Malgré la réflexion et le tirage de langue qui lui fit monter les yeux au ciel, Aliénor accéléra le pas. Elle obéit si bien d'ailleurs qu'elle le dépassa sans oublier de lui mettre un petit coup d'épaule au passage. Non mais vraiment, quelle tête d'hippogriffe ! Rey la regarda littéralement s'enfuir, complètement dérouté par la tournure des évènements. Elle manqua même de percuter Eliott avant de disparaître de sa vue dans le couloir adjacent.

- Qu'est-ce que je fais ? demanda t'il à son meilleur ami en désignant la direction qu'avait prise Aliénor quand il se trouva à sa hauteur.
- Tu la rattrapes, répondit-il en haussant les épaules comme si c'était la chose la plus évidente au monde.
- Mais...
- Tu tiens à elle, non ? Je ne sais pas ce que tu lui as dit, elle a l'air vexé, va juste t'excuser.
- M'excuser ? Mais j'ai rien dit de mal !

Le regard appuyé d'Eliott lui fit comprendre que ça n'avait pas d'importance, mal ou pas, tord ou pas, il devait aller s'excuser. Qu'il en soit donc ainsi. Le rouquin tendit la balle à son ami pour qu'il la mette en lieu sûr puis parti à la poursuite de la jeune fille. Il s'arrêta net quand il l'aperçu, seulement quelques pas plus loin. La poufsouffle n'avait finalement fait que quelques mètres à couvert avant de s'appuyer contre le mur. Elle n'avait vraiment pas l'air bien. Rey ne comprenait pas pourquoi elle s'était mise dans cet état pour si peu. Il ne l'avait pas repoussé, juste remis à plus tard la discussion qu'elle voulait avoir. Lui, l'empathe, n'arrivait pas à saisir les émotions d'Aliénor. Il était probablement cassé.

Mais même s'il ne comprenait pas, la voir ainsi le peinait. Eliott avait raison, il devait s'excuser ne serait-ce que pour désamorcer la situation. Elle l'avait agacé, sans le moindre doute, mais sans elle, il ne serait probablement jamais parvenu à ouvrir cette fichue porte. Rien que pour ça, mais aussi pour tellement d'autres raisons, elle méritait bien qu'il laisse couler. Rey s'approcha doucement jusqu'à n'être plus qu'à être à moins d'un mètre d'elle. Quand elle leva ses yeux vairons vers lui, le cœur du garçon se serra en pensant à toutes ces fois où ils l'avaient fuit. Par sa faute. Par la sienne. Par celle de ceux qui leur avait causé du tord.

- Tu as rétrécis au lavage ou je me fais des idées ? demanda-t-il sur le ton de l'humour en lui faisant un sourire timide.

Ils avaient l'habitude de se charrier, autrefois. Rey espérait que sa remarque la détendrait un peu. Aliénor l'avait toujours dépassé en taille ce qui était assez frustrant pour un capitaine de Quidditch, mais aujourd'hui il l'avait rattrapé de peu, très peu même. Ses yeux étaient juste un peu plus haut que les siens mais c'était suffisant pour qu'il puisse l'embêter.

- Je suis désolé, ajouta t-il d'un ton plus bas et plus sérieux. Je ne voulais pas te blesser. Ni aujourd'hui, ni... l'année dernière.

Maintenant qu'il était aussi prêt d'elle, il pouvait voir les traces de larmes à demi-essuyées sur ses joues. Il serra les dents. Quel idiot ! Une envie impérieuse de les faires disparaître s'imposa à lui et il la suivit inconsciemment. Ses doigts volèrent jusqu'au visage de la poufsouffle et d'un geste doux du pouce, il effaça les derniers vestiges de ses pleurs. Aussi bref fut-il, le contact l'électrisa et un agréable frisson lui parcourut l'échine.

- Ne pleure plus à cause de moi Ali, dit-il dans un souffle rauque.

Des pas, simplement et ce bruit la tétanisa entièrement. Elle laissa son dos s’appuyer contre le mur avant de difficilement ravaler sa salive et de prendre une grande inspiration. Et s’il passait juste devant elle, comme ça, sans s’arrêter et sans même la considérer ? Elle serait fixée au moins. Mais s’il lui parlait… Elle ne préférait pas trop y réfléchir… Mais il s’arrêta bien devant elle et quand elle releva les yeux, qu’elle se prit son regard dans la gueule, elle se sentait si nulle d’avoir brisé encore plus leur lien. Est-ce qu’on peut vraiment réparer ça ? Mais les mots du garçon lui firent froncer les sourcils avant qu’elle ne soupire et qu’elle secoue la tête de gauche à droite le coin de ses lèvres s’étirant légèrement. C’était vrai, il avait grandi alors qu’elle peinait à prendre un nouveau centimètre.

Puis son sourire s’effaça. Il était désolé ? Elle venait de faire n’importe quoi et il était désolé ? Mais son éclaircissement lui fit revivre la perte de son ami, le voir loin sans le regarder, arrêter de s’envoyer des piques ou de jouer tous les deux. Ça lui avait manqué, un peu trop peut-être. Elle baissa de nouveau les yeux quand le pouce du garçon se posa sur les joues humides de la jeune fille. Comme si elle subissait une attaque, elle leva immédiatement sa main droite pour attraper le poigner du garçon et l’écarter de sa joue. Son regard lui était remonté vers Rey et était plus dur. Mais cette dureté ne dura que quelques secondes. Ce genre de geste, elle n’avait pas l’habitude d’en recevoir beaucoup et encore moins de quelqu’un d’étranger à sa famille. Sa poigné était un peu ferme et elle la desserra en se plongeant dans le regard du garçon.

-Pardon, mauvais réflexes…

Puis se rendant compte de ses doigts toujours autour de son poignet, les mots de cette Sparks lui revinrent à l’esprit. Elle retira sa main comme si la peau de son capitaine venait de la brûler. Elle passa une main dans ses cheveux avant de, de nouveau, chercher du regard les yeux de son camarade.

-Moi aussi je suis désolée.

Son regard dévia immédiatement, pourquoi c’était si dur de parler ouvertement avec lui ? Pourquoi avait-elle se blocage quand elle devait exprimer ce qu’elle pensait et surtout, ce qu’elle ressentait ? Alors elle prit une grande inspiration.

-Je fait de la merde Rey, là-haut dans le bureau, l’année dernière, à halloween, puis en mars et en avril avec cette putain de photo ridicule. J’ai fait n’importe quoi et j’ai abandonné tout le monde en croyant que c’était ce qu’il fallait faire. Mais j’ai juste perdu tous mes amis.

Son débit de parole rapide traduisait son inconfort dans cette position. Mais tout lâcher ça faisait du bien.

-Alors cette année, j’ai voulu réparer les choses, avec tout le monde… Et avec toi.

Son regard se raccrocha immédiatement à celui du garçon, cherchant un soutien pour continuer une attache, un roc pour s’accrocher dans cet exercice qu’elle fuyait habituellement.

-Mais te perdre de nouveau, rayer notre amitié ? En fait c'est pas possible pour moi.

Elle inspira, comme si tout ce temps elle avait retenu son souffle. C’était dur, épuisant et elle ne comprenait toujours pas tout ce qu’il pouvait se passer en elle. Mais là, à cet instant, son seul but c’était que Rey sache qu’elle avait besoin de retrouver cette amitié qui lui était si cher.

Rey eut un sursaut lorsque les doigts de la jeune fille se saisirent vivement de son poignet pour l'éloigner d'elle. Il fut d'abord surpris par la réaction brutale et la dureté du regard d'Aliénor avant de se rendre compte que c'était lui qui l'avait prise au dépourvu en premier. La poufsouffle n'avait jamais été trop contact, il le savait. Il avait juste momentanément oublié, touchée par les larmes de son amie. Puis elle s'excusa et le lâcha non sans détourner les yeux. Elle avait l'air gêné, du moins ce fut ce qu'en déduisit le garçon de son attitude un peu fuyante. La même chose se reproduisit lorsqu'elle se fendit en excuses à nouveau, cette fois-ci en faisant certainement référence à ce qu'il venait de lui dire. Décidément, Aliénor avait du mal à cracher le morceau. Le rouquin ne la pressa pas, il se contenta de garder le silence et de soutenir son regard quand elle tourna à nouveau le sien vers elle.

Et puis elle se lança. Elle parla vite, ne lui permettant aucune intervention ce qui était probablement voulu. A croire que si elle ne sortait pas tout ce qu'elle avait sur le cœur d'un seul coup, elle n'y arriverait plus après. Connaissant Aliénor, cette situation pourrait très certainement arriver. Alors même s'il n'était pas d'accord avec tout ce qu'elle disait, il fronça uniquement des sourcils sans l'interrompre. Elle avait en effet tord de dire qu'elle avait merdé à Halloween, il était le seul coupable. Et elle avait encore tord de croire qu'elle l'avait perdu. Le garçon n'était pas du genre à rayer ses amis, il avait fait des choix difficiles l'année dernière, absurdes même maintenant qu'il avait tous les éléments en main. S'il était aller voir un professeur plus tôt, il aurait su à quel point il se trompait. Mais il n'avait confiance en aucun adulte à ce moment là, pas plus que maintenant d'ailleurs. Il était néanmoins déjà un peu moins naïf.

Aliénor prit une grande inspiration et il sut que le signal était lancé pour qu'il prenne la parole à son tour. Il commença par secouer la tête.

- Tu te trompes Ali. Ce n'est pas de ta faute l'année dernière, tu n'as rien merdé du tout. Tu as au contraire fait tout ce que je t'avais demandé, tu as été la meilleure des amis, dit-il sans la moindre hésitation dans la voix. Et...peut-être que j'avais perdu ton amitié, de ce que je comprends, ajouta-t-il d'une voix un peu plus douloureuse prenant conscience de ce qu'avait sous-entendu la poufsouffle, mais tu n'as jamais perdu la mienne. A aucun moment. Je savais juste plus comment te parler... Et c'est pas une crise pendant une mission qui sentait déjà le roussi qui vont changer ça, conclut-il en riant doucement pour la rassurer.

Malgré ses paroles, il gardait le cœur serré. L'entendre dire de manière détournée qu'elle ne l'avait vraiment plus considéré comme son ami le blessait mais il garda ça pour lui, ce n'était pas le moment d'en remettre une couche. Et puis, elle disait aussi qu'elle ne voulait pas le perdre "à nouveau" ce qui montrait clairement qu'elle tenait à lui. Ca lui suffisait ou plutôt lui suffirait quand il aurait tout bien digéré. Il se força à sourire et rappela leur amitié en collant une pichenette sur le front de la poufsouffle. Ce geste n'existait que pour l'embêter, aujourd'hui il était là pour lui rappeler qu'elle ne se débarrasserait pas aussi facilement de lui.

- Ca, c'est pour avoir pu penser un instant que j'pouvais te lâcher.

Son cœur résonnait comme un tambour de guerre dans les oreilles de la jeune fille, elle venait de tout livrer à Rey et c’était compliqué et peu commun pour la jeune Delphillia. Et quand il ouvrit la bouche pour dilapider ce qu’elle venait d’annoncer tout un tas d’émotions passèrent sur son visage. Ses sourcils se froncèrent, ils avaient tous les deux leurs tords mais aucun des deux ne voulaient en céder à l’autre, puis une émotion toute autre, touchée de toujours pouvoir compter sur lui, même quand finalement, elle ne le pensait pas, puis un sourire à sa dernière phrase. Elle secoua doucement la tête de gauche à droite baissant les yeux au sol et laissant échapper un petit rire. Puis, alors qu’elle relevait la tête, elle se prit une pichenette entre les deux yeux. Aliénor sursauta, plus du tout habituée à cette familiarité pourtant si commune entre les deux Poufsouffles, avant de lancer un regard de défis à Rey.

-Ca, c’est pas une raison valable !

après avoir agité son index devant le visage du garçon, elle lui tira impunément la langue avant de lui flanquer un petit coup de poing sur l’épaule puis de reculer dans le couloir pour fuir une possible riposte. Rien de bien douloureux, juste un souvenir que tout mérite riposte chez la jeune Delphillia. Elle n’était pas batteuse pour rien, elle rendait coup pour coup. Mais un grand sourire sur le visage, des yeux pleins de malice, elle était heureuse de retrouver son ami.

-Heureuse de vous retrouver en grande forme Monsieur Sifferlen.

Son sourire s’affaiblit et elle s’approcha de Rey en sautillant rapidement pour ne pas lui laisser le temps de réagir, de l’éviter ou de lui foutre un coup à son tour. Elle s’arrêta à quelques centimètres de lui, freinant au dernier moment, un grand sourire de nouveau sur les lèvres, avant de se pencher pour lui chuchoter quelques mots à l’oreille.

-Tu est un crétin d’ami, mais ne me demande plus jamais de ne plus te parler.

Puis elle glissa sur le côté avant de filer dans le couloir laissant Rey seule, amusée de cette fin de discussion. Elle courrait presque, elle ne voulait pas qu’il la rattrape, parce que rester comme ça c’était bien, une jolie fin qui lui permettait de ne pas penser à plus et relever de nouveaux problèmes dans leur relation. Mais les mots de sa professeure lui revinrent en tête. C’était un échec, mais que c’était compliqué de risquer une amitié à peine retrouvée. Elle savait qu’elle n’avait pas beaucoup de choix, elle devait y passer, mettre les choses au clair pour arrêter de se poser des questions. Mais mis à part des pichenettes, il n’avait rien fait qui suspectait un attachement trop fort envers elle non ? Bien oui Aliénor crois-y…

Rey s'amusa des grimaces, pseudo-coup et sauts de puce de la jeune fille et de sa soudaine excitation. Il l'observa s'éloigner puis se rapprocher et sourit à sa remarque. Elle aussi était soudainement en grande forme et ses larmes avaient subitement séchées pour laisser place à un sourire plein de malice. Comme leur éloignement avait du lui peser à elle aussi... Son cœur d'un seul coup plus léger, il se prêta à son petit jeu et fit mine de l'attraper pour lui laisser le plaisir de s'échapper. Jusqu'à ce qu'elle se rapproche tant qu'il loucha sur son nez avant qu'il ne disparaisse vers son oreille. Cette proximité ainsi que le souffle de la poufsouffle combiné aux mots qu'elle prononça lui donna des frissons et il sentit le rouge monter à ses joues. Heureusement, Alienor fila sans même lui jeter un coup d'œil. Il la suivit du regard, immobile, jusqu'à ce qu'elle disparaisse au coin du couloir. Puis il se mit en marche vers la salle commune des poufsouffle.

Tout le long du chemin, il rumina ce qu'il venait de se passer. Alienor avait failli réduire un néant leur opération mais au bout du compte, sa tristesse l'avait emporté sur tout le reste et Rey n'avait pas pu s'empêcher de vouloir l'apaiser. Il ne savait même plus à qui était vraiment la faute et à vrai dire, ça n'avait plus la moindre importance. Il était simplement heureux de l'avoir retrouvé, heureux d'avoir vu son sourire. Il devait bien se rendre à l'évidence qu'il était capable de tout lui passer. Et puis plus que ça, elle le rendait bizarre : jaloux, malheureux quand elle n'était plus là, beaucoup trop joyeux quand elle le pardonnait, plus patient que d'habitude. Il était vrai que c'était comme une meilleure amie pour lui, mais si il comparait avec Eliott, il ne se comportait pas du tout de la même façon. Peut-être que son pote aurait une explication à ça. Il allait de suite lui poser la question !

Quand il franchit le sas de la salle commune, ce ne fut pas son meilleur ami qui l'accueillit mais le premier année pour qui il avait récupéré la balle. Eliott était là bien sûr, et semblait lui avoir tout raconté de leurs pseudo-exploit, ou tout du moins ce qui le concernait lui, mais Rey n'eut pas l'occasion de s'en approcher ni d'en placer une. Le premier année lui sautant dessus et le couvrant de remerciements sans discontinué. Si seulement il savait que Rey s'était équiper d'un couteau à beurre pour mener à bien cette expédition et que sans Ali, sa jolie balle, il ne l'aurait jamais revue. Le rouquin se passa la main dans sa tignasse bien gêné. Malgré leur bonne volonté, Eliott et lui étaient de vrais bras cassés. Heureusement qu'Ali était de nouveau là, elle pourrait remonter leur niveau. Pensant finalement plus aux exploits que leur trio pourrait potentiellement accomplir, il en oublia la question sur son comportement.

Fin du RP, toujours un plaisir Ali