Debout, Charlie est pleinement concentrée sur les millions de particules de l’aura bleue contrôlée par sa baguette ; un Protego simple, mais intense, qui plonge la gryffonne dans une focalisation si forte qu’elle n’a plus conscience de son environnement. *Plus serrés…*. Seuls les innombrables petits points magiques sont importants ; des points qu’elle tente de rapprocher, de densifier encore plus, assurant une meilleure efficacité du sortilège envers les attaques physiques et magiques.
Son bras droit est tendu, sa baguette à son extrémité et son Protego en fin de chaine. Son bras gauche suit l’harmonie de son jumeau, il est légèrement replié — les doigts arqués, contractés — mais parallèle à son homologue, comme s’il pouvait lui offrir sa force pour une meilleure maîtrise.

Le regard d’Elina Montmort, assise à son bureau, est tout aussi intense. Elle scrute les moindres défaillances.

Soudainement, le Charme du Bouclier cesse. Les bras de Charlie se baissent imperceptiblement, puis son regard — fatigué par tant d’entrainement, mais brillant d’excitation sous les conseils de sa Professeure — se tourne vers les yeux bleus :

— C’est mieux ?

Elina était contrariée. Elle ne cessait de l'être depuis la bataille de la nouvelle-Zhuangyán quelques semaines plus tôt. Un certain sourire s'imposait à elle dès qu'elle laissait son esprit dériver. Que n'avait-elle manqué sa chance de l'effacer de manière définitive! Si elle n'avait pas craint qu'une action précipitée mette en péril ses collègues... Qui savait si une telle occasion se représenterait un jour? Avait-elle manqué sa meilleure occasion de venger la mémoire de son maître? De venger Hjördis et Jade? Elle ne savait plus très bien si sa colère était dirigée contre Nero Ferrovecchio ou contre elle-même. Si elle avait agit au lieu de réfléchir... Mais en même temps, sa capacité à ne pas céder à la précipitation l'avait sauvée plus d'une fois. Depuis qu'un point final avait été donnée à l'histoire du clan des Wojkowick, les locataires de la tour Ombreuse et elle n'avaient eu de cesse de préparer leur prochaine action. Mais jusqu'à présent, ils n'avaient pas trouvé, chez les Lignées restantes, la faille qui leur permettrait de l'emporter malgré le déséquilibre des forces. Par chance, les vacances scolaire lui laisseraient davantage de libertés.

Pour l'heure, elle devait se concentrer sur l'élève qui s'exerçait devant elle. Charlie Rengan et elle s'étaient rencontrées plusieurs fois depuis que la Gryffondor lui avait demandé son aide pour rattraper son retard scolaire. La jeune sorcière progressait avec constance et application. C'était sans doute pour cela qu'Elina s'était prêtée au jeu de leurs entrainements. Ceux-ci auraient pris fin rapidement si elle avait constaté un manque de sérieux de la part de son élève. Ce soir, Charlie s'entrainait au sort Protego. Normalement elle aurait dû l'apprendre en même temps que ses camarades, mais elle avait manqué toute une année de cours. C'était la raison pour laquelle elle avait demandé des cours particuliers à Elina. La sous-directrice n'était pas bien sure des raisons pour lesquelles la Gryffondor s'était adressée à elle plutôt qu'à l'un de ses collègues théoriquement plus versé dans la pratique de la magie que dans l'étude de son histoire. Mais elle était bien assez familière du cursus de Poudlard pour ce genre de cours particuliers. Ces séances avaient également un avantage imprévu pour elle ; ils lui permettaient de développer sa perception de la magie d'autrui. Pour être en mesure d'aider Charlie, elle devait s'efforcer de ressentir sa magie pour en identifier les faiblesses ou les déséquilibres. Lorsque le sortilège de Charlie se rompt, et que cette dernière l'interroge sur sa performance, Elina sort de son mutisme :

"C'est beaucoup mieux. Petit à petit cela deviendra plus facile et tu arrivera à le faire sans avoir à déployer autant d'énergie et de concentration, mais cela viendra avec la pratique. Il faut être patiente."

Etant donné le retard qu'elle avait pris dans son cursus, c'était même très bien. Il était trop tôt pour dire qu'elle avait rattrapé les élèves de sa promotion, mais elle était en bonne voie.

"Comment visualise-tu ton sort?"

Charlie écoute les paroles de la Sous-Directrice avec la même concentration déployée pour le Charme du Bouclier.
Toutefois, son esprit s’indigne lorsqu’il entend le mot « patiente ». *Tss…*. C’est d’abord un mot qu’elle déteste purement et simplement, elle a été appelée ainsi durant des années à Sainte-Mangouste ; mais ce n’est pas ce sens inconscient, totalement tabou, face auquel son esprit grogne en cet instant.

C’est un sens bien plus actuel, bien plus bouillonnant qui éveille cette fameuse pointe : ce mot sonne pour Charlie comme un frein, comme un obstacle à son apprentissage. Pas besoin de patience, seul l’acharnement avait de valeur à ses yeux. Lui, et lui seul.
Pourtant, elle se contente de hocher la tête avec une détermination flagrante. Elle n’avait pas à préciser que c’était grâce à son acharnement qu’elle arrivait à maîtriser le cumul de deux programmes.

À la question de sa Professeure, la Rouge et Or redresse son dos — quelque peu douloureux — et baisse la pointe de sa baguette vers le sol.

— Vous m’aviez parlé d’une bulle, sa main libre se leva pour mimer la forme géométrique. « Alors j’ai… » *Pensé ? Trouvé ? ‘bordel juste la théorie…*. « J’me suis concentrée sur l’amoncèlement de toutes les particules magiques, pour les serrer le plus possible sans… » *Pas broyer*. « …les écraser complètement comme j’le faisais avec l’agglutinement ».

Sa réponse donnée, Charlie attendait avidement l’analyse et les conseils en retour.
L’entrevue avait commencé depuis un certain temps déjà, et la gryffonne savait — d’expérience — qu’elle touchait à sa fin. Alors, elle garde sa baguette vers le bas et se dirige vers le bureau de sa Professeure, posant sa main libre sur le bois massif.

Ne quittant pas des yeux le bleu qui lui faisait face.

La jeune professeure écouta avec attention la réponse de Charlie. Ces soirées consacrées à ses cours particuliers étaient plutôt agréables. De même que les discussions qu'elles pouvaient avoir. La Gryffondor semblait avoir une manière d'appréhender la magie qui sortait un peu du cadre habituel. Une chose qu'Elina appréciait. La capacité à sortir des sentiers battus était une qualité indéniable et l'effet de surprise était toujours bon à prendre quelle que soit la situation. C'était stimulant de parler ainsi de magie et de la manière de la pratiquer, de la ressentir. Et en même temps reposant. Comme une coupure des préoccupations trop nombreuses qui l'encombraient habituellement. Après un court instant de réflexion elle conseilla :

"Plutôt qu'un amoncellement de particules indépendantes, imagine des mailles. Un réseau que tu peux resserrer ou relâcher selon ton bon vouloir. Un amoncellement de points indépendants pourra tout aussi bien te protéger, mais pour avoir la même protection, cela te demandera davantage d'effort et de concentration. Si tu visualise des mailles, l'ensemble de ton réseau sera mis à contribution à chaque impact. Chacune des mailles ne te demandera pas la même énergie que le maintient d'une particule indépendante."

Cette méthode permettait une meilleure dispersion de l'impact et par conséquent un tension moindre sur chaque parcelle de la bulle protectrice et, par extension, sur l'esprit de Charlie. Il fallait savoir s'adapter à son type de magie. Si Charlie avait disposé d'une énergie et d'une endurance au dessus de la moyenne, elle l'aurait peut-être laissé visualiser ce sort de manière plus... rudimentaire. Mais Charlie ne pouvait pas être certaine de pouvoir rivaliser avec n'importe quel adversaire en terme d'endurance. Il valait donc mieux pour elle de se montrer plus astucieuse dans l'usage de sa magie. Elina était bien placée pour savoir que l'on trouvait toujours plus puissant que soit en dehors des murs de Poudlard. La rouge et or n'aurait probablement jamais à côtoyer les mêmes milieux qu'elle, mais il n'y avait aucun mal à être plus préparé que nécessaire.

"Les bons sorciers sont efficaces, les excellents savent l'être tout en s'économisant. Néanmoins cela complexifie un peu la visualisation même si à terme ce sera avantageux pour toi. Exerce toi à visualiser ce réseau avant de le mettre en pratique."

Il commençait à se faire tard et son élève montrait des signes certains de fatigue. Entamer un exercice plus complexe tout de suite risquait de ne pas s'avérer productif.

D’un geste délicat, Charlie déposa sa baguette sur le bureau, à côté de sa main appuyée.
Son attention était fixée sur sa Professeure, et lorsque celle-ci conseilla une visualisation en maillage, les doigts de Charlie — en harmonie avec les paroles prononcées — se joignirent en s’imbriquant les uns dans les autres ; réalisant un parfait maillage de doigts.
Ce geste était tout à fait inconscient, puisque la Rouge et Or — happée par ses pensées — avait dirigé son regard vers une petite flamme magique qui dansait derrière la Sous-Directrice.
La compréhension par le toucher permettait à Charlie de graver une information de manière inaltérable. C’était un réflexe pour elle de procéder ainsi. *Des mailles…*. Quelques enchevêtrements d’anneaux emplissaient son esprit, qui cherchait à fabriquer une visualisation si nette qu’elle en devenait palpable.

Lorsque la voix de la Professeure s’éleva à nouveau, l’émeraude se braqua instantanément dans le bleu. Et les mots qui suivirent firent écho à beaucoup de notions ancrées dans les valeurs de la gryffonne. *Les-excellents-savent-l'être-tout-en-s'économisant*, répéta son esprit, séduite par cette phrase. *Jolie c’t’image*.
Quelques flashs de son apprentissage du piano refirent surface ; mais manquant d’intensité, ils s’évanouirent avant même d’atteinte le sol de sa conscience.
S’économiser pour l’excellence.
Complexifier pour le long terme.
Se décrisper pour la perfection.
Ces concepts étaient tout à fait familiers à Charlie, ils faisaient partie de son sang de compositrice ; ils résonnaient dans son être, en harmonie.
Ce qui lui décora le visage d’un joli sourire sincère.

— Bien ! acquiesce-t-elle en hochant légèrement la tête, je retiens, visualiser en maillage est bien plus efficace pour toucher l’excellence…

À cette phrase, son regard — bien que fixé sur celui de sa Professeure — semble absent ; comme tourné vers ses propres pensées, se parlant à elle-même. Écho. Maillage et économie étant les deux mots les plus bruyants dans l’engrenage de son esprit.
Puis, d’un coup, l’intensité de ses yeux réintègre son regard.
La séance touchait à sa fin, alors…

Le visage de Charlie devient moins pensif, et ses traits se révèlent plus détendus. *Aujourd’hui ?*. Un éclair traverse son vert, telle une flèche de pensée, pendant que le bleu emplit sa vision. *Ouais. Aujourd’hui*. En contrebas, son index droit se pose sur sa baguette. « Professeure », commence-t-elle de sa voix tendant vers les aigus.
Elle marque un instant d’arrêt, durant lequel son visage s’adoucit encore plus.
Son index glisse sur son bout de bois.

— Dans quelques jours, c’est les examens.

Un minuscule arrêt ; elle avale sa salive. « Et… la fin d’l’année arrive ». Son regard se met à sauter de l’œil gauche à l’œil droit de la Sous-Directrice. Tac.
Tac. Encore une fois. Œil gauche, œil droit.
À intervalles parfaitement réguliers, son regard semble être réglé sur métronome.

Le regard d'Elina suivit par automatisme les mouvements de Charlie. Elle la regarda poser sa baguette sur le bureau pour traduire en gestes les conseils de la jeune professeure. La Gryffondor était du genre à devoir sentir et expérimenter pour mieux comprendre un concept. C'était loin d'être la pire méthode. Au contraire, du point de vu d'Elina.

Charlie était plutôt réceptive à la manière d'enseigner de la jeune femme comme elle avait pu le constater au cours des derniers mois. Elle avait aussi cette étonnante capacité à résumer les fils de pensée d'Elina sans pour autant leur faire perdre leur sens. l'heure du couvre-feu approchant pour les élèves, la fin de leur séance faisait de même et la jeune femme perçu un changement dans l'attitude de Charlie. Cette dernière mentionna l'approche des examens et de la fin d'année, cherchant le regard de la sous-directrice, mais n'acheva pas de mettre des mots sur ses pensées.

"En effet. Il y a quelque chose dont tu voulais me parler?"

Avec la période des examens, les entrainements allaient devoir être suspendus pour un temps. Elina aurait trop a faire avec les copies à corriger pour continuer à donner des cours particuliers à la rouge et or. Le moment était bien choisi pour faire le bilan de cette année et envisager la suite. Charlie avait-elle rattrapé intégralement son retard? Rattraper toute une année en suivant un double cursus était plutôt difficile. Le temps était une denrée plus que limitante... Peut-être fallait-il envisager de poursuivre encore un peu les cours particuliers? C'était une chose dont elle devrait discuter avec Kristen.

Tac. Une mesure sans temps. Tac. Pas le moindre battement. Tac. Qui se trouve marqué. Tac.
Dans le regard qui lui fait face, Charlie y recherche une certaine approbation, car elle n’est pas de ceux qui se lancent sans la moindre chance. Se jeter tête baissée était sa spécialité, mais elle vérifiait toujours la présence d’une chance de réussite avant de plonger.
Ainsi, sa concentration était entièrement déployée à la recherche de cette infime chance, à l’intérieur du bleu.

Lorsque sa Professeure l’invita à poursuivre, la Rouge et Or disséquait les émotions qui pouvaient traverser ses yeux. Tac. Complexe. Tac. L’impassibilité de la Sous-Directrice pouvait être terriblement dense. Tac. Charlie garda le silence durant deux secondes. Tac. Jusqu’à ce que son émeraude enfonce sa poigne dans un éclair traversant la voûte bleutée.
*Là !*. Le cœur de la gryffonne bondit.
Était-ce un réel éclat perçu dans le regard bleu ou une illusion projetée par son propre esprit ? Cette question ne trouva jamais de réponse.
Toutefois, la conséquence de cet éclair frappa instantanément.

— Oui.

L’émeraude arrête son balancement.
Il se met à fixer le bleu dans sa globalité, sans sauter d’un œil à l’autre. « Vous m’avez beaucoup aidée cette année ». C’était un fait, Charlie avait étudié la quasi-totalité du programme de l’année manquante lors de ses entrevues avec la Sous-Directrice. Il restait quelques points disparates non abordés, et certains approfondissements à mettre en place, mais l’ensemble de ce qui avait été travaillé était tout à fait suffisant.
Pourtant, Charlie en voulait encore plus.
La manière d’être de sa Professeure lui plaisait, tout comme ses conseils particulièrement avisés. Apprendre de ses paroles, côtoyer sa singularité magique, converser de bien des choses de la Magie ; en somme, rester le plus possible à ses côtés était le souhait de la Rouge et Or.

— Et… un léger silence, comme une ponctuation de l’esprit pour mieux accentuer la suite, j’aimerais continuer à m’entraîner avec vous l'année prochaine.

Après toutes ces heures passées ensemble, Charlie ne prêtait plus une attention surdimensionnée à sa manière de parler avec sa Professeure. Ainsi — à l’exception du vouvoiement et des jurons — son langage était quasiment naturel en sa compagnie.
Néanmoins, cette dernière phrase qu’elle prononça était différente de son ton habituel.
Charlie l’articula lentement, d’un ton bien plus profond, plein de déférence. Elle quitta même le regard bleu pour baisser légèrement la tête ainsi que son buste, les yeux fixés sur le bureau, les deux bras posés le long du corps — une vieille habitude, ancrée par son père.

Ainsi, la Rouge et Or resta dans cette position, attendant une réponse.
Dans son esprit, l’éclair perçu était vif, palpable, presque chantant.

Le regard de Charlie la scrutait dans l'attente de sa réponse. La jeune femme était plutôt curieuse de savoir quelle question la Gryffondor pouvait vouloir lui poser. Lorsque cela était en lien avec la leçon du jour, elle ne demandait pas la permission de l'interroger. Elle posait simplement ses questions sans user de tels détours. Ces précautions inhabituelles étaient de nature à éveiller l'intérêt de la professeure. Elle n'eut pas à attendre bien longtemps avant que Charlie mette des mots sur son questionnement.

Cela rejoignait étonnamment ses précédentes réflexions. Il leur restait bien quelques sujets à traiter avant d'avoir véritablement fait le tour du programme et côtoyer Charlie lui avait appris qu'elle ne négligeait aucun aspect de son apprentissage. Ce qui était tout à son honneur. La sous-directrice n'avait pas de raison particulière de s'opposer à quelques cours particuliers supplémentaires. Elle réussirait bien à caler quelques séances dans son emploi du temps comme elle l'avait fait durant cette année.

Quand elle était devenue professeure, elle avait passé un moment à se demander si elle était vraiment à sa place. C'était un changement plutôt abrupte que de passer ses Aspics pour revenir à Poudlard en tant que professeur seulement deux mois plus tard. Le contexte n'avait pas aidé et elle s'était souvent demandé si elle était vraiment le genre de personne à qui il était judicieux de confier la sécurité de jeunes sorciers. Maintenant cependant, donner cours était devenu une routine qui lui permettait de garder les pieds bien ancrés dans cette réalité. Ce retour forcé à un quotidien plus ordinaire était une chose dont elle avait grandement besoin. De plus, les cours particuliers comme ceux qu'elle avait donné à Charlie n'étaient pas profitables qu'à la Gryffondor, bien qu'elle n'en ait certainement pas conscience. Il était aisé de perdre de vue les bases de l'apprentissage magique dans sa quête de puissance ou de connaissance. C'était pourtant bien de ces bases que dépendait la solidité de tout l'édifice. Se concentrer sur son ascension perdait beaucoup de son intérêt quand l'effondrement était la seule fin. A ce jour, cette solidité était la première préoccupation de la jeune femme. Les gens restaient trop attachés à vouloir tenter des choses différentes alors qu'il suffisait parfois de voir différemment des choses déjà bien connues et jugées banales.

"Reviens me voir à la rentrée et nous verrons comment nous organiser."

Elle ne doutait pas qu'elles réussiraient à trouver des créneaux, mais il était trop tôt pour être plus précise. La professeure était également plutôt curieuse de voir comment Charlie se débrouillerait durant la période d'examens.

*C’est…*. Le bois sombre qui emplit ma vision est bizarrement détaillé. *J’peux pas faire autrement…*. Le bureau est sillonné de longues stries, de part en part. *’va accepter c’est sûr*. Mais mon crâne n’arrête pas de tourbillonner de mes pensées échafaudées. *C’est sûr*.
Il ne me laisse pas détailler le bois et ses courbures, même si je sais que ce n’est pas le moment.
Pourtant, ce bois-là m’a toujours semblé bizarre, différent. Les stries qu’il porte me donnent l’impression d’être des cicatrices magiques ; qui ont quelque-chose à raconter. *J’lui d’manderais*. Face à moi, plus haute de mon regard, je sais que Montmort a la réponse à cette question.
Elle a toujours des réponses à mes questions.

L’instant de temps s’allonge sur le bureau, s’étalant de tout son long.
J’attends. Je ne change pas de position, immobile.

— Reviens me voir à la rentrée et nous verrons comment nous organiser.

D’un coup, un fantôme de sourire étire mon visage. Et tous mes muscles se détendent.
Au milieu de cette joie qui me bouffe la tronche, mes sourcils se froncent légèrement. Je ne me suis même pas rendue compte que mon corps était aussi crispé. *Hhaa*. Mon esprit soupire longuement. *C’est important*. Le degré de ma maîtrise magique dépendait de sa décision, c’était pour ça que j’étais tendue.
*’s’en fous*. Montmort avait accepté, c’était le plus important.
J’avais passé assez de temps avec elle pour savoir quand est-ce qu’elle disait « oui » et quand est-ce qu’elle me donnait un refus. Quand ça penchait vers le « non », elle utilisait beaucoup moins de mots et elle ne laissait aucune place pour le flou. Beaucoup plus cassante, et courte.
Alors que là, sa phrase était plus longue et vague.
C’était une réponse qui allait vers le « oui ».

Mes yeux se dirigent vers elle et son bleu ; qui brille en cet instant — il brille de beauté ! *Enfin…*. Un sourire incontrôlable me kidnappe la bouche, tout en y insufflant ma sincérité.
Là, je me sens fière de savoir qu’elle veut encore passer du temps avec moi. Je ne sais pas si elle se rend compte à quel point j’ai appris à ses côtés.
Entre Nejma, Alistair et elle, mon niveau magique avait explosé. Le retard que j’avais accumulé depuis ma première année *Shhht* était presque plus qu’un souvenir.
Alors, là, mon regard dans le sien, j’adoucis encore ma voix pour lui dire sincèrement : « Merci de m’aider Professeure ». Toujours sans quitter ses yeux, je tâtonne sur le bureau pour attraper ma baguette, et la remettre dans son fourreau. « J’deviendrais aussi forte que vous », dans un souffle, mon sourire ne quittant pas mon visage.

J’ai beaucoup appris cette année.
J’ai enlacé ma Magie et mon reflet.
Plus de piano, ni d’Autres inutiles. Plus rien.
J’ai décidé d’accepter ma vie de sorcière. Enfin.
Et je ne vois pas ce qui va m’empêcher de devenir la plus puissante de toutes.