Madison avait attendu cet instant tout l'été. Elle avait pris son mal en patience en épluchant nombre de livres de la bibliothèque de son père, mais ils n'avaient jamais été suffisants. De plus, sa mère lui avait formellement interdit de sortir son chaudron de son placard. « Pas d'expériences catastrophiques chez moi » avait-elle dit. Madison aurait voulu lui expliquer qu'elle savait ce qu'elle faisait quand elle était devant un chaudron, sa mère n'avait rien voulu entendre. Il fallait dire qu'elle était moldue, et qu'elle avait peu confiance avec tout ce qui touchait le monde des sorciers, même si la plupart du temps, elle l'acceptait. Les Nightshade avaient toujours vécu dans un environnement bien plus magique que moldu, quasiment tous les tableaux de leur maison étaient capables de bouger. Cependant, sa mère avait ses limites et avait dû répéter tout l'été qu'elle ne voulait pas « d'apprentie chimiste » sous son toit. Si son père avait été là, elle aurait pu lui demander de la convaincre, mais il avait travaillé à la boutique durant toutes les vacances, si bien que Madison n'avait pas pu le revoir. Elle lui avait envoyé un hibou pour lui communiquer ses résultats de sa première année à Poudlard, fière des O qu'elle avait collecté, mais il avait seulement retenu les A de ses cours de vol.

En clair, elle avait attendu le premier cours de potions de sa deuxième année avec beaucoup d'impatience. Elle avait hâte de reprendre ses bonnes vieilles habitudes de l'année passée. Ce fut presque en courant qu'elle descendit aux cachots, et la fraîcheur ambiante lui donna l'impression de respirer de nouveau. Elle était en avance, encore plus de d'habitude. Quand elle s'installa dans la salle de potions, elle ne put retenir un petit sourire de fleurir sur ses lèvres. Elle avait attaché ses cheveux blonds, au cas où le premier cours de l'année contiendrait une partie pratique. Elle resserra sa cravate aux couleurs de Serdaigle, puis commença à sortir ses affaires de son sac, dont son manuel de potions, qu'elle avait déjà lu deux fois. Quoique, le terme exact aurait plutôt été dévoré.

Le cours allait bientôt commencer, les élèves affluaient dans la salle. Cependant, personne encore ne se mit à côté de Madison. Ses amis s'étaient mis côte à côte, elle pouvait les voir de sa place. Elle ne leur en voulait pas, ils s'étaient mis deux par deux, et leur nombre était impair, de toute manière.

Elle joua avec sa plume en la passant entre ses doigts. C'était Sandy, sa grande sœur, qui la lui avait offerte, à ses 12 ans. De toute ses sœurs, c'était celle avec qui elle avait le moins de différence d'âge, seulement un an. Elles étaient quasiment inséparables, et Madison admirait la manière qu'elle avait de contrôler sa vie à la moindre seconde près. Elle avait eu la gentillesse de lui prêter le manuel de potions de troisième année, quelques jours auparavant, ce qui n'avait fait qu'augmenter son impatience de reprendre les potions. Plus que quelques minutes, normalement...

La semaine débute à peine mais elle commence bien pour Dylan, vu que son premier cours est celui de potions. L’élève de deuxième année est une personne très studieuse qui fait de son mieux pour donner le meilleur de lui-même, d’autant plus que les potions l’ont beaucoup aidé l’an passé : pendant de longues semaines, Dylan n’a pas pu lancer un seul sortilège puisqu’il n’arrivait pas à canaliser ses émotions. Il a donc trouvé, en quelque sorte, refuge auprès des matières qui ne nécessitaient pas de maitriser sa baguette pour y participer. Lors de sa première année, cette matière lui rappelait également son chez lui, un lieu qu’il a dû voir bien moins qu’avant son entrée à Poudlard, ce qui n’est pas toujours simple, du moins au départ. Aujourd’hui, c’est toujours une matière qu’il apprécie, bien que sa matière préférée soit devenue le cours de défenses contre les forces du mal. Il n’y aurait pas cru, un an en arrière, mais c’était bien vrai.

La salle de potions est à l’opposé de sa salle commune mais ce n’est pas pour cela que Dylan arrive tout juste à l’heure dans la salle : non, le Gryffondor n’est simplement pas une personne qui aime arriver en avance et, il faut le dire, il ne va pas se priver de quelques minutes de sommeil s’il peut se le permettre, en particulier car attendre sagement dans la salle n’apporterait rien à ses yeux. L’inconvénient est qu’il ne peut pas vraiment choisir où il va s’asseoir mais ce n’est pas un souci pour lui, puisqu’il arrive facilement à parler aux autres. En entrant dans la pièce, il voit une place auprès d’une jeune fille qui avait attaché sa belle chevelure blonde. Sans trop réfléchir, il s’avance jusqu’à cette place vide et engage la conversation :

- Salut ! J’peux m’asseoir ?

En réalité, Dylan n’attendait pas vraiment de réponse positive ou négative, surtout qu’il n’avait plus vraiment d’autres options. Il préférait tout de même saluer la jeune fille en face de lui, d’une part par politesse mais surtout pour partir sur de bonnes bases, puisqu’ils allaient former la paire pour le cours du jour. Il pousse assez rapidement la chaise et pose son sac au sol, puis il sort ses affaires, prêt à travailler.

Lorsque la deuxième année le regarde, il croit reconnaitre une certaine Miss Nightshade mais il n’est pas sûr de ce dont il se souvient : Dylan n’est pas très fort pour se souvenir des visages des autres, encore moins s’il n’a jamais vraiment pu parler avec la personne en question ni même connaitre son prénom. Au moins, il sait qu’il ne peut pas s’en vouloir puisqu’elle n’est pas dans sa maison, selon les couleurs présentes sur sa cravate.

Le cours commence peu de temps après et Dylan est confiant, même s’il espère ne pas faire de gaffes : deux mois sans cours, ça peut enlever quelques réflexes tout bêtes que l’on n’avait.

Juste avant le début du cours, un garçon vint s'installer à la place juste à côté d'elle. Elle le détailla attentivement. Hors de question qu'elle fasse équipe avec un incapable pour le premier cours de potions de l'année. Malheureusement, il s'agissait d'un Gryffondor. Elle n'avait pas vraiment de contact avec cette maison, n'y connaissait personne, et selon ce qu'elle en avait entendu, c'était très bien ainsi. Et vu l'heure à laquelle le garçon arrivait, ça n'augurait rien de bon. Mais de toute manière, elle n'avait pas vraiment le choix.

Elle haussa donc les épaules pour répondre à sa question, résignée. Pourvu qu'il s'y connaisse un minimum en potions, elle ne comptait pas tout lui expliquer durant l'heure. Et s'ils étaient amenés à faire une potion, pourvu qu'il ne gâche pas tout.

Le cours commença, par une partie théorique. Madison plongea sa plume dans son encrier et pris le plus de notes possibles, grattant rapidement sur le parchemin, qui fut très vite noirci de haut en bas. Elle écoutait religieusement chaque nouvelle information, et n'hésita pas à poser plusieurs questions pour préciser les paroles du professeur.

Puis vint la partie pratique. Madison avait oublié qu'elle allait devoir faire équipe avec le Gryffondor, et se retint de soupirer. Pourvu qu'il ne fasse pas n'importe quoi. Elle comptait bien le surveiller de près. Hors de question qu'elle rende une mauvaise potion au prof et gâche ainsi ses premières impressions auprès de lui.

Elle rassembla les ingrédients, avant de les classer dans l'ordre de la recette présente sur son manuel. Elle commença à racler les feuilles dans un bol pour les réduire en bouillie, concentrée sur sa tâche, avant de se rendre compte qu'elle venait encore d'oublier son partenaire. Et zut, se dit-elle. Elle jeta un nouveau regard à la recette, histoire de vérifier si elle n'oubliait rien, avant de se tourner vers le Gryffondor en déclarant :

« Hum... tu peux aller remplir le chaudron d'eau, s'il te plaît ? »

Elle espérait qu'il n'allait pas la prendre pour quelqu'un qui se pensait au-dessus des autres, mais elle espérait également qu'il allait faire ce qu'elle lui avait dit. Le prof le verrait vite si elle était la seule à travailler sur la potion, et elle ne voulait pas qu'il pense qu'elle était incapable de travailler en équipe. C'était faux, et elle lui montrerait.

Elle replaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille et se pencha de nouveau sur ses herbes, espérant que le Gryffondor se mette au travail et ne rechigne pas. Enfin, d'après ce qu'elle avait entendu dire, les Gryffons n'étaient pas de grands travailleurs, lorsqu'ils ne voulaient pas s'y mettre. Elle n'avait aucune expérience avec cette maison et n'en connaissait que les préjugés, qu'elle espérait tout de même un peu faussés pour ce cours de potions. Elle ne comptait pas rater cette préparation, et s'il le fallait, elle forcerait son partenaire à travailler.

La Serdaigle ne lui répond même pas en ouvrant la bouche, ça commence bien pour Dylan. Il aurait bien fait une remarque ironique pour tenter de détendre l'atmosphère mais il n'est pas certain que ce soit la tasse de thé de l'élève à côté de lui, alors il s'abstient. Peut-être que ça ira mieux lors de la préparation de la potion ? De toute façon, le professeur prend la parole presque aussitôt donc le Gryffondor préfère se munir de sa plume pour noter les notions importantes que le professeur de potions leur partage plutôt que de craindre de se faire reprendre par ce dernier car il bavarde.

Même si on ne dirait pas au premier abord, Dylan est un élève studieux. C'est vrai, il n'est pas du genre à faire ses devoirs dès qu'il les reçoit ou noter avec exactitude tout ce qu'un professeur peut dire lors d'un cours mais il fait tout de même du mieux possible son travail et est un élève attentif. C'est pour cette raison qu'il note tous les éléments qu'il juge importants sur son parchemin. Cette année, il fait un effort en écrivant un peu plus que lors de sa première année, notamment pour s'y retrouver lors de ses examens, – il a bien remarqué l'an passé que ses notes étaient un peu justes et espère s'améliorer à partir d'aujourd'hui.

La partie théorique prend fin et Dylan se retourne vers sa binôme pour voir avec elle comment ils procèdent. Il prend une inspiration et allait ouvrir la bouche mais il s'arrête net en voyant que la Serdaigle agit sans se soucier de lui. A ce moment-là, il ne savait pas vraiment s'il devait lui rappeler qu'il était là ou non, tant il lui semblait logique qu'elle n'allait pas faire cette potion seule. Pendant qu'elle se charge de réduire les feuilles en poudre, Dylan saisit son manuel et lit à nouveau rapidement la préparation pour tenter de se rendre utile.

La blonde semble s'être souvenue qu'il existait et lui demande d'aller remplir le chaudron d'eau. Enfin, elle lui parle ! Le Gryffondor lève la tête de son manuel et esquisse un léger sourire.

- C'est ce que je pensais faire vu que tu t'occupes des feuilles, je reviens tout de suite ! dit-il en prenant le chaudron dans les mains et en se levant.

Dylan remplit donc le chaudron à moitié d'eau, comme indiqué dans la préparation. Il doit bien avouer qu'il a hâte de maitriser Aguamenti, ça leur permettra de ne pas balader le chaudron pour y mettre de l'eau, surtout que c'est souvent un ingrédient qui se trouve dans les potions. Une fois arrivé à sa place, il pose le chaudron au milieu de la table et jette à nouveau un oeil à son manuel pour continuer de se rendre utile. Il se munit d'un couteau pour couper en petits dés des scarabées puis se tourne vers la Serdaigle pour espérer engager la conversation.

- Tu préfères travailler seule, en général ? En tout cas, j'aime beaucoup les potions alors je ne devrais pas trop te déranger ni faire de gaffes, dit-il, mi-amusé, mi embarrassé. Au fait, je suis Dylan, et toi ? Je suis désolé, je suis vraiment pas doué pour me souvenir des prénoms des autres...

Dylan passe une main dans les cheveux, sourire en coin, et espère que la Serdaigle ne lui en voudra pas et ne le prendra pas pour quelqu'un qui se soucie peu de ses camarades. Puis, il baisse les yeux et se concentre sur sa tâche, il aimerait éviter de devoir rejoindre l'infirmerie alors que l'année ne fait que commencer.

Une pointe de culpabilité s'éveilla dans le cœur de Madison. Même si elle ne le monterait pour rien au monde, elle s'était sentie ridicule d'avoir oublié son camarade. Si elle avait été plus sérieuse, elle l'aurait pris en compte dans la préparation de la recette et aurait réparti les tâches équitablement avec efficacité, comme elle en avait l'habitude. Mais elle avait tellement hâte de commencer la potion qu'elle l'avait oublié. Elle continua de racler les feuilles en baissant la tête, embarrassée.

Le Gryffondor s'empara du chaudron et partit le remplir d'eau. Madison le regarda partir un instant, avant de retourner à sa tâche. Il n'avait pas l'air profondément offensé, c'était déjà ça. Peut-être qu'ils pourraient reprendre la partie pratique du cours ensemble comme si rien ne s'était passé.

Le temps qu'il revienne à leur table, elle avait fini d'écraser les feuilles dans son bol. Elle le vit du coin de l’œil commencer à couper les scarabées. Pendant un instant, elle l'observa faire discrètement, de peur qu'il ne le fasse pas correctement. Mais apparemment, elle devenait un peu trop parano, car il s'y prenait très bien. Elle versa le contenu de son bol dans l'eau du chaudron pendant qu'il engageait la conversation.

Plutôt bavard, celui-là. Heureusement, il semblait capable de caqueter tout en se concentrant sur sa tâche. C'était au-delà de ces espérances, avec un Gryffondor pour binôme. Elle l'écouta, le visage impassible, tout en s'emparant de la fiole de jus de citron. Elle avait déjà mémorisé la recette, mais vérifia tout de même le nombre de gouttes à verser dans la préparation, au cas où.

« Ça dépend, mais je préfère travailler seule en général. Ça me donne l'impression que je contrôle tout, répondit-elle spontanément en se penchant pour observer les gouttes tomber de la fiole. »

Elle reboucha la fiole à moitié vide, se délectant de la sensation qui l'envahissait chaque fois qu'elle préparait une potion. C'était son terrain, elle maîtrisait. Elle savait ce qu'elle faisait. Il n'y avait pas d'imprévus. Si elle faisait bien attention, il n'y aurait pas d'échec. Cette sensation de puissance l'enivrait. Ça lui avait manqué.

Son camarade se présenta, et Madison retint son prénom dans un coin de sa tête comme elle aurait retenu le nom d'un nouvel ingrédient. Elle se força à le croire quand il déclara qu'il aimait les potions et qu'il n'était pas censé faire de gaffe. Avec un peu de chance, il avait raison et elle sortirait de cette salle fière d'avoir réussi la première potion de l'année.

Comme chaque fois qu'elle était en pleine préparation de potion, elle paraissait extrêmement calme à l'extérieur, alors qu'à l'intérieur, elle était fébrile. Une véritable enfant qui venait de découvrir son nouveau jouet.

« Moi c'est Madison, se présenta-t-elle à son tour. Mais t'inquiète, t'es pas obligée de le retenir. »

Combien de fois ses parents s'étaient-ils trompé de prénom lorsqu'ils s'adressaient à elle ? Lindsey, Alison, Jenny... elle n'était qu'une autre gosse parmi une ribambelle dans cette famille nombreuse. Elle essayait toujours de se démarquer en tentant de ramener les meilleures notes possibles, en brillant en potion, mais rien ne semblait attirer leur attention. À côté, sa petite sœur Arya avait simplement besoin d'exister pour détonner, et cette pensée la mettait en rogne.

Elle attendit que Dylan verse les bouts scarabées qu'il venait de couper dans le chaudron pour pouvoir ensuite chauffer l'eau, et murmura, plus pour elle-même que pour son camarade :

« Normalement, on a tout bon jusque-là. Ça devrait le faire. »

Dylan hoche la tête sans rien dire en entendant la réponse de sa camarade : depuis petit, c’est un garçon très ouvert d’esprit et, même s’il ne comprend pas le point de vue de la Serdaigle puisqu’il a toujours préféré faire les choses à plusieurs, il le respecte. Cela peut sembler intimidant au départ mais c’est tout de même un moyen efficace pour faire connaissance avec d’autres élèves de sa promotion. Contrairement à sa petite soeur, il n’arrive pas à se mettre à la place de son interlocutrice pour comprendre les avantages et les raisons de cette préférence, sa réflexion s’arrête donc là.

Tout contrôler, c’est aussi un concept avec lequel Dylan a du mal : pourquoi vouloir tout contrôler ? A ses yeux, c’est tout simplement impossible et c’est bien plus simple de laisser faire les choses et de prendre les évènements tels qu’ils viennent. Surtout qu’actuellement, Madison pourrait aisément se reposer un peu sur son binôme pour avoir à faire moins attention à tout. Au moins, Dylan peut se dire que ce n’est pas parce qu’elle ne le connait pas et qu’elle ne se méfie pas de lui et de ses possibles gaffes, du moins pas selon ce qu’il comprend ou ce qu’elle laisse transparaitre : c’est une habitude chez elle.

- Je ferai un effort quand même, pas connaitre les noms des élèves de sa propre promotion, faut le faire quand même.

Le Gryffondor est plus du genre à se souvenir des moments qu’il passe avec des gens plutôt que leurs noms, surtout s’il ne les a entendus qu’une fois ou deux. En plus, les professeurs les appellent par leur nom de famille, de même pour les commentateurs de Quidditch. C’est pas de sa faute, il fait ce qu’il peut avec ce qu’il a, aussi ! Cependant, il n’aime pas appeler les autres par leur nom de famille, il trouve cela tellement impersonnel et il y voit une sorte de hiérarchie qui se crée tout à coup, alors que ce sont tous des élèves. Il préfère avouer qu’il a oublié ou essayer de ne pas faire comprendre qu’il a oublié, en particulier lorsque c’est un élève de Gryffondor.

Il était si concentré à vouloir retenir son prénom pour lui montrer qu’il fait des efforts et qu’elle peut compter sur son binôme qu’il manque de faire tomber la planche sur laquelle il vient tout juste de couper les scarabées. Heureusement, il arrive à la remettre en équilibre et éviter qu’elle ne tombe de justesse. Un peu embarassée, il sourit comme il peut à la Serdaigle – c’est-à-dire qu’il fait une espèce de sourire tout en serrant les dents tellement il ne s’attendait pas à gaffer, puis il met les scarabées dans le chaudron avant d’enchainer les maladresses. De toute façon, il était temps de les ajouter à la préparation.

- Bon, on y est presque, je crois, dit-il en regardant la recette pour s’assurer qu’il ne dit pas n’importe quoi : il a oublié la fin de la recette tant son esprit est occupé par cette gaffe dont il aurait pu se passer.

Madison ne s'arrêta pas de travailler en l'entendant préciser qu'il ferait en sorte de ne pas oublier son prénom, mais elle sourit intérieurement. D'accord, même s'il était de Gryffondor, elle devait bien admettre qu'il avait l'air sympathique. Dylan, c'était bien ça ? Elle le rangea mentalement dans sa liste de personnes avec qui elle pourrait bien avoir des atomes crochus. Juste au cas où.

Elle savait bien que ranger les personnes dans des catégories, bien qu'elles soient simplement mentales, n'était pas la meilleure chose à faire. Elle savait également que certaines personnes s'offusqueraient de se savoir dans ses catégories les plus basses. Mais elle sentait qu'elle avait besoin de cette rigueur mentale, juste pour pouvoir s'y retrouver. Elle était persuadée que sans, elle se perdrait dans les multiples visages qu'elle fréquentait chaque jour, elle ne saurait plus à qui elle pouvait faire confiance et qui elle devait éviter. Ce contrôle qu'elle maintenant dans son quotidien, des gestes les plus simples aux plus anodins, elle ne pouvait s'en détacher. Sans, elle perdrait les pédales. Alors elle continuait cette sorte de jardin secret au fond d'elle-même, même s'il s'apparentait plus à une énorme machine bien huilée qu'une serre fleurie.

Elle sursauta tout de même lorsque Dylan faillit faire tomber la planche couverte des scarabées. Elle s'apprêtait à le sermonner, comme elle l'aurait fait avec n'importe qui d'autre, mais elle referma la bouche juste après l'avoir ouverte. Il lui souriait, et même si ça ressemblait plus à une grimace qu'autre chose, elle eut envie de rire. Ce qui n'était pas normal. Quand quelqu'un gaffait, elle criait ou soupirait, elle ne riait pas. Elle se contenta donc de secouer la tête en se promettant d'y repenser plus tard. Pour le moment, elle devait rester concentrer sur la recette et la préparation de la potion.

Gentil mais maladroit, nota-t-elle tout de même sur sa fiche mentale attribuée à Dylan.

Elle hocha la tête à la remarque du Gryffondor tout en s'emparant de sa baguette. Il fallait encore mélanger la préparation en tournant dans le sens des aiguilles d'une montre, ce qu'elle fit avec concentration, en se mordillant la lèvre inférieure. Elle versa ensuite un peu de la potion dans une fiole pour la donner au professeur afin qu'il puisse juger de sa qualité. Elle observa la couleur de la préparation, parfaite à la nuance près. Elle repassa l'heure dans sa tête. Ils avaient tout fait correctement, n'avaient rencontré aucune difficulté ni aucun imprévu. En théorie, tout devrait être bon. Elle se sentit encore fébrile en songeant qu'elle venait peut-être de réussir avec brio son tout premier cours de potion de deuxième année. Avec Dylan, bien entendu.

« On a fini. Tu veux donner la fiole au prof ?»

Au cas où il la ferait tomber, il nous en restera encore dans le chaudron, ne put-t-elle s’empêcher de penser. Elle lui tendit le récipient en le regardant dans les yeux pour la première fois.

Dylan ne sait pas comment interpréter les diverses actions de Madison à son égard, en particulier depuis qu'il a failli faire tomber tous les scarabées fraichement coupés. Il est du genre à agir tout naturellement et à ne pas trop se soucier de ce que pensent les autres de lui mais là, c'est différent puisqu'il s'agit d'une élève de sa promotion : il n'a pas envie de donner une mauvaise impression ou qu'elle refuse de préparer une potion avec lui la prochaine fois qu'ils en auront l'occasion. Certes, la confection de la potion du jour semble bien se dérouler même s'il y a eu quelques maladresses du Gryffondor mais ça ne l'aide pas à savoir ce qu'en pense la Serdaigle. Finalement, le deuxième année se dit qu'il réfléchit un peu trop et qu'il devrait se soucier de la fin du cours plutôt que d'une potentielle mauvaise impression qui est loin d'être certaine.

L'Anglais fait alors de son mieux pour aider Madison à terminer la potion et ce, sans aucune maladresse. Très concentré, le jeune Gryffondor fait un gros effort pour que tout se déroule bien. Lorsqu'ils arrivent à la fin, il observe avec satisfaction la couleur ainsi que la texture de la potion : rien ne semble présager une potion mal préparée et le fait que la Serdaigle ne dise rien le conforte dans cette idée. Le rouge n'est pas très doué pour ce qui est de déduire des informations des actions ou de l'absence d'actions des personnes mais, pour cette fois, il ne pense pas s'être trompé.

Dylan hoche la tête et prend la fiole de potion avec soin. Il se dirige vers leur professeur et la lui donne. Celui-ci semble tout aussi satisfait que l'était le Gryffondor auparavant, ce qui le fait sourire : et un premier cours de deuxième année réussi ! Il retourne à sa place, toujours le sourire aux lèvres, puis il regarde Madison et ouvre la bouche :

- Et voilà, on a réussi la potion ! Le prof avait l'air content en regardant notre fiole, en tout cas !

Et il lève machinalement sa main pour inviter la Serdaigle à faire un high five, avant de la rebaisser doucement en se disant que ce n'est peut-être pas une habitude pour elle, contrairement à lui : avec ses soeurs ou ses parents, c'est un moyen qu'ils utilisent pour se féliciter plutôt que d'employer les mots car Dylan n'est pas vraiment doué à ce niveau-là, du moins pour le moment, peut-être que cela changera avec les années ? Pour aujourd'hui, en tout cas, il s'essaie à exprimer ce qu'il ressent à l'oral plutôt qu'à travers des gestes, c'est sans doute plus sûr tant qu'il ne connait pas suffisamment la Serdaigle.

- Bravo, je sais pas comment on a fait.. pour réussir malgré mes maladresses. J'espère que ça t'a pas trop dérangée, je suis plutôt connu pour ça, même si j'arrive souvent à éviter la catastrophe au dernier moment, ajoute-t-il, un peu embarrassé.

Ce que Dylan ne dit pas, c'est qu'il est tout de même rare qu'il rate une potion mais il a toujours cette peur qui plane au-dessus de lui dès qu'il fait une seule maladresse, en particulier lorsque cela implique une autre personne.