Sur le quai, j'attendais. Papa d'un côté, maman de l'autre, nous semblions tous les trois séparés de ce monde dans lequel nous hantions les lieux. Étranger de toute cette foule ambiante. Cette foule emplie de couvre-chef noir au bout pointu. Cette foule dont les pas tabassant le bitume s'accompagnaient harmonieusement avec les adieux des futurs passagers, me rappelait sans cesse que bientôt... Bientôt moi aussi je partirais.

Une voix plus forte que les autres s’éleva dans les airs.
"Départ dans 5 min ! Je répète départ dans 5 min !"

Mes yeux bleues se lèvent vers le visage anxieux de mes parents. Nos regards se croisent. Tracas, inquiétude, appréhension... J'y lis beaucoup de choses, mais pas ce que je cherche. Alors, après une enlace au goût bien amer, je monte, valise en main, dans le monstre à vapeur aux tatouages rougeoyant.

Son estomac me paraît bien plus accueillant. Des couleurs chaudes, des compartiments à la banquette moelleuse... Tout me pousse à m'affaler dans l'un deux pour refiler à Morphée mon anxiété. Pourtant, je continue mon chemin ma lourde valise en main... Est-ce le sentiment de savoir qu'en rentrant dans l'une d'elles, je ne pourrais plus faire marche arrière qui me tétanise ?
Je l'ignore.

Ce n'est qu'à l'avant-dernier compartiment que le bruit de mes chaussures contre la moquette s’interrompe.

- Ça ne sert à rien...

Lasse de porter ce poids dans ma main gauche, je jette un coup d’œil dans la petite pièce. Une fille, des tâches de rousseurs, des pupilles rivalisant avec les miens, une crinière flavescente. Une aura bienveillante embaume le dit lieu.

La main s'emparant de mon miroir de poche, la bouille se reflétant alors dans la glace, quelques secondes se passent en tête à tête avant que je ne le referme d'un bruit sec. Malgré, la transe qui fait rage au sein de moi, je n'ai rien perdu de ma beauté et tel Venus anadyomène, il est temps pour moi de me montrer.

Je coulisse la porte, la valise patientant sagement dans le couloir.

- Salut ! Je peux m'asseoir ici ou c'est... réservé ?

@Avery Brown

Un franc sourire reconnaissant, s'empare de mon visage.

- Merci c'est gentil !

Ma main agrippe alors la poignée de ma valise restée dans le couloir et j'entre enfin dans la cabine qui sera mienne jusqu'à la fin du voyage...

~

Les affaires maintenant rangées sous la banquette, je m'écroule sur cette dernière avec un soupir de soulagement et c'est avec grâce que mes bras décrivent un arc de cercle au dessus de ma tête.

- Ah... C'est moins confortable que mon lit mais je pense que je pourrais dormir sans problème dessus !

Mes pupilles azur croisent alors celle dont la gentillesse m'avait valu une place ici, en face d'elle. Mes joues piquent un fard. Mon regard se détourne avec timidité sur le paysage de dehors. Oui... J'avais oublié... Nous n'avions elle et moi que pour seul lien le terme de sorcier et cette lettre qui m'avait valu le déplacement ici. Nous étions sûrement en tout point différent et peut-être que l'humour qui s'était décaniller de mes lèvres ne lui plairait pas.

Une voix à qui j'avais déjà eu affaire il y a quelques minutes s'éleva alors de nouveau dans les airs.
"Départ imminent ! Départ imminent ! Veuillez à ne pas vous approcher de la voie ferré ! Je répète..."

Ça y est. J'allais enfin quitter mon foyer... Mes pensées se tournent vers mon club de volley qui allait devoir faire face sans moi à de nombreuses épreuves. Vers ma maison, ma chambre plus particulièrement qui prendrait de la poussière en l'absence de ma présence. Vers papa et maman qui se feraient un sang d'encre chaque semaine en attente d'un signe de vie de ma part...
On disait que la vie était remplie de mystère et pourtant... J'avais l'impression que le seul mystère de la vie était la destination de ce train...

C'est finalement une secousse qui me ramène à la réalité. A travers la vitre, le monde que j'avais connu durant ces 11 dernières années commencent à défiler... A s'éloigner de moi...
Une petite goutte perle le coin de mon œil. Va t-elle tomber, s'écraser par terre ? Mon index l'essuie, effaçant alors la seule trace visible de ma tristesse. Car après tout... Une fille qui pleure ce n'est pas jolie...

C'est donc dans une rangée de dent blanc pour le moins factice vis à vis de mes émotions que je me tourne vers ma voisine de bord.

- Au fait... Je m'appelle Madison... Et toi ?

@Avery Brown

Avery... Ce n'est guère très courant comme nom. Du moins à ma connaissance... Encore une fois, peut-être est-ce un prénom répandu... Chez eux ?

- C'est un bien jolie prénom... Pour une jolie fille !

La glace entre nous deux maintenant cassés, deux questions fusent les airs. Je les attrape en plein vol avec un gant d'incompréhension. Maison, Serpentard ? Mes sourcils se froncent, je me mords doucement la lèvre.

- Euh... Tu veux dire quoi par maison ? Parce que la seule que je connais pour l'instant, elle est à Knightsbridge et je t'assure qu'il n'y a pas besoin de prendre le train pour y aller !

Je lâche un petit rire mélodieux. Quitte à paraître inculte autant le faire avec humour ! Et puis elle a l'air d'avoir goût aux plaisanteries alors autant continué ainsi ! Enfin non. Humour ou pas, il faudra bien lui avouer que je ne connais rien à la magie et encore moins à cette école. Comment s'appelle t'elle déjà ? Ah oui Poudlard, je suis cruche...

C'est donc les deux petites mains jouant avec mes cheveux longs que je crache le morceau. Un morceau, il faut dire bien gros pour une petite fille comme moi.

- En fait... Si j'ai l'air de ne rien y connaître c'est parce que... Je n'ai pas eu la chance de vivre comme vous...

J'ajoute dans un murmure, presque inaudible parmi les bruits de la machine sur les rails.

- ...Dans la magie je veux dire....

Mes yeux qui s'étaient baissés inconsciemment sur mes fines jambes remontent pour rencontrer le visage de ma voisine. Comment va t-elle prendre la nouvelle ? Papa est toujours très remonté contre les gens qui ne travaillent pas. Il dit que c'est avec ses impôts que ces feignants peuvent glander chez eux à rien faire... Qui sait si cette aversion pour certaines classes d'individus était la même chez les sorciers ?

@Avery Brown

Le compliment est retourné. Je le prends avec légèreté. Même parée de cette jupe noire et de cette chemise qui me sont imposées, je n'en concerne pas moins ma beauté. Je le sais oui... Je le sais. Mais hélas pour moi, il ne suffisait guère d'être une dulcinée pour acquérir des connaissances que je n'avais pas.

- Euh...

Je lâche un petit sourire gêné avant de dévoiler la raison de toute cette ignorance. Et surprenant que ce fut, c'est avec grand soulagement qu'elle me prend la main et qu'elle me met en garde. Ses doigts contre les miens, me paraissent chauds. Comme une source de lumière, comme un feu de cheminée qui dans la pénombre de mon ignorance venait me montrait le chemin de la sortie.

Alors, je laisse ma main dans la sienne. Et les oreilles tendues, les pupilles posées sur ses lèvres, j'avale unes à une ses paroles.

- Ah... Je comprends mieux ce que tu voulais dire maintenant ...

Cette histoire de maison me paraissait toujours un peu flou, mais au moins je connaissais à présent leurs nom et saurais à l'avenir y répondre correctement.

- Oh d'accord, rien à voir avec ma maison donc... Qu'est ce que j'aurais paru idiote si j'avais répondu ça devant un groupe de dix personnes. Heureusement, grâce à toi je pourrais bien m'éviter à l'avenir cette situation bien embarrassante. Merci !

Toutefois, même savoir en poche, les mises en garde sur l'aversion de certains sorciers envers ma personne me tarabustaient la conscience. Allais-je subir du harcèlement ? Durant mon enfance, je n'avais pas eu l'occasion d'aller à l'école, la vraie. La cantine, les relations professeurs-élèves, le harcèlement... Tout ça m'était inconnu et je ne pouvais, dorénavant, qu'en être plus anxieuse que je ne l'étais déjà.

- Avery ? Si des gens me font du mal ou se moquent de moi à cause de mon statut... Que dois-je faire ? C'est que je ne sais pas trop me défendre moi...