Surprise par cette soudaine énergie qui s'était dégagée du garçon, la fille se trouvait désormais dépourvue de tout équilibre et manqua de peu de s'écraser au sol, ne devant cette chance qu'à ses réflexes.
Après s'être avancé de quelques pas vers elle, le garçon s'immobilisa, la fixant d'un regard mêlant un ensemble confus d'émotions qui le traversaient inlassablement, sans qu'il puisse parvenir à y donner un sens.

- J'veux plus t'revoir, plus jamais.

Ce fut la seule réponse de la fille, peut-être (* surement *) la dernière fois qu'elle lui adresserait la parole, avant qu'elle ne se relève et parte, sans un autre regard, sans un autre mot, telle une étoile filante traversant le ciel à vive allure, suivant sa trajectoire sans la moindre hésitation.
Si vite que ce fut comme si tout ce qui venait de se passer ici n'avait jamais existé que dans sa tête à lui.

* Parce que tu pense que j'ai envie de te revoir *
Encore tourmenté par l'enchaînement qui s'était produit en l'espace de quelques minutes seulement, il conserva sa posture un certain temps, fixant un point immobile qui s'était volatilisé il y avait de cela déjà un moment.
Les images défilaient en boucle à l'intérieur de son crane, comme un vieux projecteur de cinéma bloqué sur une scène qu'il répétait indéfiniment.

Le Poufsouffle se trouvait dans cet état intérieur, entre deux mondes.
Celui dans lequel il se trouvait, physiquement.
Et puis le sien, celui dans lequel il se trouvait uniquement psychologiquement.
Son être basculait entre ces deux réalités, de la même façon que les souvenirs se répétaient, apportant à chaque fois des détails supplémentaires, se faisant de plus en plus net, lui remémorant chaque seconde passée ici.

Le calme tout d'abord, la curiosité qui l'avait poussé à lui parler.
* Comprendre. Aider. *
La démarcation de la limite, invisible pour lui, il n'en avait pas conscience. ("Oublie-moi"), les mots se font lointains, pourtant, cela s'était déroulé il y a combien de temps ? Dix minutes tout au plus ?
Enfin, le franchissement de la limite, les paroles de trop. Et puis le déluge. Ce déchaînement si soudain traduisait-il quelque chose chez-elle ? Une quelconque pression ?
En fait, peu importe.
Cela n'était d'aucune importance pour lui, et il n'y pensait même pas actuellement.
Mattew ne faisait qu'être le spectateur de ce reflux de souvenirs, encore trop abasourdi par la tournure qu'avaient pris les événements de façon si rapide, sans pouvoir en saisir l'explication.
Les coups, incessants, et puis les premières gouttes de sang. La douleur aussi.

Le Poufsouffle leva faiblement ses poings légèrement tremblotants, brisant l'immobilité parfaite dans laquelle il était jusqu'alors, et passa une main sur son visage, puis la retira, et la regarda.
Elle était tachetée d'une couleur rouge qui ne faisait aucun doute quant à sa nature.
Ses yeux s'étaient agrandis devant cette découverte désagréable, les yeux rivés sur ses mains tachées de sang, comme si, une fois de plus, il prenait conscience des événements passés qu'en cet instant, avec un temps de retard.
Il entreprit alors, à l'aide d'un mouchoir, de nettoyer les quelques hématomes ainsi que les traces de sang laissés par les coups, afin de ne rien laisser tansparaître de suspect devant les autres, lorsque viendrait l'heure pour lui de rejoindre son dortoir.
Le mouchoir, d'un blanc immaculé, s'était teinté d'un rouge vif.
Mattew le rangea dans sa poche, détachant son regard du tissu ensanglanté.
Il leva alors la tête vers le ciel.