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04 juil. 2021, 18:35
Larmes Envolées - Ephémères
31 janvier 2046, 8h du matin
En haut de la tour d'Astronomie
2e année
@Félicia Luke

« On a deux vies, et la deuxième commence quand on se rend compte qu’on n’en a qu’une.»
Confucius
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8 h du matin, c’était tôt pour beaucoup de personnes, mais pas pour le petit blond. À vrai dire, il n’avait quasiment pas dormi alors se lever à 7 h 30 ou 8 h lui était bien égal. Il avait envie de respirer l’air pur des hauteurs dans un endroit isolé. Ce qui exclut donc sa salle commune où certainement plusieurs personnes ont dû s’endormir avachi sur les fauteuils.

Il avait grimpé les marches quatre à quatre, parfaitement conscient qu’il allait louper le petit-déjeuner. Mais quelle importance après tout ! Il se trouvait là, et la caresse du vent frais et matinal sur son visage. Ces escapades matinales étaient devenues de plus en plus fréquentes depuis l’année dernière, encore plus depuis la rentrée. La tour d’Astronomie, c’était son coin à lui. Certes, il avait conscience de parfois devoir le partager, c’est pour cela qu’il s’y rendait tôt, dans l’espoir d’avoir l’endroit pour lui tout seul. Il pouvait alors laisser libre cours à ses pensées, à ses rêves, ses espoirs.

Il se prenait à rêver de s’envoler, comme le papillon qu’il ne serait jamais. Quitter le plancher des vaches pour celui des cieux. Mais le papillon n’est pas un signe d’espoir. Il est davantage l’effigie de la fatalité. À quoi bon lutter contre cela ? Le papillon à sa naissance en dehors de la chrysalide sait pertinemment que ses jours sont comptés. Ce qui ne l’empêche pas d’être libre, de vivre sa vie. Lui ne s’enferme pas dans le carcan des pensées, dans le cercle vicieux des décisions insolubles. Il ne choisit pas, il vit.

Cette réflexion intérieure arracha une grimace au jeune Serdaigle. Il était bien loin d’être un papillon, depuis le début de l’année, il ne se reconnaissait plus, il avait le teint pâle d’un zombie, l’allure d’un ours des cavernes, la rage d’un lion. Mais où était cet enfant émerveillé par la magie et les découvertes. Le garçon qui n’aimait pas la solitude et qui désormais s’y enferme de bon cœur à ressasser ce qui appartient au passé. C’était ça de ne pas être un papillon ? D’être cloué sur le plancher des vaches ?

Il pouvait entendre son esprit hurler qu’il voulait être un papillon, qu’il ne devait plus se soucier des problèmes qui n’étaient pas les siens. Le divorce de ses parents, la rage que cela lui a procurée. Ce n’était pas sa faute après tout non ? Ce n’est pas lui qui divorce, la détestation pour sa mère avait été son moteur pendant plusieurs mois, voire des années. Mais maintenant qu’elle était sortie pour de bon de sa vie, le pick-up Henry se retrouvait en panne d’essence au milieu du désert. Restait cette foutue Poufsouffle qu’il ne pouvait s’empêcher de détester. Bristyle. Pourquoi la déteste-t-il ? Parce qu’elle l’avait mis en face de sa propre faiblesse ; de ses failles béantes ; son incapacité à faire quoi que ce soit de sa vie. Excepté accuser sa génitrice de tous les maux de la Terre. Après tout, c’est une Moldue, elle ne peut pas le comprendre. Il semblerait que le reste des Moldus ne valent pas mieux si on se fie aux événements récents.

Comment se sentait-il quand il avait appris hier par hibou que sa mère avait définitivement coupé les ponts avec lui ? Qu’elle ne voulait plus entendre parler de lui ? À vrai dire et à son plus grand étonnement : indifférent. L’indifférence, ce sentiment que vous procurent ces gens que vous ne connaissez pas. A-t-il seulement connu sa mère ? Non, pas vraiment. Elle ne s’est jamais comportée de cette façon. Elle le détestait pour ce qu’il représentait, une erreur de jeunesse, une bêtise dont elle se serait bien passée. Il y a un monde entre la mère et sa progéniture, et Henry souhaite plus que tout ne jamais lui ressembler à l’avenir.

Mais derrière ce qu’il représente, le petit blond existe, et ça, elle n’a jamais su le voir. Contrairement à Julian et à son père. À vrai dire, il pensait enfin avoir trouvé la raison de sa rancune envers son père qui lui courait depuis le début d’année. Il lui en voulait non pas de s’être séparé, mais de ne pas l’avoir fait plus tôt. Pour quels motifs ? La lâcheté ? L’immobilisme, ce sentiment de complaisance dans une situation nocive ? Il n’en avait aucune idée, mais la certitude qu’il avait, c’était tout ce qu’il avait dû endurer, se prendre la haine de sa mère en pleine figure n’est pas franchement agréable, surtout quand la claque est presque quotidienne.

Il expira une longue bouffée d’air frais, causant un petit nuage de vapeur qui se perdit dans l’immensité de l’infini. Il ne savait pas vraiment quoi faire de tout ça, devait-il avancer. Ou bien rester là. Il pensait toujours qu’il pouvait tout arranger et que la situation pouvait être améliorée. Mais ne devrait-il pas tout laisser tomber et penser un peu à lui ?

Lui, le petit blond qui rêve de découvrir le monde, ce gamin insouciant et souriant. Celui qui rêve de jouer au Quidditch. Le gamin mauvais en métamorphose. Ses notes avaient bien plongé depuis le début d’année, il était vital que le petit blond se reprenne en main.

Le petit blond souffla longuement à nouveau chaque chose en son temps. Il se leva et s’approcha du rebord de la tour, fixant un point à l’horizon tout en observant la fine buée que sa respiration créait.

La chute sans parachute avait duré depuis trop longtemps, mais devait-il l’ouvrir pour autant ? Foutu dilemme !

2e année RP/ Code coleur : #3d85c6

05 juil. 2021, 13:16
Larmes Envolées - Ephémères
I'm here for the sight


[Sous un Plafond fissuré ; la lumière coule entre les failles.]


C'était étrange. Elle avait envie de musique, ce matin-là. Envie d'espace et d'horizon. Elle avait soif de liberté, et savait que nul être ici ne pourrait l'assouvir. Nulle chose, sinon un lieu ?
Après plus de deux années ici, elle avait appris davantage qu'en dix ans à travers les rues de Londres. Et pourtant, elle restait persuadée que les règlements et les objectifs de ce lieu étincelant étaient bien trop étriqués. Bien trop réducteurs, comme si la vie entre ces hautes murailles, derrière la barrière de l'eau et la magie imprégnée dans l'air, pouvait enseigner à ses Élèves ce qui se déroulait à l'extérieur. Les évènements monstrueux qui se tramaient de l'autre côté avaient d'effroyables répercussions sur le Château, certes. *Depuis cette maudite Urne —* Mais les adultes ne paraissaient pas comprendre que leurs belles paroles ne permettraient jamais à se défendre contre certaines horreurs — inimaginables et pourtant quotidiennes dans le monde réel. Car pour l'enfant, tout ici n'était qu'Illusion. C'était d'ailleurs à l'aube que cette apparence trompeuse leurrait le mieux ; lorsqu'Aurora déployait ses voiles rosés de brume sur le Soleil naissant pour un jour nouveau. La fillette détestait parfois la vue de cette clarté soudaine perçant la nuit et se songes sucrés pour réveiller l'insomnie. Tant d'artifices pour un seul recommencement de ce qui avait été aujourd'hui hier, ou de ce qui le serait demain. Les transitions existaient pour perpétuer le cycle qui demeurait impossible à entraver, à rompre.
D'autre fois, cependant, l'enfant se prenait à aimer la douce fraîcheur du vent mordant sa peau tandis que les astres s'éteignaient, mourants tels des cendres pâles sous le feu du Soleil. Elle appréciait le savoir de la lutte entre les ténèbres et la lumière, leur fragile équilibre oscillant depuis des siècles ; elle prenait goût à cette mystérieuse connaissance ainsi qu'à la saveur des teintes fondues dans le ciel comme dans une forge divine, en multiples nuances de rouge et d'indigo chatoyantes pour célébrer la victoire provisoire des rayons sur l'obscurité.

Ce jour-ci était l'un de ceux où l'aurore réchauffait son cœur, emportant dans ses profondeurs les mornes réflexions nocturnes — toujours identiques. La ritournelle habituelle de questions laissait place à une euphorie saisissante, une envie de monter tout en haut, vers l'aube pointant à travers l'hiver. Elle avait ouvert les yeux, ce matin-là, sur la certitude qu'elle ne laisserait pas l'ennui trainer sa coquille d'une salle de cours à l'autre, dans une indicible apathie immobile. Alors elle avait monté, une à une, les marches de pierre, depuis l'antre Rouge et Or jusqu'à la cime. Elle avait pourtant pour coutume de les descendre, toujours, pour déguster la solitude de l'aube dans le parc, pour courir et laisser libre cours à ses émois ; mais aujourd'hui elle s'élevait jusqu'au point culminant, attirée irrésistiblement par le vertige solaire qui l'empêcherait de penser. Les escaliers la portaient d'eux-mêmes, guidant ses pas comme au diapason de ses émotions. Elle était partagée entre sérénité et ivresse, avec dans la tête, des mots embras(s)ant les contours de notes pour former une musique.

« Waves of shadows above... »


Très vite elle fut au sommet, aimantée par le ciel piqué du soleil levant, tissé de fils d'or. Elle aurait presque souhaité s'immerger dans les nuages, chuter vers le ciel définitivement pour s'enivrer de solitude et de saisons avec ce doux amant. Ici, plus rien ne la retenait au sol ; elle flottait entre deux extrêmes. Loin de la foule et du bruit, elle n'attendait que a propre personne pour compagnie. Loin des étoiles, loin de tout ; elle pouvait toucher le Voûte. Plus qu'enchantant, le spectacle céleste était envoûtant. Alors elle buvait de ses prunelles sombres la lumière, oubliant d'observer la terre ferme, caressant un rêve de hauteur. L'horizon était à portée de main.

Elle demeura longtemps ainsi, s'abreuvant par le regard d'un liquide scintillant et doux comme du miel, léger, léger, léger comme la brise.

Sans doute fut-ce un imperceptible son, un infime *immense* décalage de l'accord en elle qu'elle avait créé qui la fit recourber la nuque vers sa position d'humaine , accrochée à la rambarde. Sa contemplation était brisée. Le charme s'évanouit, et aussitôt les couleurs de l'aube semblèrent bien plus ternes. Elles qui avaient été si pétillantes se révélèrent fades. Faibles.
Il y avait une autre présence ; peut-être était-ce son soupir qui était parvenu aux oreilles de l'enfant. Un soupir dénué de d'émotion — rompu d'ennui.
Détachée de la beauté qui l'avait traversée, la Rouge fit quelques pas dans une direction, en quête du possesseur du soupir.

Elle ne tarda pas à le retrouver, silhouette noire dans le contre-jour. Un *jeune* garçon, peut-être. Enfermé dans une morosité perceptible sur sa posture, sur son ombre. Encagé dans ses pensées, apparemment. — Elle n'en discernait qu'un obscur profil. —

Étrange étranger, songea-t-elle.
La solitude était composé de deux entités, à présent. L'une perdue ailleurs, dans le lointain ; l'autre, attentive.
La fillette se reporta sur l'horizon pour laisser échapper, dans un souffle doucement exhalé, les derniers mots de la musique.

« Automatic stands for alive »


Voici, Plume. Dis-moi si cela te convient ou s'il y a un problème.
Par ailleurs, je n'ai pas reçu la mention (il n'y a pas d'accent sur le e de Felicia) :cute:

évanaissance

05 juil. 2021, 18:02
Larmes Envolées - Ephémères
« Et je puis, sous ce ciel que l'oranger parfume
Et qui sourit toujours,
Rêver aux temps aimés, et voir sans amertume
Naître et mourir les jours. »

Louise Ackerman, In memoriam
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Des bruits de pas dans son dos le font expirer longuement. Interrompant sa litanie silencieuse. Il avait fait en sorte de se retrouver seul. Mais cela ne semblait plus possible. Si ça se trouve, ce n’est qu’un rongeur ou un hibou en quête de repos. Tant que l’auteur de ces pas ne venait pas l’importuner, qu’il soit à plumes ou sur deux pattes ne l’intéressait pas. Il interrompit immédiatement cette pensée. Hors de question de continuer à faire ce qu’il faisait depuis trop longtemps désormais. Rembarrer froidement les gens.

Il était bien temps de faire un ménage de printemps dans tout son bazar cérébral, il n’allait pas non plus se transformer en nounours en guimauve, ne pas rembarrer la personne. Parce qu’il avait bien compris que ce n’était pas un hibou ou un rat évadé des dortoirs qui venait l’importuner, mais bien un sorcier, visiblement pas un adulte vu qu’il n’avait pas ne fait de remarque sur le fait de trouver un élève aussi tôt. Dans tous les cas, le couvre-feu était passé alors il ne risquait rien. Il est vrai que l’idée de se faufiler en dehors des couloirs la nuit lui avait traversé l’esprit, mais il n’avait encore jamais franchi le pas.

La personne en question demeurait silencieuse, et le petit blond la remercia silencieusement, reprenant sa contemplation de l’horizon. Il n’aimait pas être arraché à ses moments de quiétude matinale, d’ordinaire, il les passait seul. Elle ne devait pas venir souvent. Peut-être venait-elle après lui ou avant, il n’en avait aucune idée ; tant et si bien qu’il ne l’eût jamais vu ici.

Son regard se posa sur le soleil qui lentement entamait sa course dans l’Azur. Il ne l’avouerait jamais, mais il venait également pour une autre raison tôt le matin, lorsque le Soleil ne pointait que timidement le bout de son disque. C’étaient tous ces petits moments qu’il affectionnait. Combien d’autres en aurait-il avec ce monde qui avance à une vitesse folle sur les rames de la destinée ? Malgré tous ces bouleversements, le lever du soleil avait quelque chose de rassurant : lui était l’immuable. Comment faisait-il ?

Son esprit avait déjà quitté les pavés froids qui recouvrent la tour d’astronomie, s’envolant dans les nuées, apaisée, sereine. Il tourbillonnait telle une plume, le petit blond se prenait à rêver, le revoilà devenu papillon. Il aimerait tant observer le château depuis les cieux, découvrir un nouvel angle de vue sur l’endroit où il passait ses nuits et ses jours. Que ressentirait-il lorsqu’il frôlerait les hautes tours de l’école, lorsqu’il ferait du rase-motte au-dessus des serres ? Ou du balai dans les escaliers ? L’idée était ridicule, mais après tout. Un vent de folie le traversa et il se mit à sourire et prononça quelques mots pour briser la glace, sans pour autant savoir si son interlocuteur ou même interlocutrice était toujours présent. Il ne l’avait pas entendu s’éclipser alors il supposait qu’elle était toujours là. Pourquoi venait-elle ? Admirer le lever de soleil elle aussi ?

— J’aime bien venir voir le lever de soleil, même si tout part en sucette, le Soleil continue de se lever comme si de rien n’était, parfois, j’suis jaloux.

Il avait conscience qu’être jaloux du Soleil était tout au plus ironique, voire ridicule, mais après tout, certains étaient jaloux de leur ombre, alors qu’on le laisse jalouser ce foutu Soleil en paix, par Merlin ! Il avait toutes les bonnes raisons du monde d’envier cette foutue étoile.

Il soupira longuement remarquant seulement maintenant que son compagnon matinal, qui s’avère être une compagne au vu du timbre féminin de sa voix, elle venait seulement de prononcer quelques mots dans un souffle. Visiblement, ça ressemblait à des paroles de musique, il n’en savait trop rien. Expirant là encore un long souffle, il se mit à fixer un nuage qui passait au-dessus de sa tête. Il était envieux de ce nuage qui ne se préoccupait de rien. Il allait finir vieux et aigri à jalouser les nuages, le soleil. Mais il ne pouvait empêcher ce ressenti de l’englober petit à petit, comme un serpent qui lui murmure à l’oreille que jamais il n’aurait tout ça.

Pour faire taire ce sifflement à l’intérieur de son esprit, le petit blond détourna le regard sur sa camarade, sans dire un mot, attendant une réaction quelconque. Si elle était venue, c’était sûrement pour profiter du calme tout comme lui, alors inutile de s’embarrasser de mots creux. De mots vides et sans saveur. Il fallait réfléchir avant de parler, ce qui d’ailleurs allait demander un effort au petit blond puisqu’après tout, il était spécialiste de laisser sa langue parler sans réfléchir.

Douce insouciance…

2e année RP/ Code coleur : #3d85c6

07 juil. 2021, 18:59
Larmes Envolées - Ephémères


Il faisait doux, là-haut. Le temps, lui qui se rendait parfois si agressif, lui qui faisait tinter ses Aiguilles contre le Cadran jusqu'à ce qu'elles emplissent tout de son crâne, devenait ici paisible ; il se coulait entre les ombres oubliées par la nuit, poussant l'astre suprême dans son brillant réveil. Parfois le temps devenait comme la jolie musique qui dansait au creux de sa mémoire, délicat et léger, léger comme le vent.
Il n'y avait que des sensations, ici. Des ressentis, tout au plus, qui se fondaient dans l'espace autour d'elle pour le combler, pour la combler, elle et son pauvre cœur perdu qu'elle gonflait habituellement de mots et d'idées, de mots creux peut-être et d'idées sans couleur, qui laissaient sa vie dénuée de sens. Ici au moins, elle n'avait plus la place de penser? Elle ne méditait pas, non. Elle se laissait porter par d'invisibles courants, ailleurs. Nul besoin d'ailes pour voyager par l'esprit. Il faut dire qu'elle se sentait si pleine, ici, qu'elle perdait son ancrage au réel — ce qui paraissait étrange, puisque c'était bien cette réalité là, ce lieu précis, qui la rendait ainsi, à elle-même.
Aussi, ce fut avec quelques difficultés qu'elle émergea des profondeurs enchantées de ses songes lorsque l'inconnu contemplateur parla. Elle ne savait s'il s'adressait à elle, s'il avait décelé sa présence depuis la pénombre, ou s'il chuchotait simplement ses confidences aux nuages, mais elle l'écouta. Elle entendit ses paroles, les captura tant qu'elles flottaient encore, en suspens dans l'atmosphère, et s'y accrocha pour demeurer dans ce monde quelques instants. Il — oui, il, car la voix était masculine —, disait... Il disait sa frustration, et il la cachait derrière des mots vides. Des mots creux et pleins d'amertume. Leur couleur dans son timbre était noire ; noire d'émotions entrelacées. Malgré son accent sonnant avec éclat, son ton semblait las, comme si la vie ne lui apparaissait que tristement, derrière le masque.
Et pourtant, malgré cet air mélancolique, il parvenait à envier le soleil. Celui-là même qui ployait tous les soirs sous la chape lourde d'éternité du manteau sombre. Il en était jaloux. *Jaloux pourquoi ?* — se questionna l'enfant.
Jaloux parce qu'il était inébranlable, lui soufflèrent les mots du garçon. Parce qu'il faisait ‘comme si de rien n'était’. L’Étoile parvenait à se lever tous les jours — c'était elle qui les créait, les jours. Elle puisait cette force en son sein, pour rester. Mais un soir viendrait où elle n'aurait plus d'énergie, plus assez pour continuer sa rude tâche, pour porter encore le fardeau indispensable sur ses rayons, et alors il se coucherait ; il sombrerait définitivement. Comme chacun ; son éternité s'étirait simplement davantage que l'éphémère Temps humain. Mais avant sa mort — lointaine sans doute —, que vivait le Soleil ? Bien des choses se tramaient sous son œil attentif. Nombre d'histoires avaient dû trouver leur dénouement à sa lumière, nombre de rires avaient dû y éclater. Le Soleil était savant, c'était certain ; depuis tous ces siècles de clarté.
Qui sait quels secrets enfouis depuis des lustres pourrait-il révéler ?
Et puis, le Soleil était un Roi. Tous ces astres valsant autour de lui sans dévier leur trajectoire, sans se mouvoir autrement que par lui, formaient sa cour céleste en attendant son jugement.

Le Soleil n'avait pas droit à l'erreur, pensa l'enfant au terme de sa réflexion. Si le rythme qu'il infligeait à la Terre était pour tous les êtres la peuplant le fondement de la Vie, il n'était pour lui qu'un infime détail de sa propre existence. *Pauvre soleil* — songea-t-elle tristement. Il devait être si seul, là-haut dans l'immensité. Il y avait de solitude celle qu'on cherchait et celle qu'on fuyait. L'isolement du Soleil devait appartenir à la seconde classe. Non, l'astre du jour n'avait rien d'enviable. Et lui n'avait personne pour consoler ses tourments, ou entendre ses plaintes, lui qui éclipsait les autres.

Ce ne fut que lorsqu'elle saisit un mouvement dans le contre-jour qui luisait face à elle que la fillette s'étira hors de sa rêverie : l'inconnu s'était tourné vers elle. Elle ne discernait qu'à peine ses traits plongés dans l'obscurité, mais elle comprit alors que, peut-être, l'autre était en quête d'une réponse à ses mots, même si l'interrogation était muette.
La fillette n'aimait pas briser le silence trop violemment ; elle n'aimait pas le fracasser et que les paroles résonnent jusqu'à se cogner au ciel, aussi elle prit soin de parler doucement.

« Le Soleil... Moi je le plains. S'il a autant de force, c'est parce que sa tâche est immense. »

Rien qu'à ces mots prononcés à voix basse, l'enfant sentit battre son cœur plus vite, de compassion, comme s'il espérait franchir la barrière de sa poitrine pour aller alimenter l'astre solaire.

« T'as pas b'soin d'être jaloux... Laisse le Soleil tranquille et concentre toi sur c'que tu peux changer, si tout part en vrilles. », conclut-elle, avec un terme moins familier que celui utilisé par l'autre.

Elle n'était pas méchante. Seulement sincère. Et ce ne fut qu'après avoir parlé qu'elle réalisa que le silence pouvait être préservé sans se taire ; il s'était simplement envolé — pour quelques secondes.

Dans l'ombre, elle ne chercha pas à regarder le garçon. Elle ne chercha pas à savoir qui il était. Elle se retourna vers *non, dans* le ciel.

évanaissance