmier ne savait pas ce qu’il savait de lui, il ne s’était jamais parlé et il était peu probable que Arturo cite le nom de ses patients devant sa famille. Mais était-il vraiment un patient? Leur rendez-vous avaient toujours été informels et Rafael avait plus l’impression de se confier à un ami qu’à un psychomage, bien que ce soit bien la profession de son aîné. Le trentenaire avait raconté énormément de choses à Arturo, il en connaissait plus que n’importe quelle personne dans cette pièce. Même Joanne qui se trouvait à l’autre bout de la table n’en savait pas autant sur lui. Et pourtant, il lui avait révélé plusieurs choses sur son passé. Des choses dont Rafael ne voulait pas parler à tout le monde.

Ce-dernier regarda rapidement le nouvel apprenti garde-chasse et il se demanda ce qu’il pensait. Il ne semblait pas très à l’aise mais Rafael n’imaginait pas qu’il sache son passé, il essayait sûrement de remettre de l’ordre dans ses idées afin de déterminer celui qu’il pouvait bien être. Rafael en profita pour se servir une part de tarte au thon qu’il accompagna d’une salade verte. Il se réservait pour le plateau de fromage et les nombreux desserts qui apparaîtraient plus tard. Il avait fait l’erreur à plusieurs reprises de goûter à plusieurs plats et manquer d’appétit pour goûter les mets suivants. Rafael reposa les plats au moments où son collègue reprenait la parole.

Il expliqua à l’infirmier qu’il avait en effet déjà entendu parler de lui en bien. Il semblait sincère dans ses paroles et Rafael sourit, Arturo le considérait lui aussi comme un ami. Voyant qu’il venait de se servir, Samuel demanda le plat contenant la salade de carotte. Rafael tendit le bras en écoutant la suite de la réponse de son jeune collègue et l’infirmier ne put s’empêcher de sourire face à la question de Samuel. Il y avait énormément de sorciers qui venaient aux urgences, et lorsqu’on semblait avoir vu la chose la plus improbable, un autre sorcier revenait le lendemain pour prouver qu’il pouvait faire plus étrange. Rafael se rappela d’une sorcière qui avait ensorcelé des baguettes de tricot pour réaliser une écharpe pour son petits fils. Malheureusement, cela ne s’était pas bien passé et la laine s’était enroulée autour d’elle telle une momie et elle ne pouvait rien faire pour arrêter cela. Ils avaient beaucoup rit une fois qu’ils avaient maitrisé le sortilèges. Mais ce n’est pas ça que Rafael répondit à Samuel. Il lui tendit le plat et lui dit:

« — Oh il y a tellement de choses improbables qui se passent dans un service d’urgence. Je ne sais même pas ce qui est le plus improbable, je repense à un jeune sorcier, il devait avoir la vingtaine comme toi et était passionné de métamorphose et aimaitet le plus de potions et de sort pour se transformer. Un jour ses expériences ont mal tourné et il est arrivé aux urgences avec une apparence qui changeait toutes les cinq minutes. Il est arrivé en ressemblant à un dauphin et au moment de l’installer dans le box, il avait pris la tête d’Albus Dumbledore. Cela aurait pu être drôle mais il était tellement angoissé qu’on ne riait pas au début.

Repenser à tout ça fit sourire le trentenaire. Bien que son arrivée aux urgences soit liée à la mort de sa soeur, il avait passé de très bons moments durant ces années. Il avait apprit beaucoup de choses sur les soins et la prise en charge des patients, Rafael ne regrettait pas d’avoir travaillé dans ce service. Décidant de s’intéresser au jeune homme il se retourna vers lui après avoir manger un morceau de tarte.

— Et toi du coup? Qu’est-ce qui t’a motivé à venir? Ça fait quoi de se retrouver de ce côté de la table, ça fait bizarre de ne pas manger à sa table d’étudiant hein? »

L'infirmer lui passe la plat de carottes râpées et Samy s'empresse de se servir généreusement. Comme tout Poufsouffle qui se respecte, il adore la nourriture, et particulièrement les bons produits du coin, les plats faits maisons, les légumes du potager... Il apprécie plutôt bien le fait de cuisiner, même s'il lui arrive bien souvent de se tromper d'épice dans ses plats. Au niveau du visuel, il gère bien, il sait dès le premier instant reconnaître les aliments qui lui sont présentés. Par contre, quand il s'agit de sentir les épices pour parvenir à les différencier, il ne s'en sort pas du tout. Son odorat n'est pas très développé, et il lui arrive souvent de confondre les bouillies de menthe et de basilic, ou encore les pots de paprika et de curcuma en poudre. Enfin bref, là il reconnaît les carottes, et les mange avec entrain.

Rafael commence ensuite à raconter une anecdote rigolote, que l'apprenti garde-chasse écoute avec attention. Il sourit en entendant le récit de ce pauvre garçon, et puis rit sincèrement et de bon cœur en imaginant Fred, un de ses amis qui serait totalement capable de faire ce genre de bêtise, débarquer à l'hôpital avec une tête de dauphin. Lui qui a la phobie des profondeurs marines, ce serait un comble ! Lorsque son collègue évoque le nom de Dumbledore, Samy prend un air songeur. Il a entendu bien des choses à propos de ce grand sorcier, il a même une fois gagné la carte chocogrenouille à son effigie - qui a finie mangée par Felix son petit frère quand il était encore petit, et se dit que ce doit être impressionnant de se retrouver face à un tel homme, même en sachant qu'il n'est pas le vrai.

« Hehe, pas tout le monde peut se vanter d'avoir vu le visage du plus grand sorcier de l'histoire ! De mon côté, je pense que si j'avais la possibilité de rencontrer une grand personne, j'aimerais que ce soit hmm... Lupin ! Oh, et Tonks aussi, d'après les histoires qu'on m'a racontées je les imagine comme un couple dévoué, courageux, et héroïque. Oui, je pense que ce sont les gens qui m'inspirent le plus. »

Tous deux étaient doués de capacités magiques exceptionnelles, étaient aimés de tous, respectés, ils se sont battus jusqu'au bout, leur cause était louable, et ils ont tous deux perdu la vie au combat. Si il y avait des gens à sauver d'une mort abominable et injuste, Samy est persuadé que c'était eux. Enfin, comment faire le tri quand on voit toutes les atrocités qui ont été commises depuis quelques siècles ? Avec le bazar qui règne au sein du gouvernement en ce moment, de nouvelles victimes seront probablement bientôt à déplorer. C'est dans ces moments que le jeune homme est ravi que ni ses parents, ni Amelia, ne soient des personnes connues et engagées en politique, cela leur sauvera certainement la vie.

L'apprenti interrompt tout à coup sa rêverie, et revient à la réalité. Il est certain d'une chose : lui aussi va bien s'entendre avec Rafael, il a l'air d'être un collègue sympathique, amusant, et plein de ressources. Son impression est vite confirmée lorsque ce dernier lui pose des questions sur son ressenti. Il n'a pas à le faire, c'est uniquement par bienveillance et curiosité, et cela plaît beaucoup à l'anglais.

« Pour être bizarre, ça l'est ! Honnêtement, je pensais ne jamais revenir, j'étais très heureux de partir, mais il au final l'ambiance du château et les gens m'ont manqué. J'ai fait un an à la fac de soin aux créatures magiques, en Irlande, et j'ai voulu me perfectionner en étant directement sur le terrain, tu vois ? J'ai fait beaucoup de pratique pendant ces études, bien sûr les cours n'étaient pas que théoriques, je suis par exemple allé en forêt plus d'un mois pour étudier les centaures, mais voilà j'avais envie de bosser à temps plein, et de continuer à apprendre en même temps, du coup apprenti garde-chasse à Poudlard c'est un peu le job parfait ? C'est Hagrid qui m'a parlé du poste quand je l'ai croisé au Chemin de Traverse cet été. Je ne sais pas si tu le connais beaucoup, mais c'est vraiment un type bien. »

Entendant son nom, le demi-géant assis à la gauche de Samy coupe momentanément sa conversation avec son autre voisin de table et dit de sa grosse voix :

« Ca parle de moi ?

- Oui, lui répond le jeune homme en riant, mais rien que tu ne saches déjà.

- Je vous ai à l'œil, conclut-il en plissant ses yeux rieurs. »

Puis, il se détourne et repart sur son ancienne conversation.

Le premier repas de Rafael à cette table lui avait semblé étrange et il lui avait fallut quelques jours pour s’y habituer. Il se demandait si son nouveau collègue ressentait la même chose. Cela devait d’ailleurs être plus difficile pour lui étant donné qu’il avait quitté les bancs de l’école depuis peu. Avant que le jeune homme ne réponde, Rafael prit une nouvelle bouchée et jeta un regard rapide à sa tablée. Les conversations allaient bon train et l’atmosphère semblait moins morose que quelques mois plut tôt avant les vacances scolaires. Les jeunes étaient certainement euphoriques à l’idée de retrouver leurs amis et le château, cela avait souvent été le cas pendant ses études.

Il reporta ensuite son attention sur Samuel qui avait arrêté de rire du récit de Rafael, il était vrai que la vision de ce jeune patient avait aussi beaucoup fait rire ses collègues lorsqu’il leur avait raconté. Il semblait songeur et Rafael se demanda à quoi l’apprentie garde-chasse pensait. Il finit par le révéler à Rafael quelques secondes plus tard. Il est vrai que voir le très célèbre sorcier Albus Dumbledore avait procuré un choc aux soignants. Rafael ne l’avait vu qu’en peinture ou dans les livres et voir un homme comme lui se tenir devant soi était étrange. Samuel révéla ensuite que s’il avait pu rencontrer un héros, ç’aurait été Monsieur Lupin ou sa femme Miss Tonks. Rafael ne savait pas trop, il y avait tellement de grands sorciers dans le monde qui étaient passés par Poudlard. Il repensait à sa soeur Mila qui aurait aimé être comme la Gryffondor Hermione Granger. Rafael comprenait cette volonté, elle était elle aussi l’une des plus grandes sorcières qui était passée par Poudlard mais l’infirmier qui avait passé sa scolarité dans la maison d’Helga Poufsouffle se sentait plus proche des héros comme Miss Tonks ou Monsieur Diggory. Deux héros au destin tragique qui avait passé plusieurs années dans la salle commune de Poufsouffle, comme lui.

Un silence s’était installé entre les deux sorciers, chacun pensant certainement à tout ce que ces sorciers avaient fait pour le monde magique. Rafael ressentait un respect sincère pour tous ces sorciers qui avaient perdu la vie en essayant de faire de leur monde un endroit meilleur. L’infirmier ne put s’empêcher de comparer cette époque à celle qu’ils vivaient maintenant, était-ce de nouveau en train de se produire? Faudrait-il encore des centaines de morts pour que le monde magique retrouve un semblant de paix? Il ne savait pas trop et cela lui rappela une conversation qu’il avait eu avec sa collègue Joanne quelques mois plus tôt, l’être humain n’arrivait pas à retenir les erreurs du passé, lui le premier, son rôle au sein du réveil le rendait autant coupable que tous les autres. Rafael ferma les yeux et essaya de se concentrer sur le moment présent.

La réponse de Samuel permit à Rafael de revenir au présent. Comme lui quelques mois plus tôt, son cadet trouvait aussi cette nouvelle position étrange. Il lui expliqua ce qui l’avait amené à revenir à Poudlard, il avait déjà fait pas mal de chose depuis sa sortie de l’école et Rafael trouvait cela intéressant qu’il souhaite développer ses connaissances auprès du garde chasse de Poudlard. Rafael ne le connaissait pas énormément mais il avait entendu beaucoup de bien sur Hagrid et cela n’était pas étonnant que Samuel souhaite apprendre de lui. Ce dernier se retourna d’ailleurs vers les deux hommes en entendant son nom. Rafael sourit face à la complicité qui s’était installée entre le garde-chasse et son apprenti, le jeune semblait être une personne qui gagnait à être connue. Après que Hagrid se soit retourné, Rafael répondit à Samuel.

« — Je ne le connais pas beaucoup mais en effet je n’ai entendu que du bien sur lui. Il fit une pause avant de reprendre curieux: Et donc du coup tu as prévu de rester combien de temps à Poudlard ? Une idée de ce que tu feras après ou tu iras ou le vent te porte? »

Après l'intervention d'Hagrid, Samy a un sourire aux lèvres. Le demi-géant commence à se faire un peu vieux, et malgré cela il est toujours aussi joyeux, farceur, amical et gaffeur. C'est sans doute grâce à lui que le jeune sorcier a pu trouver sa voie. Il y a encore quelques années de cela, il était un adolescent perdu, qui n'avait aucune idée de ce qu'il voudrait faire plus tard. A l'école, il n'excellait pas vraiment. Il passait son temps dehors, à jouer à la balle avec ses amis, il était une quiche en orthographe, n'étudiait que peu, ne s'intéressait qu'aux potions car elles avaient un don extraordinaire : celui d'exploser ; bref, les cours, il n'aimait pas ça, et cela se ressentait dans son attitude. Et puis, il avait parlé avec Hagrid qui l'avait initié aux soins aux créatures magiques en lui parlant de toutes les créatures qu'il avait eu l'occasion de soigner. Petit à petit, le garçon a développé un intérêt fort pour les cours de SaCM, et a progressé de façon fulgurante durant les trois dernières années de sa scolarité. Cependant, il n'a jamais cessé de garder un esprit libre, il déteste toujours autant rester assis devant son pupitre à écouter un professeur parler sans pouvoir agir, et être forcé à rédiger des rouleaux de parchemins entiers. Il plaint énormément les élèves qui n'en ont pas fini avec ce cauchemar. En bref, il doit beaucoup au garde-chasse.

Il est persuadé de ne pas être le seul à avoir ce ressenti vis-à-vis d'Hagrid, et entendre les mots de Rafael ne fait que confirmer ses pensées. Samy rend son sourire à l'infirmier, avant de répondre à sa question.

« Ecoute je sais pas du tout. Je suis engagé pour un an pour l'instant, en tant qu'apprenti le temps de finaliser mes études. On verra si l'école veut renouveler mon contrat l'an prochain ou non ? Pour le moment je me fais pas trop de plans, j'ai pas encore commencé à travailler, on verra bien ! Mais bon, je t'avoue sans problème que ce serait un grand honneur si la direction m'engageait en CDI. T'es là pour longtemps toi ? Et t'as fait quoi après Sainte-Mangouste ? »

L'apprenti laisse son regard se perdre sur la foule, et aperçoit Felix. Il lui adresse un clin d'œil, et retient un signe de la main. Après tout, à sa place, il se serait senti honteux que son frère ainé lui parle, devant tous ses copains, et depuis la table des professeurs. Fort heureusement, c'est son frangin qui le salue d'un signe discret avant de retourner à ses affaires. Samy ne pourrait être plus heureux. Finalement, c'est l'occasion rêvée pour se rapprocher de Felix. Il ne prévoit rien mais sait au fond de lui qu'il espère rester au château pour encore de nombreuses années.

Rafael s’intéressait vraiment au jeune homme et sa question n’était pas posée par simple politesse, il avait envie d’en apprendre plus sur le nouveau venu. Il remarqua aussi que ce n’était pas le seul nouvel arrivant à Poudlard, ils n’était pas installés de ce côté de la table mais Rafael arrivait à les identifier lorsqu’il se penchait en direction de l’autre bout de table. Il y avait un homme qui devait certainement avoir son âge ainsi qu’une jeune femme qui paraissait plus jeune. Respectivement le nouveau bibliothécaire et la nouvelle cheffe de Chœur de Poudlard, il aurait le temps de faire leur connaissance dans les jours à venir. Samuel sembla satisfait de la réponse de l’infirmier, il lui sourit avant de répondre à sa question.

Il lui révéla qu’il ne savait pas vraiment ce qu’il ferait après, il ne savait pas s’il resterait à Poudlard ou ferait autre chose. Rafael pouvait comprendre qu’à son âge, on se laisse porter par le vent. Il était encore jeune et l’infirmier se rappelait qu’à son âge, il ne voulait qu’une seule chose: avoir de nouvelles expériences et partir voyager. Grâce à son travail avec l’équipe de Quidditch d’Ecosse, il avait pu faire tout ça. Il semblait honoré d’avoir été embauché au château et une fois encore Rafael pouvait le comprendre. Après avoir répondu, Samuel retourna la question au trentenaire en lui demandant ce qu’il avait fait après Ste Mangouste.

Une image revint en mémoire à Rafael et cela ne lui plaisait pas, il repensa aux ruines de l’hôpital où il avait travaillé. Il avait commencé à construire quelque chose dans cet établisssement et tout était parti en fumée. Il espérait secrètement que ce ne serait pas le cas dans celui où il travaillait désormais. Avant de virer au mélodrame, Rafael se concentra sur la question de son collègue à laquelle il s’empressa de répondre.

« — Pour ma part je ne sais pas, je pense oui, je suis en CDI donc cela devrait bien se passer pour moi.Après Sainte Mangouste eh bien... J’ai eu un mois assez difficile où je ne savais pas trop quoi faire. Mon ancienne équipe m’a recontacté pour savoir si je voulais reprendre mon poste auprès de l’équipe de Quidditch mais c‘est à ce moment que ton père m’a parlé du poste qui s’était libéré à Poudlard. Du coup j’ai décidé de tenter ma chance ici. »